ACI connaître les connaissances politiques

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ACI connaître les connaissances politiques
Agence nationale de la recherche
ACI « Théories, Techniques, Terrains »
Contrat « connaître les connaissances politiques »
Novembre 2003 - Mars 2008
Introduction au rapport général
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Comment mesurer les connaissances politiques et leurs effets
sur la formation du jugement public ?
Yves Schemeil, 5 juin 2008
Avec
Stéphanie Abrial, Jean-Louis Marie, Robert Martin, Bernard Denni, Céline Belot,
Claire Brachet, Laurie Brun, Louis Frécon et Guillaume Roux1
Mots clefs : connaissances politiques, compétence politique, cognition politique, sophistication
politique, expertise politique, raisonnement politique, jugement public, débat public, règles de
décision, démocratie délibérative, information, expérimentation en science politique, mesures,
indicateurs, questionnaires, méthodologie qualitative et quantitative, psychologie politique,
psychologie cognitive.
1 Ont également collaboré à ce projet à divers stades : Sonia Béchet, Hervé Bruni, Emilie Costille, Emilie Gay, Vincent Tournier,
Jean-Paul Bozonnet, Onkere Kakoula, Nicolas Monceau, Patricia Faure, Jessica Summers, Sonia Tebbakh. Les transcriptions
d’entretiens en profondeur et les entretiens téléphoniques ont fait appel à douze autres collaborateurs occasionnels. Trente-deux
personnes ont donc été associés au programme à un titre ou un autre.
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Préface
Enquêtes et expériences sur les connaissances politiques ne sont pas légion : elles sont
faites à périodicité irrégulière dans quelques pays seulement. On ne devrait pas en tirer des
lois générales, et pourtant leurs auteurs le font. Selon la plupart d’entre eux, en effet : (1) les
gens devraient avoir des connaissances bien précises pour que la démocratie fonctionne ; (2) le
niveau de ces connaissances devrait être satisfaisant pour que les citoyens expriment
correctement leur opinion sur les enjeux du débat public ; (3) les instruments de mesure
existants sont suffisants pour en rendre compte ; (4) les relations entre connaissances et
comportements sont comparables d’un pays à un autre, en dépit de différences institutionnelles,
culturelles, et linguistiques.
Nous mettons ici tous ces postulats en doute. L’ouvrage qu’on va lire montre en premier
lieu que les connaissances politiques sont pour partie seulement factuelles, civiques et
idéologiques. Certes, comme la littérature scientifique l’a écrit, il est important pour un citoyen
de connaître les principales institutions, de comprendre leur fonctionnement, de savoir placer
les partis et les leaders les uns par rapport aux autres mais aussi de les situer sur une échelle
allant de la gauche à la droite ou du libéralisme culturel au conservatisme. Mais il est
également certain que des savoirs non politiques ainsi qu’une aptitude argumentative sont tout
aussi utiles dans un débat démocratique. Deuxièmement, ce livre montre aussi qu’il y a pas de
niveau minimum de connaissances que les citoyens devraient atteindre pour exercer
efficacement leurs droits : qu’on l’appelle « expertise », « sophistication », ou « compétence ,
ce niveau est éminemment variable, et son appréciation dépend beaucoup des indicateurs de
performance choisis. Troisièmement, la mesure des connaissances ne saurait être purement et
simplement calquée sur celle des opinions. Elle nécessite un effort d’adaptation
méthodologique réel à un terrain plus instable que les représentations et les comportements
car on révise plus facilement ses connaissances que l’on ne change d’attitude. Quatrièmement,
il n’est pas certain que les connaissances politiques requises soient identiques – ou simplement,
qu’elles soient fonctionnellement équivalentes – d’une démocratie à une autre. Il est encore
moins plausible que les questionnaires et protocoles expérimentaux mis au point dans un pays
(par exemple, les Etats-Unis d’Amérique) puissent être utilisés sans aucune modification dans
d’autres pays comme la France ou la Suisse, l’Italie ou l’Espagne.
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Afin de mieux critiquer ces propositions peu discutées dans la littérature internationale,
nous les testons une à une à l’aide d’un modèle dynamique et non pas statique du raisonnement
politique. Dans ce modèle, c’est l’ensemble du processus cognitif constamment mis à jour qui
est évalué, et pas seulement des informations éparses stockées en vue d’une possible
réutilisation ultérieure. Nous proposons ainsi de nouvelles mesures de la cognition politique,
basées sur des questionnaires originaux et des expériences inédites. Tels que nous les avons
conçus, ces instruments sont destinés à stimuler la capacité auto réflexive des citoyens, mais
aussi à évaluer la spécificité éventuelle des notions politiques et leur impact particulier sur les
raisonnements individuels. Pour finir, nous substituons aux indicateurs existants des mesures
nouvelles. Nous quantifions ainsi les temps de réaction, les changements d’avis sous l’effet
d’une contre argumentation, les réactions à l’énoncé d’aphorismes, et même les variations
réflexes du système nerveux autonome.
L’insertion de nouveaux dispositifs de recueil de données dans des enquêtes produit une
quantité d’observations bien plus grande que ne le fait une enquête classique puisque l’on
suscite des réactions en chaîne chez les personnes interrogées ou appareillées. Chaque sujet
est alors à la source de plusieurs « réponses » à une même sollicitation, et non d’une seule. Par
exemple, quand une personne change d’avis sur un problème abordé puis le justifie on dispose
de deux observations au lieu d’une ; il en va de même quand ses réactions cutanées à
l’énonciation de termes plus ou moins connotés politiquement sont enregistrées. Le recours à
des questions ouvertes comprenant plusieurs niveaux de réponses analysées quantitativement
accroît encore le nombre de données recueillies même sur des échantillons limités, ce qui ouvre
de nouvelles voies à l’analyse probabiliste conduite à partir de petit effectifs.
Les questionnaires élaborés séparément par les deux équipes engagées dans ce
programme – l’une de psychologues, l’autre de politistes – sont directement ou indirectement
les fruits de discussions plénières autour d’un modèle explicatif plus général des liens entre
information, en amont, et implication, en aval – les connaissances et la cognition figurant entre
ces deux pôles – qui motive nombre de recherches menées ces dernières années en science
politique. Ce modèle a été mis au point par le responsable du programme qui en porte seul la
responsabilité, mais il a été présent à l’esprit de chacun lors des débats et de la rédaction des
chapitres qui suivent. Les démarches conduites séparément au sein de chacune de ces deux
équipes se sont néanmoins rejointes en fin de projet. Pareille convergence manifeste à nos yeux
l’existence d’une même logique de recherche : à Lyon comme à Grenoble l’objet a
progressivement été déplacé depuis le simple recueil passif d’informations disparates, vers
l’analyse en temps réel d’un raisonnement actif et autoréflexif. Partis de prémisses différentes
(la cognition semble relever de la science politique et les émotions, de la psychologie), les deux
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équipes ont traité en fin de parcours de façon équilibrée les aspects cognitifs et les
composantes émotives du processus d’acquisition, de mémorisation, et de réutilisation des
connaissances.
Les travaux des psychologues de Lyon réunis dans le volume 3 révèlent aussi un
phénomène important mais encore mal connu. La politique semble susciter des affects et
engendrer des argumentaires différents de ceux qui sont associés à d’autres domaines de la vie
– une hypothèse qu’il conviendra de tester plus systématiquement dans des recherches à venir,
sans exclure un usage raisonné des possibilités offertes par l’imagerie cérébrale.
Un questionnaire à visée comparative a également été mis au point par les politistes à
Grenoble. Rédigé en français, il a ensuite été traduit en anglais – mais nous n’avons pas
encore évalué la validité de cette traduction en effectuant une rétro traduction, ni en essayant
de traduire le questionnaire dans d’autres langues. Pour l’élaborer, nous avons tenté d’éviter à
chaque étape de sa conception, de sa passation, et de son exploitation les pièges
méthodologiques et les obstacles épistémologiques signalés dans la littérature. Conformément
à notre projet comme à la culture scientifique de notre laboratoire, nous avons essayé de le
faire avec le plus grand soin, en prenant au sérieux les objections possibles. Toutefois, ce
questionnaire n’a pas été fait uniquement pour combler les chercheurs de satisfaction : il a été
conçu comme plaisant à utiliser, facile à comprendre (« user-friendly »). Son administration a
montré qu’il était apprécié par ses utilisateurs, qu’il s’agisse des enquêteurs ou des enquêtés.
Les seconds ont souvent signalé aux premiers qu’ils y répondaient avec davantage de plaisir et
de conviction qu’ils ne l’avaient jusque là fait aux habituelles enquêtes par téléphone. Une fois
élaboré dans le détail puis éprouvé en petits groupes, le questionnaire a été testé en France au
cours d’une enquête pilote auprès de 507 répondants des deux villes de Grenoble et Lyon. Sa
dernière version, modifiée pour tenir compte des enseignements tirés des tests qu’il a subis,
semble être utilisable dans d’autres pays.
Trois conclusions principales ressortent de ce travail de recherche pluriannuel.
D’une part, ce ne sont pas des connaissances politiques isolées, mais l’ensemble des
processus cognitifs de formation des jugements sur les problèmes publics qu’il faut étudier.
D’autre part, les émotions comptent de façon significative dans les processus cognitifs
en particulier quand il s’agit de connaître la politique car celle-ci est marquée ou tabouée – les
affects comptent sans doute moins que les psychologues de l’équipe ne le pensaient, mais plus
que les politistes ne l’imaginaient.
Enfin, quand on évalue l’élasticité d’un raisonnement sous l’effet de connaissances
meilleures ou d’informations supplémentaires consonantes ou dissonantes en mesurant la
disposition au changement d’avis en présence de contre arguments, celle-ci s’avère
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significative mais tout aussi relative. L’élasticité des jugements est en effet plus grande chez les
novices que chez les experts, et, à niveau égal de sophistication, elle est plus grande chez les
désalignés que chez les alignés.
Au-delà du travail sur les instruments permettant de rendre le mieux compte possible
des processus réels de raisonnement politique fabriqués à l’aide d’informations et de
connaissances anciennes ou nouvelles, le présent ouvrage débouche sur une interrogation plus
normative : rendre les citoyens plus compétents leur donnera-t-il plus de pouvoir qu’ils n’en
ont aujourd’hui dans les régimes représentatifs, où les indicateurs de participation et de
sociabilité sont dans le rouge ? Une phrase en anglais résume bien cette interrogation ultime :
« Does enlightenment lead to empowerment ? ». Dans les années qui viennent, nous essaierons
de répondre à cette question à l’aide d’autres enquêtes, dont certaines font déjà l’objet de
contrats complémentaires avec le Ministère de la recherche ou la région Rhône-Alpes.
Dès à présent, ce programme de recherche a donné lieu à plusieurs communications
scientifiques dans divers congrès internationaux, en attendant une double publication en
français et en anglais. Parmi celles-ci, mentionnons en quelques-unes : « From political
knowledge to political judgment » ; « Combining quantitative and qualitative research ;
« Comparing political knowledge datasets » (Y.Schemeil, 2005-6, 2006, 2007, 2008). D’autres
communications sont également issues des groupes de travail constitués au cours de cette
recherche, notamment « L’ouverture croissante de la science politique à la psychologie sociale »
(J.L. Marie, 2007) ; « L’analyse cognitive des politiques publiques » (Y. Schemeil, 2007) ;
« Resistance to political psychology in French political science: How to fight path dependency” (J.L.
Marie et Y. Schemeil, 2008).
***
Toute recherche dévie inévitablement par rapport à ses objectifs initiaux : parfois, c’est
opportun et novateur – comme ici avec la substitution du raisonnement cognitif et du jugement
public aux connaissances politiques. Souvent, un tel écart est seulement le signe d’un manque
de ressources, et non pas d’un manque d’idées. C’est le cas des effectifs sur lesquels nous
avons pu enquêter et expérimenter. Limités comme c’est l’usage à ce stade pilote, ils nous ont
empêché de comparer le rendement de diverses mesures existantes comme nous l’avions pensé
dans notre réponse à l’appel d’offre : il n’y avait tout simplement pas assez de données pour
tester la valeur relative d’indicateurs de significativité (comme l’alpha de Crombach, le chi2,
l’écart-type et la variance) ou de distribution des fréquences (les diverses sortes d’analyses
factorielles et les régressions logistiques). Nous espérons nous rattraper sur ce point lors de la
passation d‘enquêtes sur des échantillons plus grands.
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C’est également vrai du mode d’administration des questionnaires : certes, nous avons
utilisé des techniques de passation diverses (en face-à-face, au téléphone, sur table). Mais nous
n’avons pas pu comparer les effets de l’administration des mêmes questionnaires par des
moyens différents. Nous n’avons pas non plus réalisé un de nos objectifs, comparer les
résultats obtenus lors de l’administration de questionnaires par Internet et par téléphone.
Contrairement aux enquêtes utilisant le courrier ordinaire, que nous avons du exclure
d’emblée en raison de leur absence d’interactivité (elle-même indispensable au processus de
stimulation de changements d’avis), les enquêtes administrées par Internet offrent pourtant des
possibilités infinies de stimulation des enquêtés. On peut ainsi insérer des images et des sons
dans le dispositif d’enquête, ou encore d’offrir aux enquêtés la possibilité d’emprunter d’euxmêmes des cheminements personnels au moment où ils le souhaitent. Toutefois, à la différence
des entretiens téléphoniques, les enquêtes conduites par l’Internet ne permettent pas d’établir
un lien discursif et dialogique entre enquêteur et enquêté. Or, c’est justement ce lien qui s’est
révélé précieux au cours de la phase de contre argumentation et c’est celui-ci que les
personnes interrogées au cours des deux phases d’entretien ont jugé particulièrement utile. Ce
n’est pas faire de nécessité vertu que de minorer ainsi le poids de cette lacune dans notre
protocole d’interrogation.
En dépit de telles frustrations, débattre entre nous des objets de nos recherches et de
nos hypothèses a donné lieu à des moments de satisfaction liée au sentiment d’avancer et
d’innover, mais aussi d’abattement provisoire devant l’ampleur de la tâche au regard des
moyens et du temps que nous avons pu lui consacrer. Nous avons souvent éprouvé un plaisir
grisant en progressant dans nos travaux collectifs, grâce auxquels le découragement ne nous a
jamais emporté. Dans la tourmente (due presque uniquement à la désynchronisation de nos
calendriers de travail respectifs et à la concurrence de nos autres engagements), la
compréhension mutuelle entre politistes et psychologues, mais aussi la patience et la
détermination de Claire Brachet à Grenoble et de Laurie Brun à Lyon – qui ont assuré avec
constance le secrétariat scientifique des deux équipes engagées sur ce projet – nous ont permis
de franchir l’obstacle, quitte à accuser in fine un retard de plus d’un an sur nos prévisions.
L’aide bienvenue d’Annie-Claude Salomon (et de Patricia Gandon) en fin de programme a
permis d’éviter la plupart des conséquences indésirables de ce délai. Le comportement
exemplaire de Jean-Louis Marie qui est si souvent venu de Lyon à Grenoble pour nos réunions
de travail nous a également conduits à rester en éveil, et à produire chacun notre part de
travail. Avec sa modestie habituelle, il ne décrirait sans doute pas ainsi sa propre contribution
à cette aventure, c’est donc justice que de lui réaffirmer solennellement à quel point sa
conduite a été pour nous tous une source d’inspiration.
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Parmi ceux qui ont le plus pesé sur le bon déroulement de ce programme, il convient de
rappeler que sans Stéphanie Abrial ce projet n’aurait jamais vu le jour ; sans Robert Martin, il
n’aurait pas pris la forme qu’il a aujourd’hui ; et sans Bernard Denni, nous ne l’aurions
jamais terminé. Qu’ils soient tous persuadés que nous sommes collectivement redevables
envers eux. Leur place dans la liste des auteurs, qui ne repose pas sur l’ordre alphabétique
mais sur l’importance de chaque contribution à ce rapport final, indique à elle seule leur rôle
pivot.
Nombre de chercheurs et d’ingénieurs de recherche ou d’études ont contribué à ce
programme de recherche, qui a bénéficié de précieux appuis au sein du département de
recherche de l’Institut d’Etudes Politiques de Grenoble (« Science-Po recherche »), du
laboratoire PACTE, de l’Université Louis Lumière de Lyon, et de l’Institut Universitaire de
France. Nous sommes reconnaissants à leurs responsables d’avoir favorisé le bon
déroulement de nos travaux, et nous les en remercions.
Nous exprimons aussi notre gratitude à tous ceux qui nous ont invité à présenter nos
résultats d’étape, ce qui nous aura permis de consolider ou de rectifier nos argumentaires. Des
publics parfois nombreux et toujours attentifs nous ont ainsi accueilli et écouté dans de
multiples circonstances (des congrès d’associations nationales et internationales à Québec,
Budapest, Fukuoka, Lyon et Toulouse ; des séminaires de recherche à l’Université de Genève,
à l’Université Keio de Tokyo). Les questions, commentaires, et critiques qui ont surgi à ces
occasions nous auront été précieuses. Nous espérons en avoir fait le meilleur usage et ne pas
en avoir trahi l’esprit.
Il est d’usage d’écrire qu’en dépit des soutiens institutionnels reçus, les opinions
exposées n’engagent que leurs auteurs. On s’empresse souvent d’attribuer les apports d’une
recherche à ceux qui l’ont aidée, alors qu’erreurs et omissions sont imputables à ceux qui l’ont
faite. Nous reprenons bien volontiers à notre compte ces formules consacrées mais néanmoins
vraies, en espérant avoir les moyens de poursuivre nos objectifs à long terme afin de
compléter, rectifier, et dépasser nos premiers résultats, et donc de combler les attentes de tous
ceux que la lecture du présent texte pourraient laisser insatisfaits.
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0. Introduction
Quel rôle jouent les connaissances politiques dans une démocratie ? La politique est-elle
affaire de passion ou de raison ? En dépit de nombreux travaux sur le sujet et d’un engouement
croissant pour l’inclusion de tests de compétence dans les enquêtes par questionnaire nous en
savons toujours très peu sur ces points. Nous ne sommes pas sûrs que la cognition ait un effet réel
sur la décision, et si oui, nous ignorons lequel. Notre capacité d’analyse est brouillée par l’usage de
concepts apparemment identiques comme « compétence », « expertise » et « sophistication », sans
parler de notions intraduisibles comme « awareness » (le fait d’être averti de, ou d’être sensible à).
Un recours pas toujours contrôlé de la psychologie, des neurosciences, et de la sociologie dans les
travaux de science politique sur le vote conduit à des conclusions incomplètes ou erronées qui ne
sont pas solidement fondées sur des arguments de méthode. Enfin, l’omniprésence d’un arrière-plan
normatif ne facilite pas le travail scientifique : les travaux sur les connaissances politiques sont en
effet motivés par des questions philosophiques : faut-il avoir ou ne pas avoir de connaissances pour
profiter pleinement de sa qualité de citoyen ? Les régimes démocratiques éviteraient-ils le déclin
auxquels ils semblent voués si les citoyens étaient plus éclairés ?
Sur tous ces aspects liés aux connaissances politiques la littérature existante témoigne
d’avancées, mais aussi de limites. Tout d’abord, la nécessité d’approfondir notre savoir sur cet objet
d’étude est constamment réaffirmée. Néanmoins, les justifications qui en sont données restent
normatives ou utilitaires. Par « normatif », nous entendons l’inscription du problème et de sa
solution dans une théorie du régime représentatif afin de le régénérer (version américaine) ou de le
rendre plus participatif, plus délibératif, et plus égalitaire (version française). Cette ombre plane au
niveau macro sur de nombreux travaux. Dans la rubrique « utilitaire », nous englobons toutes les
tentatives de rendre au niveau micro le vote plus « sincère » (version nord américaine), ou plus
fréquent (version européenne). Il est important de distinguer ici les recherches conduites selon leurs
origines car elles partent de prémisses différentes, utilisent des matériaux empiriques distincts
recueillis selon des voies propres (qualitatif en deçà des Pyrénées, quantitatif au-delà). De plus,
elles sont discutées dans des réseaux quasiment hermétiques les uns aux autres – ce ne sont ni les
mêmes revues, ni les mêmes références qui font autorité en la matière des deux côtés de
l’Atlantique.
Notre premier objectif est donc de combler les fossés séparant les communautés
épistémiques concernées par l’étude des connaissances politiques. Nous ne renonçons pas pour
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autant à déboucher, une fois notre recherche close, sur une amélioration sensible des conditions
dans lesquelles des citoyens dotés de ressources inégales se sentiraient – et seraient de fait – mieux
armés pour prendre position sur des questions sensibles du moment. Mais nous ne le ferons
qu’après avoir donné une explication rigoureuse du problème auquel nous nous attaquons. Nous
avons ainsi une hypothèse générale, ou « hypothèse zéro » (null hypothesis) ou encore « hypothèse
par défaut » (default hypothesis), que nous pourrions formuler de la sorte : plus les citoyens sont
éclairés, plus ils ont le sentiment d’avoir du pouvoir (en anglais, la formule est plus frappante : « the
more enlightened citizens are, the more empowered they feel »). Mais nos hypothèses détaillées sont
plus empiriques, ou si l’on veut plus positives, nous y reviendrons dans les autres chapitres de cet
ouvrage.
Il n’est donc pas superflu d’insister sur un fait : bien que l’étude des connaissances soit le
plus souvent justifiée dans la littérature académique par le désir d’évaluer la valeur d’un régime
politique, nous ne souhaitons pas contribuer directement à reformuler la théorie de la démocratie. Il
ne nous échappe pas, en effet, que ce vocable a des significations équivoques, désignant tantôt une
représentativité plus satisfaisante des décideurs publics, tantôt une égalité plus grande des citoyens,
et tantôt une efficacité accrue du processus gouvernemental. Dans un autre registre, celui de la
théorie des régimes et de leur comparaison raisonnée, la notion change encore de périmètre. Dans
les pays en transition récente de l’autoritarisme vers la démocratie elle désigne la question des
libertés publiques et des droits imprescriptibles de la personne humaine, donc « l’Etat de droit » (et
le « due process of law »). Dans les pays d’où la démocratie est supposée provenir, la discussion
porte sur la différence entre un idéal substantiel (l’égalité sociale ou tout au moins l’équité de
traitement des citoyens, mesuré à l’aune du degré de « non-domination » comme l’a bien montré
Philip Pettit) et un idéal procédural (les garanties de régularité, d’immunité, de droit à la parole, et
de recours, que les théories de la délibération placent au centre de leurs énoncés, telles que les
analysent John Dryzeck ou Amy Guttman). Quand la forme (procédurale) l’emporte sur le fond (les
principes de justice) c’est alors ce que les théoriciens appellent une « République » et elle seule qui
est visée sous le vocable de « démocratie », plus répandu mais moins adéquat à la réalité dans
laquelle nous vivons, particulièrement en France.
Une théorie scientifique visant à expliquer le rôle des connaissances politiques dans un
système politique serait ainsi paralysée par une tentative de définition préalable de la démocratie, et
la conception de mesures appropriées à cet objectif en serait affectée. Les buts que nous visons sont
plus modestes mais aussi plus facilement atteignables : ce qui nous intéresse ici, ce sont les
itinéraires d’une prise de position personnelle sur des problèmes en cours de débat collectif,
position exprimée dans des conversations privées ou lors de campagnes publiques – dont les
élections ne sont qu’une phase spectaculaire, même si elle est privilégiée par la plupart des auteurs.
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En effet, les choix électoraux sont loin d’être les seuls objets d’étude pertinents lorsqu’on cherche à
reconstituer les décisions individuelles : adopter une position sur un problème largement débattu est
un geste presque quotidien pour la majorité des citoyens, qu’ils aient à se situer les uns par rapport
aux autres au cours de conversations privées ou qu’ils aient besoin de prendre position sur les
enjeux du débat public.
Cette définition préalable recentre notre objet : il inclut désormais des phénomènes
habituellement tenus pour non politiques. En contrepartie, il en exclut à peu près tout ce qui fait son
intérêt dans les pays anglophones où compétence des citoyens et santé de la démocratie sont
étroitement liées. En ne nous posant pas les questions les plus débattues en théorie politique (les
citoyens doivent-ils être informés pour remplir leur rôle ou, au contraire, est-il préférable qu’ils ne
surchargent pas le système puisque une compétence élevée est synonyme d’exigences plus
grandes ?2) nous négligerons l’étude de la performance cognitive qui semble fasciner nombre
d’auteurs. Mais nous en profiterons pour nous concentrer sur le processus cognitif, quelle que soit
sa qualité, sans préjuger de sa place dans un régime représentatif.
Au cours de cette recherche que nous avons voulu libre de toute entrave disciplinaire ou
paradigmatique, plusieurs hypothèses ont été formulées sur de multiples sujets. Finalement, nous
n’en avons retenu que quelques-unes. Pour le dire vite, nous nous sommes attaché à démontrer que :
(1) la coupure habituelle entre expertise et amateurisme en politique ne tient pas : il y a des
experts alignés et des experts critiques, des amateurs démotivés et d’autres motivés ; 2) les
changements d’avis sur des problèmes complexes et pressants du moment n’étaient pas distribués
au hasard – ils obéissaient au contraire à des lois dont nous pensons à ce stade avoir trouvé les
linéaments ; (3) les discussions politiques et les raisonnements ou règles de décision qui s’y
développent différaient des discussions sur d’autres sujets, notamment par la nature et la puissance
des émotions soulevées, dont nos premières expérimentations nous ont amené à préciser l’impact.
D’autres hypothèses portant sur des problèmes plus restreints sont énoncées et testées plus loin,
dans les deux introductions à chaque partie de ce rapport, celle qui porte sur les enquêtes et
expériences faites par les politistes (volume 2), et celle qui s’attache aux enquêtes et expériences
conduites par les psychologues (volume 3).
2 Si l’on s’en tenait au seul exemple américain, les théoriciens politiques penchent plutôt pour des citoyens peu
compétents. Pour les Puritains, Jacobins et Fédéralistes auxquels on doit l’une des constitutions les plus démocratiques
du monde, l’idée que les citoyens ignorassent tout des problèmes collectifs était admise car leur trouver une solution
était considéré comme le privilège de l’« aristocratie naturelle » du savoir. L’égalité d’ignorance à la base était
présumée corrigible par l’égalité d’expertise au sommet, au prix d’une inégalité entre électeurs et élus jugée utile à la
démocratie (Manin, 1996, 1997). Selon Robert Dahl (1994), les performances des régimes démocratiques ne seraient
pas affectées par le manque de connaissance et de réflexion des citoyens, bien au contraire : s’ils étaient tous
« thougtful » and « knowledgable », leurs exigences seraient trop nombreuses et trop contradictoires pour que fussent
possibles les choix déchirants dont la politique est faite. Comme ils voudraient tous s’exprimer, le système serait
surchargé (« overloaded ») et les mécanismes de délégation, grippés.
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Au cours de cette étape préalable au lancement d’enquêtes plus approfondies, nous avons
acquis quelques certitudes. Récapitulons-les en introduction aux textes qui suivent.
Tout d’abord, avoir des « connaissances politiques » ne signifie rien : seul compte l’usage
que l’on en fait pour se positionner dans un débat, éventuellement (mais pas toujours) pour agir en
public. Si les connaissances ont un effet, c’est en favorisant le raisonnement autoréflexif, critique et
lucide, que celui-ci se déroule en situation réelle (campagne électorale, débat local ou national sur
des mesures publiques envisagées) ou en situation de laboratoire (expérimentation, sondage).
Ensuite, la politique est le lieu par excellence où se rejoignent et s’entremêlent raison et passion. Il
n’y a pas de connaissances incorporées et utiles sans émotions attachées à leur acquisition et à leur
archivage.
Sur le premier de ces deux points – les connaissances ne valent que par leur usage – la
recherche mondiale est encore timide, et nous espérons contribuer à en consolider les acquis. Sur le
second, en revanche – cognition et affects sont indissociables – les travaux existants sont assez
consensuels : nous leur apporterons ici des compléments, des précisions et des rectifications, mais
nous souscrirons au principe de « l’intelligence affective » (Marcus, Neuman, MacKuen 2000).
Selon cette approche, les choix politiques peuvent être l’objet de calculs stratégiques, voire
utilitaires, donc « rationnels » ; mais ils ne peuvent être faits sans que de puissants affects aient
d’abord dirigé l’attention vers les problèmes à résoudre – problèmes dont l’urgence fait l’objet d’un
message d’alerte dans notre cerveau en fonction des « instructions » inconscientes que nous lui
avons préalablement données. C’est seulement à ce stade que l’esprit prend le relais, c’est à ce
moment précis que les calculs peuvent devenir « rationnels ». Adhérer à ce postulat ne revient pas à
ignorer les facteurs sociaux qui sont également à l’origine des choix apparemment les plus
individuels. Comme nous le verrons, une décision résulte en réalité de la combinaison de ces trois
influences – sociale, psychologique, et « économique ».
Le cadre général dans lequel s’inscrit notre projet étant tracé, le présent texte est organisé
comme suit : nous essayons tout d’abord de reconstruire les notions de « connaissances » et de
« cognition » pour mieux les adapter aux besoins de notre recherche (section 1). Nous présentons
alors les différentes formes du raisonnement politique et du jugement public en essayant de les
distinguer avec le plus de finesse possible (section 2). Cette revue de la littérature une fois faite,
nous montrons comment combiner les disciplines et les approches pour rendre mieux compte d’un
objet aussi complexe (section 3). Nous avançons alors les justifications théoriques des choix que
nous avons faits, en matière de modèles explicatifs et d’instruments méthodologiques comme les
questionnaires et les expériences (section 4). Nous terminons, enfin, par une brève évaluation des
apports originaux de notre recherche (section 5).
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1. Des connaissances à la cognition
Les travaux effectués sur les connaissances politiques s’accordent, certes, sur l’essentiel – le
lien entre connaissances et règles de décision, d’une part ; et la relation indissociable entre
arguments et affects, d’autre part. Mais ils divergent considérablement sur tout le reste. Ils sont par
exemple en désaccord sur des questions aussi essentielles que le type de connaissances concernées,
les processus par lesquels elles sont acquises, la façon de les observer et de les mesurer, mais aussi
leur utilité pour les citoyens et pour le système politique tout entier.
De quelles connaissances parlons-nous ?
Quand on parle de « connaissances politiques », de quelles connaissances s’agit-il
exactement ? Les auteurs s’accordent sur un point, ce sont les connaissances qui devraient être
acquises pour se prononcer valablement sur un enjeu de débat public. Ceci n’implique pas de porter
un jugement global sur leur utilité pour la démocratie, mais seulement de constater que dans
certaines circonstances des citoyens parviennent mieux que dans d’autres à exprimer leur véritable
avis.
Ce constat ne nous avance guère. Premièrement, ces connaissances réputées nécessaires
portent-elle sur les règles du jeu, comme les mécanismes constitutionnels ? Concernent-elles au
contraire le jeu politique (game), autrement dit les anecdotes cachées que les journalistes
débusquent quotidiennement ? S’appliquent-elles aux enjeux du débat public (issues), pour lesquels
il est nécessaire de comprendre ce qui est vraiment en cause (Iyengar et Kinder, 1987) ? Dans le
premier cas, seules sont importantes – et seules seront testées – les connaissances « civiques »,
celles qui portent sur les institutions et les procédures démocratiques (Converse, 1964). Dans le
deuxième cas, on traquera aussi les connaissances obtenues sur les partis, les leaders, et les
programmes électoraux, qui permettront de placer sans se tromper ces éléments incontournables de
la vie politique sur une échelle de type « gauche-droite » (Cautrès & Luskin, 1999 ; Laver, 2001 ;
Laver et Benoit, 2006). Dans le troisième cas, ces connaissances jugées indispensables devront
aussi inclure une compréhension minimale des problèmes posés par les mouvements politiques et
des solutions suggérées par les pouvoirs publics (Kriesi, 2005 ; Sciarini, Bornstein et Lanz, 2007).
Or, les auteurs ne s’entendent guère sur le seuil de connaissances minimales que les citoyens
devraient franchir pour que la démocratie fonctionne mieux. Ils mesurent de façon très diverse ce
niveau de performance réputé nécessaire dans un régime représentatif, n’étant pas d’accord sur les
tâches à accomplir – s’informer, avoir des opinions cohérentes, voter, militer, etc. – pas davantage
12
qu’ils ne s’accordent sur les critères et les indicateurs destinés à mesurer cette performance – ne pas
se tromper en votant, ou ne pas se contenter de raccourcis cognitifs (Kuklinsli et Quirk, 2002).
Deuxièmement, nombre de politistes font comme si ces fameuses « connaissances » se
limitaient à un ensemble d’informations factuelles sur la politique professionnelle, celle qui se
déroule dans la sphère politicienne ou le « champ politique ». Aucun, à notre connaissance, ne s’est
interrogé sur des savoirs-faire acquis en dehors du domaine politique, mais très utiles pour s’y
repérer et y manœuvrer soi-même – par exemple, sur la façon de négocier, d’éviter les décisions que
l’on juge les plus mauvaises, de résoudre des conflits, de faire triompher ses idées. Il y aurait donc
des connaissances politiquement utiles sans être directement politiques qu’il faudrait également
mesurer au lieu de se contenter d’un test classique de connaissances sur la vie publique. Les
avancées des neurosciences semblent conforter ce point de vue. Elles nous invitent à enrichir
l’étude de la politique classique par celle des processus à l’œuvre dans les rencontres ordinaires.
Selon « l’hypothèse de l’intelligence machiavelienne » développée par Darren Schreiber, l’être
humain est capable de « se représenter les états intentionnels d’autrui », et de s’y adapter grâce à un
dispositif cérébral spécialisé qui « cherche à comprendre notre monde social et à mettre en relation
notre moi avec notre place dans ce monde »3. Cette aptitude éminemment sociale est un résultat de
l’hominisation, tous les êtres humains la possèdent. Ils diffèrent néanmoins lorsqu’ils doivent
généraliser les anticipations sur le comportement d’autrui. Tirant les leçons de travaux
expérimentaux récents, l’auteur affirme ainsi que les gens « qui sont politiquement sophistiqués
utilisent les outils développés [au cours de l’évolution de l’espèce] pour évaluer la politique au
quotidien et les appliquer à la politique nationale. Les novices en politique, au contraire, ne
possèdent pas d’expérience ou de connaissances suffisantes sur la façon d’appliquer aux questions
de politique nationale les (…) compétences qui leur servent à naviguer dans la politique au sein de
la famille ou au cœur des rapports sociaux. » (Schreiber, 2007, 53, 55, 57)4. Il est donc clair que
l’on ne peut pas limiter l’analyse des connaissances à celles qui sont liées à la vie politique.
Troisièmement, ces connaissances peuvent être pratiques ou théoriques. On peut ainsi
supposer que les « connaissances » visées ne sont pas livresques car elles ont été obtenues à
l’occasion d’expériences de vie. Elles sont donc attachées à un « vécu » , qu’il s’agisse d’une
trajectoire professionnelle, d’une condition sociale, d’une mobilité ascendante ou descendante,
d’une familiarité avec des situations concrètes comme le chômage ou la précarité – situations dont
3
Cette analyse est une version élaborée et récente des théories de l’esprit selon lesquelles les êtres sociaux sont humains
parce qu’ils ont la faculté de prêter des intentions à autrui.
4 Darren Schreiber ancre ses analyses dans une perspective génétique et évolutionniste qui dépasse le cadre de nos recherches : au
cours de l’évolution, plusieurs régions cérébrales se seraient modifiées pour s’adapter à la vie tribale, puis sociale ; de plus, il fait
l’hypothèse pour l’instant non corroborée que des « neurones miroirs » découverts dans le précortex des primates orienteraient les
relations des humains les uns envers les autres, notamment en leur faisant ressentir les émotions associées à leurs actions sans y
prendre part eux-mêmes (les neurones miroirs de ceux qui regardent s’activant en même temps que les neurones frontaux de ceux qui
agissent).
13
les personnes plus favorisées par la vie et plus politisées que la moyenne ne peuvent débattre, elles,
que de façon abstraite en mobilisant des savoirs qui ne sont pas liés à un contexte personnel (Gaxie,
2007). Toutefois, la perception d’un problème comme le chômage ou l’insécurité n’est pas
seulement encadrée par le degré d’exposition à ce qui le rend problématique. Elle dépend aussi du
savoir-faire délibératif – la connaissance des moyens de convaincre un interlocuteur de la validité
de ses arguments.
Quatrièmement, une liste des connaissances politiques « nécessaires » au « bon
fonctionnement » d’un régime représentatif et que l’on pourrait établir a priori n’existe pas. Au
contraire, seront considérées comme des connaissances celles que l’on peut recueillir a posteriori en
demandant à des personnes de procéder à des associations d’idées (qu’est-ce que « politique »
évoque à leur yeux?). Ces connaissances-là ne sont pas neutres, elles sont inévitablement liées à des
affects. En effet, les processus associatifs permettent de faire venir à la surface des notions
habituellement enfouies dans la mémoire longue. La rapidité du processus de décodage (retrieval)
dépend elle-même de la façon dont l’encodage de l’information recherchée avait été initialement
fait : elle est donc proportionnelle à l’intensité des émotions dont l’encodage s’était accompagné.
Plus la charge affective de l’information perçue aura été forte au moment de sa réception, plus
l’encodage sera durable, et plus l’information archivée prendra place dans un ensemble sémantique
et normatif organisé. Ainsi, les « connaissances» ne peuvent être purement mentales, elles
comportent une part d’émotion, voire de convictions.
Cinquième et dernière source de divergence entre auteurs, jusqu’à quel point les
connaissances doivent-elle être correctes pour mériter d’être recueillies ? La plupart des travaux ne
s’intéressent qu’aux connaissances exactes. Pourtant, des connaissances plausibles peuvent aider les
citoyens à prendre une décision. Avoir la bonne réponse sur le bout de la langue et en donner une
autre toute proche, ou se tromper de peu dans sa réponse (par exemple, sur la durée d’un mandat,
sur le nom d’un détenteur de charge qui en a été le titulaire, ou au contraire sur l’inclusion
prématurée d’un pays comme le Japon ou l’Allemagne parmi les membres permanents du Conseil
de Sécurité des Nations-Unies alors que la question de leur prochaine accession à ce statut se pose
de plus en plus ouvertement) : rien de tout ceci ne disqualifie automatiquement comme
incompétente une personne sollicitée de donner immédiatement une réponse à une question posée
par un enquêteur en la faisant tomber de la catégorie « bien informée » à « mal informée ou pas
informée ». Certains travaux ont ainsi mis en évidence l’existence d’un groupe consistent de
répondeurs proches de la vérité (Abrial & Denni, 2004 ; voir aussi Denni & Roux dans ce rapport) ;
d’autres ont rappelé que même des professeurs de science politique auteurs de questionnaires
avaient besoin de temps pour trouver les bonnes réponses quand on les interrogeait à l’improviste,
leur expertise résidant surtout dans leur capacité à savoir où les trouver (Prior & Lupia, 2005).
14
Disposer d’un échelon intermédiaire entre réponses inexactes et réponses correctes permet non
seulement de se rapprocher de la réalité, mais aussi de disposer de trois points d’observation au lieu
de deux – donc de traiter l’ensemble des réponses collectées sur une échelle.
Résumé
Les connaissances que nous nous sommes données pour objet sont beaucoup plus diverses que
celles dont se servent les auteurs pionniers dans ce domaine. Elles ne sont pas seulement civiques et
d’actualité, elles sont générales et intemporelles. Elles ne sont pas seulement limitées à l’expérience
que chacun peut avoir de la politique, mais aussi nées d’expériences sans rapport direct avec la
politique. Elles ne dépendent pas pour autant du seul vécu, mais aussi de l’aptitude à raisonner.
Elles ne sont pas uniquement exactes, mais aussi approximatives. Elles ne sont pas seulement
cognitives mais également affectives et évaluatives.
Des connaissances à la cognition
La polysémie du terme « connaissance » est, on le voit, frappante. Mais son caractère
ordinal se manifeste clairement dans les concepts grâce auxquels les chercheurs en discutent :
sophistication, expertise, compétence, lesquels connotent tous des degrés, donc des minimums et
des maximums. Ils peuvent aussi en avoir une vision dichotomique en opposant des personnes qui
en sont pourvues à d’autres qui en sont dépourvues.
Nous reviendrons sur les notions de sophistication et d’expertise dans l’introduction du
volume 2. Il suffit d’évoquer ici la « compétence », pour voir à quel point ces objets sont
équivoques ou réducteurs. La compétence est un objet équivoque, car le niveau et la nature du
savoir profane des personnes ordinaires et du savoir expert de celles qui font de la politique sont
confondus5. C’est aussi un objet réducteur, car elle ne peut pas résulter d’une simple agrégation des
connaissances politiques acquises dont les agents sociaux sont plus ou moins dotés, mais d’une
combinaison de deux composantes. D’une part, il est vrai, c’est un stock de savoirs inégalement
distribués que l’on désigne par le pluriel (les connaissances). D’autre part, et ceci est le plus
souvent occulté en sociologie politique, c’est un processus cognitif (au singulier, la cognition). Il en
découle que la compétence peut se comprendre comme un niveau atteint à un moment donné de la
vie, ou bien comme un processus toujours recommencé. Nous optons pour la seconde branche de
l’alternative, ce qui nous amène à adopter une autre conception de la « performance » que celle de
Kuklinski et Quirk, 2004. A la suite des linguistes nous considérons que la performance peut être
5 Le problème du lien éventuel entre « sophistication » réelle des électeurs et capacité d’expertise effective de l’élu est loin d’être
résolu. La difficulté de saisir ce que l’on appelle « compétence » est en effet d’autant plus grande qu’elle prend des significations
presque opposées quand elle est analysée au niveau du citoyen de base et à celui des professionnels de la politique. Tel est le sens
habituel du mot « compétence » dans la littérature anglophone (Miller & Shanks, 1996). Nous remercions Jean Leca d’avoir attiré
notre attention sur ce point.
15
bonne ou mauvaise, riche ou pauvre, en regard du vocabulaire et de la syntaxe, elle n’en révèle pas
moins une réelle « compétence » linguistique à former des syntagmes avec des phonèmes, des
morphèmes et des sémantèmes. En bref, comme une « parole » maladroite peut véhiculer une
« langue » cohérente, il n’est pas nécessaire de connaître parfaitement la politique pour être
compétent. Il suffit de savoir argumenter.
Parler de connaissances au pluriel semble indiquer que l’on adopte plus ou moins
consciemment une démarche statique, tandis qu’en parler au singulier montre que l’on prend ses
aspects dynamiques très au sérieux. Ainsi, loin d’être semblables, ces deux objets (la cognition, les
connaissances) sont en réalité très différents. Mettre l’accent sur l’un ou sur l’autre a donc des
conséquences opposées sur la démarche de recherche adoptée : au lieu de privilégier les récits de
vie pour évaluer l’ampleur d’un éventuel décalage entre compétence objective (ce que l’on sait) et
compétence subjective (ce que l’on se croit autorisé à savoir), la méthode s’attachera à reconstituer
des processus de décision puis à les stimuler pour en retrouver les facteurs explicatifs profonds.
Un nombre croissant d’auteurs ont compris qu’ils ne pouvaient plus se limiter aux
connaissances politiques stricto sensu. Cessant d’aborder le problème sous le seul angle des scores
de réponses correctes obtenus lors de l’administration de tests, ils se sont progressivement tournés
vers des expériences visant à découvrir les règles d’inférence et les règles de décision grâce
auxquelles les individus parviennent à faire des choix et à porter des jugements qui les satisfont.
Darren Schreiber, par exemple, a récemment fait l’hypothèse qu’en l’absence de connaissances
suffisantes une personne ne parviendrait ni à établir une « cartographie » (« mapping ») des
positions idéologiques et programmatiques des acteurs politiques, ni à trouver des correspondances
entre leurs valeurs et les siennes propres (Schreiber, 2007, 60-66). Selon lui, l’acquisition de ces
connaissances n’est pas une fin en soi mais seulement une condition requise pour que les citoyens
se montrent ensuite capable d’argumenter. D’autres auteurs ont fait l’hypothèse d’un raisonnement
politique « soupesé » (« considerate », Fishkin, Jowell et Luskin, 2002) ou « motivé »
(« motivated ») : Lodge et Taber (200) sont ainsi parvenus à mettre en évidence une certaine
influence de l’information sur l’élection, nous y reviendrons.
L’étude des connaissances politiques a ainsi conduit progressivement à celle de la cognition
en politique. A la différence de tous les travaux cités, nous avons inversé l’ordre des objets : nous
nous sommes vite intéressés à la cognition avant de reprendre la question classique des
connaissances. Partis d’une interrogation sur le rôle des connaissances dans la formation des
préférences, nous nous sommes finalement penchés sur la formation du jugement politique à propos
de décisions publiques. Pourtant, nous n’avions pas du tout anticipé ce déplacement de
problématique au début de notre propre recherche, alors qu’il en est sans doute l’un des résultats les
plus clairs. Grâce à cette réorientation fortuite, nous avons soulevé une nouvelle question de
16
recherche (la cognition) pour laquelle les définitions et les instruments de mesure disponibles
étaient encore plus rares et moins satisfaisants que pour la précédente (les connaissances politiques).
A cause d’elle, il nous a fallu tout d’abord traquer la logique propositionnelle dans un secteur où
elle est d’autant plus importante qu’elle se situe en surplomb de toutes les autres formes de
jugement. Cela supposait, tout d’abord, que l’on situât le jugement public parmi toutes les autres
formes de jugement existantes : nous avons été ainsi conduits à comparer raisonnement politique et
raisonnements non politiques, de façon encore peu satisfaisante pour l’instant. Il nous a fallu ensuite
accéder aux procédures argumentatives des individus en situation expérimentale, puisqu’il est
pratiquement impossible d’y parvenir en situation réelle : nous avons donc dû concevoir des
protocoles d’expérience inédits, dont la généralisation devra attendre que d’autres projets de
recherche soient réalisés dans un avenir que nous espérons proche.
Le plus saisissant à cet égard est le parallélisme du cheminement fait dans les deux sousgroupes de recherche constitués à Grenoble et à Lyon après les réunions plénières de lancement de
notre programme de recherche conjoint : comme les politistes grenoblois de l’équipe l’ont fait avec
un instrument interactif utilisé dans les enquêtes téléphoniques pour traquer les causes des
changements d’avis, les psychologues lyonnais ont observé les effets de l’énonciation d’arguments
sur des individus novices ou experts en politique. A l’aide de questionnaires sur table (selfadministred), ils ont proposé aux sujets interrogés de réagir à des listes d’aphorismes exprimant de
façon synthétique une tournure de raisonnement associée à la politique, et de désigner ceux de ces
dictons qui illustraient le mieux le raisonnement en la matière. Ils ont également tenté de retrouver
les règles de décision utilisées spontanément par les citoyens pour faire des choix politiques.
A Grenoble, nous avons nous aussi cherché à influencer nos répondants, et les obliger à
raisonner, à peser le pour et le contre. Mais nous l’avons fait en testant l’impact sur la stabilité des
positions individuelles d’arguments destinés à éprouver la résistance des enquêtés à la contradiction
et à la nouveauté. A cette fin, nous avons conçu un instrument expérimental que nous avons appelé
« script ». Nous avons de la sorte tenté d’entrevoir jusqu’à quel point la montée en généralité et en
sophistication au cours d’un mini débat sur un problème public pouvait stimuler les capacités auto
réflexives de personnes interrogées par téléphone ou en face-à-face.
Dans les deux cas – l’usage d’aphorismes et celui de scripts – et de façon en partie
indépendante – puisque les réunions de travail se sont succédé sur chacun des deux sites en dehors
des séances plénières tenues alternativement à Lyon et à Grenoble –, nous avons changé de projet
Au lieu d’étudier la distribution sociale des connaissances politiques sans nous intéresser vraiment
aux émotions qui y sont attachées, nous sommes passé à une étude du raisonnement fait par les
individus pour émettre des choix publics en modifiant leurs arguments et leurs préférences sous
l’effet d’informations nouvelles. Cette convergence des deux démarches est encore plus évidente
17
quand on s’aperçoit que dans ce premier élargissement de leur objet les deux équipes se sont
placées dans une spirale les entraînant vers un second élargissement : il a fallu admettre
qu’affectivité, rationalité et éthique se mêlaient indistinctement dans la cognition politique. Notre
objet initial n’était pas seulement cognitif, il était aussi conatif et évaluatif : il nous a donc fallu
imaginer des moyens de capter ces nuances en associant les forces de la psychologie cognitive et
celles de la science politique des décisions. Quand les travaux consacrés aux connaissances par les
uns et les autres sont faits séparément, ils mesurent mal l’impact sur les opinions et sur les actions
des ressources cognitives nécessaires afin de réfléchir avant de prendre parti. Ils se contentent le
plus souvent de postuler un effet – lui-même non déduit d’un cadre théorique clair – soit entre le fait
d’être informé au point de pouvoir répondre sans se tromper à des questions de connaissance
civique, d’une part , et la décision de se rallier à une mesure publique proposée par un parti, un
mouvement social, ou une personnalité, d’autre part (effet perçu par les politistes travaillant seuls) ;
soit, entre l’identification purement affective à des objets soulevant des émotions et les décisions
finalement prises (effet prévu par les psychologues cognitivistes faisant leurs recherches de leur
côté).
Résumé
Nos recherches nous ont fait découvrir un vide dans les travaux consacrés aux connaissances
politiques par les psychologues et les politistes. Nous avons cherché à le combler en nous
intéressant à un objet commun que nous avons reformulé : la formation du jugement public
alimentée par des informations nouvelles affectant émotionnellement le sujet. Ceci devait
inévitablement nous conduire à comparer le « rendement » de la psychologie politique à celui de la
sociologie politique dans l’étude du raisonnement politique et du jugement public, donc à adopter la
meilleure combinaison possible de ces sous-disciplines.
A cette fin, il nous fallait tout d’abord redessiner un objet flou avec le plus de précisons
possible, avant de passer en revue les courants de recherche qui s’y sont intéressé : la sociologie
politique (et notamment électorale), la psychologie politique et les neurosciences, l’école des choix
rationnels. Comparer leurs contributions respectives à la recherche sur les connaissances politiques
fait l’objet de la section suivante.
2. Le jugement politique et les autres formes de raisonnement : nouvelles
approches
18
Quand on doute que toute connaissance serve, que toute information soit retenue, nombre
d’interrogations naissent. Comment chacun ou chacune fait-il ou fait-elle pour fabriquer de la
connaissance avec de l’information ? Comment chacun ou chacune sélectionne-t-il et retient-elle les
connaissances qui pourraient lui être politiquement utiles ? Comment parvient-on à transformer un
raisonnement analytique en jugement évaluatif ? Quand des individus raisonnent, quelle part font-ils
aux processus cognitifs universels (ceux qu’étudie la logique formelle), et aux ethnométhodes
spécifiques (autrement dit, des cheminements intellectuels qui leur sont propres, ou bien qu’ils
partagent avec les membres d’un groupe social, ethnique, linguistique, etc.) ?
Nous postulons ici que les acteurs sociaux ordinaires peuvent être confrontés aux mêmes
besoins d’acquisition, d’archivage et d’usage de connaissances politiques ou politiquement
pertinentes. Au cours de ce processus cognitif, les citoyens traitent tous à des degrés divers les
informations qui leur parviennent, en tout cas celles qu’ils perçoivent au milieu du bruit ambiant parce
que leur contenu les touche affectivement. Ce qu’ils en retiennent, et la façon dont ils stockent,
classent, et hiérarchisent l’information (de façon aléatoire ou bien en fonction d’une possible
réutilisation ultérieure) constitue leurs connaissances. Ensuite, les opinions émises à la demande,
sollicitées lors d’entretiens ou de conversations, mais aussi la capacité à avoir des opinions et des
sentiments que l’on puisse rendre publics, peuvent être éventuellement organisées en arguments.
Finalement, ceux-ci seront rassemblés en raisonnements cohérents – dont les arguments entretiennent
entre eux une relation de nécessité – et en jugements évaluatifs sur la vie politique et les décisions
publiques.
Deux problèmes se posent, un au début et l’autre à la fin de la séquence cognitive. Le premier
concerne le cheminement de la pensée : les raisonnements « politiques » vont-ils au plus rapide,
empruntent-ils des raccourcis, en un mot sont-ils plus heuristiques ? Ou au contraire, sont-ils
construits, les plus complets possible, donc systématiques ? D’autre part, se déroulent-ils en ligne, en
utilisant toutes les possibilités de s’informer, ou bien font-ils appel aux informations déjà stockées en
mémoire ? Le second problème concerne le but du raisonnement : est-il cognitif ou évaluatif ? Prend-il
la forme d’une « analyse » politique (dans ce cas nous préférerons parler de « raisonnement
politique ») ou bien celle d’un « jugement » moral portant sur des mesures publiques estimées bonnes
ou mauvaises (dans cette hypothèse, nous retenons l’expression de « jugement public »). Les auteurs
distinguent bien les heuristiques du raisonnement systématique, mais ils emploient en général
indifféremment raisonnement et jugement. De plus, ils ne distinguent pas entre ce qui est politique et
ce qui est public. Enfin, ils font pour la plupart comme si le raisonnement politique ne pouvait être
aussi complet et rigoureux que le raisonnement scientifique tenu pour l’étalon du raisonnement
logique, alors que tout individu devrait être présumé apte à raisonner logiquement et systématiquement
sur des problèmes politiques dans des circonstances qui le rendent possibles. Quand ils s’en éloignent
19
beaucoup, ils tombent du côté du jugement éthique ou affectif et non du côté du raisonnement neutre
et froid. Mais ils peuvent aussi s’en rapprocher quand l’opportunité leur en est données et s’ils sont
suffisamment motivés pour le faire.
Tentons d’approfondir ces distinctions entre modalités de raisonnement et formes de jugement.
Nous en tirerons dans le paragraphe suivant quelques conclusions sur les rapports entre intellection et
émotion dans l’énonciation d’arguments politiques.
Raisonnement systématique et raisonnement heuristique
C’est en psychologie qu’ont été élaborés les premiers modèles de décision « dualistes » car
ils postulaient une dichotomie entre raisonnements partiels et raisonnements complets. Ils englobent
aujourd’hui des modalités de raisonnements réparties sur un continuum, allant du plus intuitif au
plus analytique en passant par diverses combinaisons possibles de raisonnements tout faits et de
raisonnements argumentés, chaque combinaison correspondant à un « profil cognitif » (Naï, 2007)
ou à une « stratégie d’inférence » (Ottati, 1990, 173). Ces processus sont formalisés au sein d’un
modèle heuristique/systématique (« the Heuristic-Sytematic Model », Chaiken, 1980 ; Chen et
Chaiken, 1999 ; Chen et Trope, 1999). D’après ce modèle, un raisonnement « heuristique » a pour
but d’arriver rapidement et au moindre effort à une décision en utilisant des clefs de lecture de la
réalité (« cues ») ; il est dit « heuristique » justement parce qu’il rapproche la personne qui s’y livre
de la découverte du choix le plus approprié à ses préférences. Parce qu’il ne va pas jusqu’au bout du
raisonnement possible à propos de la décision à prendre, ce type de raisonnement est souvent
assimilé à un « raccourci » cognitif (« shortcut ») opposé au traitement sérieux de l’information
nécessaire pour décider en pleine connaissance de cause (« systematic process »).
Toutefois, les premières applications de ce modèle souffrent de l’étroitesse de l’objet à
expliquer – les votes émis dans des élections générales aux Etats-Unis. Si le raisonnement
systématique semble jouer dans ces cas là un rôle limité il en va autrement dans d’autres
circonstances. En Suisse, par exemple, les élections classiques et les référendums d’initiative
populaire suscitent des modes de raisonnement différents : les attitudes politiques activées à
l’occasion des premières semblent plus stables que les attitudes manifestées au cours des secondes
(Kriesi, 2005). Dans une « votation » les électeurs seraient plus volatiles parce qu’ils seraient plus
« utilitaristes » (Sciarini, Bornstein et Lanz, 2007). En revanche, les connaissances (exprimées par
un indicateur de perception correcte des enjeux et des positions des partis opposés sur la mesure
soumise à référendum) jouent un rôle limité en regard des « prédispositions » des électeurs, et ceci
même lors d’une votation portant sur un sujet qui devrait les concerner majoritairement – par
exemple, la décision de voter pour ou contre une proposition portant sur l’environnement (Sciarini,
Bornstein et Lanz, 2007). Apparemment contradictoire, ce double constat s’explique aisément: c’est
20
à la fois parce qu’ils ont besoin de s’informer davantage sur des questions techniques, et aussi parce
qu’ils se sentent moins impliqués par elles, que les électeurs suisses doivent raisonner de façon plus
étayée quand il s’agit de se prononcer sur une mesure publique précise, soumise à « votation », que
de choisir une personne ou un parti lors d’élections générales. Dans le dernier cas, les affects
prendraient le dessus sur l’argumentation et la quête d’informations complémentaires serait réduite.
Dans le premier cas, au contraire, le raisonnement « basé sur des données » sérieuses (« databased », Bodenhausen, 16) l’emporterait sur le raisonnement « stéréotypique » fait à partir des
« heuristiques de jugements » (« judgmental heuristics », Bodenhausen, 15).
Plusieurs sortes d’inférences faites à partir de stéréotypes ont ainsi été mis en évidence par la
recherche sur le vote. On a ainsi mesuré les effets de trois stéréotypes sur la capacité à placer les
candidats les uns par rapport aux autres : les « schematas » partisans (i.e., Républicain-démocrate),
idéologiques (i.e., conservateur/liberal), et d’appartenance de classe (i.e., riche-pauvre), qui tous
peuvent déterminer séparément ou concurremment les prises de position individuelles (Hamil,
Lodge & Blake, 2001 ; voir aussi Riggle, Ottati, Wyer, Kukliski et Schwartz, 1992 ; Redlawsk et
Lau, 2001).
A quel moment et dans quelles conditions le raisonnement systématique revient-il au
premier plan ? Lorsque la personne qui doit prendre une décision élargit son analyse à d’autres cas
de figure possibles que le choix d’un représentant, d’un président, ou d’un projet soumis à
référendum. C’est le cas des discussions politiques (Eveland, 2004 ; Duchesne et Haegel, 2004,
2006 ). A la différence des élections destinées à désigner des représentants et installer des
gouvernements nationaux ou locaux, ce qui compte le plus dans une discussion c’est la façon dont
on parvient à énoncer une préférence et à s’y tenir. C’est pour traquer les raisonnements les plus
systématiques que nous avons délaissé le domaine de la simulation d’élections pour nous tourner,
comme nous le verrons, vers la reconstitution de processus argumentatifs proches d’une
conversation privée sur des problèmes publics.
Raisonnement analytique et jugement dogmatique
Se tourner vers le « jugement public » c’est reconnaître la nature en partie morale de tout
raisonnement politique. Un jugement est positif ou négatif, il désigne ce qui est bon et ce qui est
mauvais, ce qui convient et ce qui ne convient pas. Rares sont les raisonnements qui sont purement
analytiques. De toute façon, ils deviennent vite normatifs : les convictions acquises et solidement
ancrées guident au moins autant la décision que tout autre facteur, comme les déclarations publiques
de personnalités politiques respectées pour leurs idées (Ottati, 1990). En dépit de sa composante
éthique, le raisonnement politique n’est pas analytiquement illogique. Il manifeste à nos yeux une
forme d’argumentation logique de même nature que le jugement scientifique, et non pas un
21
raisonnement de sens commun, plus exclusivement dogmatique. Nous adoptons ici la position de Peter
Steinberger contre celle de Dewey et de Hannah Arendt (Steinberger, 1993, 211, 298). Selon
Steinberger, le protocole du raisonnement politique est identique au protocole du raisonnement
scientifique, car les deux opérations sont des formes de « performance intelligente » – seul leur
contenu empirique varie. Nous postulons également comme lui qu’il y à une différence nette entre une
intelligence peu organisée, conduisant à des erreurs factuelles selon des voies rationnelles (c’est
justement le propre des « ethnométhodes »), et des raisonnements insensés dépourvus, eux, de toute
intelligibilité (Steinberger, 1993, 288)6. La première forme d’intelligence seulement est la cible
habituelle des travaux sur le raisonnement politique. Nous admettons aussi, comme cet auteur, qu’un
jugement est une mise en relation propositionnelle de catégories générales pour fabriquer une
description particulière. Ce processus cognitif demande donc des capacités cognitives testables.
Donnons-en un exemple : coupler deux catégories universelles, comme dans l’équation célèbre E =
MC2, ou « le rouge est une couleur », c’est énoncer une proposition scientifique, mais cela ne
constitue pas un vrai jugement. Dire, en revanche, « Churchill est un homme d’Etat » lie une
personnalité unique (« Churchill ») à un rôle général (« homme d’Etat »), c’est donc un bon exemple
de jugement politique connectant, en vertu d’une évaluation personnelle (« Churchill, voilà un vrai
homme d’Etat, lui ! »), une « situation particulière » à un concept tiré d’une « structure de
vérité partagée» par tous (Steinberger, 90-93). Nous tiendrons également pour vrai que juger comporte
une part d’inférence rationnelle (savoir pourquoi un événement se produit), et une part d’intuition
sensible se manifestant sous la forme de « vision » (savoir ce qui se passe vraiment, et comment y
faire face, Steinberger, 283). Enfin, nous conclurons nous aussi que le jugement politique est un
jugement de rang deux, un jugement sur d’autres jugements, et aussi sur d’autres juges que soi, dont la
perspicacité est ainsi validée ou au contraire mise en doute. Conçu de la sorte, juger politiquement est
le meilleur moyen d’ordonner en dernier ressort les évaluations faites dans tous les autres domaines
où des préférences doivent être énoncés et des déclarations prononcées (Steinberger, 286). C’est sur ce
point et sur celui-là seulement que le jugement politique est spécifique : il doit cette distinction à sa
position en surplomb de toutes les autres argumentations conduites sur des objets non directement
politiques, un aspect du politique déjà identifié et analysé il y a longtemps (Leca & Jobert, 1980). On
le voit, la difficulté croît avec le glissement d’intérêt qui se produit quand, comme nous l’avons fait,
on s’éloigne des connaissances politiques statiques, pour se rapprocher de la saisie empirique des
raisonnements politiques visant des objets centraux de la vie sociale par lesquels tous les citoyens sont
concernés.
6 Selon lui, « the process of rational reflection, and the absolute requirement of all intelligent performance for systematic
justification, does not at all presupposes infallibility (…). Indeed, the very possibility of error suggests (..) as well, criteria for
distinguishing errors of incorrectness from ‘errors’ of sheer unintelligibility-differentiating mistakes on the one hand from utter
nonsense on the other.”
22
Raisonnement en ligne et raisonnement par appel à la mémoire
Placé à ce niveau de généralité, le raisonnement politique nécessite un appel à la mémoire
longue dans laquelle sont stockées les connaissances de chaque individu. Ce processus a aussi ses
limites : il peut par exemple dispenser une personne aux convictions solides de mettre ses
connaissances à jour quand il lui faut prendre position sur un nouveau problème (Civettini, et
Redlawsk, 2005). Dans la littérature existante, il est tenu pour acquis que la propension à refuser de se
lancer dans un raisonnement en ligne (« on-line processing ») afin de compléter son information et de
l’actualiser dépend de la solidité des convictions et de la cohérence des attitudes entretenues sur cet
objet : une identification partisane et un alignement idéologique forts tendront à limiter la quête
d’informations nouvelles au bénéfice des jugements préformés, disponibles par simple exploration de
sa mémoire. En d’autres termes, le raisonnement « motivé » se distingue du raisonnement dicté par la
mémoire (Redlawsk, 2006 a). Au contraire, l’absence de proximité avec des mouvements politiques
devrait favoriser la recherche d’information. Il semble plus facile d’entreprendre cette recherche –
révélatrice de connaissances insuffisantes – dans des cas relevant de la vie sociale que dans un
contexte politique où elle indiquerait un défaut de socialisation politique, l’absence d’attitudes
consolidées, bref, des formes de méconnaissance jugées peu légitimes.
Quelques expériences conduites principalement aux Etats-Unis et en Suisse ont montré qu’en
l’absence d’un savoir suffisant sur les institutions, les enjeux, et les positions des compétiteurs, les
électeurs sollicitent du mieux possible leur mémoire. Certains d’entre eux toutefois se contentent de
juger ceux qui briguent leur suffrage sur les apparences. Ainsi, quand on ajoute à une mauvaise
photographie en noir et blanc et sans légende, des informations substantielles relatives au parti de
chaque candidat et à sa position par rapport aux enjeux du scrutin, la plupart des sujets qui se sont
prêtés à l’expérience et qui ont d’abord dû se prononcer avec très peu d’information choisissent
maintenant le candidat le plus proche de leur parti préféré. Ils changent de « vote » même quand la
photographie du candidat auquel ils se rallient désormais ne leur avait pas plu au premier abord. Même
quand un candidat fictif est jugé tout seul, sans être confronté à un rival, la proximité des positions
affichées par le candidat ou la candidate et celles de l’électeur l’emporte sur les deux autres facteurs de
choix, l’apparence physique et l’appartenance partisane (Lodge, McGraw, & Stroth, 1989, sur les
« impressions » qui influencent le choix électoral). Quand il est en compétition avec une autre
personne supposée se présenter contre lui, en revanche, l’alignement du candidat est privilégié
(Rigger, Ottati, Wyer, Kuklinski, Schwarz, 1992).
On le voit, le recours au raisonnement en ligne est positivement corrélé à l’usage d’un
raisonnement systématique ; alors que le raisonnement heuristique semble associé à un usage du stock
de connaissances mémorisées.
23
Raisonnement compensatoires et non compensatoires
Ce n’est pas tout. Les raisonnements politiques diffèrent aussi des raisonnements non
politiques par leur caractère plus itératif, bien que ce ne soit pas une différence de nature mais
seulement de degré. Les raisonnements dits « compensatoires » se déroulent simultanément les
« plus » et des « moins » d’un candidat et de ses rivaux sont mis en balance, de façon à atteindre la
meilleure ou la moins mauvaise combinaison possible d’avantages et d’inconvénients, ce qui permet
de voter pour le ou la candidate qui présente le moins mauvais profil. Les raisonnements « non
compensatoires » se déroulent séquentiellement : les électeurs n’ont pas une vue synoptique des
positions des candidats, mais ils les découvrent au fur et à mesure que de nouvelles informations leur
sont rendues accessibles. Des expériences conduites aux Etats-Unis ont montré qu’au cours d’une
campagne électorale ou d’un débat public les citoyens procédaient surtout à des raisonnements non
compensatoires, car seule une minorité d’électeurs se livraient à une quête sérieuse d’informations. De
plus, l’accumulation d’informations contradictoires conduisait les sujets soit à simplifier leurs règles
de décision, soit à ne pas trancher du tout. Quand il est vraiment approfondi, le travail de recherche fait
par l’électeur révèle en effet les faiblesses du candidat spontanément préféré en raison de son parti ou
de ses positions. Mais il met à l’inverse en évidence les atouts insoupçonnés de ses rivaux, ce qui peut
paralyser le choix (Redlawsk, 2004).
Le recours au raisonnement non compensatoire peut s’expliquer par la crainte de pas pouvoir
trancher entre des candidats qui sont tous à la fois critiquables et louables, au cas où la recherche
d’informations serait trop poussée. A. Lupia postule ainsi que les citoyens ne prennent pas de
meilleures décisions politiques quand ils en savent trop sur leurs enjeux, car le savoir encyclopédique
et l’érudition inhibent la décision au lieu de la faciliter. De fait, l’existence d’une catégorie de citoyens
très compétents et néanmoins peu impliqués ou pas du tout – en raison, principalement, de la
sophistication de leur savoir et des contraintes « d’hyperchoix » qui en découle – a été établie dans
quinze pays européens (Schemeil, 1999) et confirmée en France par J. Jaffré et A. Muxel qui
distinguent des « abstentionnistes dans le jeu » des « abstentionnistes hors jeu », les premiers étant,
comme nous les avions appelés, des électeurs « concernés » par la politique mais incapables de
trancher, donc peu participatifs (Jaffré & Muxel, 2000). Toute la question est de savoir si l’usage plus
fréquent d’un raisonnement compensatoire aurait cet effet paralysant, ou pas.
24
Résumé
Toute expérience conduite dans le but de reconstituer les processus cognitifs à l’œuvre dans le
domaine politique devrait avoir pour objet de susciter chez les sujets de l’expérience un plus grand
recours à la composante analytique, systématique, processuelle et compensatoire du raisonnement.
Ceci ne signifie nullement que l’on pourrait ignorer sa composante dogmatique, heuristique,
mémorisée et non compensatoire : il s’agit juste de donner aux sujets l’occasion de développer leurs
capacités argumentatives au lieu de parer au plus pressé et de se laisser guider par ses convictions. De
plus, nous savons que les formes d’argumentation les plus logiques et les plus distanciées conserveront
toujours un soubassement moral et affectif. Nos recherches devront donc essayer de graduer
l’importance relative du technique et de l’éthique dans les sujets abordés au cours d’expériences ou
d’entretiens. Au bout du compte, les raisonnements politiques sont composites parce qu’ils sont à la
fois plus émotionnels et plus compliqués que les raisonnements ordinaires. Mais ils sont aussi plus
logiques et plus généraux qu’eux. Ils se situent donc entre le jugement conventionnel et le
raisonnement intellectuel. Leur rapport à ces deux pôles de la pensée et la meilleure façon d’en rendre
compte, voilà les deux questions qu’il nous faut maintenant aborder dans la section suivante.
3. Le travail interdisciplinaire sur le raisonnement politique
Passer de l’étude des connaissances à celle du jugement permet d’engranger quelques profits
scientifiques, mais cela ne permet pas de mieux séparer les aspects affectifs des aspects rationnels dans
le processus cognitif. Le raisonnement politique, c’est admis, n’est pas nécessairement cérébral : il
comprend au minimum une part irréductible d’affect, et ceci est encore plus vrai du jugement public.
Contrairement à l’impression très académique que véhicule le mot « connaissances » ; et à la
différence de la manière dont les approches dites « cognitives » en science politique traitent le
problème de l’argumentation et de l’apprentissage en se focalisant sur les seules « idées » (Schemeil,
2007a), la « cognition » est en réalité tout aussi « émotionnelle » que « mentale ». Il ne faut donc pas
rechercher de la « sagesse » dans un jugement public ou, ce qui serait plus irréaliste encore, de la
« rationalité pure ». Ce constat fait et étayé, nous en tirons une conséquence importante : la recherche
sur la cognition politique doit faire appel à part égale à la psychologie, à sociologie, et à l’économie de
la décision.
Intellection et émotion au sein des raisonnements
Même quand il conduit à des décisions « rationnelles », le processus cognitif ne commence pas
avec la réception, puis le stockage dans le cerveau, d’informations réutilisables ultérieurement. Il a
25
déjà pour point de départ le moment précédent celui-ci, le stade au cours duquel des émotions et des
sentiments (feelings) sont activés, affects qui deviendront eux-mêmes des pensées et des processus
mentaux (thoughts), susceptibles de se transformer éventuellement en raisonnements, puis en actes.
Sans émotions, pas de raisons de s’intéresser aux informations, et encore moins d’agir.
Ce que Georges Marcus appelle « l’intelligence affective », dans un texte critiquant les analyses
du choix rationnel, est ainsi un composé de processus réflexes, émotionnels ; et de processus corticaux,
raisonnés. Parce qu’elles expliquent en partie comment et pourquoi certaines informations et certains
arguments sont sélectionnés et retenus, la personnalité, l’humeur, l’émotion ressentie sont des
variables essentielles dans l’étude des connaissances politiques et du jugement public. D’après
Georges Marcus, on ne connaît que ce que l’on considère comme intéressant, attractif, donc attachant,
émouvant. En politique, il n’y a pas de connaissance pour la connaissance, neutre et déconnectée de
tout usage possible. Grâce à l’intelligence affective les citoyens s’intéressent à la politique, ils suivent
les campagnes électorales, ils votent. Quand il le faut, ils fouillent leur mémoire pour y trouver les
connaissances dont ils ont besoin, parmi les milliers d’informations que le « système de surveillance »
(ou ce que l’on appelle en France le « système nerveux autonome », S.N.A.) recueille en permanence
dans sa fonction de veille neuronale, avant tout traitement sélectif par le « système dispositionnel » (le
« cortex ») chaque fois que cela devient nécessaire. Sans même que nous nous en rendions compte, des
informations qui vont nous être bientôt indispensables sont repérées et stockées sous une forme
compressée. Nous les conservons parce qu’elles entraînent des réactions émotionnelles imperceptibles
mais qui laissent des traces chimiques dans le cerveau, signe de leur imminente utilité. Une nouvelle
exposition à une information similaire réactive le processus, toujours de façon inconsciente.
David Redlawsk renchérit sur le thème des rapports entre affects et intellect en montrant que
lorsque vient le moment de se décider en politique « ressentir » est aussi important que « penser ».
Selon lui, en effet, « les êtres humains sont généralement incapables de convertir une information en
action (ou décision) s’ils ne sont pas capables d’incorporer des émotions à leur processus de traitement
de l’information ». Il ajoute plus loin : « l’émotion a souvent été conceptualisée de façon fine, comme
le résultat d’un processus cognitif, plutôt que comme une partie intégrale de la décision » (Redlawsk,
2006, 1-10). Elle a donc été considérée comme un output (un produit du processus de décision), et non
comme un input (une composante de la décision). Quand on inverse la perspective, on découvre que
pour chacun d’entre nous toute information non congruente avec nos certitudes antérieures requiert une
nouvelle recherche d’information, qui est affectivement pénible. Ajuster son comportement l’est
encore plus : l’émotion est donc à la fois un conducteur et un inhibiteur de connaissance.
On le voit avec ces deux versions graduées du rôle des affects dans les choix publics , saisir les
rôles respectifs de l’émotion et de la raison est délicat. Les méthodes disponibles ne sont pas
adaptées à cet objectif, car l’enquête par questionnaire repose sur une stimulation d’introspection
26
peu réaliste, ainsi que l’ont montré Lodge, Taber et Weber (2006, 11-30) : aux yeux des auteurs tout
se passe comme si les acteurs étaient toujours capables de donner consciemment un sens à leur
conduite, d’expliquer leurs convictions, leurs représentations, leurs intentions à qui les leur
demande. Pourtant, tout ce qui est automatique échappe à ce processus de glose et d’anamnèse : les
associations d’idées, par exemple, ne nécessitent que quelques centaines de millisecondes, et
tiennent souvent lieu de délibération avec soi-même (ou avec l’enquêteur). Ce qui passe aux yeux
de l’enquêteur et à ceux de l’enquêté pour une décision mûrement réfléchie n’est ainsi le plus
souvent qu’une remontée « spontanée, « inconsciente », « incontrôlable » et fort peu « cognitive »
d’information depuis les zones cérébrales où est stockée la mémoire de long terme vers la mémoire
de travail sollicitée par l’entretien. Bref, les émotions comptent, ce qui impose aux politistes de
recourir à la psychologie pour donner une explication satisfaisante des processus cognitifs appliqués
à des objets politiques.
Le croisement des disciplines et des approches du raisonnement politique
Convaincus de la nécessité d’un travail interdisciplinaire sur un objet vite défini comme double
– rationnel et émotionnel –, nous avions entrepris cette recherche en nous associant d’emblée à une
équipe de psychologie cognitive. Nos premiers échanges nous ont vite conforté dans ce choix :
abordé sous son angle psychologique, le problème de la place des connaissances en politique et la
question de leur apport à la démocratie ne se présentent pas du tout comme en science politique.
Ceux qui font de la sociologie politique privilégient soit le rôle des facteurs socio-démographiques
(modèle de Columbia) ; soit l’importance de l’identification partisane et des alignements
idéologiques (modèle de Michigan) ; soit le jeu des calculs utilitaristes (modèle du Choix
Rationnel). Par exemple, en travaillant sur ce qu’il appelle la « litératie civique ». Henry Milner
montre qu’un apprentissage réussi de la politique encouragé par les pouvoirs publics donne aux
citoyens une capacité réelle de se positionner politiquement, et d’émettre une opinion ou un vote
conformes à leurs attitudes. Avoir accès à des médias d’opinion et à des activités syndicales ou
associatives indépendantes car subventionnées par les social-démocraties scandinaves favorise donc
l’exercice du raisonnement politique. Ceci explique, selon l’auteur, que la participation des citoyens
à la vie publique reste importante dans ces pays en dépit de la disparition du capital social qui y est
également attestée comme partout ailleurs dans le monde – bien qu’à un degré moindre (Milner,
2001 ; 2002, 2004). Les limites de cette explication par la précocité, l’intensité, et la légitimité de
l’apprentissage civique tiennent au poids relatif des jugements idéologiques préconstruits par
rapport au raisonnement autoréflexif, car les citoyens sont socialisés par des mouvements politiques
auxquels ils restent fidèles en toute circonstance.
27
Les psychologues et les spécialistes de neurosciences travaillent justement sur l’autoréflexivité.
Ils privilégient à cette fin le poids des mécanismes neuronaux et émotionnels. Ils montrent en
particulier que le cerveau se comporte comme le ferait une machine homéostatique, qui tendrait à
retourner vers un équilibre antérieur chaque fois que des signaux d’alerte lui parviendraient. A cette
fin, les signaux perçus seraient analysés, hiérarchisés et traités moins en fonction leur contenu que
de leur impact sur l’état d’équilibre du système – constats dont Lasswell, Lazarsfeld, et Festinger
avaient eu autrefois l’intuition, mais qui sont maintenant étayés par des expériences cognitives
lourdes. Nous avons tenté de synthétiser dans le tableau suivant les apports de ces disciplines à
l’étude du raisonnement politique.
TABLEAU 1 : Les deux dispositifs neurocognitifs à l’œuvre dans les raisonnements
politiques, quelques exemples tirés de la littérature
Quelques auteurs emblématiques
D’Amasio ; Marcus
Lodge & Taber
Cheiken ; Kriesi
Sniderman & Tetlock
David Redlawsk & Richard Lau
Cortex
(disposition system)
Processus autoréflexifs
Processus délibératifs
Raisonnement systématique
Argument plein (à contenu)
Jugement politique basé sur des
connaissances
Système nerveux autonome
(surveillance system)
Mécanismes réflexes
Réponses automatiques
Heuristiques, raccourcis
Argument vide (sans contenu,
content-free)
Sensibilité politique fondée sur la
curiosité
Selon Paul Sniderman et ceux qui ont travaillé avec lui, tout d’abord, même des arguments dits
« vides » (c’est-à-dire « sans contenu » ou « content-free », comme ceux qui sont énoncés en langue
de bois) arrivent à faire changer d’avis des individus interrogés au cours d’une enquête par sondage.
Certes, les arguments dits « pleins » ont un effet plus net, mais l’écart entre les effets des deux types
d’arguments reste tout de même limité : cela s’explique par le fait que tout contre-argument soulève
de la perplexité et rend nécessaire un ajustement rhétorique (Sniderman, Tetlock, 2000). D’après
George Marcus et ses collègues, cet ajustement est davantage affectif : la plupart des décisions sont
prises en fonction de prédispositions routinières qui permettent d’écarter nombre d’informations
dissonantes parce qu’elles sont sans importance ; quand le comportement habituel est au contraire
affecté par un signal d’inquiétude émis par un « système de surveillance » toujours en état de veille,
l’anxiété soudaine conduit à ne plus se fier à ses réflexes. Les individus que les informations reçues
inquiètent suffisamment pour qu’ils rompent avec leurs routines et se mettent à traiter le problème
qui est à la source de l’anxiété prennent alors en considération des nouvelles qui ne s’accordent pas
avec leurs représentations du monde : ils cherchent donc à compléter leur connaissances (Marcus,
Sullivan, Theiss-Morse, Stevens, 2005, 2007). En revanche, ceux dont ces nouvelles soulèvent la
28
colère refusent d’en savoir davantage et n’hésitent pas à exprimer sans détour leur indignation, car
ils soutiennent sans réserve une position de principe, ou s’opposent à elle sans nuance (Marcus &
Mackuen, 2004, à propos de l’accélération ou au contraire de l’arrêt des expériences de
discrimination positive à l’université). Testées sur l’intervention américaine en Irak ces hypothèses
sont largement confirmées car il y a bien « un lien entre la colère et la propension à l’action, d’une
part ; l’anxiété et une tendance à une plus grande prudence, d’autre part ». Autrement dit les
inquiets sont plus portés que les indignés à se donner les moyens de décider correctement (Huddy,
Feldman, Cassese 2005, 2007)7.
Ce n’est donc pas une information en soi et ce qu’elle nous apprend sur un problème politique,
mais les émotions qu’elle suscite qui poussent à traiter des nouvelles inquiétantes donc à rechercher
des informations calmantes afin d’être psychologiquement rassuré avant d’être intellectuellement
satisfait. Dans ce courant de recherche, la compétence des citoyens n’est pas en cause, seulement
leur degré de « sensibilité » à la politique – political awareness, utilisé ici dans un autre sens qu’en
Suisse où, rappelons-le, il est synonyme d’intérêt informé pour la politique. Une autre expérience
fondée sur d’autres principes, moins affectifs qu’identitaires, renforce ces conclusions. Des
chercheurs engagés dans un projet en cours de l’Université du Michigan (Gerber, Green, Larimer,
2007) distinguent deux types d’incitations à voter : les incitations « intrinsèques » comme l’estime
de soi, et les incitations « extrinsèques », comme des gratifications symboliques et matérielles.
Parmi les premières, plus psychologiques, ces trois chercheurs évaluent l’impact du « shaming » –
l’effet de la pression sociale sur la décision de vote – en se livrant à une expérience impossible en
France (pour des raisons de confidentialité des votes). Ils annoncent d’abord à tous les électeurs de
la circonscription qu’ils vont enquêter sur leur participation et en profitent pour leur conseiller de
voter. En sus de cette banale information qui est la seule livrée à un « groupe de contrôle », ils
rappellent ensuite à un autre sous-groupe d’habitants leur participation à chaque scrutin précédent.
Puis, ils communiquent à un troisième sous-groupe d’électeurs le nom de leurs voisins qui ont
régulièrement voté à chacun de ces scrutins. Enfin, ils avertissent un quatrième sous-groupe que
leur attitude le jour du vote sera communiquée à tous les membres de leur foyer ; et un cinquième,
qu’elle sera tout bonnement rendue publique dans le voisinage : chacun saura alors s’ils se sont
rendus aux urnes ou non. Ces arguments stigmatisants augmentent de façon significative l’intention
d’aller voter puisque l’on observe jusqu’à 8 % d’accroissement de la participation à l’élection ellemême, et que cette augmentation est proportionnelle au type d’incitation utilisé en allant du groupe
un (la plus réduite) au groupe cinq (la plus forte).
7 Toutefois, il n’est pas sûr qu’ils y parviennent. Par ailleurs, les anxieux ont le même préjugé négatif envers l’Irak de Saddam
Hussein que les coléreux, bien qu’ils soutiennent moins la décision de lui faire la guerre.
29
Quels que soient les apports de ces approches trop peu fréquentées en science politique (Marie,
2007 ; Marie & Schemeil, 2008), bien des choses restent encore à découvrir pour en faire bon usage
dans cette notre discipline. La psychologie cognitive ne sait pas encore dire quels stimuli parmi
d’autres pourraient déclencher l’appétit pour la décision et la faculté de faire des choix. Ensuite, il
lui reste à établir que ce qui est valable pour un choix individuel l’est également dans le cas des
choix collectifs. En effet, quand il s’agit de décisions aussi lourdes, la mémoire partisane longue et
niveleuse des différences individuelles offre des substituts fonctionnels commodes à la
remémoration personnelle éphémère et singulière. Enfin, il est impossible d’appliquer à la politique
les énoncés les plus consensuels de la psychologie sans les adapter, car le nombre d’émotions
retenues par les psychologues dans des cercles émotionnels appelés des « circumplexes » excèdent
grandement les usages que des politistes peuvent en faire sans pour autant décrire aussi précisément
que souhaité les oppositions de valence émotionnelle (autrement dit le signe positif ou négatif dont
une même émotion peut être affectée : Neuman, Marcus, Crigler, Mackuen, 2007 ). En politique, à
la différence d’autres secteurs de la vie ordinaire, les émotions de base les plus pertinentes sont
assez simples. Il s’agit surtout d’enthousiasme, d’anxiété et d’aversion. Ces trois émotions de base
se déclinent à leur tour respectivement en sous-émotions, comme l’espoir et la fierté ; la peur et la
préoccupation ; la colère, la haine, le mépris, l’aigreur, le ressentiment (Marcus, MacKuen, Wolak,
Keele, 2006). En d’autres termes la gamme d’émotions utiles pour expliquer les décisions et les
préférences politiques n’est pas identique à celle dont se servent à d’autres usages les psychologues.
(Clore, Schwartz et Conway, 2001).
La théorie des choix publics venue de la science économique et que nombre de politistes ont
aujourd’hui repris à leur compte n’a pas ce problème. Elle tente pour sa part d’expliquer les
mécanismes de décision à l’échelle individuelle sans recourir à des émotions fines. Dans ce modèle,
la compétence est postulée sans avoir à être démontrée empiriquement. L’information
conjoncturelle nécessaire à une prise de décision raisonnée est tenue pour acquise. A l’exact opposé
de la psychologie cognitive, l’intérêt y est considéré comme une motivation toujours plus grande
que la passion. Celle-ci n’est pas ignorée, mais elle est réduite à un rôle négligeable et stéréotypé, à
peine plus élaboré que la « psychologie » prêtée aux épargnants dans les modèles keynésiens
(comme la « préférence pour la liquidité »). L’émotion se manifeste, par exemple, sous la forme
d’une « constante civique » – la satisfaction procurée par le seul fait de voter, qui change le produit
de l’équation de vote donc la décision finale de prendre part au scrutin. Elle prend aussi la forme
d’une timide indignation rétrospective, lorsque les mesures prises par un candidat à la réélection
sont comparées à ses promesses, ou celle de la confiance relative à la base de paris prospectifs sur
les capacités des challengers à tenir leurs engagements (Lavau, Pizzorno,1986 ; Fiorina, 1995 ;
Balme & Cautrès, 1997). S’ajoute à ces motivations affectives simples un désir d’altruisme parfois
30
tenu pour une nuance forte entre école des choix rationnels et utilitarisme classique, lui-même
mâtiné dès les premiers travaux de l’école écossaise de fortes considérations morales (Critical
Review, 1995 ; Udehn, 1996).
Notons que la confiance dans les institutions et dans la fiabilité des sources d’information,
comme la satisfaction envers la démocratie, sont également des conditions du vote rationnel alors
que les travaux empiriques montrent au contraire à quel point ces hypothèses sont loin d’être
corroborées (Abrial & Belot, 1998). Observons enfin que les émotions se faufilent dans l’angoisse
de l’inflation, à droite, et celle du chômage, à gauche, qui pèsent toutes deux sur les choix
électoraux (Lafay, 1982) tout comme la peur de l’étranger (Lewis-Beck, 1995, 1999, 2008).
A cause de ses postulats censés simplifier l’explication, les limites de cette démarche sont
encore plus évidentes que celle de la psychologie et de la sociologie. Premièrement, les électeurs ne
peuvent par hypothèse être incompétents (en dépit des travaux de Thomas Schelling, pourtant l’un
des pères fondateurs de l’analyse des choix rationnels, sur la place de l’irrationalité dans les
décisions rationnelles). La théorie n’approfondit donc pas le rôle de la compétence, elle n’essaie pas
non plus d’évaluer le rapport précis entre compétence et incompétence dans divers groupes de
citoyens aux attributs sociaux et économiques différents. Deuxièmement, les électeurs agissent
selon des motivations en partie affectives, certes, mais présentées sous des formes stéréotypées
irrecevables en psychologie. L’approche par les choix rationnels ne permet donc pas de savoir si les
électeurs apprennent à voter en tirant les leçons de leurs expériences antérieures, et si oui, comment.
Ajoutons qu’à la différence des courants précédents, celui-ci ne permet pas de distinguer deux
formes de rationalité dont les effets sur le vote sont pourtant très différents. Selon Herbert Simon, la
capacité de recourir à un mode de décision raisonnable (le moyen utilisé est rationnel), diffère de la
faculté de parvenir à un choix raisonnable (le résultat est bien celui qui était recherché). De plus,
l’approche par les choix rationnels conduit à supposer que certains individus sont rationnels et
d’autres non, alors que dans la vie la plupart des « gens sont tout à fait rationnels, autrement dit ils
ont d’habitude de bonnes raisons de faire ce qu’ils font ». Enfin, en matière d’élection, voter
rationnellement peut signifier voter pour un candidat ou une candidate n’ayant aucune chance d’être
élu(e), que ce soit pour exprimer une opinion ou, surtout, contribuer à rendre un succès ultérieur
possible. En sens inverse les gens ne peuvent être rationnels que dans les domaines où ils
comprennent les enjeux, donc une toute petite partie de leurs activités (Simon, 1984, 294, 297-8,
302). La matière noire de l’approche rationaliste est aussi celle des deux autres courants théoriques :
Herbert Simon nomme cet objet manquant « l’esprit délibératif » (« deliberative mind », 302). Il
vise par là le processus conduisant à la prise en compte de connaissances effectives car
affectivement et mentalement incorporées. Cette observation judicieuse nous signale l’intérêt qu’il y
31
aurait à se focaliser davantage sur les processus délibératifs, y compris dans son for intérieur, quand
la première personne que l’on doit convaincre est soi-même (Eveland, 2005).
Résumé
En dépit des limites que nous avons mises en évidence en examinant une à une les approches
récentes des connaissances et de la cognition politique, elles semblent finalement moins
concurrentes que complémentaires. Pour visualiser ces possibles convergences, nous avons essayé
de résumer les objets sur lesquels chacune de ces approches disciplinaires faisait porter l’accent
dans le tableau suivant (tableau 2) où sont distribués en quatre colonnes les représentations que
donne chaque paradigme de l’influence de diverses composantes mentales sur la décision de vote,
l’implication, les choix et les préférences politiques. Dans la colonne de droite figure ce que nous
imaginons être une conciliation possible des trois principaux paradigmes discutés. Au cœur de cette
vision syncrétique figure en pointillés un électeur raisonnant, parfois raisonnable, pas toujours
rationnel ; qui prend ses décisions de façon à la fois cognitive et affective, acceptant de
reconsidérer ses choix même les plus normatifs si l’occasion s’en présente ; qui utilise toutes les
ressources du raisonnement, allant au plus direct en utilisant des heuristiques ou faisant au
contraire l’effort de raisonner plus systématiquement, et raisonnant « en ligne » plutôt qu’en
faisant exclusivement appel à sa mémoire).
Tableau 2 : une vision syncrétique de la cognition politique
Choix rationnels
Psychologie politique
Sociologie politique
Argumentation, délibération
Quête d’informations pour
mieux décider
Refus des informations
dissonantes
Recherche d’informations
calmantes
Alignement partisan
Identification
idéologique
Rationalité, calculs
Passion, émotions et
sentiments
Système nerveux autonome
(« surveillance system »)
Système de décision
+ Cortex
(« disposition system »)
Raisonner (logique des
conséquences, instrumentale)
Ressentir (« feeling »,
processus adaptatifs)
Convictions idéologiques et
idées politiques
Rôle des campagnes
électorales dans la décision
de majorité
S’identifier (logique de
l’adéquation, expressive)
Modèles interdisciplinaires
Raisonnement
composite
à la fois heuristique et
systématique, etc.
Intelligence affective
à la fois rationnelle et
émotionnelle
Auto réflexivité
dans les limites (1)
d’une économie
psychique et (2) des
convictions politiques
Penser (processus
délibératifs)
Notons que la dernière ligne de ce tableau constitue à elle seule l’esquisse d’une théorie du
jugement public. On y retrouve en filigrane une distinction de Weber (rationalité moyens-fins et
rationalité en valeur), comme celle de Marche et Olsen (logique des conséquences ou de
32
l’adéquation) ; mais aussi celle de psychologues politiques comme David Redlawsk et George
Marcus (sentir et penser), et celle des neurosciences (« brain » et « mind »).
Nous nous proposons maintenant d’aller au-delà d’une simple récapitulation des recherches
existantes. Nous allons donc présenter dans la section suivante les principes avec lesquels nous
avons fabriqué notre propre représentation de ce que l’on pourrait appeler les « processus autodélibératifs ». Une fois ce modèle explicité, nous serons capables de mesurer la contribution nette
des connaissances, de la cognition, et de l’autoréflexité aux décisions citoyennes.
4. Le cadre théorique de nos propres recherches
Afin de bien situer l’originalité de notre recherche dans l’ensemble des travaux existants nous avons
tenté de récapituler de façon synoptique les différences entre la pensée établie en science politique sur
les connaissances politiques, le cadre théorique dans lequel notre recherche s’inscrit, et les
particularités additionnelles de celle-ci.
Comme on le voit sur le tableau 3, nous n’avons pas la même conception des connaissances
politiques que la plupart de nos prédécesseurs. Il s’ensuit que nos hypothèses sont plus précises, et
peuvent faire l’objet de mesures que nous estimons plus complètes et plus fines que ce qui a été publié
jusqu’à présent. Nous en escomptons des résultats originaux qui seront à leur tout discutés dans la
dernière section de ce chapitre introductif.
Observons aussi que les études pionnières, dites mainstream, considéraient les connaissances
politiques comme un objet non contestable, aux contours clairs. Il s’agissait alors d’une variable
indépendante, expliquant à elle seule les variations d’attitudes constatées lors d’enquêtes et
d’expériences, ou au cours du processus électoral. Nous procédons différemment aujourd’hui. Selon
nous le contenu de ces connaissances politiques est discutable. Surtout, elles ne s’apprécient pas
directement car elles se traduisent en itinéraires de pensée marqués par des hésitations et des
rectifications.
Au lieu de mesurer des performances cognitives nous nous intéresserons donc ici à des types de
réactions et à des changements d’avis. Sans trop anticiper sur ce qui va suivre, disons que les types de
réactions comprennent (1) des modifications physiologiques et affectives ; (2) des temps de latence ;
(3) des durées de réponse (à chaque question, à une partie de questionnaire, à l’ensemble de
l’entretien)8. Les changements d’avis vont (1) des simples rectifications ou repentirs (« je me suis
trompé-e », « ce n’est pas ce que j’ai voulu dire ») à (2) l’énonciation des motifs de ne pas changer
8 Nos indicateurs sont assez proche de ceux de Norbert Schwartz qui énumère pour sa part «l’aisance ou la difficulté à
se rappeler et à générer une pensée, la maîtrise avec laquelle une information nouvelle est recherchée, la rétroaction
corporelle, et nos réactions émotionnelles aux contenus de la pensée. » (Schwartz, 2004)
33
d’avis après y avoir été incité (« votre argument est valable, mais… ») et (3) un changement réel
d’opinion. Toutes ces formes d’ajustement expriment le souci d’entrer dans un dispositif délibératif
avec soi-même comme avec son interlocuteur enquêteur, ou même avec des personnages de référence
absents (personnalités politiques, candidats, membre de la famille, amis, collègues de travail, etc.).
Ce déplacement d’objet entraîne de profonds retournements théoriques – comme nous l’avions
pressenti et exposé dans les deux premières sections. Il conduit aussi à de nouvelles stratégies
d’observation, de collecte de données, et de mesure, comme nous l’exposerons dans les chapitres
suivants. D’une part, ces deux séries de variables (réactions, changements d’avis) indiquent plutôt des
ratés de la performance cognitive qu’une utilisation réussie de ses connaissances telle que la postule la
théorie normative de la démocratie. Ce que nous mesurons de notre côté ce ne sont pas des savoirs
précis qu’il n’y aurait pas lieu de faire évoluer mais des signes d’embarras, de perplexité, d’incertitude,
d’approximation, d’introspection. D’autre part, nous ne nous interrogeons pas sur la caractère
explicatif ou partiellement explicatif des connaissances politiques en tant que variables indépendantes :
nous nous concentrons davantage sur nos variables dépendantes, les types de réaction et les
changements d’avis. Quant à nos variables explicatives, leur nombre dépassent de beaucoup les seules
connaissances politiques accumulées, comme nous le verrons dans les chapitres suivants.
34
TABLEAU 3 : La recherche dominante en science politique, les recherches en psychologie politique cognitive, et l’originalité
de notre propre recherche
Cadre théorique et empirique
mainstream en science politique
qui préexiste à notre recherche
Définition des
connaissances
politiques
Cadre théorique et empirique
de la psychologie cognitive
révisant les modèles mainstream
et
dans lequel s’inscrit notre
propre recherche
Les CP sont des connaissances
Les CP sont des connaissances
exclusivement politiques ;
exclusivement politiques ;
correctes ou plausibles ; les plus
exactes ; cumulatives ; leur lien
récentes remplacent les
éventuel avec les affects n’est pas précédentes ; leur charge émotive
étudié (il est éliminé de la
est un objet de recherche au même
définition préalable des CP)
titre que leur composante
cognitive
Originalités de notre propre
cadre théorique, à la fois
psychologique, sociologique et
rationaliste
Les CP sont des connaissances
directement ou indirectement
politiques ; incorrectes, correctes
ou plausibles ; qui s’ajustent aux
besoins ; leur charge émotive est
une composante majeure de la
définition (l’intelligence est à la
fois efficace et affective)
Hypothèse de notre recherche
Hypothèse par défaut
Hypothèses
Les citoyens manquent de
connaissances organisées et
précises alors qu’elles sont
présentées par la théorie
(normative) de la démocratie
comme la condition de leur
participation
Mesures
score obtenu à des questions
exclusivement dédiées au recueil
de connaissances préconstituées
sur les institutions et l’actualité
politique (« civics »)
Résultats/Apport
Les informations améliorent la
compétence politique objective
des citoyens et accroissent leur
implication donc améliorent le
fonctionnement du régime
représentatif
Hypothèse reformulée
Les citoyens ont suffisamment de
connaissances pour être capables
de délibérer (empiriquement), à
condition que des dispositifs
adéquats de type stop and think
favorisent leur autoréflexivité
Les citoyens acquièrent leurs CP
au cours de discussions privées et
de débats publics interactifs; ils
peuvent ensuite les utiliser pour
former leur raisonnement
politique et générer des
jugements publics soit en public
(manifestations, grèves, sondages,
vote) soit en privé (estime de soi
en société, sentiment de
compétence subjective)
changements d’avis successifs à
l’issue de séquences de discussion
contradictoire (scripts ; entretiens
score obtenu à des questions
en face-à-face) et leur
portant sur des connaissances de
motivation+ connaissances
toute nature (quiz) +
affectivement connotées, plus
performances mesurées à l’aide
chargées en émotions que les
de questions interactives induisant connaissances ordinaires (temps
des repentirs
de réaction, réactions
physiologiques), le tout
aboutissant à des opinions postconstituées
Des informations inattendues dont
la source est considérée comme
fiable accroissent la propension
Des informations dissonantes et
des citoyens à émettre des
consonantes nouvelles entraînent
jugements qui ne sont pas
révisions ou consolidations des
seulement auto justificatifs surtout
représentations sociales et
dans les domaines les plus
politiques des citoyens mais ceci
techniques ou les moins moraux.
se fait dans différentes directions,
De plus, les règles de décision
parfois opposées (autoutilisées à propos de choix
ajustement, déni, indifférence)
politiques diffèrent des règles de
décision appliquées aux choix
ordinaires
35
Si nous essayons de prendre de la hauteur et d’élargir la perspective, nous arrivons à un modèle
révisé de la « compétence politique ». Dans le diagramme 1, nous ne comparons plus les explications
avancées par les courants théoriques qui se sont succédé et les mesures qui en découlent logiquement,
comme nous l’avons fait avec le tableau 3. Nous opposons maintenant deux conceptions
philosophiques des processus d’élaboration informée de choix publics : d’un côté, la vision classique
bien établie dans la science politique dominante, qui relie connaissances correctes et démocratie
satisfaisante ; de l’autre côté, celle que nous proposons de lui substituer, reliant des connaissances
politiquement utiles au jugement public.
De cette distinction propre à la théorie politique naît dans un second temps un modèle
opérationnel d’explication empirique tout aussi global que le précédent, mais qui repose à la différence
de celui-ci sur des hypothèses faites à propos du comportement observable des principales variables
(diagramme 2). Bien que la présentation graphique aplatisse quelque peu les systèmes de relations
entre variables explicatives et variables à expliquer, ce schéma souligne dans sa rusticité le
déplacement de problématique dont nous avons parlé.
Par rapport aux conceptions de base du rôle des connaissances politiques, notre modèle a au
moins deux avantages, il est plus réaliste et il est plus complet. Il est plus réaliste car plus interactif et
plus proche des préoccupations des citoyens ordinaires ; mais il est aussi plus objectif, grâce à
l’évacuation des problèmes liés aux buts normatifs ou utilitaires des recherches sur les connaissances
politiques. Il est enfin plus complet grâce à l’ajout de variables peu utilisées en science politique,
comme les émotions et les règles de décision ; et aussi, parce qu’il manifeste un intérêt élargi à tous les
choix publics, pas seulement ceux qui sont faits à l’occasion de scrutins.
Diagramme 1 : deux visions concurrentes du rôle
des connaissances politiques dans une démocratie
36
Cette présentation modélisée de notre propre recherche sur le jugement public est plus rigoureuse
et plus détaillée que la précédente, mais elle reste provisoire. Il est donc important de rappeler ici que
le présent ouvrage ne peut répondre à toutes les questions soulevées par cette modélisation large, mais
à quelques unes d’entre elles seulement. Par exemple, les effets comparés des médias et des réseaux de
sociabilité font actuellement l’objet d’une discussion encore inachevée au sein d’un autre programme
de recherche intitulé « formation du jugement politique » qui est financé par la région Rhône-Alpes.
Quand nous en aurons fini avec ce programme de recherche qui doit maintenant se poursuivre sous
d’autres formes et avec d’autres financements, nous serons peut-être en mesure de couvrir l’ensemble
du dispositif.
Il reste maintenant à brosser de façon sommaire un tableau assez brut des principaux résultats que
ces déplacements successifs de problématique, d’objet, de méthode et d’hypothèses permettent
d’obtenir, sur la base des enquêtes et expérimentations pilotes que nous avons mises au point pour nos
propres besoins.
3. Les premiers résultats obtenus
Les apports de ce programme de recherche sont présentés dans les chapitres qui suivent. Trop
nombreux et parfois trop complexes pour être discutés ici, nous pouvons juste en dire dans cette
introduction qu’ils se répartissent en deux catégories très larges : il y a d’un côté des confirmations
d’observations faites par les collègues qui nous ont précédé sur la voie des connaissances politiques en
révisant le modèle mainstream et en s’éloignant de la conception philosophique générale de la
démocratie. D’un autre côté, quelques innovations méritent d’être mentionnées dès à présent bien
qu’elles doivent encore attendre pour être reconnues comme des apports nets à notre savoir dans ce
domaine que soient réalisées des enquêtes et des expériences avec des effectifs suffisants et des
instruments améliorés – puisque nous n’avons pour l’instant fait que des tests, réalisant des enquêtes
pilotes et des expériences en modèle réduit.

Les confirmations :
o rôle des affects (Lyon), suite à l’hypothèse de « l’intelligence affective » ;
o poids des facteurs politiques comme l’intérêt pour la politique et la proximité ou
plutôt l’absence de proximité partisane (Redlawsk ; Delli Carpini et Keeter).
o effets de l’information et de la contre-argumentation sur la sincérité et l’adéquation
des choix (Sniderman ; Redlawsk & Lau).
37
o effets du temps de réaction possible sur la correction des réponses (Prior & Lupia,
2005 : plus on laisse de temps aux enquêtés, mieux ils répondent) et sur leur impact
émotionnel (Martin et Brun, cet ouvrage).
o confirmations du statut de questions de connaissances au rendement élevé, comme
celle qui porte sur le placement des partis représentés à l’assemblée (Luskin, 1987 ;
Luskin et Cautrès, 1999 ; Milner, 2003).
o Confirmation de la validité de la démarche consistant à ne pas offrir explicitement le
choix de ne pas répondre à une question (Luskin et Bullock, 2005, versus Mondak,
1999, 2001 ; Mondak et Creel-Davis, 2001).

Les innovations
o Définition de la « politique » sans a priori (Lyon).
o Affinement de la typologie : l’opposition experts/novices cache d’importantes
nuances comme les distinctions de type lents/rapides ; corrects/plausibles/incorrects ;
politisés/non politisés, etc. (Grenoble).
o Convergence non concertée des deux équipes de psychologues lyonnais et de
politistes grenoblois autour d’un nouvel objet - le raisonnement politique - ainsi
substitué aux connaissances politiques puis appréhendé à l’aide de nouveaux
indicateurs comme des aphorismes (Grenoble) et des règles de décision traduites en
aphorismes (Lyon).
o Bon rendement de l’indicateur « changement d’avis », en comparaison avec des
rendements plus limités (Fishkin & Luskin), voire réduits (Gilliand-Lutz & Marquis)
o La proportion changements d’avis dépend : (a) de la nature morale ou sociale du
problème débattu (moins de changement sur une question morale relevant de
l’intime conviction, comme l’homoparentalité ; plus de changement sur une question
technique, comme le déficit des dépenses de santé, et a fortiori l’élargissement de
l’Europe) ; (b) de la pertinence plus ou moins grande pour soi du problème soulevé,
à l’égard duquel les opinions formées entraînent des réorganisations cognitives et
comportementales plus ou moins importantes, et qui sont plus ou moins fondées sur
des valeurs.
o Une question de connaissances est particulièrement discriminante à elle seule (celle
des membres permanents du Conseil de Sécurité de l’ONU, qui confirme l’enquête
ASES sur 18 pays européens et asiatiques de 2000, Schemeil, 2004). Il est vrai que
cette question est la seule question Quiz pour laquelle l’enquêteur ne fournit pas à
l’enquêté de liste de réponses possibles.
38
o Le questionnaire est efficace, il est validé par des entretiens ex post, il a été amélioré,
il est prêt à être administré dans d’autres contextes à une grande échelle pour savoir
s’il est capable de voyager. Les nouvelles mesures qu’il rend possibles sont les
suivantes :

un quiz élargi, lequel est complété par des scripts originaux, les liaisons
statistiques constatées étant contrôlées par des variables de capacités, de
personnalité, d’historique individuel, et rapportées aux réponses données à
des questions d’orientation et d’intensité de la politisation ;

une combinaison de mesures quantitatives (passation de questionnaires sous
diverses formes : par téléphone et sur table) et de mesures qualitatives
(enquête en face-à-face de validation du questionnaire CATI ; application de
CAQDAS au contenu des questions ouvertes et des entretiens en
profondeur) ;

des analyses statistiques plus complètes et plus fines que ce n’est l’usage
dans la littérature (association d’ACM « à la française » et de régressions
logistiques « à l’américaine »).
Conclusion
Notre recherche met en doute les conceptions et usages admis dans la science politique mainstream
de la notion de « connaissances politiques ». Elle en revoit la définition (qu’est-ce qu’une
« connaissance politique » ?). Elle reformule une hypothèse très habituelle dans les travaux
américains (avoir des connaissances politiques est l’une des conditions nécessaires au bon
fonctionnement de la démocratie) en ajoutant que de telles connaissances ne jouent ce rôle qu’en
tant qu’éléments de base avec lesquelles sont fabriqués les raisonnements permettant aux citoyens
d’exercer leurs droits civiques. Elle propose de nouvelles mesures (aux niveau de connaissances sur
les institutions et la vie politique sont ajoutées. Elle aboutit à une liste de résultats provisoires,
obtenus grâce à des enquêtes et expériences pilotes. Celles-ci dessinent l’esquisse de ce que pourrait
être notre apport original aux théories existantes une fois l’ensemble du protocole de recherche
parcouru.
A l’avenir, en effet, ce programme de recherche a pour ambition de compléter la phase de
modélisation et de tests de faisabilité qui s’achève par les deux autres étapes indispensables à la
construction d’une explication scientifique en science politique : une comparaison et une
expérimentation. La première aura pour objet d’évaluer l’effet des facteurs institutionnels et
culturels sur le recueil et l’usage de connaissances politiques, mais aussi sur leur contenu,
39
susceptible de varier d’un pays à un autre. La seconde aura pour vocation de découvrir les facteurs
naturels et individuels à l’œuvre dans les processus d’encodage et de décodage des connaissances.
Nous ne poursuivrons pas notre recherche dans ces deux directions afin d’arbitrer entre explication
culturaliste et explication naturaliste, mais pour mieux comprendre comment et dans quel cadre
s’agrègent collectivement des comportements individuels qui sont par nature semblables dans toutes
les sociétés.
Au cours de la première phase, nous avons conçu un modèle hypothético-déductif ayant abouti
à la passation de questionnaires lors d’enquêtes pilotes à Lyon et à Grenoble sur un effectif total de
plus d’un millier de personnes, donc à des résultats provisoires confirmant et élargissant les
conclusions de nos prédécesseurs.
Lors des deux étapes suivantes, nous nous lancerons dans une comparaison entre sociétés
voisines puis de plus en plus éloignées avec des effectifs de taille suffisante comme la région (la
Rhône-Alpes, la Suisse romande et alémanique, le Canada français et anglais, la Turquie, enfin le
Japon). Nos excellentes relations avec des équipes compétentes dans ces différents lieux ne doit pas
faire croire que nous avons sélectionné ces terrains en fonction de la seule facilité à trouver sur place
des collègues de confiance avec qui travailler : ils ont tous été soigneusement choisis afin d’évaluer
l’impact sur le déroulement du raisonnement politique et du jugement public d’une autre variable que
nous avons jusqu’à présent ignorée, que nous appelons « effets de contexte ».
Dans une troisième et dernière phase, nous espérons faire plus systématiquement appel à
l’expérimentation, y compris neurocognitive, qu’il s’agisse de prolonger les mesures cutanées de
transformations physiologiques réflexes, de déplacement des globes oculaires, ou d’imagerie cérébrale
par IRM. Nous sommes en effet persuadés que seules de telles expériences permettront d’évaluer la
spécificité des stimuli politiques par rapport aux stimuli non politiques dans les raisonnements des
citoyens.
On le voit, il s’agit de la première étape d’un programme que nous avons voulu délibérément
ambitieux, afin de ne pas nous limiter à une question somme toute trop technique, telle que nous
l’avions posée au début (« peut-on connaître les connaissances politiques ? Définitions comparées et
mesures… ») ou trop normative comme le suggérait la fin de notre sous-titre d’alors (« … effets
civiques de la compétence »). Ces problèmes ne font sens que replacés dans un ensemble
d’interrogations allant des plus restreintes – comment se déroule le raisonnement fait à propos
d’enjeux politiques et publics – aux plus larges – ce raisonnement et son poids varient-ils en fonction
des conjonctures et des contextes ? Pour l’instant, nous invitons le lecteur et la lectrice à entrer dans un
univers peu familier, celui dans lequel psychologues et politistes s’allient pour combler les lacunes que
les courants sociologistes ou économicistes n’ont pas comblées dans leurs tentatives de toujours
ramener les choix faits à des choix contraints. En somme, le voyage auquel nous les convions
40
maintenant les emmènera au-delà des frontières des variables sociales et démographiques dites lourdes,
comme l’éducation, qui a très largement et depuis longtemps en France caché des variables plus fines
comme la cognition, l’argumentation et la délibération.
41
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