Sans contrefaçon… - Partage et Ecoute

Sans contrefaçon…
-
Dis, maman, pourquoi je plais pas aux garçons ?
-
Comment ça, tu plais pas aux garçons ?
-
Ben non, je suis pas comme toutes ces filles dans les magazines…
-
Qu’est-ce qu’elles ont de particulier ces filles ?
-
Et ben, elles sont parfaites…
-
Tu crois vraiment qu’elles sont parfaites ?
-
Oui… Elles n’ont aucun défaut…
-
Ce n’est pas qu’elles n’ont aucun défaut. C’est que les images sont retouchées, et que les défauts sont
gommés.
-
Mais qui fait ça ?
Les retouches sont faites par les photographes, à la demande des publicitaires qui cherchent à véhiculer
une image idéale de la femme.
-
Mais pourquoi ?
-
Pour que du coup on achète tout ce qui nous permettrait de ressembler à cet idéal : produits de beauté,
vêtements, accessoires… Mais dis-toi bien ma fille que l’accessoire est illusoire ! Et que ces miroirs que
nous tendent les médias sont trompeurs !!
-
Mais alors, ce qu’ils aiment les garçons, ce sont des illusions !?!?!
-
Voilà ! C’est exactement ça !! Juste un bémol toutefois… Pas tous ne sont comme ça !!!
-
Ah bon ? Tu crois ?
-
Mais oui ! Il y a des garçons qui s’intéresseront à toi pour ce que tu es…
-
Et comment savoir qui je suis moi, avec ces images de perfection qu’on nous donne comme modèle ?
-
Mais en cherchant au fond de toi, en allant au-delà des apparences. Et ce qui est valable pour toi l’est
tout autant pour celles et ceux qui croiseront ta route.
-
J’ai peur maman de ce que je pourrai trouver tout au fond de moi…
Tout le monde a peur d’aller au cœur des choses ma chérie. C’est pour ça que beaucoup préfèrent
rester à la surface… Il faut du courage pour affronter ses peurs.
-
Toi aussi tu as eu peur maman ?
-
Oui, bien sûr. Et j’ai encore peur maintenant. Seulement, j’ai appris à faire amie-amies avec mes peurs.
Et depuis, la cohabitation se passe beaucoup mieux !!
-
C’est quoi faire « amie-amies » avec ses peurs ?
-
C’est d’abord les accepter, apprendre à les connaître, à les reconnaître, et à les comprendre. Du coup,
une fois comprises, elles deviennent beaucoup moins terrifiantes. Et de toute façon, elles font partie
de nous, alors autant apprendre à vivre avec elles !!
-
C’est long d’apprendre à vivre avec ses peurs ?
-
Je crois que ça prend toute une vie. Mais c’est ça aussi qui fait que la vie vaux la peine d’être vécue !!
-
Alors, ces filles modèles, couvertures de magazines, je peux les oublier !!
-
Oui !! C’est pas la vraie vie ça ! C’est du papier glacé, ce sont des images froides qui n’ont rien à voir
avec la chaleur qui se dégage d’un être de chair et de sang. Et puis de toute façon, ça sert à quoi de
courir après la perfection ? A part s’épuiser en vain après quelque chose qui n’apporte pas le bonheur ?
Au contraire, on risque d’être très malheureux…
-
Ah oui ?
-
Et oui ma chérie. Le bonheur c’est commencer par apprécier ce que l’on a. Et pas toujours s’arrêter à
ce que l’on n’a pas. Qui dit qu’on est heureux une fois qu’on a tout ?
-
Qu’est-ce qui rend heureux alors maman ?
-
C’est, une fois qu’on a réalisé que le bonheur ça va et ça vient sans que l’on sache bien pourquoi, savoir
l’apprécier quand il est là… C’est rechercher à vivre en harmonie : avec soi-même, avec les autres, avec
le monde qui nous entoure. C’est cette quête, faite de bons et de moins bons moments, qui rend la vie
plus belle… Et tu vois que tout ça, ça n’a rien à voir avec une question de poids ou de tour de taille.
-
Pourquoi tu dis ça ?
-
Tu le sais très bien, je crois. J’ai bien remarqué que tu ne te nourrissais plus comme avant ces derniers
temps.
-
…
-
Qu’est-ce que tu cherches à faire ? Tu veux à tout prix ressembler à ces sacs d’os ? Tu te sens hors
norme ?
-
Oooh, regarde maman. Une coccinelle ! Tu as vu ? Elle est toute rouge ! Pourquoi elle n’a pas de ronds
noirs comme les autres ?
-
Elle en aura peut-être un jour. Elle doit être encore petite. Les ronds viendront au fil des saisons. Et
un jour, elle en aura des souvenirs à raconter à ses héritiers…
-
Bon, alors, pour revenir aux garçons…
-
Ok, laissons ces petites bêtes du bon Dieu de côté et revenons à nos moutons…
-
Pas nos « moutons », nos « garçons !!
-
Ah, bon, parce que tu crois pas toi que ces garçons qui se laissent influencer par les critères de beauté
dictés par les magazines ne sont rien d’autre que des pauvres moutons ?
-
Euh… Oui, vu comme ça…
Et que dire de ces filles qui s’efforcent d’être conforme à la norme ? Quitte à y laisser leur santé,
leur appétit de vivre quoi !! Y’a pas du masochisme à vouloir à n’importe quel prix « rentrer dans le
moule »?
-
Tu as raison maman, c’est stupide de vouloir appartenir à une norme…
-
Tout à fait ! Pas de norme alors, et plutôt une énorme envie de vivre, d’aller de l’avant, de se dépasser…
-
Toujours en restant en accord avec soi-même !
-
Oui, je vois que tu as très bien compris ! C’est primordial de rester fidèle à soi-même. Il est dangereux
de chercher à plaire absolument aux autres. On risque de faire fausse route, et de s’éloigner de soi…
De toute façon, pour plaire aux autres, il faut commencer par se plaire soi-même.
-
J’ai remarqué maman qu’en italien il n’y a qu’un mot pour désigner « plaire » et « plaisir »… Il piacere…
-
C’est intéressant ça ! Conclusion, on ne peut plaire sans plaisir !!
-
Ah oui ! Donc, si je prends plaisir à vivre ma vie comme j’en ai envie, alors ceux qui m’envient en auront
aussi !!!
-
Noooon !! Il ne s’agit pas de faire des envieux ! Là, tu t’éloignes du sujet ! Ne mélange pas tout !!
-
Non, c’était juste pour faire un jeu de mot… Avoir des envies, ça rime pas avec envier ?
-
Non, perdu ! Mais c’est pas grave, tu parles de jeu de mot. Et je crois qu’il est là le secret !!
-
Ah oui ? Comment ça ?
-
Si on continue sur la lancée du plaire qui va avec plaisir, on arrive à quelque chose de plaisant… Et de
l’adjectif « plaisant » on dérive le verbe « plaisanter », à partir duquel on forme le nom « plaisanterie »…
-
T’es pas en train de me faire un cours de linguistique là, ptite mum ?
-
Bon, ça va, y’a un peu de déformation professionnelle, mais tout de même, j’crois pas qu’il y ait mieux
que cette voie-là !
-
Quelle voie ?
-
Et ben, celle de l’humour, de l’auto-dérision ! C’est pas un problème de ne pas être parfait, d’avoir des
défauts… Y’a d’ailleurs une actrice célèbre qui a dit que les défauts étaient plutôt à voir comme des
différences !
-
Allez, maintenant elle se la joue cinéphile !!
-
Ok. Bon. Donc, on a tous des défauts/différences. Ce qui compte c’est comment on en joue. Comment
on les utilise pour rire, et pourquoi pas, tant qu’on y est, faire rire. L’auto-dérision, avoue que c’est
quand même mieux que l’auto-punition quand même, non ?
-
Ben… Oui !
-
Mais bien sûr… Si tout le monde était parfait, tout le monde finirait par se ressembler et bonjour la
monotonie ! A bas les clones ! Vive les clowns !!
-
Ok. Là, elle part en live ma mère !
-
Mais non, c’est juste que I’m not a stupid girl comme elle dit la chanteuse que tu aimes bien, tu sais
celle qui dans son clip se moque des filles qu’on appelle « bimbos »…
-
Ah, tu parles de Pink ?
-
Oui, c’est ça. Et Pink, ça veut dire rose en anglais !
-
Oui… Et alors ?
-
Alors, voyons la vie en rose, sachant que les roses peuvent être roses ou rouges ou blanches ou jaunes…
Cueillons ces fleurs multicolores et nous verrons la vie en polychromie !!!
-
Ben, sans façon… J’ai pas envie de m’enfoncer des épines dans les doigts moi !
-
Tu peux les éviter les épines ma fille ! Tu préfères quoi alors ? Avoir des fleurs en plastique ?
-
Mais non. J’préfère le vrai au factice !
-
Ah bon, tu me rassures. C’est avec le toc que viennent les tics de consommation. Ahhh… Sans
contrefaçon, le monde serait tellement moins con !!!
-
C’est la morale de l’histoire ?
-
Oui. Fallait bien le placer le titre de la chanson !
-
Quelle chanson ?
-
Ben, celle de Mylène Farmer !
-
Euh, j’ai pas suivi là !
-
Ah, oui, tu te rappelles que tu as commencé ce dialogue en me demandant : « Dis maman, pourquoi je
plais pas aux garçons ? ». Bon, c’est vrai que dans le texte original c’était « Dis maman, pourquoi
je suis pas un garçon ? ». Mais bon, de toute façon, c’est une question d’identité, de savoir qui on est.
Ce que l’on veut… Sans se voiler la face. Sans se cacher derrière des masques. Sans contrefaçon,
dévoilons nos émotions…
-
Ok. Ce sera le mot de la fin alors. En plus, j’ai un peu faim là !
Ptit Dialogue Mère-fille
Sans Contrefaçon…