La procédure du droit de préemption

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La procédure du droit de préemption
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LES FICHES TECHNIQUES
URBANISME
DU JOURNAL DES MAIRES
La procédure du droit de préemption
Le droit de préemption permet à une collectivité territoriale d’acquérir en priorité
un bien immobilier mis en vente par un particulier ou une entreprise, dans le but
de réaliser des opérations d’aménagement urbain.
1. LES CONDITIONS D’EXERCICE
DU DROIT DE PRÉEMPTION
Préalablement, la commune doit instituer, par une délibération, un droit de préemption définissant les zones à
préempter pour sa localité. En effet, ce droit doit être
exercé en vue de la réalisation d’opérations d’aménagement urbain d’intérêt général (création d’équipements
collectifs, lutte contre l’insalubrité, renouvellement urbain...). Le droit de préemption peut être exercé sur les
terrains de toute nature mais aussi sur les bâtiments tels
que les appartements, les maisons individuelles, les commerces, etc. La délibération instituant un droit de préemption doit faire l’objet d’un affichage en mairie pendant
une durée d’un mois, et d’une insertion dans des journaux
diffusés dans le département. Enfin, si le droit de préemption est généralement exercé par la commune, il peut
néanmoins être délégué à l’Etat, à un établissement public
ou à une société d’économie mixte. Ainsi, le conseil municipal peut déléguer sa compétence au maire, en application du 15° de l’article L. 2122-22 du Code général des
collectivités territoriales. Il revient donc au conseil municipal de décider du contenu de la délégation qu’il consent
au maire, et ce avec une précision dite « suffisante »,
comme le précise la jurisprudence du Conseil d’Etat.
2. LA RÉALISATION
DE L’OPÉRATION DE PRÉEMPTION
A. Le préalable : la déclaration d’intention
d’aliéner (DIA)
Le plus souvent, le vendeur va ainsi adresser sa déclaration d’intention d’aliéner à la commune après avoir défini
les conditions de la vente avec un autre acquéreur potentiel. La conclusion d’un compromis de vente peut être
réalisée mais, sous la condition suspensive du non-exercice du droit de préemption par la commune. Cette déclaration doit être faite au moyen d’un formulaire Cerfa
accompagné des pièces justificatives. En pratique, cette
démarche est réalisée par le mandataire du vendeur (notaire ou agent immobilier).
B. La décision de préempter ou non le bien
Dès réception de la déclaration d’intention d’aliéner, la commune doit faire appel au service des Domaines afin qu’il
évalue le prix du bien à préempter en fonction des prix du
marché et des transactions récemment effectuées. Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l’avis du service
des Domaines sur le prix de l’immeuble dont il envisage de
faire l’acquisition dans les conditions fixées par l’article
R. 213-21 du Code de l’urbanisme. L’avis du service des Domaines doit être formulé dans un délai d’un mois à compter
de la date de réception de la demande d’avis. Passé ce délai,
il peut être procédé librement à l’acquisition. Il convient de
noter en la matière que la commune n’est pas tenue de se
rallier au prix proposé par le service des domaines.
Cependant, si elle décide d’un prix d’achat supérieur, la
délibération devra être motivée. La décision de préemption doit mentionner l’objet pour lequel le droit est exercé
en visant une des actions ou opérations d’aménagement
et en détaillant le projet poursuivi.
Aussi, le bénéficiaire du droit de préemption dispose d’un
délai de deux mois pour prendre sa décision à compter de
la réception de la DIA (art. L. 213-2, R. 213-8 et R. 213-9).
Pour que la décision de préemption soit valable, il est nécessaire de le faire avant l’expiration du délai mais également qu’elle soit reçue avant cette expiration. Enfin, cette
décision doit être transmise en préfecture pour devenir
exécutoire avant l’expiration du délai.
L’article R. 213-8 du Code de l’urbanisme prévoit trois cas
possibles :
 la commune renonce expressément ou tacitement à
l’exercice de son droit de préemption. Dans ce cas, la
renonciation est définitive. Le vendeur peut alors vendre
son bien à l’acquéreur de son choix ;
 la commune décide d’acquérir le bien aux conditions et
prix fixés dans la DIA. La vente est alors considérée
comme définitive et le paiement du prix doit intervenir
dans les six mois (art. L. 213-14) ;
 la commune offre d’acquérir le bien à un prix qu’elle a
fixé. En cas de maintien du prix, la commune peut soit
renoncer soit saisir le juge de l’expropriation. La commune dispose d’un délai de quinze jours à compter de
la réception de la réponse du propriétaire pour saisir le
juge de l’expropriation. A défaut, la commune sera réputée avoir renoncé à exercer son droit de préemption
(art. R. 213-11). Si la commune juge le prix trop élevé,
elle doit notifier sa contre-proposition au propriétaire
et l’informer qu’à défaut d’acceptation, il sera demandé
une fixation judiciaire du prix au juge de l’expropriation
(art. R. 213-8). Dans ce cas, elle dispose d’un délai de
deux mois pour proposer un autre prix au vendeur par
lettre recommandée avec avis de réception.
Le vendeur dispose à son tour d’un délai de deux mois suivant réception de l’offre pour notifier à la commune (art.
R. 213-10) :
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La procédure du droit de préemption
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 Son acceptation de l’offre et sa décision de vendre au
prix proposé par la commune. Il s’agit bien sûr de l’hypothèse la plus simple, suivie de quelques formalités
que sont la passation d’un acte authentique à faire
établir dans les 3 mois suivant l’acceptation du vendeur (art. R. 213-12 alinéa 1) et le paiement de la transaction réalisé dans les six mois suivant acception par
le vendeur de la contre-proposition (art. L. 213-14).
 Sa renonciation à vendre son bien. Dans ce cas, la procédure s’interrompt dès que le bien est retiré de la
vente. Pour autant, celui-ci reste soumis au droit de
préemption. Aussi, lorsque le propriétaire souhaitera
à nouveau le mettre en vente, il devra se soumettre à
la procédure en envoyant une nouvelle DIA.
 Son intention de maintenir le prix et son accord sur
saisine du juge (art. R. 213-10). Il est à préciser ici que
le silence du propriétaire dans les deux mois vaut renonciation à la vente. A ce point de la procédure, l’on
rentre dans le cas de figure le plus défavorable aux
deux parties puisqu’il s’agit de saisir le juge de l’expropriation pour la fixation judiciaire du prix (cf. ci-dessous).
En cas de procédure, donc, en cas de désaccord sur le
prix, la compétence revient au juge de l’expropriation
qui intervient pour fixer le montant de la transaction en
vertu de l’article L. 213-4. Le juge est saisi dans les quinze
jours suivant réception de la réponse du vendeur, par lettre recommandée adressée au secrétariat du tribunal de
grande instance accompagnée du mémoire introductif
d’instance en double exemplaire. Si le délai de quinze
jours n’est pas respecté, la commune est réputée renoncer
à exercer son droit. Enfin, une somme correspondant à
15 % de l’évaluation faite par le directeur des services fiscaux doit être consignée. L’acte de saisine du juge et
l’évaluation du bien constituent les pièces justifiant la
consignation (art. L. 213-4-1).
Une fois le prix définitivement fixé par le juge, les parties
disposent d’un délai de deux mois pour accepter le prix
ou renoncer à la transaction (art. L. 213-7). Mais, en cas
de désaccord sur le prix, le propriétaire du bien peut encore retirer celui-ci de la vente en cours de procédure
(art. L. 213-7). En effet, la jurisprudence a précisé que
tant que le titulaire du droit de préemption n’a pas accepté le prix proposé, le propriétaire peut renoncer à son
intention d’aliéner.
Enfin, lorsque les parties sont parvenues à un accord sur
le prix, la commune dispose d’un délai de six mois à
compter de la signature de l’acte notarié pour régler le
paiement de la vente. Dès lors, le propriétaire est tenu
d’en informer le locataire par lettre recommandée avec
avis de réception.
Le locataire peut à tout moment déclarer à la commune
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son intention de résilier le bail. La commune est alors tenue de lui verser les indemnités auxquelles il peut prétendre, notamment celles qui peuvent lui être dues à raison des améliorations qu’il a apportées au logement.
Une décision, instituant un droit de préemption,
peut faire l’objet d’une demande d’annulation,
notamment lorsque la décision de préemption
est insuffisamment motivée par la commune. La demande
d’annulation doit être présentée devant le tribunal administratif dans un délai de deux mois à compter de l’affichage
de la décision en mairie. De même, l’éventuel acquéreur
écarté peut demander l’annulation de la décision de
préemption dès lors qu’il est titulaire d’un compromis de
vente. La principale conséquence de l’annulation d’une décision de préemption est que la commune est considérée
comme n’ayant jamais décidé de préempter. La commune
peut être condamnée à verser des dommages et intérêts
au propriétaire pour réparer le préjudice subi en raison du
fait qu’il n’a pu disposer de la somme qu’il aurait pu obtenir
de la vente pendant la période courant de la décision illégale
de préemption à la date de retrait de cette décision.
3. LA REMISE EN CAUSE DU BIEN PRÉEMPTÉ
La commune doit se conformer au motif invoqué dans sa
décision de préemption et affecter le bien à l’objet cité.
Mais l’ancien propriétaire et l’acquéreur évincé ont un
droit de regard sur l’utilisation qui est faite par la commune
du bien préempté. Si l’ancien propriétaire ou l’acquéreur
évincé constatent que le bien acquis depuis moins de cinq
ans a été utilisé à d’autres fins que celles indiquées lors de
la décision de préemption, ils peuvent faire valoir leur droit
de rétrocession, c’est-à-dire demander à la commune de
leur céder à nouveau le bien.
Cette demande de rétrocession est également possible
lorsque la commune n’a pas versé le prix de la vente dans
le délai de six mois à compter de la signature de l’acte notarié. L’offre de rétrocession doit préciser le prix de vente
proposé et être notifiée en priorité à l’ancien propriétaire
par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.
L’ancien propriétaire dispose d’un délai de deux mois pour
faire connaître sa décision d’acceptation, de renoncement
ou de rachat du bien. A défaut d’accord amiable dans les
deux mois, l’une des parties peut saisir le juge.
Florence Idoine
RÉFÉRENCES JURIDIQUES
 Articles à consulter du Code de l’urbanisme :
L. 213-1 et suivants, L. 311-3, R. 213-1 à R. 213-19.