La population tibétaine entre imprégnation et marginalisation

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La population tibétaine entre imprégnation et marginalisation
Isabelle Attané
220
La population tibétaine entre imprégnation
et marginalisation
Population de la Région autonome du Tibet au
recensement de 2000, par groupe ethnique
Autres
10,9 %
Han
20,2 %
Population du "grand Tibet historique" au
recensement de 2000, par groupe ethnique
Han
6,1 %
Tibétains
68,9 %
Autres
1,1 %
Isabelle Attané 1
Cette Région autonome du Tibet, de création récente (1965), ne représente cependant qu’à peine la moitié du « grand Tibet historique », composé de
l’Ü-Tsang, de l’Amdo et du Kham 3, revendiqué par le gouvernement tibétain
en exil. Si l’on s’en tient à cette dernière délimitation, la perspective change
radicalement : la population est alors trois fois plus nombreuse avec 7,2 millions
de personnes, dont 5 millions de Tibétains, au lieu des 2,6 millions recensés
dans la RAT (cf. tableau 1) ; tandis que la superficie de la région historique est
de 2,5 millions de km2, soit plus du quart de la superficie totale de la République
populaire de Chine.
1. Institut National d’Études Démographiques (INED).
2. Par souci de concision, nous utilisons le terme générique de province pour désigner les
différentes unités administratives de rang 1 que compte la Chine, dont 22 provinces, 5 régions
autonomes (parmi lesquelles le Xinjiang), 4 municipalités et 2 régions autonomes spéciales :
Hong Kong (depuis 1997) et Macao (depuis 1999).
3. Le « grand Tibet historique » est en effet composé de trois régions : le Ü-Tsang (dont le territoire constitue pour l’essentiel l’actuelle Région autonome du Tibet), l’Amdo (correspondant
aujourd’hui globalement à la majeure partie de la province du Qinghai et à des zones dans les
provinces du Gansu/du Sichuan) et le Kham (dont le territoire est partagé entre la RAT et les
provinces du Sichuan, du Qinghai et du Yunnan).
En dépit d’une présence chinoise han en hausse continue (+ 4 % par an en
moyenne entre 1964 et 2000 4, bien supérieure à ce qu’autoriserait une croissance
naturelle, même soutenue), la Région autonome du Tibet demeure massivement
tibétaine, près de 93 % de ses habitants se réclamant de cette ethnie autochtone
en 2000. En revanche, la prédominance tibétaine est nettement moins marquée
dans le « grand Tibet historique », vaste zone qui, outre la RAT, couvre dix préfectures et deux districts tibétains autonomes 5 rattachés aux provinces voisines,
et ne compte aujourd’hui qu’un peu plus de deux tiers de Tibétains (68,9 %).
Dans ces entités administratives tibétaines hors RAT, les Tibétains se retrouvent
désormais à peine majoritaires (56 %) face aux Han mais aussi aux Hui 6. La
stratégie de dilution de la population tibétaine qui a présidé à ce découpage administratif du Tibet ne fait donc pas de doute.
4. Dans le même temps, la population tibétaine de la RAT n’a augmenté que de 1,9 % par an
en moyenne et celle des Han dans l’ensemble de la Chine de 1,1 %, soit quatre fois moins vite
que celle des Han en RAT.
5. Intégrés en 1965 aux provinces du Yunnan, du Sichuan, du Gansu et du Qinghai.
6. Les Hui sont des musulmans chinois fortement assimilés aux Han d’un point de vue culturel,
cf. James S. Olson, An Ethnohistorical Dictionary of China, Londres, Aldwych Press, 1998.
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Diviser pour mieux régner
Tibétains
92,8 %
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Forte de 1,22 million de km2, la Région autonome du Tibet (RAT) couvre plus
d’un huitième du territoire chinois. Cette province 2 – la plus vaste du pays après
le Xinjiang – se distingue en outre par une situation géographique hautement
stratégique : à l’ouest de la Chine, elle partage plus de quatre mille kilomètres de
frontières avec l’Inde, le Népal, le Bhoutan et le Myanmar.
94 841
16 194
105 337
9 096
5 970
215 706
447 144
2 606 050
209 270
163 648
27 199
400 117
78 229 697
57 928
28 201 274
267 260
139 190
406 450
22 925 063
1 470 209
1 135 915 903
1 137 386 112
62 520
142 360
235 663
126 395
255 167
40 371
862 476
1 086 592
455 238
703 168
60 679
1 219 085
1 269 120
117 099
128 432
329 278
66 125
395 403
443 228
5 021 231
394 790
5 416 021
640 106
221 347
861 453
25 124 282
7 282 154
1 235 330 072
1 242 612 226
353 518
42 360 089
847 468
897 239
124 462
1 869 169
82 348 296
258 922
214 642
375 426
137 940
262 661
332 094
1 581 685
4 822 963
474 499
586 152
318 106
634 962
366 710
77 253
158 647
2 616 329
41,8
62,9
47,2
91,2
20,2
92,0
91,5
16,4
66,6
24,7
18,2
21,9
21,4
95,0
36,6
7,5
28,1
6,6
2,3
65,0
28,3
54,0
17,0
3,4
3,4
2,0
2,0
4,6
15,0
6,1
50,5
33,1
21,6
3,4
29,4
13,4
3,5
39,2
26,1
9,2
1,8
0,6
22,9
17,2
23,4
1,4
0,5
0,4
0,7
0,4
0,8
8,4
1,2
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
221
222
7. De 1982 à 1990 en effet, la croissance démographique des Han au Xinjiang et en Mongolie-Intérieure a été faible et presque exclusivement due à leur croissance naturelle ; dans la
RAT, l’effectif de Han a diminué durant cette période.
8. Cf. Nicolas Becquelin, « Tensions interethniques et pauvreté endémique », Perspectives
chinoises, n o 39, p. 19-28.
9. D’après des sources indépendantes, la comptabilisation des militaires porterait à environ
15 % la proportion des Han au Tibet.
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51,4
29,9
45,9
1,8
68,9
0,0
0,4
33,1
0,3
53,7
78,4
48,8
65,2
1,5
24,1
66,3
62,8
91,6
97,1
12,2
54,5
22,5
81,6
96,2
96,1
97,4
97,5
94,6
76,6
92,8
En %
Tibétains Han Autres Total
L’intérêt des Han pour les confins occidentaux et septentrionaux de la République populaire de Chine (RPC) – dont le Tibet, mais aussi la Région autonome
du Xinjiang et la Mongolie-Intérieure – s’est, depuis les années 1950, traduit par
des vagues migratoires visant à asseoir le pouvoir politique et économique de
Pékin dans ces régions. Ainsi, l’effectif des Han en Mongolie-Intérieure a doublé
entre 1953 et 1964, passant de 5,1 à 10,7 millions. Au Xinjiang, il a été multiplié
par sept (de 0,33 à 2,3 millions), soit une croissance annuelle moyenne de 18 %
au cours de ces onze ans, et par deux entre 1964 et 1982. Après une décélération
des migrations planifiées vers la fin 1958 et une période de relative désaffection
des Han pour les confins occidentaux du pays au cours de la décennie 1980 7,
les flux ont repris. À l’heure actuelle, il y a 18,5 millions de Han en MongolieIntérieure, 7,5 millions au Xinjiang (soit + 32 % par rapport à 1990 !) et près de
160 000 sont officiellement recensés dans la Région autonome du Tibet, deux
fois plus qu’en 1990.
Semblables déplacements de population han dans ces zones sensibles traduisent tant les préoccupations stratégiques que les conceptions hégémoniques
du pouvoir central, au nom du développement économique et de l’unification
nationale. Cependant, malgré une forte poussée han depuis 1990, le Tibet apparaît, tout au moins à l’intérieur des frontières administratives de la RAT, relativement épargné par cette immigration. Alors que la Mongolie-Intérieure et le
Xinjiang comptent désormais respectivement 80 % et 40 % de Han, ces derniers
demeurent officiellement très minoritaires en RAT – 6 % de la population – en
dépit d’une contribution désormais significative à la croissance démographique
de la région : près de 20 % entre 1990 et 2000. Cela toutefois sans compter les
militaires chinois han présents en RAT 8 et les « populations flottantes », non
comptabilisées dans les statistiques des recensements, mais aussi les multitudes
de touristes chinois qui déferlent régulièrement sur les principales villes de la
RAT 9.
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43 568
16 032
59 600
1 755 991
790 714
99 019 379
99 810 093
178 491
14 030 383
182 960
30 423
36 584
249 967
2 849 479
101 561
56 088
34 426
2 449
1 524
76 017
272 065
1 130 321
6 791
2 648
1 429
4 192
1 527
599
13 405
30 591
Total
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
100,0
80 584
19 673
10 968
12 500
7 510
3 543
23 792
158 570
Effectifs
Autres
387 124
563 831
305 709
618 270
357 673
73 111
121 450
2 427 168
Han
Un « grand bond » vers l’Ouest
6,8
7,2
6,9
7,0
10,9
8,0
8,0
Région autonome du Tibet
Municipalité de Lhassa
Préfecture de Qamdo (Changdu)
Préfecture de Shannan
Préfecture de Xigazê (Rikaze)
Préfecture de Nagqu (Naqu)
Préfecture de Ngari (Ali)
Préfecture de Nyingchi (Linzhi)
Région entière
Territoires tibétains de la province du Qinghai
Préf. autonome tibétaine de Haibei
Préf. autonome tibétaine de Huangnan
Préf. autonome tibétaine de Hainan
Préf. autonome tibétaine de Golog (Guoluo)
Préf. autonome tibétaine de Gyêgu (Yushu)
Préf. aut. mongole et tibétaine de Haixi
Total territoires tibétains
Province entière
Territoires tibétains de la province du Sichuan
Préf. aut. tibétaine et qiang de Ngawa (Aba)
Préf. autonome tibétaine de Garzê (Ganzi)
District aut. tibétain de Muli
Total territoires tibétains
Province entière
Territoires tibétains de la province du Yunnan
Préf. autonome tibétaine de Dêqên (Diqing)
Province entière
Territoires tibétains de la province du Gansu
Préf. autonome tibétaine de Gannan
District aut. tibétain de Tianzhu
Total territoires tibétains
Province entière
Population au sein du « Grand Tibet historique »
Population hors du « Grand Tibet historique »
Total (Chine entière)
Tibétains
TABLEAU 1 RÉPARTITION DE LA POPULATION TIBÉTAINE AU SEIN DU GRAND TIBET HISTORIQUE EN 2000
La population tibétaine entre imprégnation et marginalisation
Isabelle Attané
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l’égard du bouddhisme et de l’islam que le parti communiste ne nie d’ailleurs
pas : « Quand l’économie se développera, le peuple se détournera progressivement de la religion, il se tournera vers les joies et les plaisirs du monde » 11. La
stratégie d’unification qui sous-tend ce programme de développement apparaissant donc clairement.
TABLEAU 2 POPULATION ET CROISSANCE DÉMOGRAPHIQUE DES TIBÉTAINS
HAN DANS LA RÉGION AUTONOME DU TIBET (RAT), D’APRÈS LES
DONNÉES OFFICIELLES (RECENSEMENTS DE 1953 À 2000).
ET DES
1953
1 000 (env.)
0
1 000 (env.)
1953
100,0
0,0
Croissance démographique
(en % par an)
1953-1964
1964
1 209
37
1 251
1964
96,6
2,9
1982
1 765
91
1 864
1982
94,7
4,9
1990
2 097
81
2 196
1990
95,5
3,7
2000
2 427
159
2 616
2000
92,8
6,1
1964-1982 1982-1990 1990-2000
Tibétains
Han
Total
1,7
2,0
2,1
5,1
2,2
2,2
-1,5
2,1
1,5
6,7
1,8
Part de la croissance démographique de la RAT imputable aux Han
(en %)
14,6
8,9
0,0
18,5
Source : Recensements de population, Bureau national de la statistique.
Comme les autres provinces occidentales, notamment le Xinjiang 10, la RAT
n’en a pas fini avec les Han. Après vingt ans de réformes économiques qui ont
surtout permis le développement des provinces de la côte orientale, le gouvernement chinois a lancé en 2000 un programme ambitieux de « développement
de l’Ouest » (xibu dakaifa). L’objectif affiché est de réduire la pauvreté dans ces
régions reculées en y promouvant les investissements et les avancées technologiques. Pour preuve, l’aménagement de la liaison ferroviaire entre Lhassa et
Golmud, au Qinghai, inaugurée en 2006, qui ouvre une voie royale au processus
d’assimilation du Tibet par la Chine. En désenclavant la région, elle y facilitera
les échanges commerciaux et le tourisme han. Mais aussi l’exploitation d’abondantes ressources naturelles, notamment le pétrole, qui comptent pour une bonne
part dans l’intérêt que manifeste la RPC au Tibet comme au Xinjiang. Le Tibet possédant en outre un potentiel hydraulique et hydroélectrique considérable,
d’ailleurs déjà largement exploité par la RPC.
La croissance économique impulsée par les autorités centrales a également
pour but de renforcer le pouvoir de Pékin en provoquant l’intégration progressive dans l’ensemble chinois des populations autochtones tibétaines – comme
les Ouïghours du Xinjiang. Derrière cette stratégie, il y aurait aussi un calcul à
10. Cf. Isabelle Attané, « La population du Xinjiang : entre résistance et intégration », Études
orientales, 2008, n o 25, p.223-243.
Une population tibétaine marginalisée
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Population (en milliers)
Tibétains
Han
Total
En % de la population de la RAT
Tibétains
Han
Isabelle Attané
La Région autonome du Tibet demeure massivement rurale avec moins de
20 % de sa population vivant dans une ville ou dans un bourg en 2000. Là, un
habitant sur quatre est han (24,8 %) alors que les campagnes restent presque exclusivement (à 98 %) peuplées de Tibétains. Le pôle urbain de la RAT, la ville de
Lhassa12, attire particulièrement les Han : leur population y a presque doublé de
1990 à 2000, passant d’environ 40 000 à près de 77 000 (soit une augmentation
de 6,4 % par an en moyenne sur ces dix années, contre + 3,8 % pour les Tibétains). Officiellement, Lhassa compte donc aujourd’hui un tiers de Han (34 %),
des sources dissidentes donnant une proportion réelle deux fois plus élevée, entre
60 et 70 % 13.
L’immense majorité des Tibétains de la RAT (85 %) vit donc dans des zones
rurales, montagneuses ou de hauts plateaux, à une altitude moyenne de plus de
4 000 m où la densité de population reste très faible 14. Ces régions, souvent inhospitalières, sont difficiles d’accès et très mal dotées en infrastructures (routes,
hôpitaux, écoles…). Ainsi les Tibétains de la RAT sont-ils de plus en plus ouvertement exclus des activités économiques et politiques.
Mais ils sont également de fait marginalisés, en dehors de leur pauvreté, par
leur structure démographique 15. La démographie éclaire en effet l’un des aspects
du conflit qui oppose les Tibétains aux autorités chinoises : la sinisation forcée.
11. Far Eastern Economic Review, 21 août 2001, cité par Jean-Luc Domenach, Où va la
Chine ?, Paris, Fayard, 2002, p. 319-321.
12. La municipalité de Lhassa (Lasa shi) est une division administrative équivalant à une préfecture (diqu) ; sa partie urbaine, qui correspond à la ville de Lhassa proprement dite, se situe
dans l’arrondissement de Chengguan (chengguan qu).
13. « Social evils : prostitution and pornography in Lhassa », Tibetan Information Network,
TIN Briefing paper, n o 31, 1999.
14. En 2000, la RAT avait la densité de population la plus faible du pays : 2,2 habitants par
km2. Mais la population est très inégalement répartie, une grande majorité des habitants se
concentrant au Sud et à l’Est. Alors que Lhassa affiche une densité de plus de 220 habitants par
km2, la préfecture de Ngari (Ali diqu), par exemple, qui couvre près de 30 % du territoire de la
RAT comprend moins de 3 % de la population. La steppe Qantang au Nord-Est passe quant à
elle pour inhabitée.
15. Cf. Colin Mackerras, China’s Minorities, Integration and Modernization in the Twentieth
Century, Hong Kong, Oxford University Press, 1994.
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La population tibétaine entre imprégnation et marginalisation
Des Tibétains menacés ?
Si les rythmes de croissance des populations han et tibétaine dans la RAT
se maintiennent aux niveaux observés au cours de la décennie 1990, les Han y
deviendront majoritaires dans moins d’un demi-siècle, vers 2055, soit en moins
de temps qu’il ne leur a fallu, depuis 1951, pour établir leur mainmise politique
et économique sur le Tibet. Par le jeu des migrations, les Han s’imposent donc
lentement, mais sûrement, dans la RAT et avec eux un modèle culturel et social.
Comme pour la population ouïghoure du Xinjiang, il deviendra donc de plus en
plus difficile pour les Tibétains de s’opposer à l’influence chinoise et de résister
à l’acculturation.
16. On notera toutefois que, dans le cadre de la politique de contrôle des naissances en vigueur depuis le début des années 1970, les Han installés dans la RAT (mais aussi au Xinjiang)
sont autorisés à avoir un enfant de plus en moyenne que les Han dans le reste du pays. Pour
davantage d’informations sur l’évolution de la fécondité et du contrôle des naissances dans les
différents groupes ethniques, cf. notamment Isabelle Attané, « Minorities : Cultural Integration,
Family Planning and Population Changes », in Zhao Zhongwei, Guo Fei (éd.), Transition and
Challenge : China’s Population at the Beginning of the 21s Century, Oxford, Oxford University Press, 2007 et Isabelle Attané, Youssef Courbage, « Transitional stages and identity
boundaries : the case of ethnic minorities in China », Population and Environment, 21, 3, 2000,
p. 257-280.
CARTE ADMINISTRATIVE DU TIBET
Source : www.tibetmap.org
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Les recensements de RPC nous apprennent que, au cours des quarante dernières
années, la population tibétaine de la RAT a connu une croissance démographique
à peine supérieure à celle de la Chine dans son ensemble, avec une multiplication par 1,8 et 2,0 respectivement. Un constant surprenant si l’on considère que
la fécondité des femmes tibétaines est supérieure de 1 à 2 enfants en moyenne à
celle des Han depuis le milieu des années 1970. Cette sur-fécondité, toutes choses égales par ailleurs, aurait dû se traduire par une croissance démographique
nettement plus soutenue chez les Tibétains. Or, non seulement cette fécondité
tibétaine plus dynamique que celle des Han 16 n’a pas suffi à compenser l’apport
migratoire produit par ces derniers dans le cadre de leur politique expansionniste, mais la croissance naturelle des Tibétains a été notablement ralentie par une
sur-mortalité par rapport aux Han. En 1990, les Tibétains vivaient en moyenne
presque dix ans de moins que les Han (61,6 et 70,5 ans respectivement), un écart
guère réduit en 2000 (65,1 et 72,7 ans). De profondes inégalités persistent entre
Tibétains et Han quant à la survie des enfants, la mortalité infantile étant presque
deux fois plus élevée chez les Tibétains que chez les Han à l’échelle nationale :
41,0 ‰ contre 22,5 ‰ en 2000. Cette sur-mortalité générale et infantile entrave
indiscutablement la croissance de la population tibétaine.
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