Interview de Mr. Nicolas Galey, Ambassadeur de France à Chypre

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Interview de Mr. Nicolas Galey, Ambassadeur de France à Chypre
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Interview de Mr. Nicolas Galey, Ambassadeur de France à Chypre
Analyse et regard de l'Ambassadeur de France à Chypre sur le règlement de la question chypriote...  Propos recueillis
par Rudy Graff
Monsieur l’Ambassadeur, pourriez-vous en quelques mots présenter votre parcours professionnel ?
Je suis entré au Ministère français des Affaires étrangères en 1988 et suis parti immédiatement en poste en Algérie
Je suis revenu à Paris en 1991, d’abord à la Direction générale des Relations culturelles et de la coopération puis au
cabinet d’Alain Juppé, à l’époque Ministre des Affaires étrangères. J’ai ensuite été affecté à la Mission
des Nations-Unies à New-York où j’étais chargé de la zone Afrique du Nord/Moyen-Orient, d’où je suis parti pour
Caire, comme « numéro deux » à notre ambassade en Egypte. Après quoi je suis revenu pendant cinq ans à Paris,
d’abord au service Moyen-Orient puis de nouveau au cabinet du ministre où j’ai terminé Directeur-adjoint du cabinet.
mai 2007, j’ai été nommé Ambassadeur à Chypre, poste que je vais quitter prochainement pour retourner à Paris, oÃ
retrouverai les dossiers du Moyen Orient.
Il y a eu durant les deux années de votre mandat à Chypre une succession de changements politiques aussi bien en
République de Chypre que dans la partie nord de l’île. Comment évaluez-vous l’évolution politique durant ces 2
Ces deux années passées à Chypre ont été passionnantes. Le changement politique de février 2008, avec l’élec
Christofias, a fortement infléchi le traitement de la question chypriote, à la fois localement, par les responsables des deux
communautés, et par la communauté internationale. Cette élection a donné une impulsion déterminante au processus d
négociation entre les deux communautés, La question de l’évaluation de ce processus conduirait à évaluer le proce
de négociations dans son ensemble et je pense que ce sont des sujets que nous allons aborder par la suite. Mais il est
clair que l’arrivée du nouveau Président a ouvert une nouvelle phase dans le traitement de la question de Chypre et
surtout a fait naître un grand espoir afin que cette question, bloquée depuis 35 ans, puisse trouver une solution.
Quel rôle a la Turquie dans la résolution de ce conflit ?
Elle a un rôle naturel dans la mesure où elle est une des trois puissances garantes, avec la Grande-Bretagne et la
Grèce. Elle a également un rôle lié aux relations multiples entre la partie nord de l’île et la Turquie : relations politiqu
humaines, économiques, culturelles…Elle a également un rôle du fait de la présence sur l’île d’un nombre imp
soldats turcs, qui se comptent en dizaine de milliers. La Turquie exerce d’ailleurs ce rôle de manière tout à fait assumée
en prenant régulièrement position sur la question chypriote. Elle n’a pas un rôle direct de négociateur mais le rôle dâ€
des pays les plus influents sur le dossier et donc sur les suites de la négociation en cours.
La position politique en République de Chypre est quasi unanime : la solution du conflit se trouve à Ankara. Etes-vous
d’accord?
C’est effectivement une opinion très couramment entendue. A mon sens, dire que l’une des clés de la solution se trou
Ankara est exact ; en revanche, estimer que l’ensemble des paramètres de la solution dépend de la Turquie serait plus
contestable. D’une part parce que dans toute négociation, il y a par définition des éléments de solution de part et dâ€
Par ailleurs, il y a des demandes, des revendications, des préoccupations qui sont propres à la communauté chyprioteturque qui concernent des sujets qui ne sont pas nécessairement d’intérêt direct pour la Turquie. La manière dont, p
exemple, la question des propriétés sera réglée n’’est pas forcément, en tant que telle, un aspect primordial po
De même les détails de la manière dont la gouvernance sera déterminée, ou l’organisation du système judiciaire. La
réponse à cette question est ainsi directement liée à la précédente : la Turquie a un rôle important, influent, mais les
parties ont chacune des objectifs et des préoccupations qui leur sont propres.
Quels sont aujourd’hui les points qui bloquent une solution rapide au conflit ?
Je ne crois pas qu’il soit exact aujourd’hui de parler de blocage. C’est une négociation évidemment compliqué
était facile, on l’aurait menée à bien depuis longtemps. Mais elle se poursuit, un calendrier existe pour les mois à venir.
Cela veut bien dire que le processus est en cours, et qu’il n’est pas bloqué. Quant aux points qui font difficulté, il faud
interroger ceux qui mènent la négociation. Mais chacun sait quels sont les sujets difficiles  : propriétés, sécurité et
garanties, territoire, colons originaires de Turquie... Ces sujets complexes sont notoirement connus et sont en partie Ã
l’origine de l’échec des précédentes tentatives de règlement. Il est naturel que ces difficultés réapparaissent d
négociation actuelle. Mais dire dans le détail sur quels sujets les négociations sont les plus difficiles est une évaluation
que seuls les négociateurs peuvent effectuer.
La France a-t-elle un rôle dans la gestion du conflit ?
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Dans la « gestion », non, et il est je crois universellement accepté que la seule manière de trouver une solution à ce
qui n’est pas forcément un conflit, que l’on appelle plutôt « la question de « Chypre » ou le problème de Ch
que les deux responsables communautaires trouvent par eux-mêmes les termes d’un règlement, sans interférence
extérieure.
Les Nations-Unies ont un rôle bien établi puisque la question chypriote est à l’ordre du jour du Conseil de sécurité de
1964, que le mandat de la FNUCHYP est régulièrement renouvelé par le Conseil, et parce que la Secrétaire Général d
l’ONU a, concernant Chypre, un rôle de « bons offices ». L’ONU est donc dans une position de facilitateur mais p
négociateur, de médiateur ou d’arbitre.
Dans ce cadre, la France n’a à l’évidence pas de rôle à jouer dans la gestion du conflit et encore moins dans la né
mais elle a naturellement un rôle en tant que membre permanent du Conseil de sécurité puisque la question de Chypre y
est débattue à l’occasion du renouvellement du mandat de la force des Nations-Unies déployée sur l’île.
Par ailleurs Chypre est membre de l’UE. L’ensemble de Chypre fait partie de l’UE, y compris la partie nord. La Franc
membre de l’UE et il est naturel que ce qui concerne l’avenir et la situation d’un des membres de l’UE intéress
partenaires. A ces deux titres, Conseil de sécurité et UE, la France suit la question de Chypre et encourage
publiquement les négociations en cours et les efforts des deux dirigeants. La France s’est réjouie à plusieurs reprises de
étapes qui ont été franchies depuis la reprise des négociations.
Le mandat du leader chypriote-turc Mehmet Talat expire en avril 2010. Les nationalistes de l’UBP viennent de remporter
les législatives dans la partie nord de l’île. Peut-on espérer une solution pour décembre 2009 ou janvier 2010 ?
Il faut l’espérer, bien sûr, et tout faire pour l’encourager, ce que nous faisons. L’échéance que vous évoque
évidemment importante. Pour le reste, il est trop tôt pour parler des conséquences éventuelles d’une échéance
pas encore intervenue. L’essentiel est que la négociation se poursuive, ce qui est le cas aujourd’hui, et je pense que c
que tout le monde souhaite est qu’elle aboutisse au plus vite.
Alexander Downer faisait part il y a quelques temps qu’il prédisait des heures sombres à Chypre si une solution au conflit
n’était pas trouvée. Peut-on voir derrière ce message une certaine impatience de la communauté internationale ?
Pourrait-on imaginer un départ des Nations-Unies si les négociations actuelles n’aboutissent pas ?
Je ne peux vous faire qu’une réponse technique et générale : une mission des Nations Unies décidée par le Conse
sécurité ne peut être modifiée ou arrêtée que par une autre décision du Conseil de Sécurité. Mais nous sommes
encore dans le domaine de la diplomatie-fiction car ce que vous évoquez en ce qui concerne la présence de l’ONU Ã
Chypre est une hypothèse qui serait elle-même le résultat d’autres hypothèses. Aujourd’hui il y a une négociation
cours ; l’ONU et la communauté internationale la soutiennent pour qu’enfin, Chypre soit réunifiée, et c’est cel
 Nicosie, le 31 juillet 2009.
 Propos recueillis par Rudy Graff
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