(Paris-Diderot) : Introduction à la 2de année du séminaire

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(Paris-Diderot) : Introduction à la 2de année du séminaire
17 octobre. Florence Dupont (Paris-Diderot) : Introduction à la 2de année du
séminaire, « A chacun ses écarts ».
Répondants : Pierre Vipérin (Anhima) et Pierre Zaoui (Paris-Diderot)
Voici la deuxième année de ce séminaire collectif sous le titre Antiquité,
territoire des Ecarts. Le titre de cette introduction « A chacun ses écarts » rappelle
que nous n’avons pas défini une catégorie pure et dure « l’écart ». Nous sommes
tous simplement d’accord pour faire de nos savoirs sur l’Antiquité un espace décalé,
permettant d’inventer de nouvelles questions sur le monde contemporain, ou
d’aborder différemment des questions contemporaines. L’écart fait référence au
regard éloigné, et à l’anthropologie historique. Nous cherchons tous dans l’Antiquité
des lieux de différence, d’autres y cherchent des ressemblances. Un des avantages
de la différence est qu’elle est productive intellectuellement. Elle évite de rester entre
nous si parfaits, si éternels. Chacun d’entre nous construit son écart comme il
l’entend. On le verra au cours du séminaire.
La métaphore de l’espace, du territoire, indique que nous n’appréhendons pas
l’Antiquité comme une période historique ni comme une origine, mais comme un
ensemble de savoirs contemporains discontinus englobés sous le terme traditionnel
d’Antiquité. Antiquités qu’il faut mettre au pluriel, car différentes Antiquités ont été
élaborées au cours des siècles et selon les pays. L’Antiquité de Racine n’est pas
celle de Shakespeare, l’Antiquité de Giraudoux, celle de Hölderlin, pour ne parler que
de littérature. Il en est de même des historiens que ce soient Gibbon, Momigliano,
Vidal-Naquet.
Puisque chacun a ses écarts, je voudrais présenter quelques réflexions sur ma
propre façon de pratiquer l’écart, réflexions qui font suite aux séminaires de l’an
dernier, et aux journées d’études qui ont eu lieu en avril 2013 à Paris-Diderot dans le
cadre de l’Institut des Humanités de Paris
Je voulais essayer de répondre à deux questions récurrentes et, je crois,
fondamentales pour notre projet, par des propositions offertes à la discussion.
La première est en direction des philosophes et des théoriciens en général :
- Créer des concepts en utilisant des catégories à partir de termes grecs ou
latins, comme métis, nomos, sacer, uates, carmen ne serait-ce pas justement une
pratique de l’écart ? Une façon de prendre une distance par rapport au monde
contemporain en se situant dans la culture antique et revenir questionner ce monde
contemporain, grâce à ces catégories extérieures ? Ou bien une façon
d’essentialiser des catégories culturelles, de se situer dans un universel humaniste
dont l’Antiquité est une fois encore le langage ?
La seconde est en direction des anthropologues de l’Antiquité et des historiens
en général :
- La notion d’Ecarts indique que pour nous l’Antiquité est autre, sur le modèle
anthropologique, mais aussi qu’elle est nous, car elle est omniprésente dans le
monde contemporain comme référence identitaire et origine. Si nous refusons
l’illusion généalogique, la linéarité du grand récit de l’Occident, quel mode de
présence assignons-nous à notre connaissance anthropologique et historique de
l’Antiquité ?
Finalement, afin de laisser du temps aux réponses et à la discussion je m’en
suis tenue à la première question.
L’hospitalité selon Jacques Derrida.
Derrida crée un concept général, abstrait, qu’il désigne d’un terme français
« hospitalité », puis qu’il fait travailler dans le présent à partir du terme grec ancien
xenia. Son but est de s’attaquer à la question contemporaine de l’immigration.
Dans ses différents écrits sur l’hospitalité, Derrida place l’hospitalité grecque à
l’origine d’une tradition gréco romaine, puis judéo-chrétienne qu’il prolonge jusqu’à
Kant et Hegel.1 Il fabrique comme s’il allait de soi un grand récit de l’hospitalité en
Occident. Sa généalogie s’arrête au XIX ème siècle quand l’hospitalité est désormais
une pratique en voie de disparition dans l’Europe moderne. Nous pratiquons
aujourd’hui l’invitation entre proches, nos gouvernements européens ont des
politiques de l’immigration, réglementées par des lois. C’est pourquoi Derrida ne
pouvait pas raisonner à partir d’une pratique moderne, occidentale.
Ce premier processus d’abstraction transhistorique lui permet de poser une
« hospitalité » qui part de pratiques culturelles anciennes pour se fixer dans des
concepts philosophiques plus récents. Il appelle cette « hospitalité », xenia. Il utilise
un terme grec pour dire une pratique qui est « déterritorialisée » selon un terme de
Deleuze mais qu’il va enraciner dans ses origines grecques.
Derrida voit dans cette hospitalité historique, une hospitalité « concrète », qu’il
appelle conditionnelle. Une hospitalité qui ne se pratique pas avec n’importe qui, ni
n’importe comment. En fait ce n’est pas une pratique réelle, pas même un ensemble
de pratiques réelles, mais déjà un concept qui se réaliserait de façons diverses de
Platon à Hegel.
Derrida cherchera ensuite « l’hospitalité sans condition », c’est-à-dire l‘essence
du concept, un fois éliminées ses conditions de réalisation, c’est-à-dire ce qui en fait
une pratique. Il va faire cette opération à partir de la xénia, en partant d’un texte grec.
Les origines grecques qu’il a lui-même assignées au concept vont lui donner sa
dénomination et son contenu. Du moins en apparence parce qu’en fait il va toujours
raisonner sur la traduction française et non sur le terme grec, en glissant d’hôte à
xenos (son origine) et de xenos à étranger (sa traduction).
Pour se placer aux origines de l’hospitalité occidentale, Derrida s’installe chez
Platon, dans l’Apologie de Socrate (17d)2. Ce qui est déjà curieux, pourquoi ne pas
s’installer chez Homère ? Parce que Derrida va utiliser la traduction convenue de
xenos dans les dialogues de Platon par « étranger ». Ce qui n’est pas le cas chez
Homère
Socrate dans l’exorde de son discours, au début de l’Apologie dit qu’il n’a
jamais plaidé au tribunal et qu’il est comme un xenos par rapport mais au style
(lexis) des tribunaux, (non pas à la langue comme le veut Derrida). Ce premier
glissement montre chez Derrida une indifférence à la pratique (lexis) qu’il confond
avec un savoir (logos). Socrate parle la même langue que ses juges.
1
Jacques Derrida, De l’hospitalité,
ἀτεχνῶς οὖν ξένως ἔχω τῆς ἐνθάδε λέξεως. ὥσπερ οὖν ἄν, εἰ τῷ ὄντι ξένος ἐτύγχανον ὤν,
συνεγιγνώσκετε δήπου ἄν µοι εἰ ἐν ἐκείνῃ τῇ φωνῇ τε καὶ τῷ τρόπῳ (18a) ἔλεγον ἐν οἷσπερ
ἐτεθράµµην,
2
Que fait Derrida ? Il traduit « xenos » par « étranger » et interprète le texte à
partir de cette traduction, en utilisant la valeur du mot « étranger » en français et en
ignorant sa valeur en grec ancien. L’étranger et donc le xenos, devient l’autre, celui
qui ne sait pas parler la même langue que celui qui est en face de lui… Il est vrai que
xenos peut se traduire dans certains contextes par « étranger » mais dire « je suis
un xenos », ce n’est pas se présenter comme un étranger c’est certes dire « je ne
suis pas d’ici » mais suggérer en même temps que les conditions sont remplies pour
que Socrate soit reçu comme hôte, c’est-à-dire comme un proche. Xenos en grec
est souvent assimilable à philos. Si en français le terme « étranger » tire vers
l’altérité, en grec le terme xenos tire vers la proximité, parfois même l’identité. Ce qui
invalide toute la spéculation de Derrida.
En ramenant le sens de xenos à celui d’étranger, Derrida supprime la
dimension pragmatique de la phrase de Socrate, la composante de proximité
qu’implique sa rhétorique plutôt banale, Etant l’hôte du tribunal, il est leur concitoyen
mais un concitoyen qui se présente comme maladroit dans l’exercice de la rhétorique
que les juges sont censés avoir en partage et en fait un argument en sa faveur. Ce
que la rhétorique une captatio benevolentiae. Socrate crée ainsi une proximité de
l’ordre de la philia. C’est-à-dire le contraire même de l’altérité. Cette proximité est va
jusqu’a l’identité dans la langue par la symétrie de xenos/xenos, désignant aussi bien
l’accueillant que l’accueilli.
Socrate n’est pas un demandeur d’asile qui ne sait pas l’italien. C’est un orateur
qui joue de la valeur de reconnaissance qu’implique son jeu avec le terme de xenos.
Une fois accompli ce tour de passe passe Derrida va toujours employer xenos
et étranger indifféremment, pour lui le xenos est toujours l’accueilli, il supprime la
symétrie entre l’hôte et l’hôte, cette réciprocité et cette identité constitutive de la
xenia.
Ensuite à l’intérieur du français, il assimile l’étranger à l’Autre. Ne doute pas
un instant que l’altérité soit constitutive de l’étranger, qu’elle soit une donnée
première, son essence. Puis après avoir identifié l’hospitalité avec la rencontre de
l’Autre, nouvelle abstraction théorique qui donne une essence à l’hospitalité, Derrida
peut inventer une catégorie transcendantale « l’hospitalité sans condition ». Ou
encore « visitation » (je résume) Impraticable car elle supposerait que celui qui
accueille livre tout ce qu’il a et tout ce qu’il est à l’Autre, abolition de l’Altérité, mais
qui selon Derrida est nécessaire pour fonder les pratiques réelles de l’accueil de
l’Autre. De même que le concept de loi est nécessaire pour qu’il y ait des lois. Enfin il
fait de cette hospitalité inconditionnelle le fondement de toute civilisation car elle
conditionne toute ouverture à l’altérité. C’est pourquoi il faut accueillir les immigrés…
sous certaines conditions…
La critique principale qu’on peut faire à Derrida est de s’abstraire de toute
réalité concrète, ce qu’il appelle les conditions quand il a affaire à une pratique
sociale et culturelle, pour en retrouver l’essence. Il reste dans la sémantique du mot,
réduit à un sens, sa traduction et en ignore l’a pragmatique qui en fait apparaître les
valeurs. Valeurs qui peuvent être complémentaires et contradictoires. Ainsi xenios
est toujours à la fois l’étranger et le proche.
Dans le mes esprit généalogique, il fait référence à Emile Benveniste, Le
vocabulaire des Institutions européennes, vol. 1, ch. 7 Editions de Minuit, 1969.
Mais il n’a pas pris en compte ce que le linguiste dit vraiment et qui va contre ses
affirmations : à savoir que le xenos n’est pas une forme particulière d’étranger et que
ce qu’il appelle les conditions de l’hospitalité c’est toute la relation de xenia.
Rappelons ce qu’écrit Benveniste dans son étude du grec xenos et du latin
hospes :
1. Etymologie d’hospes composé de host et -pet –s racine de posse est un
dérivé d’hostis. Il faut donc prendre en charge les deux mots, traduits par hôte et
ennemi.
Cic. Phil. 12 Quem cum Scato (général des Marses) salutasset, 'Quem te
appellem?' inquit. At ille : "Voluntate hospitem, necessitate hostem", : "quel nom doisje te donner?" - "Ton hôte par inclination, répondit-il (= Pompée), ton ennemi par
nécessité."
L’épisode se place pendant la guerre sociale, entre des ennemis semblables,
les Romains e des peuples italiques. La salutatio qui a précédé le dialogue montre
bien qu’ils appartiennent à une culture commune.
2 Hospes – comme xenos - : est aussi bien celui qui reçoit et celui est reçu.
Benveniste écrit que « Pour expliquer le rapport entre hôte et ennemi, on admet
en général que l’un et l’autre dérivent du sens de « étranger », attesté en latin ; d’où
« étranger favorable » = hôte » et « étranger hostile = ennemi ». Mais il s’oppose à
cette interprétation et montre que cette reconstruction est fausse. La xenia et
l’hospitium, le bellum (duellum) sont des relations à double entrée qui créent le
xenos, l’hospes ou l’hostis.comme des « égaux » et non comme des étrangers.
Etude de hostis, comme pratique (P.92)
Benveniste rappelle que hostire = aequare = « rétablir l’équilibre ». Hostia : est
la victime calmant la colère des dieux. Que Festus définît hostis : pari jure cum
populo romano, ce qu'on voit dans le rituel de déclaration de guerre par les féciaux.
Où l’hostis est le semblable et symétrique ». Bien différent du peregrinus, le
voyageur qui peut aussi être traduit par étranger. L’ Hostis//hospes est « celui est en
situation de compensation ». C’est toujours un lien réciproque voulu entre des
hommes appartenant à des unités sociales différentes. Famille, clan, cité.
Etude de xenos comme pratique
On retrouve la même réciprocité dans les emplois de xenos. La xenia implique
si peu l’accueil ou l’étrangeté que les xenoi peuvent ne s’être jamais rencontrés.
Hérodote III, 39 Polycrate, après avoir conquis Samos avait conclu une xenia avec
Amasis et ils s’étaient envoyés l’un à l’autre des présents.
« σχὼν δὲ ξεινίην Ἀµάσι τῷ Αἰγύπτου βασιλέι συνεθήκατο, πέµπων τε δῶρα καὶ
δεκόµενος ἄλλα παρ᾽ ἐκείνου. (3)
Une fois en possession (de Samos) il conclut une xenia avec Amasis le roi
d’Egypte. En lui envoyant des cadeaux et recevant des cadeaux de sa part »
Si de fait xenos doit souvent être traduit par « étranger », il ne peut pas être
réduit à cette traduction qui ne valorise que l’étrangeté : le xenos est à la fois celui
qui est mon proche philos quand il est ici, loin de chez lui, et garde cette proximité
potentielle quand il rentre chez lui. Une ressemblance et une proximité sont
impliquées par xenos, que n’implique pas la traduction par « étranger ». Ce qu’on
voit par exemple chez Eschyle
Exemples pris dans Eschyle, Euménides
- Apollon devant le tribunal athénien appelle les juges athéniens « xenoi » mes
hôtes.
πεµπάζετ´ ὀρθῶς ἐκβολὰς ψήφων, ξένοι,
τὸ µὴ ἀδικεῖν σέβοντες ἐν διαιρέσει. (748-749)
- Les Erinyes à Athènes, ces monstres d’étrangeté ne sont jamais des xenoi mais
installées comme metoikoi (immigrées), car elles n’on aucun lien avec les dieux ou
les hommes. Ni banquet ni théogonie.
µετοικίαν δ᾽ ἐµὴν
εὖ σέβοντες οὔτι µέµψεσθε συµφορὰς βίου. (1018-21)
vous (les habitants) si vous respectez « mon statut d’immigrée », vous ne vous
plaindrez pas des accidents de la vie…
On retrouve un aspect de la xenia qui est bien visible chez Homère l’hôte ne peut
pas rester, ni même rester longtemps il lui faut rentrer chez lui et son hôte doit l’y
aider, l’accompagner. A Athènes, les non-citoyens comme les Erinyes pourtant
accueillies à bras ouverts par Athéna, ne peuvent rester qu’une fois devenues
Bienveillantes, comme « metoikoi ».
- la reproduction biologique
l’enfant pour sa mère est un xenos, chez qui aussi il ne fait que passer.
τίκτει δ᾽ ὁ θρῴσκων, ἡ δ᾽ ἅπερ ξένῳ ξένη
ἔσωσεν ἔρνος, οἷσι µὴ βλάψῃ θεός. (660-661)
C’est l’inséminateur qui enfante, elle, comme une hôtesse pour son hôte,
a gardé en vie la semence, si les dieux ne le tuent pas.
Donc :
Distance et proximité dans la xenia sont inséparables.
La couple latin, Hospes/hostis n’est pas superposable à xenos, qui lui est plutôt du
coté philos/xenos.i ce qui prouve qu’il est impossible de parler d’hospitalité grécoromaine, encore moins de faire une généalogie.
L’intérêt du travail de B. ne tient pas à une reconstruction unificatrice et
verticale mais aux documents qui montrent qu’il n’y a pas d’institution indoeuropéennes, seulement des pratiques labiles qui dans chaque société, et de société
à société, horizontalement se glissent de l‘une à l‘autre : de l’hospitalité au mariage,
de la guerre au traité, de l’hospitalité à la guerre et inversement. On peut
appréhender ces pratiques comme un réseau à partir de la notion de don et de
contre-don mais sans faire du don et du contre-don le noyau commun.
Du point de vue méthode il est clair qu’il ne faut pas confondre traduction et
sens, et passer par la pragmatique des textes.
Retour à Derrida
Le statut de xenos dans la culture grecque ancienne n’est qu’une relation,
réciproque, créant un lien social entre les deux hôtes. Lien qui se transmet en
héritage. On peut être le xénos d’un homme qu’on n’a jamais vu. Si l’on retire ce que
Derrida appelle « les conditions » et qui est la pratique. il ne reste rien du schéma
qu’il dessine, à savoir que « l’hôte serait un étranger accueilli ». Le xenos n’est pas
d’abord un étranger ; qu’il faudrait ensuite accueillir pour s’ouvrir à l’autre, et qui
deviendrait un hôte. C’est l’inverse. C’est la xenia qui fait le xenos.
C’est la xenia qui le constitue comme étranger, entre des hommes semblables
socialement, économiquement, qui se sont reconnus comme proches, dans une
procédure d’échange qui crée la distance nécessaire. Cf. Dans l’Odyssée, les
questions viennent après l’accueil, lui-même vient après la reconnaissance intuitive.
La guerre fonctionne de la même manière. Le xenos n’est pas un « autre » par
essence. Accueilli il devient un philos. Son « étrangeté », la distance, doit être sans
cesse réaffirmée. C’est pourquoi il doit partir vite, c’est pourquoi aussi il est traité
somptueusement et non pas intégré à la vie quotidienne de son hôte. C’est pourquoi
il faut le raccompagner. Pour parler comme Derrida, « qu’il soit un étranger est la
conséquence de son accueil». Derrida au contraire essentialise l’altérité de l’étranger
qui précéderait son accueil.
Derrida construit une pensée verticale qui prétend s’enraciner dans ce qu’il
croît être une catégorie grecque, le xenos, qu’il essentialise, puis il fait de la xenia
une ouverture conditionnelle à l’altérité enfin de cette essence qu’il a lui-même
placée dans le mot grec, il va faire en la déconditionnant le fondement éthique de la
civilisation.
Bien loin de construire un écart, il rend le texte de Platon « moderne » en le
traduisant puis en commentant le texte français obtenu qui contient deux contre-sens
volontaires sur la lexis et le xenos.
Opposons-lui une pensée horizontale. Si l’on cherche des comparables dans
le monde contemporain ce n’est pas à partir d’une essence de la pratique de
l’hospitalité, fondée sur un Autre essentialisé, mais en regardant des situations
concrètes « d’hospitalité » depuis l’Antiquité. Repérer ces situations c’est les
construire comme comparables, en justifiant cette construction. Une des
composantes de cette pratique est rapprochée volontairement d’une pratiqué
contemporaine, comme porte d’entrée. Le choix ici est de regarder des pratiques
d’accueils gratuits en rupture avec l’économie libérale, l’individualisme et le droit
d’être chez soi. Nous décidons, arbitrairement et temporairement que c’est ce qui fait
l’hospitalité comme champ du comparable.
1er exemple. Les travailleurs immigrés africains ne peuvent ne pas accueillir
chez eux même s’ils vivent dans une pièce minuscule, leurs parents au sens large,
débarquant en France. Ils doivent les nourrir et supporter qu’ils fassent la fête toute
la nuit, même s’ils doivent le lendemain matin partir travailler dès l’aube. Leur
appartenance au groupe social est ce prix, c’est-à-dire leur proximité avec
leurs « hôtes ».
2ème exemple. Aujourd’hui il est possible d’échanger les appartements de pays
à pays pour voyager moins cher. Cette pratique nouvelle, grâce à internet,
irréductible à l’hospitalité bien pensante de Derrida, est une relation symétrique,
impliquant une confiance fondée sur des statuts comparables et créant du lien
social.

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