c in é -tambour sweet provocation

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c in é -tambour sweet provocation
CINÉ-TAMBOUR
SWEET
PROVOCATION
Mercredi 1er octobre 2015
[18h] The Doom Generation
de Gregg Araki
USA / France, 1995, 83 min, 35mm
Après avoir commencé dans le cinéma guérilla - cinéma produit avec un budget très limité, généralement en équipes
réduites et avec un équipement léger - Gregg Araki s’est fait remarquer dans le cinéma indépendant américain au cours des années
90 par son style anticonformiste et contestataire.
The Doom Generation, son cinquième long-métrage, prend entièrement place dans cette mouvance et représente le
deuxième volet de ce qui a été désigné comme la trilogie de L'Apocalypse Adolescente. Après Totally Fucked Up (1993) qui met en
scène six adolescents homosexuels face aux difficultés liées à leur condition ; il propose avec The Doom Generation un road movie
apocalyptique sur fond de teen movie.
C’est en reprenant un genre phare du cinéma américain que Gregg Araki transcende la fuite en avant de trois adolescents
en critique acerbe de la société américaine. L’Amérique est omniprésente dans l’esthétique du film avec un travail rigoureux sur la
couleur, où prédominent évidement les teintes bleues, blanches et rouges ; ces mêmes teintes que l’on retrouve jusque dans les
noms des trois protagonistes : Amy Blue, Jordan White et Xavier Red. Mais les couleurs sont aussi employées à double sens,
comme pour associer l’Amérique à ce monde de débauche où se mêlent sexe, drogue et violence.
The Doom Generation est construit sur un paradoxe : le mouvement est omniprésent à l’image, que cela soit dans les
scènes de voyage, les scènes d’action ou les retournements de situation. Et pourtant, on ne sait à aucun moment ce que font les
trois adolescents, ni où ils vont. Le tour de force du film a été d’utiliser le comique de répétition pour signifier l’éternel retour du
même : peu importe où vont les trois adolescents, ils font toujours la même action et tombent à chaque fois sur le même genre de
personnes. C’est précisément là la métaphore d’une jeunesse qui fait du surplace, une jeunesse qui ne parvient pas à trouver sa
place dans la société américaine.
On peut aussi y voir, dans une certaine mesure, un questionnement de fond sur le rapport à la réalité. Le ton, ouvertement
décalé, pose en filigrane la question suivante : quelle attitude adopter face à la réalité ? Le film apporte une réponse par l’emploi à
outrance du gore et de l’ultra-violence. L’utilisation d’effets spéciaux grossiers voire cartoonesques pousse l’hyperbole jusqu’au
grotesque, rappelant parfois certains films Troma. En réaction à cela, Gregg Araki propose l’image d’une jeunesse totalement
aseptisée et insensible à toute violence, comme le laisse transparaître ce dialogue entre Jordan et Amy dans le première moitié du
film :
« - Tu ne trouves pas que la réalité c’est plus taré que les rêves ?
- Non, pas encore ! »
Tout ceci rappelant peut être qu’il ne faut pas prendre au sérieux la réalité.
JLD
LA SEMAINE PROCHAINE
Une soirée sur le Nord en cinéma
18h00 : Écrans variables, sélection de films courts
produits au Fresnoy – Studio des arts contemporains.
(France / Multiples formats / programme de 84
min.)
20h30 : Mange tes morts de Jean-Charles Hue
(France / DCP / 2014 / 94 min)
RENCONTRE AVEC LE CINÉASTE
Réalisation, scénario, production
Gregg Araki
Photographie
Jim Fealy
Direction artistique
Michael Krantz
Décors
Thérèse DePrez
Costumes
Catherine Cooper-Thoman
Musique
Dan Gatto
Avec
James Duval, Rose McGowan,
Johnathon Schaech …
CINÉ-TAMBOUR
SWEET
PROVOCATION
Mercredi 1er octobre 2015
[20h30] La Grande bouffe
de Marco Ferreri
France / Italie, 1973, 130 min, 35mm
Si les films célébrant les joies de la bonne chère au détour d'une scène sont légion, et plus nombreux encore
ceux mettant en scène les plaisirs de la chair, rares sont ceux mettant les deux en scènes simultanément. La grande
bouffe de Marco Ferreri est pourtant l'un de ceux là. Correction, simplement parler de réunion des plaisirs de la
chair et de la chère serait un doux euphémisme. En effet s'il est un film qui a un un jour pu mériter d'être qualifié de
gargantuesque, pantagruélique, c'est bien celui là.
L'argument est simple : quatre amis bourgeois se retirent dans une grande maison parisienne, s'y enfermant
avec de la nourriture et des femmes pour consommer jusqu'à ce que mort s'ensuive. Partant de là, le film divise
aussi bien pour ce qui est des interprétations que des avis. Pour certains, il fait une critique de la société de
consommation à l'excès, critique qui culmine dans la scène de l'explosion des toilettes, symbole d'un monde
débordant des déchets laissés par cette surconsommation. Pour d'autres, derrière ces prétentions ne se cache en
fait qu'un film de copains, Noiret, Mastroianni, Piccoli et Tognazzi jouant leurs propres rôles ou presque. Il en est
encore qui n'ont vu qu'un bête délire où des acteurs se roulent dans la fange pendant une heure et demi, cette
même scène des toilettes n'étant pour eux qu'une avalanche d'excréments à l'image même de tout le film.
C'est notamment le cas du public du festival de Cannes en 1973 qui hue l'équipe du film à la sortie de la
projection et de la frange bien pensante de la critique française qui s'indigne que notre beau cinéma fut représenté
par une telle horreur. La grande bouffe remportera pourtant cette année là le prix Fripesci (prix de la critique
internationale), ex-æquo avec La maman et la putain de Jean Eustache.
Aujourd'hui encore il n'est pas facile de voir La grande bouffe, et si sa subversion a fini par lui valoir le statut
de film « culte », le propos même du film fait qu'il reste difficile d'accès, et pour le spectateur il n'est pas toujours
évident de voir au-delà des scènes souvent grotesques se déroulant à l'écran.
Une bonne clé de lecture serait de garder en tête la phrase prononcée par Michel Piccoli lors du premier de
leurs derniers repas : « Messieurs, nous ne sommes pas ici pour faire une orgie crapuleuse. »
Si l'on accepte ainsi que le grotesque n'est pas une fin en soi mais un moyen, les images chocs ne se
contentent plus de provoquer simplement des réactions mais aussi de la réflexion. On peut ainsi plus facilement
passer outre la crudité de certaines scènes pour raisonner plus posément sur le film.
PL
Réalisation
Marco Ferreri
Production
Vincent Malle, Jean-Pierre Rassam
Scénario
Marco Ferreri, Rafael Azcona et Francis
Blanche
Photographie
Mario Vulpiani
Montage
Claudine Merlin, Gina Pignier
Musique
Philippe Sarde
Avec
Marcello Mastroianni, Michel Piccoli,
Philippe Noiret, Ugo Tognazzi, …