Les administrateurs salaries : Un atout pour la gouvernance
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Les administrateurs salaries : Un atout pour la gouvernance
Les administrateurs salaries : Un atout pour la gouvernance des entreprises francaises 28 février 2006 Des administrateurs salariés dans les Conseils d’administration : un plus pour la gouvernance ! Pour la qualité de la gouvernance d’entreprise et le bon fonctionnement des Conseils d’administration, est-il souhaitable ou non d’avoir des administrateurs salariés ? La question fait débat, en France et en Europe et il y a des opinions différentes sur le sujet, tant dans le monde patronal que dans le monde syndical. L’Institut Français des Administrateurs a décidé en 2005 d’établir un état des lieux des pratiques en la matière, d’identifier les avantages et les risques et de formuler un certain nombre de propositions à destination des acteurs de la gouvernance, des organisations professionnelles et des pouvoirs publics. Tel est l’objet du rapport établi par le groupe de travail réuni dans le cadre de l’IFA, dont Claude Jouven était le président et Stéphane Baller le rapporteur. De l’analyse de l’existant, le groupe a clairement conclu que les avantages de la présence d’administrateurs représentant les salariés en tant que tels et/ou en leur qualité d’actionnaires l’emportaient sans conteste sur les risques : par leur connaissance des réalités de l’entreprise, leur engagement à long terme, l’attention portée à l’importance du capital humain, leur diversité d’origine et de formation, SOMMAIRE les administrateurs salariés contribuent le plus souvent à enrichir le travail du Conseil Les dispositifs de représentation d’administration. des salariés dans les Conseils d’administration 5 Une présence déjà significative au sein des conseils 7 La présence d’administrateurs apporte une valeur ajoutée reconnue 8 Les ressources mises à la disposition des administrateurs salariés sont souvent insuffisantes 11 Les arguments justifiant l’absence d’administrateurs salariés ne constituent pas un obstacle radical 13 Encore convient-il de favoriser l’exercice de leur mandat d’administrateur, au plan de la logistique, de la formation et du déroulement de carrière et de définir clairement leurs droits et leurs devoirs, qui sont pour l’essentiel ceux de tout administrateur. Au moment où il est envisagé de développer l’actionnariat du personnel et d’associer davantage les salariés aux grandes décisions qui engagent l’avenir de l’entreprise, ce rapport de l’IFA contribuera, je l’espère, à enrichir la réflexion et à faire progresser les pratiques. Susciter les candidatures parmi les salariés 14 7 propositions pour faciliter l’accès à cet atout de gouvernance 16 Daniel Lebègue Président de l’Institut Français des Administrateurs Les administrateurs salaries : un atout pour la gouvernance des entreprises francaises Claude Jouven Président du groupe de Travail Stéphane Baller Rapporteur L e développement de l’actionnariat salarié et la montée en puissance des fonds de retraite ont poussé progressivement un certain nombre d’organisations à s’intéresser à la fonction d’administrateurs salariés au sein des Conseils d’administration. Le législateur avait ouvert la voie dans le cadre des dispositifs de nationalisation ou de privatisation et mis en place ce système de représentation du personnel au service de l’intérêt social. Mais ces motivations ne sont plus les seules. La société civile porte un intérêt grandissant pour ce type de contribution à la gouvernance de l’entreprise, comme l’exprime la montée en puissance du concept de responsabilité sociétale – préservation de l’environnement, harmonie des relations sociales et transparence du pouvoir – pris en compte dans l’investissement socialement responsable. De plus, les questions de succession qui s’ouvrent dans un nombre croissant d’entreprises familiales et les opportunités recherchées par des fonds de « Leverage Buy Out » peuvent poser la question d’une plus forte implication des salariés dans le projet d’entreprise. Leur représentation au sein du Conseil d’administration peut aboutir à une prise de participation et à une implication dans la direction des affaires. La recherche d’un nouvel « affectio societatis » élargi pourrait même servir de plate forme à des mesures politiques renforçant l’actionnariat salarié. L’Institut Français des Administrateurs devait donc s’emparer de ce débat et mettre en œuvre les moyens nécessaires pour réaliser un état des lieux de la pratique, évaluer l’impact de la présence d’administrateurs salariés dans les Conseils d’administration afin de savoir si ce dispositif représente un atout de gouvernance. Dans cette hypothèse, le groupe de travail avait pour mission d’identifier les bonnes pratiques et les mesures pouvant permettre d’améliorer la diffusion de ce dispositif de gouvernance et de faciliter sa mise en œuvre tant pour les Conseils d’administration que pour les salariés administrateurs. Pour ce faire le groupe de travail sur les administrateurs salariés constitué par l’Institut Français des Administrateurs a travaillé sur la base de réunions d’experts, d’interviews, d’enquêtes, de panels confrontant ainsi les différents 3 acteurs de cette problématique : administrateurs, représentants de fonds d’investissements, représentants de la société civile, syndicalistes, représentants des actionnaires, personnalités gouvernementales, chercheurs, avocats … . Un état des lieux* a été réalisé au travers d’une enquête menée au cours de l’été 2005 par Ernst & Young- Société d’Avocats sur un échantillon de 2 500 administrateurs en poste ou secrétaires de Conseil d’Administration. Il a permis de réunir 165 réponses représentant les différentes catégories d’entreprises françaises. Un éclairage particulier a été apporté à la même époque sur la perception par le monde économique et financier de l’actionnariat salarié en France et des administrateurs salariés représentant les salariés actionnaires au sein d’un Conseil d’administration par EuroRscg C&O, qui a interviewé des gérants de fonds actions – notamment Investissement Socialement Responsable – ,des journalistes économiques, des associations d’actionnaires, des syndicats et des « proxi ». Les différentes réflexions et conclusions partagées tout au long de ces travaux sont résumées dans ce document de discussion qui débouche sur un certain nombre de propositions. Il a vocation à être enrichi des suggestions que cette publication pourra susciter à l’adresse mail suivante [email protected]. Composition du groupe de travail IFA « administrateurs salariés » Président : Claude Jouven Rapporteur : Stéphane Baller Membres : Valérie Tandeau de Marsac, Bénédicte Bertin-Mourot, Pierre Alanche, Alain Champigneux, Jean-Frédéric Dreyfus, Patrice Garnier, Jean Yves Léger, Yves Loiseau, Jean-Aymon Massié, Jean-Philippe Saint-Geours avec le support de Caroline Bruneau. * Les résultats détaillés de cet état des lieux sont disponibles sous la forme d’une publication ad hoc disponible auprès de l’IFA et sur www.ifa-asso.com 4 LES DISPOSITIFS DE REPRESENTATION DES SALARIES DANS LES CONSEILS D’ADMINISTRATION L orsque l’on parle d’“administrateurs salariés” au sein des Conseils d’administration, certains pourraient opposer un excès de représentation militante à la poursuite de l’objet social et à la sérénité nécessaire pour des travaux de qualité au sein du Conseil. Il est donc nécessaire de distinguer les administrateurs salariés des membres du Comité d’Entreprise ou des représentants du personnel dont l’origine, les modalités de désignation ou les objectifs sont bien différents. Les administrateurs salariés … Le contexte de création des postes d’administrateurs salariés dans les Conseils d’administration peut être « institutionnel » c’est-à-dire rendu obligatoire par le législateur notamment dans le cas des lois de nationalisation de 1983 introduisant des représentants des salariés – avec voix délibérante - dans les Conseils d’Administration, ou des lois d’août et d’octobre 1986 sur les modalités de privatisation. Dans la pratique ces administrateurs sont souvent élus directement par les salariés travaillant en France, dans certains cas dans l’ensemble de l’entreprise et désignés sur les listes des syndicats représentatifs pour le premier tour. Un autre dispositif législatif vise quant à lui la représentation des salariés actionnaires en cas de dépassement du seuil de détention par les salariés de 3% du capital. Dans la pratique, ces administrateurs sont nommés par décision de l’Assemblée générale des actionnaires, parfois sur désignation du Président et généralement à partir de la liste des dirigeants des Fonds Communs de Placement Entreprise ou des associations d’actionnaires salariés. Cette désignation peut également faire suite à une élection par les salariés actionnaires y compris sur un périmètre international. Ces mécanismes sont actuellement régis par l’article L 225-23 du Code de Commerce. Ils ont été introduits par la loi n°94-640 du 25 juillet 1994 relative à la participation des salariés dans l’entreprise, sous la forme d’un dispositif facultatif 5 puis devenu obligatoire depuis la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002, mais pour laquelle les décrets d’application ne sont toujours pas parus. C’est cette même loi de 1994 qui a institué un mécanisme de représentation, cette fois recommandé par le législateur pour les sociétés privatisées, qui a été modifiée par la loi relative à l’épargne salariale du 19 février 2001, puis par la loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002. Les travaux réalisés par le groupe de travail, et notamment l’enquête sur les administrateurs salariés soulignent : • une diminution du nombre des administrateurs élus directement, du fait des privatisations, des fusions, de la limitation du nombre d’administrateurs dans les Conseils, de l’internationalisation des entreprises … • une augmentation du nombre des administrateurs représentant les salariés actionnaires, du fait du développement de l’actionnariat salarié, de l’épargne retraite, ou d’une volonté des entreprises de valoriser leur capital humain et d’intéresser au capital ses employés. L’entreprise peut aussi choisir un mode « volontaire » de mise en place des administrateurs salariés par une simple modification des statuts approuvée par l’Assemblée générale des actionnaires. Cette technique peut être utilisée après un essai « contractuel » au sein du Conseil d’administration par la voie du censorat. Cette solution réversible permet de proposer la nomination d’administrateurs salariés sur la base d’une valeur ajoutée démontrée par l’action. Cette pratique démontre aussi qu’un dispositif statutaire prévoyant la nomination d’administrateurs salariés par l’Assemblée générale peut être annulé par cette dernière. …ne représentent pas que le point de vue des salariés ! Ces dispositifs mettant en place des administrateurs, notamment ceux représentant les salariés actionnaires, sont similaires à ceux permettant à un actionnaire disposant d’une influence significative d’exiger un certain nombre de sièges pour ses représentants au sein du Conseil d’administration. L’implication double des personnels en qualité de salariés et d’actionnaires, qui de surcroît peut s’exprimer au plan international, permet un avis éclairé sur l’intérêt social « vu de l’intérieur de l’entreprise » au sein du Conseil. Cette représentation ne peut être rapprochée des objectifs poursuivis par le 6 législateur au sein d’instances mises en place sur le territoire français : Comité d’Entreprise, CHSCT, Délégués du Personnel. Ces derniers sont destinés à promouvoir la qualité du dialogue social, des conditions de travail et l’implication des salariés dans l’unité économique et sociale domestique, voire européenne dans certains cas limités. Il n’est pas dans ce cas question de l’intérêt social mais de l’instauration d’un dialogue social, d’une plate-forme de négociation voire de contre-pouvoir ou de dispositifs de surveillance permettant aux salariés une certaine protection. Enfin les représentants du Comité d’Entreprise siégeant au sein du Conseil d’administration s’ils disposent d’un niveau d’information équivalent à celui de l’administrateur, ne siègent qu’avec une voix consultative. L’administrateur salarié, lui, dispose de pouvoirs et d’obligations identiques aux autres administrateurs. Bonnes pratiques Dès sa nomination, l’administrateur salarié a l’obligation légale de démissionner, dans les 8 jours, de tout mandat syndical. Afin de faciliter la démonstration de son indépendance et lui permettre de contribuer au mieux à l’intérêt social, il est recommandé une meilleure communication durant la campagne sur cette obligation. L’extension de ce dispositif légal au niveau européen serait à promouvoir pour clarifier les rôles respectifs de chaque instance. Dans sa manière de rendre compte de ses prises de position tout au long de son mandat, l’administrateur salarié doit rappeler son attachement à la défense de l’intérêt social. Il doit également montrer comment il poursuit cet objectif lors des prises de décision du Conseil. UNE PRESENCE DEJA SIGNIFICATIVE AU SEIN DES CONSEILS L ’étude réalisée pour mieux connaître la réalité des administrateurs salariés a révélé une présence déjà significative au sein des Conseils : • 51% des répondants siègent dans un Conseil qui dispose d’un ou plusieurs administrateurs salariés, • les autres qui déclarent ne pas avoir d’administrateur salarié au sein de leur Conseil, ont démontré leur intérêt pour la question en répondant au questionnaire. 7 Cette représentation n’est pas systématiquement le résultat d’une obligation légale puisque 39 % déclarent que la part du capital détenue par les salariés est nulle ; pour 24 % elle est inférieure à 3 %, pour 33 % supérieure. L’obligation juridique comme étant élément décisif de création des postes d’administrateurs salariés n’est soulignée que par 12% du panel. Certes les lois de nationalisation de 1983 et de privatisation de 1986 ont été la première cause de création de postes d’administrateurs salariés, fait générateur cité dans respectivement 26 % et 21% des cas. Mais 18 % des entreprises ont eu recours à une modification volontaire des statuts pour répondre, par exemple, à un engagement de responsabilité sociétale ou aligner une politique d’engagement des salariés dans le projet d’entreprise avec la réalité. On peut donc conclure que si le facteur légal est encore essentiel, il existe une réelle volonté chez certains d’intégrer les salariés comme administrateurs. Dans ce cas le dispositif juridique peut être aménagé avec souplesse dans un mode quasi contractuel. Bonnes pratiques Dans le cadre d’un engagement vers une stratégie d’entreprise incluant un volet de responsabilité sociétale, la présence d’administrateurs salariés représentatifs des parties prenantes au plan national et international peut être un élément favorable à sa mise en œuvre. LA PRESENCE D’ADMINISTRATEURS SALARIES APPORTE UNE VALEUR AJOUTEE RECONNUE P lus l’entreprise évolue dans un environnement complexe, plus le contrôle par le Conseil d’administration est nécessaire. La diversité des points de vue exprimés par les administrateurs est importante pour nourrir le débat indispensable au sein du Conseil d’administration sur la stratégie retenue et sa mise en œuvre pratique. Au delà des réseaux des élites de dirigeants qui ont constitué la base de beaucoup de Conseils d’administration, il est aujourd’hui nécessaire de s’assurer d’un faisceau de compétences sectorielles, financières, comptables, fiscales, sociales et sociétales ... Ainsi, plus cette diversité devient nécessaire, plus la présence d’administrateurs 8 salariés compétents est un atout. En effet, l’un des principaux aspects de cette complexité grandissante est l’évolution et la préservation du capital humain. Ce dernier est devenu aussi fluide que le capital financier. Il nécessite un suivi spécifique notamment dans les entreprises qui ne peuvent réussir sans les femmes et les hommes qui la composent en particulier dans les secteurs des services, de la distribution, du Conseil ou de la recherche et développement. Ainsi devient-il naturel que les salariés, « propriétaires et gestionnaires » au plan individuel et collectif de leur capital humain, participent au gouvernement de l’entreprise aussi légitimement que les actionnaires, le font depuis l’origine du capitalisme. Il serait donc logique d’observer une corrélation entre l’intensité de capital humain utilisée dans le projet d’entreprise et la présence d’administrateurs salariés. Les questions liées à la motivation et à la construction d’un esprit propre à l’entreprise sont souvent mises en avant comme un facteur de compétitivité et de différenciation par de nombreux spécialistes du management. L’étude montre que la présence d’administrateurs salariés peut faire progresser ces valeurs et ceci d’autant plus que l’engagement des salariés à long terme dans l’entreprise peut, le cas échéant, contrebalancer la volatilité de certains actionnaires et de certains dirigeants. On pourrait extrapoler cette analyse en pensant qu’un tel dispositif pourrait aussi faciliter la mise en place d’un « Leverage Buy Out » pour accompagner la succession de certaines équipes ou familles dirigeantes. Cette volonté de mobilisation des salariés peut s’exprimer valablement par le développement de l’actionnariat salarié, comme le prouvent les résultats du panel réalisé sur la perception de l’actionnariat salarié : bonne contribution à l’efficacité de l’entreprise, vecteur pédagogique d’explication de la performance collective en bourse, renforcement de la fidélité et de la motivation... Cependant ces aspects positifs peuvent être diabolisés si ces droits de vote sont manipulés par la direction de l’entreprise voire confisqués à l’occasion des Assemblées générales et ce, même si l’administrateur salarié garde son indépendance. Les domaines de compétence reconnus aux administrateurs salariés sont extrêmement larges et n’ont rien à envier à l’administrateur « classique ». Plus d’un répondant sur deux demande aux administrateurs salariés de s’exprimer en priorité sur la stratégie générale de l’entreprise, ou encore sur la politique de développement et d’investissement, alors que seuls 30% des répondants 9 observent une tendance naturelle des administrateurs salariés à s’exprimer sur ces questions. Et de manière étonnante, la stratégie des ressources humaines qui pourrait être le domaine de compétence par excellence reconnu par les membres du Conseil aux salariés n’arrive qu’en troisième position, suivie de l’intérêt sociétal et du développement durable. Certes, l’administrateur exécutif perçoit avant tout l’administrateur salarié d’abord comme un intermédiaire capable d’informer les salariés sur les choix stratégiques. Il pense aussi pouvoir utiliser ce relais pour former les salariés aux réalités de la gestion. Ensuite, il considère que l’administrateur salarié est le garant du « bon sens » qui assure une meilleure prise en compte des réalités de l’entreprise. La contribution et la validation du caractère réaliste des prises de décision sont donc reconnues aux administrateurs salariés. L’administrateur salarié pense, quant à lui, être à l’origine d’une meilleure prise en compte du capital humain dans les débats du Conseil. Ainsi, plus d’un sur deux d’entre eux se considèrent comme les porte-parole des réalités concrètes de l’entreprise à la fois au sein du Conseil et auprès des salariés. Face à cette valeur ajoutée potentielle apportée par la présence d’administrateurs salariés au Conseil, un administrateur exécutif sur deux met en avant des problèmes de franchise dans les discussions et 44% évoque une perte de confidentialité. Cette question de la franchise des débats et du respect de la confidentialité est largement désamorcée par les Secrétaires des Conseils d’Administration qui insistent sur l’importance du règlement intérieur et du dispositif légal de protection de la confidentialité des débats. En ce qui concerne la communication par les administrateurs salariés aux autres salariés, et les risques de perte de confidentialité nous pouvons souligner qu’il ne semble pas exister de risques là où le Président a fixé des règles « ad hoc » pour codifier ces éléments, notamment par l’intermédiaire du règlement intérieur du Conseil d’administration. Au final, seul un quart des administrateurs exécutifs et autres administrateurs déplore un risque d’altération des discussions stratégiques ce qui laisse une large part favorable à la contribution des administrateurs salariés aux débats du Conseil. 10 Bonnes pratiques Afin de préserver la gouvernance dans les structures de désignation des administrateurs salariés il est souhaitable de préciser les règles de désignation et la représentativité des élus des Fonds et Associations qui peuvent regrouper les droits des votes salariés actionnaires. Les modalités de communication entre l’administrateur salarié et ses “électeurs ” doivent être précisées au préalable, et par exemple, figurer dans le règlement intérieur du Conseil. Ceci concerne en particulier la possibilité de faire état des prises de position du Conseil. Cette communication ne viole pas la confidentialité des débats puisqu’elle rend compte d’une prise de position comme administrateur et ne trahit pas le secret des débats. Afin d’assurer la meilleure valeur ajoutée dans les travaux du Conseil d’administration par l’administrateur salarié, ce dernier doit disposer d’un niveau de connaissance de l’entreprise et de réseaux permettant à la fois une véritable connaissance des métiers au plan mondial et une remontée rapide de l’information y compris sur la concurrence. LES RESSOURCES MISES A LA DISPOSITION DES ADMINISTRATEURS SALARIES SONT SOUVENT INSUFFISANTES C omme tout administrateur, l’administrateur salarié doit démontrer son indépendance d’esprit et adopter un comportement consacré à l’intérêt social de l’entreprise. C’est d’autant plus vrai qu’il peut faire « peur » s’il est, de par son passé, lié au monde syndical. L’un des critères d’indépendance repose sur la mise à disposition de moyens lui permettant de réaliser une campagne électorale et d’informer les salariés de sa capacité à être un bon administrateur. A défaut, le réseau syndical avec ses moyens permanents existant à travers les budgets accordés aux représentants du personnel et au comité d’entreprise est le seul à pouvoir “nourrir” ces ambitions. L’enquête révèle qu’à l’occasion de leur campagne électorale, les candidats administrateurs bénéficient en général de la part de l’entreprise de ressources 11 matérielles (fax, Internet, ….) et de ressources financières, notamment pour couvrir leurs frais de déplacement. Toutefois un tiers d’entre eux ne profite d’aucune facilité pour préparer leur élection. Après leur élection/nomination, si 51 % des administrateurs salariés disposent d’une allocation de temps pour exercer leur mandat, 49 % n’en ont pas. Du coup, ces derniers se trouvent moins bien lotis qu’un représentant du personnel ou un membre de comité d’entreprise ou de CHSCT avec pourtant des temps de préparation et de présence aux Conseils d’administration et dans les comités spécialisés qui sont significatifs. De plus, 35 % seulement des administrateurs salariés reçoivent une formation, ce qui peut limiter les candidatures à des personnels disposant d’expertises financières : L’arrêté des comptes, la revue de l’information financière ou l’examen en séance du rapport du Président sur le contrôle interne étant des moments majeurs de la vie du Conseil d’administration. Enfin 23 % de l’échantillon ayant répondu indiquent que les administrateurs salariés ne bénéficient d’aucune facilité. Il serait donc important, si l’on veut accompagner la promotion du statut d’administrateur salarié, que les instances professionnelles et syndicales réfléchissent aux moyens minimaux nécessaires pour faire face à ces deux phases du mandat et proposent un cadre d’exercice réaliste. Cette réflexion doit être complétée par une exploration des modalités de sortie du Conseil d’administration car, comme pour les administrateurs “ classiques ”, il peut être souhaitable de procéder à une rotation des membres du Conseil. Jusqu’à présent les administrateurs salariés ont souvent été choisis parmi des salariés en fin de carrière pour éviter cette question. Mais cette situation évolue même si pour 44% des administrateurs salariés, aucune modalité de retour dans la hiérarchie n’est actuellement prévue en fin de mandat, ce qui pourrait altérer certaines déclarations d’intérêt. Bonnes pratiques La promotion de l’administrateur salarié passe par la mise à disposition par le Conseil de moyens de travail équivalents à ceux offerts à un administrateur classique, le minimum étant une allocation de temps. De plus les facilités en terme de formation représenteraient un avantage et compléteraient l’offre 12 actuelle d’information et de formation des seules instances syndicales. Les modalités de la campagne électorale doivent être organisées et supportées par l’entreprise si elle veut favoriser la diversité des candidatures. De même, afin de faciliter l’émergence de talents, leur diversité et leur jeunesse, un aménagement de carrière contractuel serait souhaitable pendant la durée du mandat, comme cela existe déjà dans le droit du travail pour certains dispositifs de formation ou de création d’entreprise. LES ARGUMENTS JUSTIFIANT L’ABSENCE D’ADMINISTRATEURS SALARIES NE CONSTITUENT PAS UN OBSTACLE RADICAL D ans les Conseils accueillant des administrateurs salariés, une large part des administrateurs les voient au travail et sont convaincus de la valeur ajoutée apportée. Mais ce n’est pas le cas dans certains Conseils qui ne se sont pas posés la question de la présence d’administrateurs salariés. Contrairement aux idées reçues, la première raison évoquée pour ne pas avoir d’administrateur salarié au sein du Conseil n’est pas le syndicalisme, mais pour près d’un quart, la crainte potentielle des réactions des actionnaires à l’annonce d’une telle décision. Viennent ensuite l’impossibilité pour un administrateur salarié de se détacher de sa position de salarié - 21 %-, le manque de compétence, de formation et de pertinence -20 % - et l’irréversibilité de la décision - 20 %. Le poids syndical n’est mis en avant que par 17 % des répondants et le manque d’indépendance par 11 % ce qui dénote une maturité réconfortante de notre panel. Dans les domaines d’intervention potentiels qui pourraient bénéficier de la valeur ajoutée de ce type, un peu nouveau, d’administrateur la stratégie des Ressources Humaines – 35 % -arrive en tête, la stratégie générale et l’intérêt sociétal viennent ensuite. Ces domaines de valeur ajoutée reconnus de manière spontanée sont donc proches de ceux des Conseils où siègent déjà des administrateurs salariés. De plus, les questions stratégiques croissantes en terme de capital humain vont rendre nécessaire la mobilisation des expertises indispensables dans ce domaine. La porte semble donc ouverte pour cette réflexion quant à l’entrée au Conseil d’administrateurs salariés. Mais alors pourquoi ne pas le faire ? 13 Dans 76 % des cas, la question de la présence d’un ou plusieurs administrateurs salariés n’a pas été posée au sein du Conseil. On pourrait donc conclure que ce constat de carence n’est probablement pas la résultante d’une résistance “dure” au changement ou d’une peur de la représentation syndicale au Conseil d’administration, mais plutôt de la crainte de mettre en place un processus mal maîtrisé. La clarification de la réversibilité possible de la décision d’introduction des administrateurs représentant les salariés dans les statuts devrait lever ces résistances. Bonnes pratiques Poser régulièrement la question de la présence d’administrateurs salariés au Conseil d’administration et comparer avec les pratiques du secteur est un exercice de réflexion sur le mode de fonctionnement du Conseil et sa connaissance interne de l’entreprise et des hommes. Proposer d’utiliser dans un premier temps un cadre contractuel à titre d’essai peut être un moyen de tester la validité de la contribution d’un administrateur salarié. La modification statutaire en Assemblée générale pour la mise en place ou la suppression du statut d’administrateur salarié définissant ses modalités de désignation, d’exercice du mandat ou de cessation des fonctions, démontrent une maturité dans les relations entre « stakeholders » qui vaut la peine d’être testée. SUSCITER LES CANDIDATURES PARMI LES SALARIES L ’un des principaux obstacles au développement du statut d’administrateur salarié est certainement la faiblesse du nombre des candidatures. Ce niveau de mobilisation est certes cohérent avec les faibles taux de participation des salariés aux élections des représentants du personnel. Nous avons constaté et démontré lors des discussions du groupe de travail que le mandat d’administrateur ne couvre pas la même réalité. Le programme d’un administrateur salarié se limite à défendre l’intérêt social envers et contre tout, alors qu’un représentant des personnels mettra en avant la défense des salariés même contre l’intérêt social. Cet aspect asynchrone entre ces deux mandats n’est peut être pas assez connu. 14 Les conditions de réintégration en fin de mandat ne sont pas claires, alors que la qualité de salarié protégé est acquise pour tout représentant du personnel. Il est donc nécessaire de rendre lisible et attractive la position d’administrateur salarié qui est parfois confondue, à tort, avec les autres mandats de représentation salariale exercés au sein des comités d’entreprise ou du mouvement syndical. Enfin les syndicats - y compris patronaux - mis à part la CFE-CGC (Confédération Générale des Cadres), n’ont pas précisé clairement leur position quant à leurs modalités de participation au dispositif d’administration de l’entreprise dans le respect de l’intérêt social. A l’heure actuelle, nous en sommes souvent à des effets d’annonce sur d’importantes opérations d’actionnariat salarié. Le fonctionnement réel des Fonds Communs de Placement n’est pas totalement satisfaisant, notamment au niveau international et ne démontre pas un véritable engagement permettant une contribution à l’exercice du pouvoir dans l’entreprise, au-delà des accessoires de rémunération sous forme d’actions. Il reste donc beaucoup à faire pour favoriser la présence d’administrateur salarié et la représentation de l’actionnariat salarié. Bonnes pratiques Les Conseils d’administration par la voix des comités de rémunération et de nomination des administrateurs doivent contribuer à une meilleure information sur les administrateurs salariés, notamment, auprès de l’Assemblée générale des actionnaires. Ils doivent également veiller à la mise en place par la Direction générale d’une information des salariés sur ce type de représentation. Les structures de détention du capital des salariés doivent être un modèle de gouvernance et notamment de participation aux Assemblées générales par tout moyen pour permettre une véritable expression d’actionnaire. 15 7 PROPOSITIONS POUR FACILITER L’ACCES A CET ATOUT DE gouvernance 1 Contribuer à la rédaction pour faciliter la publication des décrets d’application de la loi NRE, dite Fabius et permettre le fonctionnement du mécanisme obligatoire de désignation d’administrateurs salariés en cas de dépassement du seuil de 3% du capital détenu par les salariés. Recommander la clarification pour l’Assemblée générale des actionnaires des modes de désignation et de nomination des administrateurs salariés actionnaires, notamment lorsque ceux-ci sont issus de structures de représentation des salariés type FCPE et inscrire dans les bonnes pratiques la présentation de plusieurs administrateurs salariés avec le descriptif des candidatures pour permettre un vote effectif. Faciliter les conditions dans lesquelles les administrateurs salariés sont nommés, exercent leur mandat puis le quittent en leur donnant les moyens nécessaires pour contribuer en toute indépendance aux travaux du conseil et définir les moyens minimaux d’une bonne pratique : impression des professions de foi lors de la campagne et accès à un medium de communication, aménagement du temps de travail, charte de l’administrateur, facilitation de l’accès à l’information sur la fonction et sur la société, formation, accès à un secrétariat, accès aux voyages d’étude, vademecum de l’administrateur salarié … En l’état actuel de la législation, renforcer l’information des actionnaires sur le c.v. des administrateurs salariés. Organiser au niveau du comité de sélection et de rémunération des administrateurs une information complète de l’Assemblée générale des actionnaires sur les candidats au poste d’administrateur salarié pour permettre son vote. Pour les entreprises qui n’ont pas d’administrateur salarié, reconnaître comme bonne pratique, dans le cadre du rapport annuel à l’Assemblée générale sur le contrôle interne et notamment le paragraphe sur l’évaluation des travaux du Conseil, l’explication par le Président de l’absence d’administrateur salarié dans son Conseil Rechercher de manière volontaire les dispositifs contractuels permettant une mise en place des administrateurs salariés adaptée aux spécificités de chaque entreprise ; les dispositifs ayant fait leurs preuves à l’étranger peuvent permettre la conduite de cette réflexion 2 3 4 5 7 Demander officiellement aux syndicats de prendre position sur le sujet. Institut Français des Administrateurs 27 avenue de Friedland 75382 PARIS cedex 08 Tel : 01 55 65 81 32 [email protected] www.ifa-asso.com Réalisation IFA C.Decortiat février 2006 Credits photo: photothèque IFA 6