TOXOPLASMOSE ET LA FEMME ENCEINTE AU
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TOXOPLASMOSE ET LA FEMME ENCEINTE AU CONGO Bilan de 5 ans de dépistage (1986-1990) M. MAKUWA, M. LECKO, B. NSIMBA, J. BAKOUETELA, J. LOUNANA-KOUTA RESUME MATERIEL ET METHODE La toxoplasmose est une infection généralement inapparente chez le sujet sain, qui devient grave chez la femme enceinte, car elle provoque des foetopathies graves. La prévalence de la toxoplasmose parmi 2 897 femmes examinées s’élève à 60 % pendant la période de 5 ans (1986-1990). E n v i ron 5,4 % des femmes, dont la sérologie était négative, se contamineront pendant leur grossesse. Tous âges sont concernés, car nous trouvons 40 % environ des femmes non immunisées contre la toxoplasmose dans toutes les tranches d’âge. Un ef f o rt doit être fait pour faire pratiquer un dépistage précoce de cette infection, accessible à toutes les couches sociales de la population, de femmes enceintes en particulier. 2 897 femmes enceintes ont été soumises à la recherche des anticorps anti-toxoplasmiques (IgG et IgM) lors de leur bilan prénatal pendant la période de 5 ans (1986-1990). Nous avons effectué la recherche des IgG anti-toxoplasmiques par la technique d’hémaglutination indirecte (TOXQHA-KIT, Bio Mérieux) sur deux prélèvements de 21 jours d’intervalle. Le seuil de positivité retenu était la dilution au 1/20. Le titre était exprimé soit en unités hémaglutinantes (UHA), soit en unités internationales (UI) en présence d’un témoin positif titré en UI. INTRODUCTION La toxoplasmose est dûe à un parasite Toxoplasma gondii. En général, la contamination se fait par le chat, par l’ingestion de viande contaminée mal cuite ou par des légumes souillés, mal lavés. La toxoplasmose est une infection en général inapparente, grave chez la femme enceinte, dans la mesure, où elle constitue un danger pour le foetus ou le nouveau-né. Ainsi, elle doit faire l’objet d’un diagnostic précoce. Ce diagnostic repose sur la recherche des IgG et des IgM anti-toxoplasmiques, pour statuer sur une infection évolutive, sur une immunisation récente ou ancienne de la femme. Nous nous proposons d’étudier et discuter l’évolution de la prévalence de l’infection toxoplasmique chez la femme enceinte pendant la période de 5 ans (1986-1990) à Brazzaville avec nos moyens de dépistage. La recherche des IgM a été pratiquée : . par l’hémaglutination indirecte avec un traitement préalable des sérums par 2 mercapto-ethanol (2 ME), . par la technique ISAGA (Immunosorbent Agglutination Assay-Bio Mérieux). L’interprétation des résultats était la suivante : IgG IgM Interprétation - - absence d’immunité, contrôle à 6 mois et à 8 mois ou tous les mois selon l’avis du médecin - + toxoplasmose évolutive ou immunisation récente + + évolutive avec 2° titre 2x supérieur au 1° + titre élevé - immunisation récente probable non évolutive + titre bas - immunisation ancienne RESULTATS L’aperçu général sur l’immunisation de la femme enceinte vis-à-vis de la toxoplasmose pendant la période de 5 ans est mentionné dans le tableau 1. Laboratoire National de Santé Publique, B.P. 120 Brazzaville, Congo. Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (7) M. MAKUWA, M. LECKO, B. NSIMBA, J. BAKOUETELA, J. LOUNANA-KOUTA 494 TABLEAU 1 Immunisation anti-toxoplasmique de femmes enceintes au cours de 5 années Années % N° négatives <= 20 UHA immunisées > 20 UHA >= 25 UI 1986 434 41,5 58,5 1987 445 42,7 57,3 1988 809 42,2 57,8 1989 678 33,6 66,4 1990 531 41,4 58,6 Total 2 897 40 60 Nous avons trouvé 40 % de femmes enceintes négatives, non immunisées contre la toxoplasmose ainsi susceptibles à se contaminer pendant leur grossesse. Le dépistage des IgM a été effectué sur 1 738 femmes trouvées positives en IgG. Les femmes négatives dans l’intervalle de 21 jours ont été appelées à se soumettre à des contrôles à 6 mois et à 8 mois de leur gestation. Dans le tableau 2, nous avons résumé la prévalence en IgM avec la technique utilisée. TABLEAU 2 Prévalence des IgM anti-toxoplasmiques chez 1 738 femmes enceintes Année N° IgM (%) Technique 1986 254 1,2 2 ME 1987 255 4,3 2 ME 1988 468 4,3 2 ME 1989 450 6,6 2 ME, ISAGA 1990 311 6,1 2 ME, ISAGA Total 1738 5,4 Deux techniques ont été utilisées dans nos laboratoires au cours des années 1989 et 1990. Nous avons trouvé quelques discordances pour les sérums dont les titres d’IgM étaient aussi peu élevés que ceux des IgG et ainsi par la technique de 2 mercapto-ethanol non décelables. Nous avons évalué, dans notre étude, à 5,4 % le nombre des femmes enceintes, dont la sérologie était négative avant la grossesse ou au cours du premier dépistage, Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (7) et, qui se contamineront pendant leur grossesse. Nous avons voulu également déterminer la tranche d’âge des femmes qui se présentent le plus souvent pour le dépistage, ainsi que déterminer l’âge approximatif de leur immunisation. Nous avons pu connaître l’âge de 2 270 femmes et déterminer la prévalence de leur immunisation en fonction de leur âge (tableau 3). TABLEAU 3 Immunisation anti-toxoplasmique en fonction de l’âge de 2 270 femmes enceintes Age années Négatives (%) Immunisées (%) Total 15-19 37,5 62,5 104 20-24 41,5 58,5 431 25-29 42,8 57,2 740 30-34 43,8 56,2 664 >= 35 40,5 59,5 331 Total 42,3 57,7 2 270 Nous n’avons pas observé de différence significative pour l’immunisation des femmes enceintes en fonction de tranches d’âge. La majorité de gestantes qui se sont présentées pour le dépistage se situait entre 25 à 34 ans. L’âge approximatif de leur immunisation se situe très probablement avant l’âge de 20 ans. DISCUSSION La toxoplasmose, infection généralement inapparente chez le sujet sain, devient grave chez la femme enceinte, car elle est responsable des foetopathies, lorsque la mère est contaminée au cours de la grossesse (1, 6, 8, 9). Ainsi, pour éviter toute embryopathie ou foetopathie, un premier examen de dépistage doit être pratiqué avant le 3e mois de gestation. Quelques difficultés sont rencontrées en milieu africain. Une faible importance donnée au dépistage précoce. Les femmes se présentaient généralement et en grande majorité après le 3e mois de gestation, parfois même deux ou trois semaines avant l’accouchement. Le coût de l’examen est élevé et n’est pas toujours accessible à toutes les classes sociales. TOXOPLASMOSE ET LA FEMME ENCEINTE AU CONGO 495 La population de femmes enceintes de Brazzaville est multinationale avec des préférences alimentaires très variées. Très peu de foyers congolais possède un chat, par contre chez les commerçants ouest-africains, dans chaque magasin, nous pouvons en rencontrer un ou deux. Les conditions de la contamination sont donc largement réunies. Selon les études déjà menées en Afrique Noire, la prévalence au Congo en 1958 était de 10,27 % (9), en 1985 déjà 58,6 % de la population de femmes enceintes étaient immunisées contre la toxoplasmose (6). Les prévalences concernant les femmes enceintes varient d’un pays à l’autre : 18 % au Sénégal en 1971 (2), 53,6 % au Togo en 1976 (4), 35 à 60 % en 1975 de nouveau au Sénégal et en Haute Volta (3) et 34 % à Bamako en 1983 (7). Les travaux menés en France sur la population des immigrées en général ont donné des résultats voisinant à 60 % (5). Nous remarquons également, dans notre étude, qu’au Congo cette prévalence est très élevée (60 %). Il reste à souligner que 40 % de nos gestantes sont négatives, non immunisées et ainsi susceptibles à se contaminer. Nous avons évalué à 5,4 % le nombre de femmes dont la sérologie est négative et qui contracteront la maladie durant leur grossesse. Une étude menée en France sur les femmes enceintes migrantes a fait la même évaluation (5). La technique du traitement des sérums par le 2 mercapto- ethanol (2 ME) est une technique simple et également moins coûteuse. Elle présente quand même quelques risques d’erreurs. Selon la littérature (1) ces risques sont probablement causés par une dépolymérisation incomplète des molécules d’IgM, ou par une fixation sur l’antigène des monomères obtenus. L’interprétation est quelquefois difficile lorsque les titres, avant le traitement par 2 ME, ne sont que peu élevés. Par contre, la technique ISAGA est plus sensible utilisant la suspension de toxoplasmes qui permet une agglutination en présence des IgM antitoxoplasmiques spécifiques dans le sérum. Cette technique est très performante, mais son coût élevé rend le dépistage plus coûteux et ainsi difficilement accessible à la population toute venante. CONCLUSION Tous ces résultats obtenus nous amènent à penser que la toxoplasmose est une maladie très répandue dans les pays africains et qu’elle nécessite un intérêt particulier des autorités sanitaires du pays. Un effort doit être fait pour instaurer le dépistage précoce de cette maladie, et, pour le rendre accessible à toutes les couches de la population de femmes enceintes pour prévenir les foetopathies et embryopathies graves. BIBLIOGRAPHIE 1 - P. AMBROISE-THOMAS, J.P. GARIN Toxoplasmose. Encycl. Med. Chir. Paris, Maladies infectieuses, 8098, A10 4-1984. 2 - J.P. GARIN et coll. Recherche épidémiologique sur la Toxoplasmose humaine et animale au Sénégal. Med. Afr. Noire 1971, 18, 751-776. 3 - M. GONAND et coll. La toxoplasmose en Afrique Noire. Notre enquête sérologique en Haute Volta et au Sénégal. Ann. Med. Nancy 1975, 14, 637-646. 4 - J. LAPIERRE et coll. Première enquête séro-immunologique sur la Toxoplasmose au Togo. Bull. Soc. Path. Exot. 1976, 69, 446-470. 5 - J.P. LEMORT et coll. Sérologie de la Toxoplasmose chez les femmes enceintes migrantes. Enquête à la maternité du CHR de Nantes. Med. Afr. Noire 1988, 35, 2, 95-98. 6 - M. MAKUWA et coll. Intérêt du diagnostic précoce de la Toxoplasmose et de la rubéole chez la femme enceinte. Journées Portes Ouvertes au Laboratoire National de Santé Publique - Centenaire de l’Institut Pasteur de Paris déc. 1987 Brazzaville Congo (présentation orale). 7 - Y. MAIGA et coll. Toxoplasmose à Bamako (République du Mali). Prévalence de l’affection chez les femmes en âge de procréer. Med. Trop. oct-déc. 1984, vol 44, n°4, 319-322. 8 - O. THALHAMMER Infections avant et à la naissance : toxoplasmose et cytomégalovirose. Bull. Behring Biol. 1982, 32, 165-177. 9 - P. THIMOSSAT Epidémiologie de la toxoplasmose en zone tropicale et subtropicale. Med. Afr. Noire 1985, 32, 5, 209-224. Médecine d'Afrique Noire : 1992, 39 (7)