perdu pas loin

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perdu pas loin
C OLLEGES EN TOURNEE 2014
D OSSIER PEDAGOGIQUE
Photo : Tilby Vattard
PERDU PAS LOIN
C IE M ACHINE T HEATRE
Texte Sarah Fourage
Mise en scène et jeu Brice Carayol, Laurent Dupuy, Nicolas Oton
Représentation dans une salle de classe
Public collège niveau 4ème/3ème
Durée de la représentation 40 minutes
CONTACT
Valérie Picq - Responsable des relations publiques
04 67 67 31 22 / 06 74 63 44 32 / [email protected]
Daniel Bresson - Professeur missionné au Service Educatif
[email protected] / [email protected]
Domaine d’O 178 rue de la carriérasse 34090 – Montpellier www.domaine-do-34.eu
SOMMAIRE
Présentation du projet ................................................................................................................... 3 à 4
Présentation de la cie Machine Théâtre .............................................................................................. 5
Présentation de l’auteure .................................................................................................................... 6
Liens pédagogiques .............................................................................................................................. 7
Préparation des élèves......................................................................................................................... 8
Anthologie autour du thème ....................................................................................................... 9 à 13
Valise de livres ................................................................................................................................... 14
Texte Perdu pas loin .................................................................................................................. 15 à 25
Chansons ................................................................................................................................... 26 à 31
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P R E S E N TAT I O N
DU PROJET
Pour la 4ème année consécutive, le Conseil général renouvelle en 2014 le dispositif : Collèges en tournée. Il
a pour mission essentielle de promouvoir et de diffuser la culture et la création théâtrale auprès des
collégiens.
Cette année, la nouveauté est de diffuser un spectacle: Perdu pas loin de la Compagnie Machine Théâtre
d’après un texte de Sarah Fourage a été crée il y a 2 ans dans le cadre de Collèges en Tournée. Ce spectacle
a tourné dans de nombreux collèges dans le Cœur d’Hérault et le territoire du bassin de Thau.
Le projet se déroulera de septembre à novembre 2014 et s’adresse aux élèves du 4ème et 3ème. L’enjeu
est de créer un lien privilégié entre les élèves, la compagnie et le spectacle diffusé dans l’établissement
scolaire, dans la classe. Les élèves qui participeront à ce projet pourront ainsi rencontrer les artistes, voir le
spectacle et visiter un lieu culturel d’exception, le domaine d’O.
Les enseignants impliqués dans le projet rencontreront la compagnie en amont et seront invités à suivre
une formation d’une demi-journée courant septembre.
Ce spectacle se prête bien à une approche transversale. Aussi nous incitons les collèges accueillant le
dispositif à travailler au moins en binôme de deux professeurs, par exemple Français, Musique, Histoire
Géographie et Education Civique.
O BJECTIFS DU
PROJET
Accéder à la culture
Découvrir le Spectacle Vivant et plus particulièrement le théâtre
Découvrir le travail d’une compagnie et le processus de création d’une œuvre
Rencontrer des artistes
Devenir un spectateur averti
Travailler sur le texte et sa représentation
A UTOUR
DE L ’ ŒUVRE
La famille, l’enfance, l’adolescence
L’amitié
La différence
L’indifférence
L’identité
L’homosexualité
La solitude
La violence
L’actualité (le mariage homosexuel)
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RESUME
Freddy, le grand frère de Chaf s’est enfermé dans le silence depuis le printemps. Il est comme pétrifié,
paralysé… Chaf et Rémi, les inséparables collégiens ne comprennent pas la situation... Il y a peu de temps
Freddy riait encore de leurs blagues, de leurs clowneries, de leurs regards sur le monde. Leur mission est
donc de le faire parler à nouveau. Qu’il réagisse, qu’il soit « normal », un grand frère comme les autres, «
vivant ! ». Ils essaient de lui faire rencontrer des filles grâce au moyen d’internet, profil minutieux, double
click mais échec assuré… Même leurs rimes, leurs jeux de mimes et leurs psychologies de cours d’école ne
dégonflent pas la bulle dans laquelle s’asphyxie Freddy…
Les deux coachs s’impatientent, se disputent, frustrés de ne pas dénouer la situation. Ils interrogent du
même coup leur amitié, leur lien, ce mimétisme, ces corps à moitié adulte, secoués entre l’éducation
familiale et l’éducation nationale. Ils remettent en question la norme, le cadre. La forme, ils la « déforment
»… Ils font et « défont »…
Qu’est-il arrivé à Freddy ? Pourquoi est-il comme ça ?
Au fur et à mesure qu’avance l’histoire, s’égrainent quelques pistes… On entre petit à petit en contact avec
Freddy et son malaise. Il soliloque. Il est là sans y être. Nous apprendrons au final que Freddy, amoureux
d’un autre garçon de son lycée s’est vu raillé, insulté puis lynché par un groupe d’élèves. Il garde le silence
depuis ce jour, depuis ce drame. Derrière la grille du lycée comme prisonnier à l’extérieur, Freddy attend
son amour. Il attend le jour où ils seront «libres».
NOTE
D’INTENTION
Cette pièce est écrite sous la forme d’un duo musical (Chaf et Rémi), ponctué par de brefs solos du
troisième instrument (Freddy). Les deux partitions sont dans le même espace et pourtant isolées. Ce n’est
pas un rapport frontal, mais plutôt deux présences qui s’affrontent sans contact physique… De cerveau à
cerveau….
L’humour et la vivacité du texte tiennent dans son rythme, son phrasé court et cet aller-retour entre une
langue qui pourrait être propre à des adolescents et la pensée de l’auteur qui pose une distance entre
l’identification possible et le « surréalisme de situation » de ces deux protagonistes.
Ce format (45 minutes dans une salle de classe) interroge de fait la représentation théâtrale, la véracité et
le concret de l’espace-temps, le choix narratif. Mais aussi l’adresse publique comme témoin et juge. Ainsi
que le jeu dans le jeu, puisqu’il s’agit ici de faire jouer des adolescents par des acteurs de 35 ans.
Le pari est de créer un lien direct avec la salle de classe. De ne pas s’appuyer sur un quatrième mur. Donner
à voir les transformations, accessoires, élaborations dramaturgiques… Donner à voir la fabrication théâtrale
tout en plongeant sans mesure dans le concret et le premier degré des situations. Il est important aussi de
par quelques sources lumineuses, nappes sonores et éléments scénographiques de pouvoir quitter l’espace
salle de classe. De la salle de classe à la scène en classe… Apporter un univers singulier. Surprendre la
métamorphose là où on ne l’attend pas.
Deux tabourets à roulettes, un bout de moquette, un ordinateur portable, un caméscope, une guitare
électrique, une table à accessoires, un bocal plastique dans lequel pourrait être enfermé Freddy… un reste
de grille, portail rouillé devant la silhouette de l’absent… Nous sommes dans le monde de ces trois
personnages. Tantôt dans une chambre, tantôt sur un banc en milieu urbain, face à des devantures de
magasins. Dans la cour de l’école ou encore aux pays de leurs fantasmes, de leurs délires et bien entendu
dans cette salle où nous nous trouvons parmi les collégiens spectateurs.
Nous voulons tendre un miroir, peindre une sensation du passage de l’enfance à l’âge adulte, du cadre à
son dépassement, de la folie comme échappatoire à l’amour comme soif de liberté. De la pensée imposée à
la pensée par soi-même, de la camaraderie à l’amitié… De la violence de l’incompréhension au rejet de la
différence. Une pièce qui parle de la fureur d’amour.
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C O M PA G N I E M A C H I N E
T H E AT R E
En 2001 en formation au conservatoire de Montpellier, nous décidons de reprendre un travail dirigé par
Christophe Rauck autour du « Théâtre ambulant Chopalovitch » de Lioubomir Simovitch afin d’organiser
notre première tournée. Réunis pour cela en association loi 1901, Machine Théâtre voit le jour. Nous
sommes électrisés par la force du partage, l’authenticité de la rencontre et l’idée de troupe. Se forge alors
l’esprit de la compagnie et cette envie commune d’inviter les poètes au cœur de la cité.
Tchekhov, Gorki, Bond, Pasolini, Schwartz, Salles, Büchner, Bernhard et Shakespeare nous ont ainsi
traversés et accompagnés au cours de chacune de nos créations.
Machine Théâtre est une équipe d’acteurs, un Chœur de solistes qui souhaite promouvoir les œuvres d’hier
et de demain, en cherchant au plus près comment et pourquoi les servir aujourd’hui, n’ayant de cesse de
vouloir convoquer l’humain et l’émotion sur scène.
Nous décidons pour cela de mettre le « jeu » au centre de nos préoccupations. La direction d’acteurs étant
l’élan vital de nos mises en scène. Attachés à la relation au verbe, il nous faut traquer, creuser, saisir la
pensée de l’auteur afin de la faire résonner au plus concret et au plus juste.
Appliquée à l’artisanat et à l’exigence de la répétition, Machine Théâtre aiguise son obsession des rapports
humains et de l’histoire des êtres.
Nous sommes animés par la question de la dramaturgie et de l’importance à raconter des histoires.
Nous sommes habités et questionnés par l’impact et l’utilité de nos actes envers un public que nous
espérons de plus en plus divers.
Enfin, pour la vitalité et l’émulation de chacun de nos projets nous invitons de nouveaux artistes
scénographes, comédiens, éclairagistes, musiciens et dramaturges.
Le théâtre reste et doit rester pour nous un lieu unique, modeste et sacré. Le lieu d’utopies, de combats
politiques et de divertissements poétiques.
Le collectif Machine Théâtre est né en 2001, autour de neuf élèves de l’école qui revendiquent une croyance,
par ces temps plutôt individualistes, en l’esprit de troupe en tant que force créatrice. «L’esprit» en question
se manifeste par le refus du vedettariat – pas de metteur en scène attitré mais un «porteur de projet», qui
change au gré des spectacles –, et par une façon de partager le plateau. René Solis - Libération, janvier 2008
Neuf ans d’existence. Neuf ans, quatre metteurs en scène ou directeurs d’acteurs, neuf spectacles de un à
treize comédiens… spectacles allant du 16ème siècle de Shakespeare à l’an 2000 de Marion Aubert ou de
Fabrice Melquiot, en passant par le 20ème siècle de Maxime Gorki ou de Didier-Georges Gabily.
Créations récentes
2010 - Platonov d’Anton Tchekhov, mise en scène Nicolas Oton
2010 - Les Candidats de Sarah Fourage, mise en scène Brice Carayol et Nicolas Oton
2008 - Diptyque > Désertion / Woyzeck de P. Sales et d’après Georg Büchner mise en scène L.Dupuy et C.Massol
2007 - Henry VI de William Shakespeare, mise en scène Nicolas Oton
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SARAH FOURAGE,
AUTEURE
Sarah Fourage écrit pour le théâtre depuis 1993.
Formée en tant que comédienne à l’ENSATT à Lyon, elle y rencontre Marie-Sophie Ferdane, qui met en
scène quatre de ses pièces, dont On est mieux ici qu’en bas, (écrite en résidence à la Chartreuse de
Villeneuve-lez-Avignon), créée en 2005 au Théâtre des Célestins de Lyon. Une seconde résidence en 2009
permettra de donner une suite à ce travail, en deux volets – A une cloison près et Cham.
Sarah Fourage répond aussi à différentes commandes, souvent thématiques. C’est dans ce cadre que sont
créés plusieurs de ses textes courts, pour la compagnie Hélice Théâtre (Christelle Mélen), le groupe des
Vingt de Rhône Alpes, la Fédération (Philippe Delaigue), Machine Théâtre.
En 2010, en effet, elle écrit la pièce « Les Candidats » mise en scène par Brice Carayol et Nicolas Oton, pour
Machine Théâtre avec qui elle a travaillé à plusieurs reprises lors de lectures publiques.
Son projet d’écriture le plus récent est une commande du Cratère / Scène Nationale d’Alès, sur la sécurité
en entreprise, Pince moi si je rêve, mis en scène par Stefan Delon.
L’Association Beaumarchais, la DMDTS, le CNT et le CNL ont encouragé son écriture et permis les conditions
matérielles d’écriture de ses pièces.
2010 : Sans la langue, commande du « Groupe des 20 de Rhône-Alpes », créé à Givors (69) mis en scène
par T. Poulard.
2010 : Pince-moi si je rêve, commande d’écriture du Cratère / Scène Nationale d’Alès, à la demande de
l’entreprise Axens. Mise en Scène S. Delon. Créé à Salindres.
Les Candidats, compagnie Machine Théâtre, mise en scène N. Oton, B. Carayol.
2009 : Résidence au CNES, à la Chartreuse de Villeneuve.
On est des fanions, commandé par la Fédération, mise en scène P. Delaigue est créé dans le cadre
du spectacle Cahier d’histoires à Alès pour les lycéens.
2008 : Instants d’Etang, commande d’écriture d’Hélice Théâtre, mise en scène C. Melen.
2006 : L’hiver au tapis, texte dramatique tout public, commande de France Culture.
2005 : On est mieux ici qu’en bas, mise en scène par M-S Ferdane, est créée au Théâtre des Célestins de
Lyon
2004 : Quand l’un pleure, l’autre essuie les larmes. Recueil de témoignages sur le site de la Poudrette, à
Villeurbanne, sur une proposition de Marie-Laure Millet.
1998, 2003 : Plexi-hôtel, Subsistances, 2003, Loteries, Théâtre du Point du Jour, 2002, Une seconde sur deux
Théâtre de l’Elysée, 2000, par la Compagnie du Bonhomme, mise en scène M-S Ferdane.
1995 : Vague Alarme, en association avec F. Trillot pour la Compagnie du Levant (49)
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LIENS
PEDAGOGIQUES
La partie pédagogique de ce dossier ainsi que l’anthologie ont été réalisées par le
Service Educatif du Théâtre de Clermont l’Hérault
Histoire géographie - Education civique
3ème
La France de 1945 à aujourd’hui, l’évolution des droits des français, les changements dans la société
et la dépénalisation de l’homosexualité
La déportation et l’homosexualité
L’histoire politique de la France
L’altérité qui est la reconnaissance de l’autre dans sa différence constitue une valeur essentielle de
la laïcité.
Français
3ème
La mise en scène dans le théâtre : du texte à la représentation
L’engagement et l’argumentation dans le théâtre
Le récit dans le théâtre - Faire relever aux élèves le passage narratif de la pièce dans lequel le passé
de Freddy est évoqué
Le théâtre dans le théâtre - Un passage de la pièce permet de repérer ce procédé : lorsque Rémi
imite la voix de la mère de Freddy. « Freddy mon poussin […] heureusement que Chaf s’occupe un
peu de moi ».
Mettre en relation la pièce avec les récits d’enfance et d’adolescence
L’altérité
4ème
L’épistolaire
L’utilisation de la lettre dans le théâtre : le message lu par Chaf au milieu de la pièce « Chère
mademoiselle […] près du terrain de basket ». Le passage cité peut soit faire écho à une autre
séquence sur l’épistolaire, soit préparer le terrain pour une séquence à venir.
Le théâtre
Photo Jean-Claude Martinez
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P R E PA R AT I O N
> A VA N T
DES ELEVES
LA RE P RE SE NTATION
Etre spectateur
Identifier le comportement du spectateur
Repérer lors de la rencontre en classe avec la compagnie les attentes de celle-ci par rapport aux
spectateurs. Puis élaborer avec les élèves une charte du « jeune » spectateur (voir exemple).
La charte du « jeune » spectateur - exemples
Permettre à chacun de vivre des émotions
Aiguiser
les perceptions et nourrit
l'imaginaire
Elaborer un jugement personnel
Développer le sens critique
Susciter l'échange et la cohésion
Offrir un moment de plaisir et de partage
Offrir un regard décalé sur le monde et sur
nous-mêmes
Respecter le public
Parce qu'il est à la fois voyage individuel et vécu collectif, le spectacle vivant pour le jeune spectateur
n'échappe pas aux règles et aux exigences de la création artistique en général. Il ne se singularise que par
sa mission et par la spécificité du public auquel il s'adresse. Pour que les élèves profitent un maximum du
spectacle, il est important de leur apprendre à se conduire en spectateurs avertis.
> P ISTES D ’ AC TIV ITES
EN A M ON T DE LA RE P RE SE NTA TION
Pour préparer les élèves à l’écoute et au silence
Répartir les élèves en deux groupes. Dans un groupe les élèves ont les yeux bandés et dans l’autre groupe
chaque élève a un tube (amenés par les élèves, fourni par le collège ou fabriqués en classe) et un petit
texte à lire. Ces élèves vont lire le texte avec le tube dans l’oreille de chaque élève qui a les yeux bandés. Et
ensuite alterner les groupes.
Mise en voix
On peut proposer aux élèves une lecture de quelques extraits de la pièce sans dévoiler la fin.
Cette lecture permettra aux élèves de se faire une idée des caractères des personnages et de tisser les liens
qui les unissent (liens de fraternité et d’amitié).
A la suite de cette lecture, une mise en voix peut être proposée avec une segmentation du texte :
distribution des rôles et lecture sans consigne particulière dans un premier temps. Donner des consignes de
lecture qui correspondent aux caractères des personnages relevés par les élèves : Freddy se joue par
exemple sur un air distant et triste en rapport aux événements qu’il a vécus au lycée.
L’ensemble des lectures permet de mieux appréhender les caractères des personnages et l’intrigue de la
pièce.
Mise en espace
Demander aux élèves de relever les didascalies du texte. Mettre l’accent sur les didascalies internes : par
exemple repérer la présence/absence de Freddy sur scène au début de la pièce à partir de l’énonciation.
Demander aux élèves, dans un travail de groupe, de faire des propositions de mise en scène et de justifier
leur choix (l’argumentation étant l’un des objets d’étude du programme de 3ème en Français). Par
exemple : parmi les éléments de décor dont la pièce a besoin : un ordinateur (écriture du courriel en début
de la pièce), une chaise…
> A P RE S
LA REP RE SEN TATION
Préparer avec les élèves un tableau qui permet de guider leur observation de la pièce : ce tableau peut être
axé sur les détails du décor, le choix des costumes des comédiens, la tonalité employée par chaque
comédien….etc.
Ce tableau pourra être corrigé, complété en classe avec l’aide de l’enseignant et en mutualisant les
réponses des élèves.
Prévoir avec les élèves quelques questions qu’ils souhaitent poser à la suite de la représentation en reliant
ce travail de réflexion à un travail de grammaire sur l’interrogation totale et partielle ainsi que sur les
différents mots interrogatifs.
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ANTHOLOGIE
AU TOUR DU THEME
> FILMOGRAPHIE
Billy Elliot est une comédie dramatique britannique réalisée par Stephen Daldry sur le scénario de Lee Hall.
Billy (Jamie Bell) est un enfant de onze ans en 1984. Il vit dans une ville minière à Durham Coalfield (en), au
Nord-Est de l'Angleterre, dans une maison en briques identique à celle du voisinage, avec son père Jackie
(Gary Lewis), son grand frère Tony (Jamie Draven) et sa grand-mère (Jean Heywood). Sa mère est décédée.
Son père et son frère ont un métier identique à celui de tous les hommes du voisinage : mineur. Billy, lui,
est encore jeune, il va à l'école et prend des cours de boxe après la classe. Son père l'y accompagne et le
pousse, croyant qu'une réussite dans ce domaine les sortira de l'embarras financier dans lequel ils se
trouvent (le métier de mineur rapporte peu, et de plus il est, comme son fils, en grève). Mais la boxe ne
plaît pas à Billy et celui-ci préférerait faire de la danse comme les filles qui pratiquent à l'autre extrémité du
gymnase. Alors, en secret de son père, il ira à la danse plutôt qu'à la boxe. Son professeur, Madame
Wilkinson (Julie Walters), croit en lui et en son talent. Il devra pousser jusqu'à la rupture avec sa famille
pour mener à bien ses projets. C'est avec conviction et l'appui de son professeur qu'il réussira à convaincre
son père de son talent et ce dernier le poussera vers des études dans une grande école de danse. À la fin du
film on peut brièvement apercevoir Billy (devenu adulte) comme danseur principal dans un Le Lac des
cygnes ce qui nous laisse comprendre qu'il est devenu un très grand danseur.
Thelma et Louise est un film américain de Ridley Scott réalisé en 1991. Thelma Yvonne Dickinson, la
trentaine, est l'épouse frustrée et soumise de Darryl, archétype du macho d'autant plus parfaitement
inconscient de son ridicule1 que son complexe de supériorité est renforcé par sa réussite
professionnelle. Louise Elizabeth Sawyer, son amie, l’a convaincue de s’évader pour un week-end à la
montagne. Quittant l’Arkansas, elles sont bien décidées à profiter de ces heures de liberté. Elles s’arrêtent
en cours de route, dans une boîte où Thelma abuse de l’alcool. Alors qu'un homme essaie de la violer sur le
parking, Louise arrive in extremis, sort un revolver et empêche le viol. Devant la vulgarité et l'agressivité de
l'homme, elle le tue. Louise refuse catégoriquement de se rendre à la police et décide de prendre la
direction du Mexique, entraînant Thelma dans sa cavale.
Harvey Milk est un film biographique et dramatique de Gus Van Sant sur Harvey
politique américain militant pour les droits civiques des homosexuels dans les années 1970.
Milk, homme
Tomboy est un film français écrit et réalisé par Céline Sciamma sorti en 2011.Laure, une gamine de dix ans,
« garçon manqué » (tomboy en anglais), s’installe à Paris avec ses parents et sa sœur Jeanne au cours des
vacances d'été, mais elle se sent exclue. Un jour elle rencontre Lisa qui la prend pour un garçon, trompée
par ses cheveux courts, sa façon de s'habiller et ses allures garçonnières. Laure la laisse croire et dit qu’elle
s’appelle Mickaël. Lisa introduit alors ce « Mickaël » auprès des enfants de son groupe d'immeuble et « il »
fait rapidement partie de la bande.
Billy Elliot
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> BIBLIOGRAPHIE
Romans / Nouvelles
La confusion des sentiments, Stefan Zweig, 1927
Cette nouvelle retrace l'histoire d'un universitaire qui, lors de son soixantième anniversaire, se
remémore un professeur qui, dans sa jeunesse, l'a conduit sur les voies de la vie de l'esprit. Ce texte
traite ainsi de l'amour de l'étude que lui communiqua ce professeur. Portant également sur la force
de l'amitié (intergénérationnelle), le texte évoque aussi l'amour entre deux hommes, et les troubles
et souffrances causés par la rencontre de cet amour avec la morale, la loi et le regard de l'autre.
Les Faux-Monnayeurs, André Gide, 1925
L'histoire centrale est celle de trois personnages, Bernard et Olivier, deux jeunes lycéens ainsi
qu'Édouard, un écrivain.
Bernard, qui est sur le point de passer son baccalauréat, tombe par hasard sur des lettres d'amour
adressées à sa mère et découvre qu'il est le fruit d'un amour interdit entre cette dernière et un
amant de passage. Il en conçoit un profond mépris pour l'homme qui l'a élevé sans être son
géniteur et qu'il pense alors n'avoir jamais aimé. Pourtant, ce père adoptif, Albéric Profitendieu, a
malgré lui une préférence pour celui-ci parmi ses autres enfants. Après avoir écrit la lettre d'adieu
la plus cruelle et la plus injuste qu’on puisse imaginer, Bernard fuit la maison et se réfugie chez un
de ses amis et camarade de classe, Olivier. Ce dernier est un jeune homme timide qui cherche à
combler son manque d'affection auprès de ses amis proches ou de son oncle Édouard, pour qui il a
un penchant réciproque mais que ni l'un ni l'autre ne parviennent à exprimer. Édouard ayant
déposé sa valise à la consigne de la Gare Saint Lazare et laissé tomber à terre le ticket, Bernard le
ramasse et en profite pour s’emparer de la valise. Il fait main basse sur son portefeuille et prend
connaissance de son journal intime, ce qui lui permet de savoir où le retrouver, dans un petit hôtel
où séjourne sa grande amie Laura. Cette jeune femme se trouve enceinte des œuvres de Vincent,
frère d’Olivier, qui l'a abandonnée et la laisse dans la plus grande détresse. Nullement rancunier,
Édouard s’amuse de l’aventure de la valise disparue et retrouvée et invite Bernard à un séjour en
Suisse avec Laura, lui proposant également d’être son secrétaire. De ce séjour en montagnes,
Bernard éprouve un bonheur ineffable, il est épris également de l’écrivain et de la femme
délaissée.
Confession d’un masque, Yukio Mishima, 1949
Dans le Japon des années 1930, le héros est un garçon chétif, souvent malade, facilement
impressionnable du fait de sa grande sensibilité (il est notamment fasciné par les représentations
de Saint Sébastien). A l'école, il admire un camarade, Omi et n'ignore pas que cette admiration est
fondé sur un désir sexuel. Mais, dans la société japonaise de l'époque, le garçon refuse ce désir et
décide de se battre contre ses penchants homosexuels en cherchant à les dissimuler aux autres et à
lui-même. Il se lie alors avec la sœur d'un de ses camarades, Sonoko. Ils se rapprochent durant la
guerre (le garçon, du fait de son état de santé ne peut, à son grand regret, participer au combat).
Mais leur amour pourra-t-il durer ?
La femme de Paul, La maison Tellier, Maupassant, 1881
Paul Baron, que tout le monde surnomme Monsieur Paul, emmène Madeleine, sa maîtresse, faire
de la yole sur la Seine. Ils vont vers La Grenouillère, un établissement de bains qui fait guinguette. Il
y a là les habituels promeneurs du dimanche, des demi-mondaines qui cherchent un pigeon, des
ivrognes, la crapulerie distinguée de Paris.
Lorsqu'arrive un canot avec quatre femmes à bord, tous les hommes de la guinguette hurlent «
lesbos ». Paul les siffle, ce qui énerve Madeleine, et la dispute dégénère entre les amoureux.
D'ailleurs Madeleine, qui connait Pauline, une des filles, les rejoint, et il est convenu qu'elle les
rejoigne le soir même. Paul lui fait une scène, elle lui dit que la porte est ouverte.
Le soir, quand il découvre Madeleine criant son bonheur, allongée dans un fourré avec Pauline, il
fuit, ne pouvant supporter la vérité, et se jette dans la rivière. On ramène son corps à la
Grenouillère, mais Madeleine ne le pleurera pas longtemps, se faisant consoler par Pauline.
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H.S., d'Isabelle Chaillou (Rageot, Métis, 2003)
Clarisse est redoublante, un peu en marge, un peu naïve. En cours d’éducation sexuelle, elle
apprend par un jeu anonyme qu’une de ses amies est lesbienne et désespérée de l’être. Mais
laquelle ? Clarisse, elle, est désespérée de ne pouvoir l’aider. Elle enquête alors auprès de ses
proches, notamment à l’occasion d’un exposé sur la Gay Pride et la tolérance.
Si H.S. se lit vite et bien, c’est parce qu’Isabelle Chaillou a toute la bienveillance et la fluidité de
style d’une pédagogue. Par le biais de conversations en famille, entre amis ou camarade de classe,
son roman soulève les clichés et problèmes liés à l’orientation sexuelle. Les divers débats sur le
sujet s’intègrent naturellement à la narration conduite par Clarisse, pleine de bonne volonté, qui se
heurte aux réactions de son entourage : rejet, incompréhension et acceptation. Son investigation
est ponctuée de passage du "journal du refus", le carnet intime de son amie homosexuelle, qui
confère à l’histoire toute sa gravité, et son importance !
Le droit d’aimer, Julien Picquart, (Combattre l’homophobie, J’accuse.. !, 2005)
Simon rencontre Achille, nouvel élève de son lycée, orphelin qui vit avec sa grand-mère. Il est
attiré, sans trop savoir ce qui lui arrive. Heureusement, Achille, lui, le sait, et n’a pas peur de
remettre en place un garçon qui lance gratuitement un quolibet homophobe : « — Qu’est-ce que
t’en sais que c’est des pédés ? T’as couché avec eux ? » (p. 16). La sœur de Simon aussi semble
avoir tout compris avant son frère, et met les pieds dans le plat dans une excellente scène de repas
familial. Une autre scène lui fait écho, quand Simon est invité chez Achille et fait la connaissance de
la grand-mère, qui après avoir évoqué ses trois maris, conclut : « le mariage, c’est une connerie. […]
Et d’ailleurs je comprends pas qu’aujourd’hui les homos veuillent se marier. Ils ne connaissent pas
leur bonheur ! », avant d’ajouter : « je ne dis pas ça pour toi, Achille ! » (p. 32). Mais Simon fait
comme s’il n’avait pas compris cette allusion, de même qu’il ne comprendra pas ce qui lui arrive
quand Achille pose la main sur la sienne au ciné-club. Sans doute est-ce dû à l’homophobie
ambiante dans son lycée ou sa famille…
Et un dossier très intéressant : deux témoignages, une lesbienne de 43 ans qui évoque notamment
une agression, puis les réactions de ses parents, et un gai de 26 ans qui s’est mis à militer suite à
une agression qui a failli lui coûter la vie. Suivent plusieurs documents : interview d’Éric Verdier (coauteur du Petit manuel de Gayrilla à l’usage des jeunes) ; point sur les racines de l’homophobie,
avec une étude remarquable sur les religions monothéistes (p. 96) ; dossier historique, dossier
juridique ; interview de Louis-Georges Tin sur l’homophobie dans le monde, puis une bibliographie.
Billy Elliot, Melvin Burgess, d’après le scénario de Lee Hall (Gallimard Folio Junior,2001)
Ceux qui ont vu le film connaissent bien l’histoire de Billy Elliot, typique du cinéma social anglais.
Billy, 12 ans, a perdu sa mère deux ans auparavant. Il pense souvent à elle, et reste proche de sa
grand-mère, qui perd la boule mais répète qu’elle aurait pu devenir danseuse étoile. Son père
Jackie et son frère aîné Tony sont mineurs et grévistes, ils se battent contre les fermetures de
mines décidées par Mme Thatcher. Billy doit apprendre à boxer, parc que son père et le père de
son père l’ont fait, mais un jour, il s’intéresse au cours de danse qui, pour des raisons pratiques, a
lieu au même endroit. Il se met à imiter les filles, et la prof de danse, Mme Wilkinson, l’encourage.
Il est doué. Il se prend au jeu, et sans le dire à son père, utilise l’argent des cours de boxe pour
fréquenter les cours de danse, sous le prétexte d’apprendre à faire une pirouette qui serait une
botte secrète ! Évidemment, la danse, ça fait pédé, l’argument reviendra fréquemment (p. 33, 35,
etc.) et sera lourdement combattu par différents personnages, tandis qu’avec leurs gros sabots
machistes et homophobes, le père et le grand frère tenteront d’interdire à Billy sa nouvelle passion.
C’est compter sans l’obstination de Mme Wilkinson et de Billy… Toute la communauté se
mobilisera pour lui offrir l’occasion de passer le concours d’entrée à la « Royal Ballet school », mais
cela ne suffira pas, et le père devra se soumettre à bien des humiliations pour aider ce fils doué à
vivre son rêve.
~ 11 ~
Frères, de Ted Van Lieshout (La Joie de Lire, 2001)
Frère est un roman qui a l’aspect d’un journal intime. Nous sommes à Eindhoven, aux Pays-Bas, au
printemps 1973. Lucas (ou Luc), seize ans, a perdu son frère cadet, Marius (Maus), six mois
auparavant. Alors que leur mère s’apprête à brûler les affaires de ce dernier, il a subtilisé dans la
chambre du défunt le journal intime qu’il lui avait offert pour ses treize ans. De peur qu’elle ne le
brûle, Luc a décidé d’écrire sur les pages laissées libres par son frère. Puis, contre tous ses
serments, il va se mettre à lire et à annoter le journal de Maus, mêlant leurs deux voix. Le cœur du
livre ressemble ainsi à un dialogue entre les deux frères, par-delà la mort. Contrairement aux
apparences, il n’y a rien de sinistre dans le résultat. Le ton des deux frères est plein d’humour,
même dans le drame, et l'histoire dévoile lentement ses diverses énigmes.
Frère est un livre intense et drôle, mêlant la chronique familiale et les moments intimes, naviguant
entre un solide réalisme et des moments de rêve. Du fait de sa taille et de ses mots ou scènes un
peu crus, il demande un peu de maturité, et pourrait aussi figurer dans la catégorie "adulte
Tous les garçons et les filles, de Jérôme Lambert (École des Loisirs, 2003)
Julien Lemeur, seize ans, entre en seconde et le livre nous accueille par quelques phrases
mystérieuses qu’il a écrites : "J’ai tout de suite vu que quelque chose clochait dans ce lycée. Je ne
sais pas pourquoi. Sans doute l’intuition masculine. Le piège était tendu et j’allais tomber dedans.
Un jour ou l’autre."
Durant cette année scolaire, bien des choses se répètent dans la vie de Julien : déjeuners du
mercredi au restaurant avec le père, dîners avec la mère (les parents sont divorcés), insomnies,
migraines, phobie des cours de sport... Julien parle sur un ton sec et acide. Tous les garçons et les
filles va au gré de son année de seconde, de bout en bout, une année de révélations. Comme en
passant, dès la cinquième page, Julien parle déjà de Clément : "Surtout lui, devant, avec sa grande
nuque et son col de chemise impeccable. […] Personne ne le connaît et il ne connaît personne. Un
garçon aussi silencieux et calme, aussi perdu que moi, ne peut être qu’un ami. En tout cas un allié."
Ainsi va Julien, qui voudrait au minimum "devenir le meilleur ami de Clément Renaud", mais qui
n’est pas aussi lucide qu’il voudrait l’être et a un grand don pour les gaffes...
Au fur et à mesure que les heures et les jours passent, la relation entre les deux garçons se
développe, dans les hauts et les bas de la confiance de Julien, en attendant une hypothétique
résolution.
Le faire ou mourir, Claire-Lise Marguier., éditions du Rouergue, 2011.
Damien est un garçon trop sensible, méprisé par ses copains de classe depuis toujours et incompris
de ses parents. Dès l’arrivée dans son nouveau collège, il se retrouve par miracle sous la protection
de la bande de gothiques et de son leader, Samy, un garçon lumineux, intelligent et doux, en dépit
de son look radical. Très vite, Damien devient Dam, adopte piercings et vêtements noirs et, surtout,
trouve auprès de Samy un véritable ami, et peut-être plus, au point de déclencher des représailles
chez son père, contre ces « mauvaises fréquentations ».
Au fur et à mesure des pages, le lecteur découvre la profondeur de la souffrance de Dam : depuis
longtemps il a pris l’habitude de se scarifier les cuisses, incapable qu’il est d’exprimer sa souffrance
et sa solitude. Il lui faut chaque soir « libérer son sang » pour se sentir mieux. « Tant que je saigne,
je suis vivant », dit-il. Car Dam a peur, de tout le monde et surtout de lui-même. Samy, à l’inverse,
est un garçon bien dans sa tête et dans son corps, et sait dire très naturellement son attirance pour
Dam. Les deux garçons finissent par s’afficher ensemble au collège et tant pis si on les traite de «
lopettes satanistes ». Résistant à la colère paternelle, Dam retrouve Samy en cachette, pour parler,
écouter de la musique et s’embrasser. L’amour entre les deux garçons est si puissant qu’on pourrait
espérer qu’il libère Dam de sa souffrance. Le jour de son anniversaire, les deux garçons se
retrouvent dans sa chambre et le titre du roman trouve enfin son explication : faire l’amour pour la
première fois… ou mourir.
~ 12 ~
Album
Histoire de Julie qui avait une ombre de garçon, de Christian Bruel, Etre éditions
Un des premiers albums à aborder la question de l’identité de genre, et plus généralement les
questions que se posent les enfants sur la sexualité.
Julie en a assez que sa mère lui reproche sans cesse de ne rien pouvoir « faire comme tout le
monde ». Une ritournelle le dit : « Julie sait ce qu’elle veut / elle en parle à son chat / ils ont de
drôles de jeux / que ses parents n’aiment pas ». On la traite de « garçon manqué », comme sa
tante, dont son père n’aime pas que sa mère parle. Un matin, Julie se réveille avec une ombre de
garçon, une ombre qui fait tout ce qui est défendu, qui pisse debout quand Julie s’agenouille. Elle
fait tout pour s’en débarrasser, comme patauger dans les flaques d’eau pour que l’ombre
s’enrhume. Et si elle était vraiment un garçon manqué, « avec cette fente entre les cuisses qu’elle
aime bien toucher doucement » ? Elle a l’idée de s’enfouir sous terre ; et dans le parc, elle fait la
connaissance d’un garçon que tout le monde traite de fille. Tous les deux échangent leurs réflexions
sur ce monde qui met « chacun dans son bocal » : « Les cornifilles dans un bocal, les cornigarçons
dans un autre, et les garfilles, on ne sait pas où les mettre ! » Ils se rassurent mutuellement, en
décidant qu’ils ont « le droit ».
Documentaire
Casse-toi ! Crève mon fils, je ne veux pas de pédé dans ma vie, de Jean-Marie Périer, Oh éditions.
Tous les jours, des jeunes sont chassés par leur famille uniquement parce qu'ils sont homosexuels.
Jean-Marie Périer est allé à la rencontre de ces adolescents jetés à la rue du jour au lendemain,
sans soutien, sans argent et sans avenir. Il œuvre désormais pour que cesse cette situation
intolérable. Certains parents, lorsqu'ils découvrent l'homosexualité de leur fils ou de leur fille, se
déchaînent contre leur enfant : insultes, coups, flicage, séquestrations, tout arrive. Avec, au final,
une même conclusion : " T'es gay ? Casse-toi ! " Touché par la détresse de ces adolescents bannis et
révulsé par l'aberration d'être puni pour le seul fait d'aimer une personne du même sexe, JeanMarie Périer, le célèbre photographe des années 1960 et de Salut les copains a eu envie d'agir : en
rencontrant ces jeunes venant des quatre coins de France et issus de tous milieux, il s'est engagé à
porter leur voix. Pour que l'histoire de Sandra, Antoine Hassan, Jimmy et les autres, rejetés par
leurs parents, bouscule les idées reçues. Pour que l'on parle enfin d'homosexualité sans tabou ni
mauvaise foi, et qu'au début du XXIe siècle, chacun puisse être libre d'aimer sans avoir peur. Sans
langue de bois, Jean-Marie Périer, l'homme qui a fait rêver toute une génération, livre un
document exceptionnel dans lequel les témoignages bouleversants de ces adolescents des rues se
mêlent à son indignation.
~ 13 ~
VA L I S E
DE LIVRES
La Médiathèque départementale propose une Valise de Livres en lien avec le projet Collèges en tournée
autour du spectacle Perdu pas loin.
Chaque collège participant au projet peut emprunter cette sélection de livres pour l’année scolaire
2014/2015 après signature du protocole d’accord entre le collège et la médiathèque départementale.
Ces documents seront distribués aux collèges participants fin juin 2014.
Contacts Médiathèque départementale
Laetitia Touchard [email protected]
Aurelie Willaume [email protected]
1. Oh boy !, de Marie-Aude Murail, (École des Loisirs, 2000)
Trois enfants : Siméon, 14 ans, Morgane, 8 ans, et Venise, 5 ans, sont orphelins depuis peu. Leur
père, Georges Morlevent, a disparu et leur mère, Catherine, est morte en tombant dans l'escalier
(elle s'est en réalité suicidée en buvant du canard wc, mais seul Siméon le sait). Ils sont donc placés
dans un foyer pour jeunes garçons, après que l'assistante sociale fasse pression sur le directeur
pour tous les accepter, mais leur objectif premier est de le fuir pour se trouver une famille.
2. Famille d’ados, de Régine Feldgen et Uwe Ommer (La Martinière Jeunesse), documentaire.
Reeta, 14 ans, Hambourg, Allemagne, Mimi, 18 ans, Abingdon, Angleterre, Gëzim, 15 ans, Prizren,
Kosovo … Le photographe Uwe Ommer a photographié des adolescents dans leur famille dans 40
pays européens. Et la journaliste Régine Feldgen leur a posé des questions. Un panorama de la
jeunesse européenne.
3. Je vais au théâtre voir le monde, de Jean-Pierre Sarrazac (Giboulées-Gallimard jeunesse),
Panorama des questions que pose le théâtre à la philosophie au long de son histoire. Dès
l'Antiquité, les philosophes s'interrogent sur ses pouvoirs. Platon considère cet art comme nocif,
tandis qu'Aristote le tient en très haute estime. La querelle se répercute au fil du temps : au XVIIIe
siècle, Rousseau le condamne comme un art mensonger contrairement à Diderot qui le juge moral.
4. Petit Polio, de Farid Boudjellal. (Futuropolis) - Intégrale des 2 premiers tomes
Farid Boudjellal s'est souvenu de sa propre enfance toulonnaise pour écrire les récits de Petit Polio.
On y retrouve les joies et les peines d'un enfant, la solidarité familiale, la douleur du deuil et le
handicap, qui occupe une place prépondérante mais non centrale du récit.
5. Mehdi met du rouge à lèvres, de David Dumortier, Cheyne .
C’est un recueil de nouvelles poétiques qui racontent l’histoire d’un « petit garçon [qui] s’habille en
fille ». « Il a des manières de fille. Elles sortent toutes seules. Elles lui échappent des mains. Il est
trop tard quand il essaie de les rattraper. Mehdi ne peut pas refaire une même manière à l’envers
et la remettre dans sa cage. » Mehdi a une façon bien à lui de voir le monde. La neige par exemple,
est « le maquillage de l’école ». Mehdi n’a pas sa langue dans sa poche, et il répond quand on
l’attaque. Il répond au psychologue par exemple, que s’il met du rouge à lèvres « c’est pour faire
comme les coquelicots ». On aimerait citer tout ce texte dont chaque mot est pesé au coin de la
poésie et du bon sens interdit. « Pourvu qu’il reste pareil, pour que ce soit toujours pas pareil. »
6.
T’es pas une fille t’as les cheveux courts, (Passage piétons, collection Lieu commun)
Rencontres d’images et de fragments de textes à propos de masculin, du féminin et la rencontre
des deux.
7. On ne choisit pas sa famille, (Passage piétons, collection Lieu commun)
Rencontres d’images et de fragments de textes de la famille…, ses avantages et ses revers
~ 14 ~
PERDU
PA S L O I N
- TEXTE
PERDU PAS LOIN de Sarah Fourage
On peut proposer aux élèves une lecture de quelques extraits de la pièce sans dévoiler la fin.
Personnages : deux collégiens, Chaf et Rémi, et un lycéen, Freddy, frère de Chaf. Egalement : un professeur,
le père de Rémi, la mère de Chaf ; les paroles de ces trois derniers personnages sont signalées en italique.
Freddy adulte : Je nous revois, tous les trois. Guettant notre majorité à quelques années d’intervalle.
Goûtant notre âge dit « bête », giflant le temps, n’ayant que faire du monde et des autres au fond. J’étais
l’aîné, c’est moi qui ai grandi le plus vite et le plus tôt, à cause de toute cette histoire, celle qu’on va essayer
de vous raconter. Ils ont alors 13 ans et moi, 16. A vous de jouer les gars.
Rémi : Bonjour, je m’expose, Rémi, position meilleur ami, numéro un de ma vie.
Chaf : Moi c’est Chaf, prénom choisi, j’ai mes raisons j’ai mes raisons et je ne vais pas tout raconter non
plus.
Rémi : Pour nous séparer il faut savoir s’y prendre, au collège ils ne savent pas ils en bavent. Lui c’est
Freddy.
Chaf : Lui c’est Freddy. C’est mon frère.
Rémi : Il est
Chaf : Il est comme il est
Rémi : Prêt ?
Chaf : Prêt.
Rémi : On veut la nouvelle console tendance avec sa housse !
Chaf : On veut les chaussures neuves avec la marque en évidence !
Rémi : On veut le triple écran qui fait cuisine et bar aussi !
Chaf : On veut le téléphone cahier avec le casque écoute sensible !
Rémi : On veut l’écran tactile et ses options paramétrées !
Chaf : On veut imprimer top nos derniers clichés ultra light !
Rémi : On veut le cool clavier bip bip de la balle extra !
Chaf : On veut le double phénomène qui fait bim quand on appuie dessus !
Chaf : Quoiqu’on dise il se tait.
Rémi : Avant il rigolait
Chaf : Il y a peut-être un mot, peut-être un geste
Rémi : Pour qu’il redevienne comme avant
Chaf : Freddy, qu’est-ce que tu as ?
Rémi : C’est à cause de ta mère
Chaf : C’est depuis le printemps dernier
Rémi : Qu’il redevienne comme avant
Chaf : Vivant
Rémi : On a faim d’un croustillon de foire qui slurpe !
Chaf : On a faim d’une glace chauffante c’est la toute dernière à la mode !
Rémi : On a soif d’un soda plutôt corsé comme ci comme ça !
Chaf : On a soif d’un changement qui claque comme un nom de vent !
(Freddy ne dit rien. C’est important, se tait. N’enregistre pas forcément. Se tait. A parlé, auparavant. Il n’y a
pas si longtemps.)
Chaf : Attention un insecte géant !
Rémi : Un policier et son chien méchant !
Chaf : Un ouragan !
~ 15 ~
Rémi : Sauve-toi !
Chaf : Bouge !
Rémi : C’est dingue.
Chaf : Il ne regarde même pas il n’entend même pas il est ailleurs.
Rémi : Tu aimerais qu’on ne sache rien de ce que tu fais.
Chaf : Mais il ne fait rien, toute la journée il ne fait rien.
Rémi : Depuis qu’il a quitté le lycée, le printemps dernier
Chaf : Comme ça
Rémi : Freddy
Chaf : Quoi Freddy.
Rémi : Freddy a un secret
Chaf : C’est son endroit. Depuis le printemps brusquement…Il est toujours tout seul. Et s’il nous cachait sa
vie ?
Rémi : On va lui faire rencontrer une fille. On lui donnera rendez-vous à cet endroit, à son endroit.
LES MESSAGES
Chaf : Freddy pourrait écrire : Chère mademoiselle, moi j’aime bien que vous ayez des lunettes c’est le
signe qu’on a au moins deux manières différentes de voir le monde, et puis vous me dites que vous êtes
moche mais moche c’est le mot qui est moche, moche moche moche, de toute façon c’est moi qui vous
regarde
Je m’appelle Freddy M.
Vous dites que vous êtes dans le tourisme ça me plaît moi aussi je suis dans le tourisme, je suis touriste de
l’existence.
Chaf : mon frère et Rémi sont au collège en ce moment moi…
J’ai quitté le lycée, je reste seul dans ce coin, dehors, près du terrain de basket
Rémi : Salut. Est-ce que tu le fais ou pas ? En tout cas ta photo ouais. Mais tu le fais ?
Chaf : Attention mademoiselle, je pourrais être un de ces types dangereux qui zonent sur la toile, avides de
chair fraîche.
Rémi : Tu le fais ? Ou pas.
Chaf : Je n’ai jamais connu mon frère avec quelqu’un
Rémi : Moi je le fais pas. Pas avec toi. Je sais que t’as pas la tête de la photo…
Chaf : Il peut accompagner une fille à la fête foraine et lui dire si elle a laissé une étiquette de prix sous ses
chaussures : il est élégant, mon frangin.
Rémi : On veut que tu te réveilles !
Chaf : On veut que tu t’éclates !
Rémi : Comment ils font les autres ?
Chaf : Pourquoi il faut faire comme les autres ?
Rémi : Bonjour, je m’expose, professeur de savoir-pourquoi.
Le professeur : Pourquoi faut-il faire comme les autres ? Parce que vous n’êtes pas les premiers à vous poser
ces questions. Parce qu’aucune idée ne provient du vide, il y a des modèles, suivez le modèle, le modèle est
une aide, vous regardez le dessin et vous n’avez qu’à le recopier, c’est plus simple avec un modèle, plutôt
que d’inventer. C’est valable pour tout : pour la carte des Etats-Unis en géographie, comme pour la vie.
Chant numéro 1
Si je suis, vaillant bonhomme, je suis celui qui est devant
Si je suis, vraiment conforme, je suis content d’être suivant,
Si tu suis, toujours la norme, tu appartiens au mouvement,
Uni, uni, uniforme, au chaud dans l’uniformément.
Rémi : Ta mère aussi, elle en fait trop. Freddy mon poussin qu’est-ce qui t’arrive ? Qu’est-ce que tu as ?
Qu’est-ce qu’on peut faire ? Comment est-ce possible ? C’est la crise. C’est une crise. Ca va passer oh oui ça
passera. Heureusement que Chaf ton frère s’occupe un peu de moi.
~ 16 ~
Chaf : N’imite pas ma mère !
Rémi : Ta mère elle est folle.
Chaf : Ton père est fou.
Rémi : Il est fou mon père ?
Chaf : Il faut être fou pour être violent.
Rémi : Qui t’a dit qu’il était violent ?
Chaf : Toi.
Rémi : Ah. Si c’est moi, ça doit être vrai. Mais la folie de mon père compte pour une moitié. Toi ta mère est
folle en entier. Elle fume toute la journée. Freddy est devenu comme un poisson rouge, il vivote il végète file
moi une cigarette.
Chaf : Tu imites encore ma mère ?
Rémi : Tu ne supportes pas ta mère. Je ne supporte pas mon père. Ton frère joue les absents au monde,
foutons le camp !
Chaf : Tu imites encore ma mère je t’explose.
Rémi : On n’imite pas sa mère. On met sa casquette à l’endroit. On ne fume pas sous le détecteur. On ne
sort pas en courant. On réfléchit une minute avant de parler. On ne fait pas de bruit en mangeant.
Chaf : On fait du sport trois fois par semaine. Pour notre santé on ne mange ni trop gras ni trop salé ni trop
sucré. On lit au moins un journal de presse quotidienne dans la quinzaine. Et quand on a le temps, on parle
anglais.
Rémi : Tu parles anglais. Moi je m’appelle Tom en cours d’anglais je préfèrerais m’appeler Humphrey.
Chaf : On rentre sagement le soir à la maison. On ne passe pas par le port pour voir les plus grands.
Rémi : On passe par le port.
Chaf : On ne passe pas par le port ! On ne doit jamais dire même entre nous qu’on passe par le port.
Rémi : On s’habille comme il faut. On est comme il faut.
Chaf : Si si, on est comme ça. La perfection nous fatigue juste légèrement, très légèrement, la perfection est
notre petite distraction un peu usante, entre deux heures de cours.
Rémi et Chaf : Freddy, qu’est-ce qui s’est passé au printemps dernier ?
Freddy : On me suppose des désirs que je n’éprouve même pas. Je ne suis que le support sur lequel ils
inscrivent leur vision de moi. Au printemps dernier j’ai quitté le lycée.
La mère de Chaf : Il a quitté le lycée ! Et tu crois qu’il me l’aurait dit ? Non, il a fallu que je reçoive ces
courriers, ces appels, comme si je n’avais qu’une chose à faire dans la vie, m’occuper du premier né !
Combien de temps a-t-il fait semblant ? Il lui est même arrivé, quand il gelait, d’aller à l’école avec des
cristaux de glace dans ses cheveux encore mouillés ! Croyez-vous que tout soit ma faute ?
Rémi : Si tu pouvais te confier à nous. Que dirais-tu ?
Freddy : Vous ne comprendriez pas.
Chaf : Il fait le fier. Il croit qu’on n’est pas assez : généreux, mûrs, adultes pour comprendre.
Freddy : Même certains adultes ne comprennent pas. D’ailleurs cela ne se comprend pas, cela se vit ou non.
Rémi : Moi je peux tout entendre, tout comprendre. Dis ! Parle !
Freddy : Tu ne m’entends pas.
Chaf : Il va pleuvoir.
Freddy : Peut-être ai-je besoin de cette pluie sur mon visage.
Pour laver l’affront d’un crachat, les minuscules missiles qui rendent la vie impossible. La vie impossible,
cela paraît bête, la vie ce serait plutôt le trop-plein de possibles, on m’a attendu à la grille du lycée. J’étais
seul, eux plusieurs. Les possibles alors se tendent comme le fil de l’arc, et plus moyen de s’enfuir la route
est barrée.
Je ne suis pas une victime, suis-je une victime ? Si je ne suis pas une victime, qui suis-je au juste ? Comment
nommer celui que l’on moque et qui s’abstient de réagir ? Celui qui laisse son sac voltiger de main en main
jusqu’à le récupérer, couvert de poussière et d’épines, à moitié déchiré ? Celui qui a peur, et qui par peur
se laisse frapper en plein visage, parce qu’il craint de frapper à son tour, de reconnaître en lui, la violence ?
Cela durait depuis des semaines.
J’ai quitté le lycée.
~ 17 ~
Mère de Chaf : Freddy, mon poussin, mon ange, mange…De vous deux qui est l’aîné ? Ou peut-être est-ce
moi la cadette ? Chaf tu vois bien qu’il n’y arrive pas seul…Aide le…
Chaf : C’est lui l’aîné maman.
Mère de Chaf : Le fils est maigre encore aux yeux de l’Inquiétude. Le fils est maigre encore, je le vois je le
sens, il lui faut s’expliquer. Mange-t-il ? Mange-t-il assez ? Sera-t-il en forme pour accomplir toutes ces
choses qu’il a à faire, et son destin ? L’amour, l’amour, L’amour que j’éprouve pour toi – mais je m’essouffle.
Cet amour me fait mal, si tu souffres. .
Ce matin j’ai trempé un paquet de cigarettes sous l’eau à la place de l’éponge…Je ne l’ai pas fait exprès…On
en fait des choses sans le vouloir, même des enfants…J’ai été obligé de réchauffer les clopes au micro-ondes.
Mais ce n’est plus pareil…Je ne trouve pas la couteau à pain…Je vais me recoucher. Peux-tu t’occuper de la
maison ? Freddy ? Quitté ? Le lycée ? Où te caser maintenant ? Quelle angoisse. C’est ça que tu me
proposes, l’angoisse d’une mère qui ne sait pas quoi faire de son fils ?
Freddy : Je prends le large, je fais l’autruche, je vais voir ailleurs, mon esprit vagabonde, je suis devenu
rêveur de fugue, fomenteur de fuites, comploteur d’évasion…Ou un lâche, un lâche qui voit dans le départ
la trace d’un petit courage. Direction : le silence. Habitation : ma tête.
La cruauté se loge dans le creux d’une main. La main elle-même loge un caillou. Bim dans la tempe, ne te
retourne pas.
Est-ce que c’est un avenir de se faire frapper par des camarades ? Car il faut encore les appeler camarades.
Ils ont des prénoms, des habitudes, et des visages. Pourtant quand j’essaie de me souvenir je ne vois que
leurs mains, je n’entends que leurs rires, rumeur qui me poursuit, qui me fait changer de trottoir.
Des camarades ? Des inconnus. Quels noms portent-t-ils d’autre ?
(Chaf et Rémi ne l’entendent pas.)
UNE RENCONTRE
Chaf : Une fille viendrait près du terrain de basket grâce au message signé à la place de Freddy sur un site
de rencontres.
Rémi : Elle arrive. Elle sourit. Elle est venue. Elle est là. Elle a l’air gênée. Elle porte des lunettes. Un pas.
Deux pas. Trois pas. Une, deux, trois. Un deux trois, un deux trois. C’est la valse des intimidés. A toi de
jouer ! Bouge bouge bouge bouge ! DANS LES POCHES LES MAINS ! LES MAINS ! LES YEUX TU REGARDES
DANS SES YEUX ET SI TU N’OSES PAS VISE UN POINT AU MILIEU DE SON FRONT LE POINT DES HINDOUS
Il ne semble pas la voir. Qu’est-ce qu’il fait ? Il fait quelque chose ? Et elle ? Mais lui ? Elle penche la tête,
elle veut savoir.
Chaf : Allez Freddy ! Un pas, deux pas, un pas, deux pas…Une deux une deux, c’est la marche des indécis.
Rémi : Elle ne comprend pas. Il ne pige rien. Il se gratte.
Freddy : Sensation galop de cheval sous le menton.
Chaf : Ils ne se sont rien dits.
Rémi : Ils ne se diront rien : elle part.
Freddy : Ce n’est pas une décision que j’ai prise, celle de n’être plus au format habituel.
Si cela était si facile, de marcher droit, de mettre ses pas dans ceux qui te précèdent, sans réfléchir.
Rémi : Papa…Excuse-moi.
Le père de Rémi : Il est huit heures passées. Passées à quoi je te le demande ? Réponds quand je te parle.
Rémi : On est en train de statuer sur l’avenir de Freddy.
Le père de Rémi : Statuer ? C’est quoi statuer faire la statue ? Tu peux parler normalement, crétin ? C’est qui
Freddy.
Rémi : Le frère de Chaf.
Le père de Rémi : Chaf, toujours Chaf par ci, Chaf par là ! Tu es passé par le port ? Bien sûr que tu es passé
par le port. Il suffit qu’on te dise, ne fais pas ça pour que tu le fasses. Le port c’est louche, t’entends ? Tu
veux une claque ?
Rémi : Non.
Le père de Rémi : Tiens. On ne dit pas non à son père. Les ados les ados, c’est spécial encore comme genre,
ça.
~ 18 ~
Chaf : Je veux un frère qui sourit ! Je veux un frère qui rigole ! Je veux un frère qui bouge de cet endroit qui
fasse un geste vers moi ! Je veux un frère normal !
Freddy : Dans le mot normal il y a la morale qui si se niche et le n de la haine
Rémi : On est formatés comme un outil technique, on est découpés selon les pointillés mais on ne sait pas
qui nous découpe, on est mis tous ensemble, alors on s’imite, on se gêne, des fois on se frappe. On
correspond à ce qu’on nous dit qu’on est. Si tu te fais traiter d’idiot, eh bien tu vas te comporter de plus en
plus comme un idiot.
Chaf : Et si je dis que je suis clown ?
Rémi : Alors on est des clowns.
Chaf : On a d’autres noms.
Rémi : On est d’autres gens. La clownerie c’est là où l’on t’apprend à ne pas être dans les clous.
Chant 2
Dans les clous, tu marcheras,
Le moule standard est fait pour toi,
Nous avons trouvé la parade,
Nous sommes de bons camarades,
Nous échappons à la pression,
Nous réussissons à dire non,
Nous fleurissons, incognito,
Par la magie des faux-jumeaux
Chaf : Pour nous séparer ils en bavent. Avec une scie, avec une hache, avec des vis dans la tête ils essaient.
Le professeur : Vous ne pouvez pas écrire ce devoir à deux.
Rémi : On ne peut rien faire si on n’est pas deux.
Le professeur : Vous commencez à me chauffer les oreilles, et encore je suis poli.
Rémi : Pourquoi poli ?
Le professeur : C’est le modèle. Est-ce que je ne suis pas un modèle pour vous ?
Rémi : On ne peut pas vraiment dire ça. Nous notre modèle c’est Barak Obama.
Le professeur : Pourquoi ?
Rémi : Parce qu’il est noir.
Chaf : Bonjour monsieur, on est envoyé par l’Association libre des Questionneurs d’enfance.
Rémi : Lui défait tout ce que je fais.
Chaf : Lui dépense tout ce que je pense détruis tout ce que je truis.
Rémi : Qu’est-ce que tu truis ?
Chaf : On truit avec la truelle. Nous, au ministère de l’Incubation, on nous a dit : entre dix et vingt ans, c’est
un passage difficile. Il faut mettre des chaussons spéciaux d’escalade, et se lancer sans regarder. S’encorder
peut-être, mais ça peut tout faire foirer, et si tu tombes, alors si tu tombes…Entre dix et vingt ans…
Rémi : Nous on attend que tu arrives au sommet et que tu nous dises, comment c’est en haut ?
Chaf : Qu’est-ce que tu vois ?
Rémi : 17
Chaf : 18
Rémi : Qu’est-ce que tu bois ?
Chaf : Il est bloqué. Il faut le débloquer.
Rémi : Sans qu’il débloque.
Rémi : Vous avez eu, dans vos premières années, des difficultés relationnelles.
Chaf : Ecoutez les classeurs, écoutez dans les classes, écoutez-le. Voici Freddy le bon frangin, attristeur
d’espèces, notre arbitre, notre juge, notre entraîneur, le meneur de jeu, qui porte toute la misère du
monde sur ses épaules !
Rémi : Et ton avenir ? L’avenir est dans les livres avec des tas de références. Références mariage enfant
678A, référence emploi stable 567B, référence cauchemar ZZ400, ouvre, ouvre le livre ! Dépêche-toi !
~ 19 ~
Chaf : Prends ça. Non. Fais ça. Non. Pense ça. Non. Défais ça. Non. Déprends ça. Non. Obéis : non. Ton nom
c’est non, on en a marre de ta négation !
Rémi : Dérangé ! Tu es dérangé ! Tu délires, tu déprimes, tu nous désespères et tu sais ? On démissionne !
Chaf : Tu démissionnes ? Mais quoi ? Quoi ?
Rémi : Quoi.
Chaf : Quoi ?
Rémi : Quoi, quoi ?
Chaf : Quoi ?
La mère de Chaf : Il s’est toxiqué, voilà, à force d’aller mal. Troubles liés aux substances. « S’abstenir de
substances en toutes circonstances maintiendra votre ado top niveau. » Anxiété généralisée, dépression,
pathomimie. Qu’est-ce que c’est ça pathomimie ? Qu’est-ce que j’ai fait du dictionnaire ? Trouble de
l’adaptation, trouble du sommeil, trouble de l’alimentation, trouble des conduites alimentaires, trouble de
la personnalité, trouble de l’identité, trouble de l’humeur, troubles, troubles, troubles des habitudes et des
impulsions classifiés nulle part ailleurs…
Chaf : Ataraxie : absence de troubles.
La mère de Chaf : Regarde dans la table des matières s’il y a un trouble qui correspond, on va trouver le
trouble, on va trouer le trouble comme un gros ballon vénéneux qui ne mérite pas sa place dans le cœur de
mon fils…Attends ne me laisse pas tout de suite attends un peu reste avec ta maman…
(Rémi se retrouve seul avec Freddy jusqu’à l’arrivée de Chaf)
Rémi : Eh Freddy ! Ferme ta bouche on dirait une porte de garage ! Eh Freddy ! Pour une mouche avalée,
un neurone offert ! Eh Freddy ! T’as quitté le lycée ou c’est lui qui t’a largué ! Eh Freddy ! T’as raison de te
taire tu pues moins de la gueule ! Eh Freddy ! Tu crois que c’est la terre qui tourne ou c’est toi dans ta
tête ? Eh Freddy ! Les filles tu sais comment ça se pilote ou faut tout t’expliquer ?
Chaf : Qu’est-ce qui te prends ?
Rémi : On va le sortir de là. Vas-y…
Chaf : Tu l’insultes ?
Rémi : C’est tactique.
Chaf : Il n’a pas besoin d’être insulté.
Rémi : Il s’est déjà fait insulter. Je le sais par des frangins de frangins de copains de copains du collège d’à
côté. Si on recommence, ça peut le bousculer.
Chaf : Il n’a pas besoin d’être bousculé.
Rémi : Il s’est déjà fait bousculer. Il s’est fait casser la gueule ou plutôt les côtes.
Chaf : Qui a fait ça ?
Rémi : Et surtout pourquoi ?
Chaf : Il y aurait une raison valable ?
Rémi : Qu’est-ce que j’en sais ?
Chaf : Tu la connais ?
Rémi : Fous-moi la paix.
Chaf : Dégage.
(départ de Rémi ?)
Chaf : C’est à cause de maman ? C’est à cause d’une fille ? Est-ce que c’est toi l’égorgeur de chats du
quartier nord ? Le cinglé du dépôt des bus qui a failli tout faire flamber ? Le Monsieur Y aux prophéties
fatales et qu’on règle par carte bleue ? C’est toi l’escroc des grands-mères et qui les force à boire ? C’est toi
celui dont tout le monde a peur et qu’on ne nomme plus, parce qu’un enfant il y a cinq ans a disparu ? Si tu
es celui là, fous le camp ! Enfonce-toi sous terre ! Ne lève plus les yeux sur la mère. Tais-toi. Oh, non ne te
tais pas ne te tais pas ne te tais pas…
Freddy : Il faut qu’il y ait quelqu’un pour s’assortir avec. On est obligés d’aller par paire, ou par groupes. Je
suis tombé amoureux. Oui, c’est ce qu’on dit dans ces cas là, quand tu as la chair de poule, la joie au cœur,
et cette évidence en cadeau. Avant, je me disais que l’amour n’existait pas. Je me disais : quelqu’un qui se
jette dans les flammes pour sauver un inconnu, le fait par amour propre, risque sa vie pour l’honneur, pour
~ 20 ~
être traité en héros. Je me disais, on n’aime que soi, ou alors les enfants qui sont issus de soi, et puis tout a
changé. Ma vie, que je croyais inaugurée d’un drame insurmontable, reprenait ses couleurs.
Chaf : Avant…
Freddy : Avant, avant…J’étais différent. « Eh les gars ! Vous ne voulez pas des chaussures neuves avec la
marque en évidence ? Ou le triple écran qui fait cuisine et bar aussi ? Ou l’écran plus plus et ses options
paramétrées, le cool clavier bip bip de la balle extra, vous pouvez toujours demander ! Eh bien les gars, ça
ne pense qu’à acheter, acheter, mais vos leçons vous les avez révisées ? »
Chaf : « Eh bien les gars… » Tu riais.
Freddy : Je riais.
Chaf : Tu aimais la guitare et la guitare prend la poussière.
Freddy : C’est vrai.
Chaf : Il y a tellement de vies à vivre !
Freddy : Maintenant je le sais.
Chaf : La vie du terrain de basket sans y jouer, la vie du terrain de basket en y jouant, la vie devant
l’ordinateur allumé, la vie devant l’ordinateur éteint, la vie sans ordinateur, la vie de quatre à cinq ans et de
cinq à six heures, la vie sur une page A4, la vie avec roulade embrassade, et ses fleurs qui poussent de
travers. Freddy il y a quelqu’un en face, il faut qu’il y ait quelqu’un, qui est-ce ?
Freddy : En face de moi, un regard inquiet, mon regard, qui se demande combien de temps mettent les
mensonges pour apparaître sur un visage. Est-ce que ça se voit ? Est-ce que ça se voit ?
Chant 3
Est-ce que ça se voit, que je me cherche encore ?
Est-ce que j’ai le droit, est-ce que j’ai tort ?
Je ne vois pas pourquoi, je serais vraiment moi une fois dans l’âge mûr
Et si c’était plutôt quand on est un ado que notre avis est sûr
J’ai deux ou trois colères déjà découragées par la force des choses
J’ai peur qu’à trop vieillir je trouve à toute crise des effets et des causes
Rémi (seul) :
Un ami d’enfance. Soit c’est un ami que tu as depuis l’enfance, et l’amitié continue, soit c’est un ami que tu
as eu, que tu as perdu de vue, et on n’en parle plus. J’essaie de m’imaginer dans ta tête et de voir par les
cavités de tes yeux. Je n’aperçois que ton frangin. Moi je ne suis pas dans l’image. On me coupe toujours
sur les photos, on ne voit que des bouts de moi, une frange, un bras, le flou d’une course, le monument à
gauche, le voisin à droite. Je suis composé de particules à reconstituer mais même en pensée je m’y perds,
alors je ne pense plus, j’ai le cerveau plus mou.
Il y a tellement de vies à vivre ! La vie sans Chaf se vit aussi. De toute façon je vais faire une fugue. Je
prendrai mon sac à dos rouge, une lampe électrique, des allumettes un pyjama. De la bouffe, ouais ! De la
bouffe qui prend pas trop de place.
Je partirai au petit jour. Je traverserai le bois près de la nationale, je longerai un verger, je respirerai enfin.
Mais…
Il y a des gens qui savent ce qu’ils veulent obtenir de la vie, moi, non.
Il y a des gens que l’on attend au bord des routes parce que ce sont de grands sportifs, et moi, non.
Il y a des gens qui accomplissent des exploits et même des chiens font cela, moi pas.
Il y a des gens qui ne craignent ni la nuit, ni les bêtes, ni l’aventure, et moi, moi…Il faut que je sois rentré
pour huit heures. Merde, je dois y aller.
Papa ?
Le père de Rémi : Tu veux une raclée ?
Rémi : Tu veux savoir où j’étais ?
Le père de Rémi : Tu devais être là t’y étais pas.
Rémi : Je fuguais.
Le père de Rémi : Puis t’as eu faim. Hein ?
Rémi : Marre de tes claques de tes baignes de tes raclées. Cette fois tu ne me frapperas pas. Je suis devenu
plus fort que toi.
~ 21 ~
Le père de Rémi : Voilà fiston, c’est bien ! Des années que j’attends ça. T’écrase pas ! Bats- toi ! On n’est pas
là pour se faire marcher sur les pieds. T’es le chef. C’est à toi de le prouver et de prendre cette place. A
table ! N’attends pas que je te propose de te servir. Je suis fier de toi.
Rémi : On se reparle ? Tu me reparles ?
Chaf : Reparle, toi.
Rémi : A toi.
Chaf : Dis-moi.
Rémi : Moi je sais les choses par des frangins de frangins de copains de copains.
Chaf : Que t’ont dit les frangins de frangins de copains de copains.
Rémi : Laisse-moi attendre.
Chaf : Attendre quoi ?
Rémi : La fin du silence de Freddy. Un silence ça ne peut pas durer toute la vie. Et puis il n’y a personne chez
moi.
Chaf : Il est perdu, pas loin, il faut le récupérer.
Freddy : Amoureux. On feuilletait les livres mais on ne les lisait pas. On se regardait. Depuis la rentrée de
septembre ça durait. En sciences naturelles je voyais sa nuque dont la peau me semblait douce, et son pull
dont l’étiquette dépassait.
Dans la foule d’une cour de récré, dans le bazar des couloirs quand ça sonne, on se voit, nos yeux savent
que l’autre est là, malgré la distance et malgré le bruit. Et tu n’es plus qu’une vibration, une corde de
violon, tu rayonnes-malgré la distance et malgré le bruit. Trouver des prétextes pour se rapprocher, se
parler, une sortie au cinéma ta main glacée mon cœur flippé, des mots qu’on regrette tellement ils sont
banals, on recommencera, veux-tu sortir avec moi, je n’ai plus de voix, viens.
On n’a pas le droit de sortir du format. On croit qu’on l’a, mais pas. Aller du côté des marronniers pour
échapper aux rires, aux autres.
La violence d’un regard qui te dézingue sur place, qui t’assomme, qui t’enlève tout le maigre savoir que tu
croyais avoir sur toi-même.
Tu n’as pas le droit ! Tu n’as pas le droit de faire ça !
Le père de Rémi : Bonjour je suis le père de Rémi.
La mère de Chaf : Enchantée…La maman de Chaf et Freddy.
Le père de Rémi : Votre fils traîne avec le mien près du port le soir et le port c’est louche.
La mère de Chaf : N’est-ce pas qu’ils s’entendent bien ? C’est une chance. Vous fumez ?
Le père de Rémi : Les enfants faut les…Faut les…Faut les cadrer, leur donner des limites.
La mère de Chaf : Bien sûr.
Le père de Rémi : Leur donner des claques.
La mère de Chaf : Des claques ? Pourquoi pas.
Le père de Rémi : J’aimerais que nos enfants ne se voient plus aussi souvent.
La mère de Chaf : Ca va être difficile.
Le père de Rémi : Pourquoi ?
La mère de Chaf : Parce que pour les séparer, ils en bavent !
Le père de Rémi : Pourtant il va bien falloir. C’est moi qui vous le dis.
Rémi : Chère…Non. Pas chère. Si, chère. Mademoiselle…J’ai vu votre profil. Est-ce qu’on tombe amoureux
d’un profil ?
Chaf : J’ai laissé tomber pour Freddy.
Rémi : C’est pour mon père que je cherche. Freddy, ça risque pas.
Chaf : Qu’est-ce que tu ne me dis pas ?
Rémi : Je ne vais pas te dire ce que je ne dis pas puisque je ne le dis pas c’est qu’il n’y a rien, rien à dire…
Chaf : Je ne me sens pas bien.
Rémi : Ca va ?
Chaf : Je ne me sens pas bien.
Rémi : Ca va ?
Chaf : Je ne me sens pas bien.
Rémi : Ca va ? Dis que ça va ! Si tu le dis ça va !
~ 22 ~
Chaf : Je m’imagine des choses qui ne s’imaginent pas. A cause de toi.
Rémi : Réconcilie-toi.
Chaf : Je ne rêve jamais trop loin. Réglementaires, les proportions, de mon imagination. Juste la place pour
une petite copine, deux trois visions torrides, un travail pas trop difficile, et ma tête un cagibi éclairé d’une
ampoule nue. Les ombres dessinent des paysages. « Rêve-petit », voilà ce que je suis. Et puis si tout à coup
des choses que tu n’avais pas prévues s’invitent dans tes rêves. Couleur glauque. Des trucs qui te font
froncer les sourcils et rougir dans le pantalon
Freddy : J’étais en plein entraînement pour n’avoir aucune opinion. A tout je préférais les maths, le sport,
les faits concrets. Ce qu’on appelle, à raison ou tort, la réalité.
Poussez haut votre cri, lancez haut votre injure, arrondissez la bouche en forme de dégoût, levez les yeux
au ciel, ricanez de concert, n’en croyez pas vos yeux, faites non-non de la tête, poussez votre voisin du
coude, écartez cette pensée de votre noble tête, détendez vous, ce n’est que de sentiments dont il est
question, ce n’est peut-être pas si grave. Je suis tombé amoureux d’un garçon, est-ce que vous pouvez le
comprendre ?
Rémi : Il me semble qu’il voulait nous dire quelque chose.
Chaf : J’ai eu la même impression
Freddy : Ils ne m’entendent pas. J’ai tellement perdu l’habitude.
Chaf : Tu veux dire qu’il serait…
Rémi : Un bruit qui court.
La mère de Chaf : Pourquoi tant d’efforts pour une carapace qui s’effrite…
Le père de Rémi : Je crois que je suis en train de craquer, c’est nerveux…
La mère de Chaf : Vous savez on n’est pas responsable de tout on ne peut pas tout contrôler
Chaf : Freddy est toujours Freddy, silencieux ou bavard, amoureux ou non.
Rémi : Ou une sale tafiole, une tapette, un pédé. C’est dégueulasse.
Freddy : Je cueille des injures et j’en fais un bouquet.
Chaf : Tu traites mon frère de dégueulasse ?
Rémi : Pas ton frère, ça…
Chaf : Ca quoi ?
Freddy : Je danse entre deux attaques, esquive légère, que mon corps soit une joie, j’envoie des baisers
muets à ceux qui me méprisent, des révérences à ceux qui me rejettent, sur mon front je tresse une
couronne de mots lourds et balourds qui me sont adressés et qui, liés ensemble, sont plus faciles à
supporter d’une traite, oui, transformer la peine en joie est un défi autant qu’une obligation, je marche, le
dos droit.
Rémi : Ca, il faudrait qu’on soit d’accord sur le nom
Chaf : T’as trop peur. Tu peux répéter ?
Rémi : Tafiole, tapette, pédé.
Freddy : Au début personne ne disait rien, mais ça parlait. Ca parlait dans mon dos. Boulette de papier sur
le crâne, messages d’insultes, où aller pour être tranquille ? Le petit bois près du gymnase ? Ce n’était pas
encore assez loin. On nous a poursuivi, un coup de poing dans le ventre, cela arrive, n’est-ce pas, ils étaient
cinq et ils frappaient. Et je ne suis pas sûrs qu’ils savaient vraiment pourquoi. Roué de coups, coup de pied,
piétiné, néantisé par eux qui croient tout savoir.
Chaf : Moi je suis l’avocat de la défense de mon frère.
Rémi : Sûr il ne peut pas tout seul.
Chaf : Mais que sais tu de lui ?
Rémi : Je sais un peu de tout sur tout.
Chaf : Même sur le cul ?
Rémi : Tu as dit quoi ?
~ 23 ~
Chaf : Le cas du cul ; j’ai pas le droit ?
Rémi : Qu’est-ce que tu crois ? « Sexe, sexe sexe sexe » !
Chaf : Les sentiments ?
Rémi : N’importe quoi.
Chaf : On l’a pas fait. Ni toi ni moi. On est des nuls. Des ignorants.
Rémi : Je l’ai pas fait ?
Chaf : Tu l’aurais dit.
Rémi : Vraiment tu crois que je te dirais tout comme les filles se disent tout ?
Chaf : Quoi les filles.
Rémi : Y a des principes. Il faut une fille.
Chaf : Faut croire que pas toujours.
Rémi : Ne t’approche pas. C’est contagieux ? Il y a des lois dans la nature.
Chaf : Et chez les humains.
Rémi : Oui votre honneur.
Chaf : Non « votre honneur » c’est dans les téléfilms ricains.
Rémi : Oui monsieur le juge.
Chaf : Les lois changent.
Rémi : Ah bon. Quand ça.
(Enquête type « les Experts », mauvais doublage)
Chaf : Alinéa 3 article 331 du Code pénal : « Sera puni d'un emprisonnement de six mois à trois ans
quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature avec un individu de son sexe ».
Rémi : Qu’est-ce que je disais.
Chaf : C’était en 1945.
Rémi : Contre nature.
Chaf : En 1960, « fléau social ».
Rémi : On est d’accord. Maladie mentale.
Chaf : Non. Depuis 1990, fini le classement en maladie mentale. Le Code Civil (article 9) rappelle que «
chacun a droit au respect de sa vie privée ».
Le Code Pénal (article 225-1) indique que « constitue une discrimination toute distinction opérée entre
personnes (…) à raison de leur sexe, de leurs mœurs, de leur orientation sexuelle ».
Rémi : T’as avalé wikipedia ? Et qu’est-ce que ça change que la loi change ? Et comment on sait que les lois
changent ? Est-ce qu’on reçoit un courrier personnel ?
Chaf : Ca change que je peux te dénoncer. « L'injure privée envers un particulier est passible d'une
contravention de 4e classe (750 € maximum). L'injure publique envers un particulier est punie d'une
amende de 12 000 €. Si l'injure est homophobe, les peines sont aggravées : 6 mois d'emprisonnement et 22
500 € d'amende. »
Rémi : Et moi si je te tue, t’es plus.
Chaf : Je te ferai arrêter avant.
Rémi : Me faire arrêter pour avoir dit tafiole tapette pédé ?
Chaf : Exactement.
Rémi : On peut le dire et pas le penser, on peut le penser et pas le dire.
Chaf : Tu veux l’amitié qui éclate le soleil écarlate ?
Rémi : Tu veux les rumeurs qui déchirent et ton frère en martyre ?
Chaf : Tu veux qu’on se déchire étripe un sûr sûr mauvais trip ?
Rémi : Jette ton frangin. Les liens du sang sont rouges pour rien c’est du sang ultra-teint.
Chaf : Tu comprends rien ?
Rémi : Le soleil se lève à l’est et se couche à l’ouest. Tout est comme ça et pas autrement, voilà ce que je
comprends.
Freddy : Je ne sais pas s’ils en sont venus aux mains. Est-ce que vous en êtes venus aux mains ? Est-ce que
je vous ai séparés, est-ce que c’est cela qui m’a sorti du silence ? Je suis tombé amoureux d’un garçon, c’est
ce qu’on dit, et c’est la vérité. Une vérité toute simple, toute nue, une crudité, sans rien autour. Alors, les
gars. Est-ce que vous allez me laisser vous regarder jouer au basket, ou me demander d’imprimer top vos
clichés ultra light ?
~ 24 ~
(silence)
Freddy : J’ai changé ?
Rémi : Oui.
Chaf : Non.
Rémi : Est-ce que c’est héréditaire ?
Freddy : Je suis comme vous je crois.
Rémi : Ah non moi je crois pas.
Chaf : On va les retrouver ceux qui t’ont agressé.
Rémi : Ne comptez pas sur moi.
Chaf : Lui et lui, elle et elle, où est le problème, il y en a un ?
Rémi : Faut qu’j’y aille.
Freddy : Regarde-moi.
Rémi : Je veux pas t’obliger à parler, je dois rentrer, c’est tout.
Freddy : Ta peur j’espère disparaîtra.
Rémi : Ah moi la peur je connais pas.
Freddy : Tope là, tope là ?
Rémi : Taper je peux.
Freddy : Serrer la main plus difficile.
Chaf : On va te venger, Freddy.
Rémi : Ils vont nous tomber dessus. Ils vont nous traiter comme lui.
Chaf : Qu’ont-ils besoin de savoir ? C’est de la vie toute privée défense d’entrer.
Freddy : Alors, Rémi, qu’est-ce qu’on fait ?
Chaf : Vous faites la paix ?
Freddy : On fait un pas ?
Chaf : Est-ce que tu vas retourner au lycée ?
Freddy : Est-ce que tu vas cesser de t’occuper des affaires de ton frère ?
Freddy : Est-ce que tu vas tout répéter à maman ?
Chaf : Est-ce que tu peux retirer tafiole tapette pédé ?
Rémi : Est-ce que ça peut m’arriver à moi aussi ?
Chaf : Est-ce que tu peux arrêter d’avoir peur ?
Rémi : Est-ce que tu peux nous commander du shlurps qui moove et du chom’s qui groove ?
(Ils jouent ensemble au basket ?)
Chaf : On a réussi.
Rémi : A le faire parler.
Chaf : C’est mon frère. Faut lui faire confiance.
Rémi : Forcément, il est…
Chaf : Il est comme il est.
Freddy adulte : Voilà les gars. Vous êtes restés jeunes et moi pas. Vous êtes restés jeunes parce que vous
êtes figés dans mon souvenir comme je vous ai vus pour la dernière fois. Je suis parti définitif. Quitté la
ville. Le grand départ. La nuit. Le port. Salut frangin ! Tchao maman. Des choses à faire. La vie la vie. Il se
mariera peut-être, il n’aura sans doute pas d’enfants, mais je crois qu’on pourra dire qu’il vécut heureux,
jusque là…Un jour je viendrai vous présenter mon amour, je ne me ferai pas tout petit, mon dos sera solide,
mon sourire large et assuré, mon désir intact, et nous serons libres
~ 25 ~
CHANSONS
> RADIOHEAD / CREEP
When you were here before
Quand tu étais ici autrefois
Couldn't look you in the eye
Je ne pouvais pas te regarder dans les yeux
You're just like an angel
Tu as l'air d'un ange
Your skin makes me cry
Ta beauté me fait pleurer
You float like a feather
Tu flottes comme une plume
In a beautiful world
Dans un monde merveilleux
And I wish I was special
Et je voudrais être spécial
You're so fucking special
Tu es tellement particulière
[Chorus]
[Refrain]
But I'm a creep (1), I'm a weirdo (2)
Mais je suis un salaud, je suis un raté
What the hell am I doing here ?
Qu'est-ce que je fous ici ?
I don't belong here
Ma place n'est pas ici
I don't care if it hurts
Ca m'est égal si ca fait mal
I want to have control
Je veux avoir le contrôle
I want a perfect body
Je veux un corps parfait
I want a perfect soul
Je veux une âme parfaite
I want you to notice
Je veux que tu remarques
When I'm not around
Quand je ne suis pas là
You're so fucking special
Tu es tellement spéciale
I wish I was special
Je voudrais être particulier
[Chorus]
[Refrain]
She's running out again
Elle s'enfuit encore
She's running out
Elle s'enfuit
She's run, run, run, running out...
Elle court...
Whatever makes you happy
Quoi que ce soit qui te rende heureuse
Whatever you want
~ 26 ~
E N LI E N AVEC L E T HE M E
Quoi que tu veuilles
You're so fucking special
Tu es tellement spéciale
I wish I was special...
Je voudrais être particulier...
[Chorus]
[Refrain]
I don't belong here
Ma place n'est pas ici
(1) et (2) : littéralement Creep désigne un insecte, une vermine et Weirdo signifie une drôle de personne.
Thom Yorke a apparemment composé cette chanson alors qu'il était étudiant. Étant tombé amoureux
d'une jolie fille inaccessible car d'un milieu social bien au-dessus du sien, il l'aurait suivie sans espoir
pendant quelques jours sans oser l'aborder, y compris dans des quartiers huppés où il se sentait
complètement déplacé1.
Cela correspond bien au texte de la chanson, comme le montrent cet extrait du premier couplet et le
refrain: « When you were here before / Couldn’t look you in the eye /… / I wish I was special / You’re so
fucking special / But I’m a creep / I’m a weirdo / What the hell am I doing here ? / I don’t belong here »,
c'est-à-dire « Quand je t'ai vue la première fois / Je ne pouvais pas te regarder dans les yeux /… / J'aimerais
être exceptionnel / Tu es si foutrement exceptionnelle / Mais je suis un détraqué / Je suis un zarbi / Qu'estce que je fous ici ? / J'y suis pas à ma place ».
Les thématiques abordées sont donc celles du jeune homme qui se sent à part, et qui a l'impression d'être
amoureux sans espoir d'être aimé en retour. Comme on peut l'imaginer, ces thématiques ont évidemment
joué un rôle important dans la popularité du titre2. Leur côté à la fois adolescent et intime a peut-être une
part dans le hiatus entre le public, qui adorait ce morceau presque intemporel, et le groupe, qui voulait
passer à autre chose et ne pas à se cantonner à un seul et unique tube.
Mais il existe une autre interprétation. Le texte peut également être l'expression du dégoût de soi, l'histoire
de quelqu'un qui ne s'aime pas et qui l'exprime de façon brutale, tel qu'il le ressent. Lors de
l'enregistrement de la chanson en studio, à chaque refrain le bruit de grattement des cordes n'est pas
effectué par une guitare mais par une corde de piano.
> G RA ND C ORP S M A LADE / P E RE S E T M E RE S
Depuis la nuit des temps l'histoire des pères et des mères prospèrent
Sans sommaire et sans faire d'impairs, j'énumère pêle-mêle, Pères Mères
Il y a des pères détestables et des mères héroïques
Il a des pères exemplaires et des merdiques
Il y a les mères un peu père et les pères maman
Il y a les pères intérimaires et les permanents
Il y a les pères imaginaires et les pères fictions
Et puis les pères qui coopèrent à la perfection
Il y les pères sévères et les mercenaires
Les mères qui interdisent et les permissions
Y'a des pères nuls et des mères extra, or dix mères ne valent pas un père
Même si dix pères sans mère sont du-per (perdu) c'est clair
Y'a des pères et des beaux-pères comme des compères qui coopèrent
Oubliant les commères et les langues de vipère
Il y a les « re-mères » qui cherchent des repères
Refusant les pépères amorphes
Mais les pauvres se récupèrent les experts (ex-pères) du divorce
Il y a les pères outre-mère qui foutent les glandes à ma mère
Les pères primaires, les perfides, les personnels qui ont le mal de mère
Ceux qui laissent les mères vexent et les perplexes
Moi mon père et ma mère sont carrément Hors-pairs
Et au milieu de ce récit
~ 27 ~
Je prends quelques secondes je tempère
Pour dire à mon père et à ma mère merci
Il y une mère candide et un père aimable
Il y une mère rigide et imperméable
Il y a des pères absent et des mères usées
Il y a des mères présentes et des perfusés
Il y a des mères choyées et des mères aimées
Il y a des pères fuyants et des périmés
Il y a la mère intéressée et la mère ville
L'argent du père en péril face à la mercantile
Il y a les pensions alimentaires, les « pères crédit »
Des pères du weekend et des mercredi
Y'a des pères hyper-fort et des mères qui positivent
Ou les coups de blues qui perforent les mères sans pères-pectives
Mais si les persécutés, le père sait quitter
Et si la mère pleure c'est l'enfant qui perd
Mais si la mère tue l'amertume la magie s'éveille
Et au final qu'elle soit jeune ou vielle la mère veille (merveille)
Moi mon père et ma mère sont carrément Hors-pairs
Et au milieu de ce récit
Je prends quelques secondes je tempère
Pour dire à mon père et à ma mère merci
Il y a les mères qui désespèrent à cause des amourettes
Perpétuellement à la recherche d'un homme à perpette
Il y a la mère célibataire persuadé de n'être personne
Et qui attends que dans ses chimères que derrière la porte un père sonne
Il y a les mères soumises et les pères pulsions
Il y a les mères battues et les percussions
Il y a les mères en galère à cause des pervers, des perturbés
Alors il y a la mère qui s'casse si elle est perspicace
En revanche, si le père et la mère s'accoquine et vont se faire mettre si je peux me permettre
La tension est à dix milles ampères
Car quand le père est en mère et que la mère obtempère
C'est la hausse du mercure car le père percute et la mère permute
Le père tend sa perche et la mère se rit de cette performance, de ce perforant impertinent
Elles sont les péripéties du père dur face à l'effet mère (l'éphémère)
Moi mon père et ma mère sont carrément Hors-pairs
Et au milieu de ce récit
Je prends quelques secondes je tempère
Pour dire à mon père et à ma mère merci
> F A UVE / S AINTE A NNE
Je sais même pas par où commencer en fait
En même temps c’est la première fois / que je fais ça
Donc vous m’excuserez
Si ça part un peu dans tous les sens
Ou si je suis trop confus
Faut dire qu’en ce moment
J’ai du mal à mettre mes idées au clair
À trouver mes mots
Enfin voilà / je vous dresse le tableau
Je suis né dans une famille plutôt aisée
J’ai toujours été privilégié
J’ai jamais manqué d’amour, ni de rien d’autre d’ailleurs
~ 28 ~
Même si ma mère / qui vient quand même d’un milieu assez populaire
Etait parfois un peu sévère / avec mes frères et moi
A l’école j’étais bon élève, à la maison j’étais poli
Je me souviens pas avoir fait trop de conneries étant petit
Par contre, j’ai fait des études correctes
Et aujourd’hui, je sais que mon parcours est plus ou moins tracé
Disons que je sais où j’arriverai / si je continue sur ma lancée
J’aurai probablement / une femme et de beaux enfants
Un crédit à payer /un épagneul anglais / et un coupé-cabriolet.
Et pourtant vous voyez
Ça fait maintenant presque 6 mois que je dors à peine
Que je peux ne rien bouffer pendant deux jours
Sans même m’en apercevoir
Et quand je me regarde dans le miroir / j’y vois un mec bizarre
Pâle, translucide, tellement livide
A faire sourire un génocide
Docteur, je rigole pas
Il faut que vous fassiez quelque chose pour moi
N’importe quoi
Prenez un marteau / et pétez-moi les doigts / je sais pas
Parce que là je peux vraiment plus
Je peux plus sortir dans la rue
Je peux plus mettre les pieds dans des bureaux
De toute façon je suis devenu incapable de prendre le métro
Ça pue la mort, ça pue la pisse
Ça me rend claustro et agressif
Et puis j’ai vraiment l’air d’un gland / dans mon costard trop grand
Et mal taillé / que même si je voulais faire semblant
Y aurait toujours marqué en gros « troufion » / sur mon front
Et puis tous ces gens / qui cherchent absolument / à s’entasser
Qui poussent, qui suent, qui sifflent entre leurs dents / comme des serpents
Vas-y du con, monte, monte, t’as raison
De toute façon, t’auras beau être le premier arrivé
A la clé / on va tous se taper / la même journée / scabreuse
Les yeux collés à l’écran de l’ordinateur
Tu te détruis les pupilles / à lire en diagonale
Des choses auxquelles / t’entraves que dalle
« Nan mais tu comprends, il est hyper important ce dossier
Le client, il raque 300 euros de l’heure
Alors tu te débrouilles, tu vas chercher sur google s’il faut
Mais tu me finis ça pronto »
Oui, vous avez parfaitement raison
C’est de ma faute / je suis pas assez réactif
C’est drôle / oui, collez-moi des gifles
Connard
Et si t’allais /plutôt te carrer / des poignées de porte / dans le cul pour voir ?
J’en ai assez de me taper à déjeuner
Des salades composées à 12 euros
Ou de la barbaque en carton bouilli
De manger sur un coin de table
Puis de passer des après-midis minables à enculer les mouches
Et finir par embrayer sur des « afterworks » entre collègues
Mais quel cafard / à croire qu’on aime tellement
Se faire enfler la journée / qu’on en redemande le soir
Mais bon, faut dire aussi qu’on y rencontre des meufs
Ou plutôt des « célibattantes »
~ 29 ~
C’est-à-dire des nanas qui comme nous ont des problèmes affectifs
On se présente, on leur raconte des cracks
On leur dit qu’on est collab / alors qu’on est à la fac
Et qu’en vrai on passe notre temps
A user nos culs sur des bancs trop étroits
A écouter des types chauves déblatérer
Toute la journée
Déblatérer sur tout / et surtout sur n’importe quoi
Heureusement, nos journées se finissent toujours de la même façon :
On rentre et on se fait beau pour la soirée
On met nos polos cols relevés
Puis on se retrouve au QG
Pour picoler des demis à 5 euros
D’ailleurs, quand on a un peu de plomb dans l’aile
On a souvent envie de jouer aux rebelles
Et de crier au taulier :
« Dis donc, tu te prends pour qui, enfoiré ?
Tu trouves pas que ta bière elle est un peu chère ? »
On le ferait si on avait un peu de cran dans nos artères
Mais on préfère se taire
Et continuer / à gaspiller notre thune
A user notre salive pour pas grand chose
Et à fumer comme des sapeurs
Histoire de s’amocher à fond avant d’être vieux
D’agrandir les valoches qu’on a déjà sous les yeux
A part ça on parle surtout des filles qu’on a vu sur le net
Et puis de celles qu’on aimerait attraper en soirée
Car ce soir, comme tous les soirs, on va essayer de niquer
Mais surtout pas de faire l’amour
Parce que l’amour, c’est pour les pédés
Rien de bien choquant finalement :
Des gars parlent des filles qu’ils baisent
Des filles qui baisent pour dire qu’elles baisent
La baise, on en garde souvent des regrets
Parfois des maladies
Au fond on fait ça sans plaisir
Sans réelle envie
C’est surtout pour ne plus penser
Ça cache des plaies à vif / mais ça c’est un secret
En vérité on est perdus, désœuvrés, désabusés
Seuls comme des animaux blessés
On est tristes et nos cœurs saignent
Mais on se cache derrière nos grandes gueules et nos mots durs
Entre nous on s’appelle « mec », « meuf », « bâtard », « baltringue », « bitch », « gouinasse », « connard »
…
Parce que sans le vouloir, les autres sont un combat permanent
Décidément docteur, on vit une chouette époque
Et dans une chouette ville aussi
Paris
Paris la nécropole
Paris qui sent la carne
Paris qui petit à petit entraîne dans sa chute
Des fragments de nos vies
Paris c’est tellement sain, et nous sommes des gens biens
Tellement biens qu’on est trop biens pour nos voisins
~ 30 ~
Auxquels on prête pas plus d’attention
Qu’à la pisse derrière la cuvette des chiottes
Parfois j’ai juste envie de hurler :
« T’approches pas de moi ! Me touches pas ! »
Docteur, il me faut un truc
N’importe quoi
Sinon je vais craquer
Je risque de cogner une vieille, un passant, un mioche
Et ce sera moche
Ce sera vraiment moche
> A LAIN S OUCH ON / A LLO M A MA N B OBO
J' marche tout seul le long de la ligne de chemin de fer
Dans ma tête y a pas d' affaire
J' donne des coups d' pied dans une p'tite boite en fer
Dans ma tête y a rien à faire
J' suis mal en campagne et mal en ville
Peut-être un p' tit peu trop fragile
Refrain
Allo Maman bobo
Maman comment tu m' as fait j' suis pas beau
Allo Maman bobo
Allo Maman bobo
J' traine fumée, j' me retrouve avec mal au cœur
J' ai vomi tout mon quatre heure
Fêtes, nuits folles, avec les gens qu' ont du bol
Maintenant que j' fais du music hall
J' suis mal à la scène et mal en ville
Peut-être un p' tit peu trop fragile
Refrain
Moi j' voulais les sorties de port à la voile
La nuit barrer les étoiles
Moi les chevaux, l' révolver et les chapeau de clown
La belle Peggy du saloon
J' suis mal en homme dur
Et mal en p' tit cœur
Peut-être un p' tit peu trop rêveur
Refrain
J' marche tout seul le long de la ligne de chemin de fer
Dans ma tête y a pas d'affaire
J' donne des coups d' pied dans une p'tite boite en fer
Dans ma tête y a rien à faire
J' suis mal en campagne et mal en ville
Peut-être un p' tit peu trop fragile
Refrain
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