En Chine, on peut tout produire… à tout niveau de qualité » Textile

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En Chine, on peut tout produire… à tout niveau de qualité » Textile
Faire du « made in China » un atout 让“中国制造”成为制胜法宝
Textile
© Imagine China
« En Chine, on peut tout
produire… à tout niveau de
qualité »
Malgré la montée en gamme des fournisseurs
de textile chinois, le contrôle qualité est toujours
fondamental pour les marques étrangères.
« Une fillette défigurée par des vêtements vent dus à un cahier des charges mal
made in China ». Ce titre choc à la Une compris, ou bien à des prix trop bas. En
des médias français avait fait beaucoup Chine, on peut tout produire… à tout
de bruit, en novembre 2012. Quatre ans niveau de qualité », explique Stéphane
après l’affaire des « fauteuils toxiques » Torck, directeur général de Cache Cache
de Conforama, l’histoire
Chine, une chaîne de prêtde la petite Marie, hospi- « La régulation
à-porter féminin née à
talisée d’urgence à Caen
Saint-Malo en 1985 et diseuropéenne
après avoir essayé une
tribuée aujourd’hui dans
jupe fabriquée en Chine reach sur
700 boutiques à travers la
contenant du diméthyl- les produits
Chine.
fumarate, un produit
Pour réussir sur le marchimiques
allergisant interdit en
ché chinois où elle est
France, avait encore une comporte 849
entrée en 2005, la marque
pages
… »
fois mis à mal la réputamalouine a choisi de réation, déjà fragile, du texliser l’intégralité de sa
tile chinois.
production en Chine. Cette enseigne
Ces scandales devraient cependant deve- moyenne gamme travaille avec plus de
nir plus rares, à mesure que la filière textile 200 fournisseurs basés au Guangdong
chinoise monte en gamme pour contrer mais aussi dans les provinces intérieures
la concurrence montante du Bangladesh (Hubei, Henan, Gansu). Des régions où
et du Vietnam. « Les accidents sont sou- le salaire minimum est plus faible et la
main-d’œuvre, plus abondante, mais
où les standards qualité sont encore
en deçà des normes internationales.
Des normes complexes
« La Chine a les instruments et les
moyens pour appliquer une politique
qualité, mais il y a encore 20 ans de rattrapage industriel à effectuer » note
Sébastien Breteau, PDG d’AsiaInspection. « Le gouvernement chinois a pris
conscience qu’il y avait un risque sur la
marque « made in China », et c’est pour
cela que les moyens ont été renforcés »,
poursuit-il. Outre deux corps de contrôle
– l’AQSIQ et la CNAS – la Chine a mis en
place en août 2012 la norme textile GB
18401-2010 pour la production destinée au marché intérieur. La production
exportée, en revanche, doit répondre
aux normes du pays d’accueil. Problème :
celles-ci sont souvent complexes et
changent très régulièrement. La régulation européenne REACH sur les produits
chimiques comporte ainsi 849 pages…
Éclatement de la filière
Si les fabricants chinois du Guangdong,
font de plus en attention à la qualité, de
nombreux problèmes restent ainsi en
suspend, notamment dans les provinces
intérieures. En premier lieu, l’éclatement
de la filière. Au Zhejiang, poumon historique du textile chinois, il n’est pas rare
de trouver des usines produisant exclusivement… des cols de polos ou de
chemises. Certes, Internet a supprimé
les intermédiaires en charge du trading
mais désormais les usines se sous-traitent
entre elles, ce qui complique encore
davantage le contrôle qualité. Autre difficulté : le dialogue interculturel. « Pour
bien produire, il faut être proche de ses
fournisseurs. Le problème en Chine c’est
la communication » note Stéphane Torck.
Dans ce contexte, le contrôle qualité –
effectué en interne par des centrales
d’achat ou en externe via des prestataires
reste fondamental, mais il passe de moins
en moins par le contrôle, et davantage
par la formation. « La Chine a une exigence locale de qualité, donc former des
contrôleurs qualité est la meilleure stratégie pour être performant sur le marché
intérieur », plaide encore Stéphane Torck.
Parole d’expert.
Raphaël Balenieri
•
printemps 2013 / Connexions 27
Dossier
专栏
Les pièges à éviter
Le marché de destination
détermine les normes de
qualité
Quels sont les pièges à éviter en matière
de contrôle qualité et comment faire un
bon audit d’usine en Chine ? Entretien
avec Sébastien Breteau, PDG d’Asia
Inspection, spécialiste du contrôle qualité dans
toute l’Asie et l’Afrique.
Connexions : Quelles sont aujourd’hui les normes
en terme de contrôle qualité en Chine et sont-elles
différentes de celles en vigueur au niveau international ?
Sébastien Breteau : La Chine reste aujourd’hui
une économie très orientée vers les produits manufacturés et les exportations
et c’est le marché de destination qui va
déterminer les normes de qualité qui vont
être appliquées. Si l’on prend l’exemple
des jouets, on aura principalement la
norme européenne EN71 et le standard
américain ASTM F963. Sur son marché
intérieur, le pays applique des normes
locales mises au point par la « Standardization Administration of China » (plus
de 20 000) qui dérivent des standards
internationaux. Pour ce qui est du processus du contrôle qualité lui-même, on
retrouve en Chine le standard ISO 9001
pour le management et l’organisation, les
licences et accréditations du gouvernement chinois (AQSIQ et CNAS) et les stan-
42 Connexions / printemps 2013
dards d’échantillonnage AQL (ISO 2859) est également primordial de faire un audit
par exemple. Ce qui est notable, c’est que de l’organisation interne de votre partele taux de rejet lors des inspections est
naire qui va déterminer en
désormais très diffèrent
grande partie la pérennité
entre le sud et l’est du « Il est de la relation sur le long
pays qui monte rapide- primordial de
terme. Il convient de regarment en gamme avec faire un audit de
der la quantité et la vétusté
une montée parallèle
des équipements, la polil’organisation
des salaires et le nord
tique de sous-traitance du
interne
de
votre
et l’ouest encore très
partenaire, vérifier le carnet
« low cost » mais avec partenaire qui
de commandes en cours
une qualité nettement va déterminer en
en s’assurant de ne pas être
moindre.
en dernière priorité sur les
grande partie la
C : Comment faire un bon
lignes de production et de
audit d’usine en Chine et pérennité de la
faire attention aux aspects
quels sont les points à privi- relation sur le
sociaux et à la politique
légier dans le pays pour évi- long terme. »
salariale dans l’usine. Gloter les mauvaises surprises ?
balement, nous constaS.B : La première chose à faire lorsqu’on tons une augmentation des contrôles
a sélectionné un partenaire potentiel qualité en Chine (+ 21 % en 2012), ce qui
en Chine, c’est d’effectuer une visite montre que ces aspects sont désormais
de l’usine, vous ne pouvez pas vous quasi systématiquement pris en compte
fier uniquement à un site internet ! Il dès le début des négociations entre par-
Faire du « made in China » un atout 让“中国制造”成为制胜法宝
Europe, la taille de ce marché émergeant
justifie à elle-seule de produire localement en Chine !
© AsiaInspection
C : Comment ce pays à part qu’est la Chine influence-t-il votre stratégie globale ?
S.B : Nous tablons sur une croissance as-
Le taux de rejet en Chine reste stable
autour de 28 % mais les disparités
régionales augmentent (35 % dans le
nord et l'ouest contre 12-15 % dans le
sud et la côte-est).
tenaires. Les clients à la recherche d’une
main-d’œuvre bon marché, aujourd’hui
principalement localisée au nord et à
l’ouest du pays, doivent rester particulièrement vigilants car les taux de rejet lors
des inspections atteignent jusqu’à 35 %
et ont intérêt à faire le plus de visites possible in situ.
C : Face aux augmentations de salaire, aux problèmes récurrents de qualité, peut-on aujourd’hui
imaginer se passer du « made in China » dans
certains secteurs ?
S.B : Pour ce qui nous est donné à observer, nous ne percevons pas un départ
massif de Chine qui reste une zone d’ap-
provisionnement incontournable. 80 %
des jouets dans le monde reste « made
in China » par exemple et on ne voit pas
de changements drastiques venir dans
ce secteur. Il y a quelques délocalisations
vers l’Europe de l’Est dans l’industrie textile où l’évolution à la hausse des coûts
de transports joue beaucoup mais je ne
parlerais pas encore d’une grande tendance générale.
Mis à part pour des activités où la « supply chain » est très courte (produits périssables, organisation « just in time »,...), la
Chine reste une base de production privilégiée. Il est important de noter également que le marché intérieur chinois se
développe très rapidement sous l’impulsion des hausses de salaire soutenus par
les autorités et que l’on passe actuellement du « made in China » au « made for
China ». Avec une base de 500 millions
de consommateurs ayant un niveau de
vie comparable à la classe moyenne en
sez conséquente de nos activités, entre
20 % et 25 % par an, en Chine qui va de
pair avec la généralisation des contrôles
qualité dont je parlais auparavant. Nous
développons également rapidement nos
prestations pour les entreprises chinoises
qui représentent déjà entre un tiers et un
quart de notre activité globale en Asie.
Nous intervenons de plus en plus dans
le contrôle sanitaire pour les produits
alimentaires et le frais, des domaines où
les autorités chinoises veulent vraiment
mettre en place des structures fiables car
elles ont bien consciences que les scandales répétés ont une influence très négative sur la stabilité sociale locale. C’est
également important dans un contexte
où l’industrie alimentaire chinoise (frais,
surgelés et conserves) à destination de
l’export connaît une forte croissance
actuellement. Enfin, nous suivons la
croissance des liens entre la Chine et
l’Afrique et nous avons ainsi lancé « africainspection.com » qui permettra de
répondre aux besoins grandissants de
partenariats économiques entre les deux
zones. Propos recueillis par Nicolas Sridi
•
Asiainspection en bref
Spécialiste du contrôle qualité dans
toute l’Asie et l’Afrique, Asia Inspection est présent en Chine depuis
2005 avec un premier bureau ouvert à l’époque à Shenzhen et plus
de 700 collaborateurs sur place aujourd’hui. Au cœur des mutations
que connaît l’économie chinoise,
l’entreprise suit ses clients étrangers
à la recherche d’une main-d’œuvre
bon marché au nord et à l’ouest du
pays, s’adapte à la demande locale
et constate en direct la monté en
gamme du « made in China ». L’entreprise a réalisé 70 000 inspections
en Chine en 2012 (+ 21 %)
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