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BULLETIN
Valeurs mobilières, fusions et
acquisitions
Octobre 2011
Directive OPA – transposition en France
Par : Arnauld Achard | Paris et Richard Cliff | Londres
Afin de promouvoir la libre concurrence des offres publiques d'acquisition au sein du marché commun tout en conférant aux entreprises
européennes une meilleure sécurité juridique, la directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 a établi les lignes directrices minimales de la
conduite des OPA dans les États membres. Parmi les fondements de la directive figurent la protection des intérêts de chacune des parties
concernées, la transparence, la rapidité de publicité de la procédure d'offre et la désignation d'autorités nationales chargées de contrôler
l'application des règles fixées par la directive.
Le hasard du calendrier a fait que, récemment, le Gouvernement français et le Takeover Panel ont émis simultanément de nouvelles
propositions relatives au régime des OPA. A l'origine, la transposition de la directive 2004/25/CE s'est traduite en France par la loi 2006-07
du 31 Mars 2006 relative aux OPA, reconnaissant la compétence quasi-automatique de l'AMF comme arbitre indépendant, et dont les
grandes lignes figurent dans les nouvelles dispositions du règlement général de l'AMF, homologué le 18 septembre 2006. En parallèle, la
transposition au Royaume-Uni s'est faite par le biais des Takeover Directive Regulations de 2006 et des remaniements apportés au
Takeover Code. Presque cinq ans plus tard, l'occasion est venue de dresser le bilan de cette transposition dans les droits nationaux et les
modifications éventuelles à y apporter.
Cette directive s'avère être tombée à point nommé en France, à l'heure où la rumeur d'offre hostile de PepsiCo sur Danone et les offres
par Mittal sur Arcelor et d'Enel sur Suez faisaient régner un climat intense dans le domaine des OPA. Démentis par PepsiCo dans une
annonce faite à l'AMF le 24 juillet, les bruits qui courraient avaient entre temps provoqué une très forte hausse du titre. Faisant preuve de
« patriotisme économique », J. Chirac, demandait, trois jours plus tard, la mise en place de mesures stratégiques visant à contrôler les
investissements étrangers. Si le Royaume-Uni a attendu la polémique qu'a suscité la prise de contrôle de Cadbury par Kraft Foods en
2010 pour se lancer dans une modification de son Takeover Code, jugé trop favorable aux initiateurs d'offres inamicales, il apparaitrait que
certains des changements annoncés en droit anglais aient déjà des équivalents en droit français. En outre, dans un souci de protéger les
sociétés cibles, il semblerait que les mesures envisagées par le Takeover Panel aillent même plus loin que ce que prévoit le droit français.
Contre la prolongation indéfinie des « offres virtuelles », la loi française dispose que toute personne « dont il y a des motifs
raisonnables » (à la discrétion de l'AMF) de penser qu'elle prépare une offre publique est tenue de déclarer ses intentions (appelé
« amendement Danone »). Le règlement AMF ajoute qu'en cas de déclaration d'intention, qu'il s'agisse d'une déclaration d'offre ou au
contraire d'une déclaration indiquant l'absence de volonté de faire une offre, la personne est tenue de respecter cet engagement pour six
mois. Elle devra, dans le premier cas, suivre la procédure d'offre selon le calendrier instauré par l'AMF, ou se verra dans le second cas,
interdite de déposer une offre dans les six mois. Thierry Breton, ministre de l'Économie avait souhaité mettre l'accent sur le caractère
innovateur de cette disposition "importante pour la transparence du jeu des OPA" et "équitable pour l'entreprise ciblée, qui ne doit pas
être déstabilisée".
Les modifications au Takeover Code vont encore plus loin et imposent de nommer les initiateurs potentiels à un stade précoce de la
procédure, marquant le début de la période d'offre. Tout initiateur potentiel cité serait ensuite automatiquement confronté à la proposition
de « put up or shut up » (présente une offre ferme, sinon tais toi) et aurait l'obligation de préciser ses intentions par rapport à la société
cible dans un délai de 28 jours.
Par ailleurs, les propositions du Takeover Panel envisagent de renforcer la position de la société visée en interdisant le recours aux
mesures de protection de l'opération, souvent protectrices de la position de l'initiateur.
La France ne semble pas formellement condamner de telles mesures dans sa législation mais prévoit un certain nombre de défenses antiOPA dans le but de protéger les sociétés cibles contre des OPA lancées par des entreprises étrangères, notamment à l'ère du
« patriotisme économique » dont elle a fait preuve. Parmi celles-ci, la loi prévoit que la mise en œuvre de défenses contre les offres
publiques soit approuvée par l'Assemblée Générale des actionnaires, alors placée en plein cœur du dispositif anti-OPA. Par ailleurs, cette
même loi transpose la clause de réciprocité indiquant que les dispositions concernant l'approbation des mesures de défense par l'AG des
actionnaires seront inapplicables si la société fait l'objet d'une OPA par une ou plusieurs entités n'appliquant pas ces dispositions ou
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mesures équivalentes. Par ailleurs, l'AG est habilitée à émettre des bons de souscription d'actions (BSA), apparus comme un apport
majeur de cette loi. Si beaucoup doutent de l'efficacité de cette dernière mesure, mentionnée parfois sous le nom de « pilule(s)
empoisonnée(s) », elle permet néanmoins d'encourager les négociations entre la société cible et l'initiateur, en vue d'améliorer les
caractéristiques de l'offre.
De plus, le Takeover Panel propose d'accroître la transparence et d'améliorer la qualité de la divulgation. La loi OPA présente des
dispositions relatives à l'amélioration de l'information des actionnaires et des salariés, en établissant une liste exhaustive des informations
devant figurer dans le rapport du conseil d'administration de la société. En outre, le règlement général de l'AMF, allège le contenu de la
note d'information, qui n'est à présent plus que relatif à l'offre et sera diffusé immédiatement dès le projet d'offre déposé à l'AMF. De plus,
l'instruction AMF 2006-07 du 25 juillet 2006 détaille les informations à fournir à l'AMF, le contenu de la note de l'initiateur et celui de la note
en réponse de la société visée.
Conformément aux dispositions de la directive relatives à l'information des salariés, la loi OPA indique que la note d'information de
l'initiateur devra être transmise au comité d'entreprise à la fois de la société cible, mais aussi de sa propre société. Le comité d'entreprise
aura alors la possibilité d'auditionner l'initiateur de l'offre et de se prononcer sur la nature amicale ou non de celle-ci. Certains soulignent
néanmoins le fait que ce sont souvent les équipes dirigeantes et non les employés qui bénéficient de telles mesures, qui paraissent alors
utopiques.
Les modifications du Takeover Code sont plus approfondies et ont pour souci de mieux reconnaître les intérêts des employés des
sociétés visées. Il est ainsi généralement imposé aux initiateurs de rester fidèles à leurs déclarations concernant l'emploi et le lieu des
activités de la société cible pour une période de douze mois suivant la date à laquelle l'offre devient inconditionnelle.
Contrairement au Royaume-Uni qui a choisi de modifier son Takeover Code jugé défavorable aux sociétés cibles, la France ne semble pas
avoir modifié son régime concernant les OPA de manière significative depuis la directive de 2004. Le Gouvernement garde néanmoins un
œil attentif aux changements éventuels qui pourraient lui être apportés, comme le montre la refonte du Règlement AMF du 31 janvier
2011, suite aux modifications introduites par la loi de régulation bancaire et financière (LRBF) de novembre 2010.
En effet, les modifications du droit des OPA introduites par la LRBF ont imposé une adaptation du règlement AMF. Ces modifications ont
été soumises à une consultation publique de l'AMF et prévoient à présent le passage du seuil déclencheur de l'obligation de dépôt de
projet d'offre publique à 30% du capital et des droits de vote au lieu du tiers, et ses modalités ('clause grand-père' qui s'applique aux
er
actionnaires détenant entre 30% et un tiers au 1 janvier 2010, mode de calcul du seuil, dérogations…). Toujours dans un souci de
prévention des prises de contrôle « rampantes » (Wendel - Saint Gobain, Porsche - Volkswagen), l'AMF est susceptible d'autoriser le
franchissement de ce seuil de 30%, comme cela a été le cas dans l'affaire Hermès-LVMH. Pour protéger son capital face à la montée de
LVMH (détenant 20% du groupe), les actionnaires familiaux d'Hermès avaient créé une holding réunissant plus de la moitié du capital. Au
vue de ces circonstances, l'AMF avait autorisé cette dérogation formulée sur le fondement de l'exception de reclassement.
Par ailleurs, de telles modifications du règlement général de l'AMF ne pouvaient rester sans conséquences sur l'instruction AMF 2006-07
modifiée le 24 juin dernier. Aussi, celle-ci fait-elle écho à ces amendements par de nouvelles dispositions techniques.
L'efficacité de cette directive réside dans le fait qu'elle introduise un haut degré d'harmonisation en vue d'une meilleure protection des
sociétés cibles à l'échelle européenne. Elle est toutefois restée suffisamment flexible pour permettre aux États-membres de tenir compte
de leurs inquiétudes respectives lors de sa transposition, notamment celles de la France à l'égard des investisseurs étrangers.
Cet article a été publié initialement dans l'édition du 5 septembre 2011 de capital finance.
Pour plus de renseignements, n’hésitez pas à communiquer avec les auteurs de ce bulletin :
Arnauld Achard
+33 1 44 94 96 98
[email protected]
Richard Cliff
+44 207 917 8630
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Le présent document est un instrument d'information et de vulgarisation. Son contenu ne saurait en aucune façon être interprété comme un exposé complet
du droit ni comme un avis juridique de Fasken Martineau DuMoulin S.E.N.C.R.L., s.r.l. ou de l'un des membres du cabinet sur les points de droit qui y sont
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