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le shofar revue mensuelle de la communauté israélite libérale de belgique N° d’agréation P401059 synagogue beth hillel bruxelles Pessach avril 2008— n°293 / Adar/Nissan 5768 n°293 avril 2008 / Adar/Nissan 5768 N° d’agréation P401059 re vue mensuelle de l a communauté isr aélite libér ale de belgique EDITEUR RESPONSABLE : Rabbin Floriane Chinsky Rédactrice en chef : Jacqueline Wiener COMITÉ DE RÉDACTION : Rabbi Abraham Dahan, Rabbi Floriane Chinsky, Ralph Bisschops, Gilbert Lederman, Philippe Lewkowicz, Jacqueline Wiener, Emmanuel Wolf ONT EGALEMENT COLLABORÉ a cette livraison : Monique Ebstein, Henri Lindner, Serge Weinber, Julia Plat, Simon Umflat,Dan Van den Berg Mise en page : www.inextremis.be Le Shofar est édité par la COMMUNAUTÉ ISRAÉLITE LIBÉRALE DE BELGIQUE A.S.B.L. N° d’entreprise : 408.710.191 Synagogue Beth Hillel 80, rue des Primeurs, B-1190 Bruxelles Tél. 02 332 25 28 Fax 02 376 72 19 www.beth-hillel.org [email protected] CBC 192-5133742-59 RABBINS : Abraham Dahan et Floriane Chinsky Président exécutif : Philippe Lewkowicz CONSEIL D’ADMINISTRATION : Président : Gilbert Lederman Avishaï Ben David, Ralph Bisschops, Patrick Ebstein, Paul-Gérard Ebstein, Ephraïm Fischgrund, Josiane Goldschmidt, Willy Pomeranc, Elie Vulfs, Serge Weinber, Jacqueline Wiener, Emmanuel Wolf. Les textes publiés n’engagent que leurs auteurs. Photo de couverture : Désert du Neguev Sommaire 09 04 Resolution de la W.U.P.J. - E.R. 05 EDITORIAL Le Judaïsme libéral en Belgique : poubelle ?!? 07 Le mot du président Religion ghetto ou citoyenne ? 09 JUDAÏSME Vayikra, des rituels catalyseurs 12 La liberté est une aventure dangereuse 16 La liberté par Jacqueline Wiener par Philippe Lewkowicz par Rabbi Floriane Chinsky par Rabbi Abraham Dahan et Dr. Ralph Bisschops par Jacqueline Wiener 16 36 18 Pessach : l’enfantement de la libération 21 Seder Communautaire de Pessach 23 Nos Bné Mitsva 27 Cérémonie de commémoration de Yom HaShoah 28 AGENDA 31 Vie communautaire Beth Hillel est notre maison 36 Place Guthmann, Berlin 65 ans après 40 La pensée de Léo Baeck par Henri Lindner par Julia Plat, Simon Umflat et Dan Van den Berg par Rabbi Floriane Chinsky par Monique Ebstein 44 Une double rencontre en Belgique 46 Lu pour vous par Jacqueline Wiener par Monique Ebstein 50 Quelques nouvelles d’Israël et d’ailleurs 53 Un peu d’humour 54 Dîner chabbatique communautaire 55 Informations utiles RESOLUTION of the European Region of the World Union for Progressive Judaism Rabbi Dr. Andrew Goldstein, Chairman by the ER WUPJ General Assembly Vienna, Austria 16 March 2008 WHEREAS: • The Beth Hillel synagogue community in Brussels Belgium is an affiliate in good standing of the World Union for Progressive Judaism, the largest international Jewish religious organization, with 1.7 million members worldwide; • Beth Hillel is an established focal point within Belgian Judaism by virtue of its size, dynamism and the authenticity of its commitment; • The function of the Consistoire Central Israélite de Belgique, according to its own constitution, is to give national representation to all Belgian Jews; • The executive chairman of Beth Hillel was originally invited to attend the bicentennial gala dinner of the Consistoire Central Israélite de Belgique; however, that invitation was subsequently withdrawn; THEREFORE: We, the General Assembly at the biennial conference of the European Region of the World Union for Progressive Judaism hereby • Protest and condemn the action of the Consistoire in "uninviting" the esteemed representative of Belgium’s liberal Jewish community to its bicentennial celebration; • Deem this action to be an unacceptable rejection both of the Beth Hillel community and of the greater mission of Jewish unity for which it stands; • Thank the World Union for Progressive Judaism for its unwavering support of Beth Hillel – and similar Progressive Jewish communities throughout Europe and the rest of the world – in the struggle for full and equal recognition by religious and government authorities; • Call upon the Consistoire and all constituents of the greater Belgian Jewish community to unite in the pursuit of our common goals as a unified Jewish people. Rabbi Uri Regev President Rabbi Andrew Goldstein Chair, European Region le shofar Le judaïsme libéral en Belgique : poubelle ?!? Par Jacqueline Wiener, le 14 mars 2008 Au moment de boucler ce présent numéro du Shofar consacré à Pessach, fête essentiellement tournée vers le commandement de toujours se souvenir, à travers notre propre expérience historique de la sortie d’Egypte, que chaque Juif se doit de continuellement lutter contre toute forme d’oppression afin de s’engager sur le cheminement d’un projet, celui du Progrès du genre humain, nous apprenons que certains Juifs de notre pays, et non des moindres puisqu’il s’agit des dirigeants du Consistoire Central Israélite de Belgique, avaient décidé d’oublier cette exigence de la Première des Dix Paroles en asservissant collégialement à nos dépens leur pensée à celle d’une ultra-orthodoxie anversoise profondément ethnocentrique. En effet, le Consistoire Central Israélite de Belgique a cédé aux exigences d’une partie des siens, en refusant formellement à la Communauté Israélite Libérale de Belgique-synagogue Beth Hillel, après l’avoir dans un premier temps conviée officiellement en la personne de son président exécutif, d’être présente aux festivités commémoratives du bicentenaire du Consistoire. Cette attitude de rejet, inacceptable dans sa forme, est intolérable sur le plan des fondements mêmes du Judaïsme et dont la finalité ultime, est-il nécessaire de le rappeler, est le respect infini de l’Homme. Le Consistoire Central Israélite de Belgique est l’institution cultuelle, en regard de la législation sur le temporel des cultes et ses quelque cinquante et un arrêtés d’exécution, reconnue comme l’interlocutrice légitime, à l’égard de l’Etat, des citoyens belges de confession juive. De ce fait, notifier au courant religieux modéré du Judaïsme belge un tel rejet en l’écartant d’une commémoration publique hautement symbolique pour tous les Juifs, et ce, en présence des plus hautes autorités du Royaume ainsi que de représentants d’autres confessions philosophiques et religieuses, constitue un affront fait à la communauté juive de Belgique toute entière, aux centaines de familles juives qui fréquentent la synagogue Beth Hillel ainsi, également, qu’aux millions de Juifs, de par le monde, qui se revendiquent du Judaïsme réformé Qui plus est, cette conduite nous paraît extrêmement inquiétante, tant elle pose question quant aux qualités éthiques et humaines de ces représentants officiels auprès des autorités publiques. Ne nous leurrons guère : les Juifs de Belgique, au même titre que les Juifs des autres pays d’Europe, ont à surmonter de nombreux défis dont ceux en regard du contexte géopolitique international ne sont pas les moindres ! Le contenu de tout ce qui s’est dit à la conférence sur l’antisémitisme, du 24 au 26 février dernier à Jérusalem, et 5 ÉDI TO RI A L dont nous évoquons par ailleurs la teneur dans nos colonnes, est là pour en attester. Sur quelles listes d’éventuelle poubelle nous mettraient-ils, donc, ces gens-là, si d’aventure, une abominable répétition de l’Histoire avait à survenir ? Nous terminerons provisoirement par la considération suivante : partout, dans le monde, le courant non orthodoxe est en progression constante : écoles rabbiniques, synagogues et communautés libérales ou massortis se multiplient. Même en Israël, le développement du judaïsme réformé est spectaculaire ces dernières années, avec ses dizaines de jardins d’enfants qui éclosent un peu partout, ses propres écoles primaires qui accueillent sans cesse plus de bambins ; sans parler de ses programmes éducatifs dans les autres écoles du pays, ses kibboutzim et moshav à l’écologie très marquée ou la notoriété grandissante de l’Hebrew Union College… Ce mouvement est irréversible, parce qu’il répond à une réalité sociologique : celle de nombreux Juifs de pouvoir penser et vivre leur identité dans la modernité. Il ne durera plus longtemps, le temps où ceux qui arborent de néfastes replis sur soi réussiront encore à se faire passer pour les uniques, vrais et authentiques détenteurs du Judaïsme. Même en Belgique. Parce que les Juifs, ici comme ailleurs, aiment, notamment, à ne pas asservir leur âme… 6 Si vous désirez recevoir notre Newsletter, envoyez votre adresse e-mail sur [email protected] avec, comme communication : Abonnement Newsletter. Le m ot d u pr és i d ent le shofar Religion ghetto ou citoyenne ? Par Philippe Lewkowicz « Un monde sans Dieu n’est pas la bonne la Torah et l’intégration sociétale dans une voie ». Cette phrase est extraite du discours république laïque. de Nicolas Sarkozy au dernier dîner du CRIF. La France a ses spécificités, la Belgique a les Pour le Président français, les deux morales, siennes. Pour les examens universitaires, la laïque et la religieuse, sont complémentai- nos étudiants ont un choix que les Français n’ont pas. L’Université res, et il précise : « On ne Libre de Bruxelles a, à peut ignorer qu’il existe « Militons plus encore, ma connaissance, touune immense demande de spiritualité. Personne pour une intégration forte jours refusé des reports ou des dispenses pour ne veut remettre en cause et complète » des motifs religieux. la laïcité. Est-ce que cela L’Université Catholique doit nous interdire pour de Louvain, par contre, les a toujours accepautant de parler de religion ?» Je mets en rapport ces extraits de discours tées. C’est logique, chacune de ces univeravec la récente saisine par le Consistoire sités applique sa philosophie. Cela pourrait français de la HALDE (Haute Autorité de être mieux, mais le système tourne et ce n’est Lutte contre les Discriminations et pour déjà pas si mal. l’Egalité) estimant que la communauté juive La vraie question récurrente en ces temps de France est victime de certaines discri- de forte extension de communautarisme minations. Le cas des horaires d’examens est la place exacte de chaque chose, ou pluest classique. La demande d’arrêt des digi- tôt la solution à un conflit artificiel concernant la valeur à mettre codes le shabbat dans en avant : la religion ou les immeubles où résident des occupants juifs « Craignons une société où la société (l’intégration), orthodoxes est certes il faudra, sous peine d’être alors qu’en réalité et chacun le perçoit, les deux anecdotique mais démontre que la revendication « en dehors », s’identifier à peuvent parfaitement se religieuse prend des une communauté ethnique concilier. Voulons-nous être des proportions inusitées. ou religieuse » Juifs repliés sur nousCertaines exigences mêmes, enfermés dans défigurent le judaïsme, nos valeurs ou, au contraire, être des citoyens sachons les refuser. Les rabbins du MJLF (Mouvement Juif Libé- actifs, acteurs d’un dialogue où nous pourral de France) ont condamné cette démarche rons présenter, expliquer, mettre en avant dans le Figaro et le débat critique et peu amène et dans la balance ces valeurs qui nous qui s’ensuivit montre la difficulté actuelle de sont si chères ? A Bruxelles, nous sommes concilier une pratique religieuse imposée par confrontés aussi à une forte montée d’une 7 Le m ot d u pr és i d ent 8 communautarisation religieuse, principale- force. Craignons une société où il faudra, ment musulmane, ce n’est pas offensant de le sous peine d’être « en dehors », s’identifier dire (voir le baromètre des religions dans La à une communauté ethnique ou religieuse. Les Juifs ont assez souffert de ce marquage Libre Belgique du 11 mars 2008). Laissons à nos amis musulmans, avec qui pour y participer à nouveau de manière insidieuse. Le Talmud enseinous sommes actifs dans gne qu’il faut s’intégrer et le dialogue inter-cultuel, le soin de rechercher « Intégration ne veut pas s’adapter aux lois du pays pour eux le meilleur dire assimilation. Bien qui nous accueille. de créer en moyen de collaborer à la au contraire, défendons Refusons Belgique nos propres société civile. Mais, parce que les nos valeurs, crions haut ghettos. Espérons que musulmans modérés « autres » exagèrent ou et fort que nous sommes les repousseront dans l’omfont de la surenchère, devons-nous faire de fiers d’être juifs et que nous bre ceux qui considèrent même ? Prenons-nous sommes fiers aussi d’être que chaque terre où vit un musulman est une un risque de perdre belges » terre à conquérir (Dar des points ? Bien sûr al-Harb). Souhaitons que que non ! Militons plus encore, pour une intégration forte et com- l’Eglise suive la voie de Vatican II et ne cède plète. Est-il nécessaire de le rappeler, inté- pas devant les fondamentalistes ; l’audience gration ne veut pas dire assimilation. Bien des créationnistes américains est un sympau contraire, défendons nos valeurs, crions tôme inquiétant. haut et fort que nous sommes fiers d’être juifs Suivons l’exemple des Druzes israéliens qui et que nous sommes fiers aussi d’être belges. nous montrent le chemin. Ils sont de parfaits Aujourd’hui, nous devons faire le constat citoyens, ce sont des soldats d’élite et pourque la religion est sortie de la sphère privée tant ils ont conservé toute leur identité. et a envahi tous les secteurs de notre civilisa- Pessah que nous célébrerons bientôt est la tion : politique, média, culture. Nous devons célébration de la liberté ; de toutes les liberle regretter car, et cela devrait être évident, tés, y compris celle de la pensée. Sans toléla foi est une affaire personnelle. Si je suis rance, elle n’existe pas. juif, c’est mon choix et je l’assume avec Envie de nous écrire ? de participer à la rédaction du Shofar ? N’hésitez pas et contactez nous ! J UDA Ï SM E le shofar Vaykra, des rituels-catalyseurs Par Rabbi Floriane Chinsky quelques années, ou se proL’esprit juif, toujours ouvert à longer durant de nombreuses la réflexion, est prêt à apprengénérations. Les victimes dre de toute chose, fidèle à souffrent de leur esclavage l’esprit des Pirké Avot comme ou de leur enfermement. Les à celui de Maimonide et à nos répercussions dépassent les sages en général. Les exemconséquences physiques. Les ples tirés de la nature alivictimes s’adaptent à un envimentent nos réflexions. J’ai ronnement appauvri, et cette été marquée cette semaine adaptation négative les laisse par le récit des aventures des dépourvues des capacités de Tétras du Mexique. De terrivivre auxquelles elles avaient bles tremblements de terre droit. L’atteinte peut se proont provoqué des modificalonger longtemps. Comment tions du terrain, enterré des guérir de la Shoa, blessure rivières et des lacs, isolé cette encore ouverte au cœur du espèce en différents groupes peuple juif, de l’humanité, et répartis dans des cavernes ténébreuses. Au fil des géné- Haggadah de Barcelone, XIV° siècle de beaucoup d’entre-nous ? rations, durant un million d’année, les tétras En Israël, l’expérience d’otages comme Ehud cavernicoles se sont adaptés à l’appauvris- Goldwasser, Eldad Régev et Gilad Chalit, sement de leur environnement, et toute leur celle des habitants de Sdérot vivant dans la peur... population est devenue aveugle. Nos vies sont parfois secouées par d’in- Un isolement passé peut avoir appauvri croyables tremblements qui bouleversent le notre univers, sans même que nous nous en paysage de notre quotidien. Ces évènements rendions compte. nous poussent à la fuite, le nouveau paysage Bien que le sujet soit extrêmement sensible, créé se révèle parfois être un cul de sac, dans je ne veux pas exclure de nos réflexions un lequel nous nous trouvons enfermés durant groupe que des circonstances concordande longues années. L’isolement que nous tes placent dans un enfermement physique, subissons, détaché des personnes, des pay- moral et intellectuel particulièrement nuisisages, des courants, des types de relations ble à la pacification de la situation en Israël. qui nous nourrissaient, nous entraîne alors Dans les Territoires, l’isolement des Palestivers un appauvrissement de nos pensées niens est également un facteur de cécité, dû et de nos sentiments, un rétrécissement de à l’absence de démocratie, à la partialité de l’éducation, à la propagande arabe anti-israénotre être. Ce type d’expérience peut nous toucher, en lienne, aux mesures de sécurité israéliennes, tant que personne, en tant que groupe fami- et au danger qui menace ceux qui, travaillant lial, en tant que peuple. Il peut durer quelques avec des Israéliens, risquent d’être considéheures ou quelques jours, quelques mois, rés comme traîtres. 9 J UDA Ï SM E 10 Nous avons achevé la lecture du livre de l’Exode et nous pouvons nous demander si l’expérience vécue par les enfants d’Israël n’est pas du même ordre. Le choc du dépaysement en Egypte les a affaibli, puis l’esclavage qui harasse le corps et l’esprit a interdit toute évolution de la pensée, tout développement identitaire et émotionnel. Pour les Hébreux, le « kotser rouaH véavoda kacha », le souffle court et le dur labeur ont été aussi efficaces qu’une caverne isolée de la lumière. Ils refuseront d’entrer en Canaan, ce qui les condamnera à une errance de 40 ans, temps de renouvellement total de la génération. 40 ans peuvent-ils suffire ? Il semble tellement facile de détruire et tellement difficile de reconstruire ! Peut-on, en 40 ans, espérer soigner tout un peuple blessé par un esclavage de plus de 400 ans ? En ce qui concerne les Tétras, une génération a suffit. Un chercheur new-yorkais a croisé des individus issus de quatre populations venant de 4 grottes différentes. 40% des descendants étaient capables de voir. Les mutations génétiques ayant provoqué la cécité étant de nature différente, le mélange des gènes a permis d’obtenir un gène sain pour chaque facteur déterminant les capacités visuelles. Ainsi, la rencontre d’individus souffrant du même type d’aveuglement ne sert à rien, mais contrairement à notre intuition, la rencontre de types d’aveuglement différents peut nous rendre la clairvoyance. L’expérience est-elle transposble à la régénération de l’indépendance des enfants d’Israël ? Qui viendra sortir notre peuple de son isolement émotionnel et intellectuel hérité de l’Egypte ? L’apprentissage auprès de Moïse dans le désert, l’étude et le service du tabernacle redonneront force à un peuple exsangue. Le livre de Vaykra nous accompagnera tout le long du mois d’avril et du mois de mai. La création des rituels du Lévitique n’a pas pour but de nous isoler en tant que peuple. Ils nous Dessin de Lisa Davidov, 7 ans, Sderot permettront, au contraire, de construire et de cultiver notre identité spécifique, que l’on pourra confronter avec celle des autres. Nous avons besoin, pour que l’humanité grandisse, de groupes qui développent leur génie propre. C’est la raison pour laquelle notre civilisation s’est toujours opposée au polythéisme, au syncrétisme, au prosélytisme, à la pensée unique (comme à l’absence de pensée…), à la grande soupe universelle. Les pèlerinages à Jérusalem à l’occasion des fêtes permettaient ce grand brassage des idées, cette confrontation des expériences entre différentes tribus et entre tribus et prêtres, comme la participation des tribus par l’intermédiaire des maamadot, des représentations envoyées périodiquement au Temple. De même, les prêtres sont spécialisés dans une œuvre qui leur est propre mais ils ne sont pas isolés comme l’aristocratie ou la noblesse européenne au Moyen-âge. Nousmêmes, en tant que peuple, nous nous considérons comme « or lagoyim », un éclairage pour les Nations, mais nous sommes également prêts à apprendre d’elles, comme nos grands sages-médecins de toutes les époques, étudiant les sciences externes autant que la Torah pour mieux comprendre à la fois le fonctionnement du monde et son sens. La construction de ces rituels juifs a permis la constitution d’un milieu favorable à ce que le shofar notre peuple développe une identité humaine particulière capable de contribuer à l’identité humaine collective. Elle a permis le développement d’une caste de prêtres, de rituels et d’un savoir spécifique, capable de le transmettre au peuple. En nos périodes où science et « consciences » sont souvent opposées sur le ring des média, il est bon de rappeler qu’au sens juif, elles n’ont pour but ni de droguer le peuple ni de le « désenchanter ». Elles doivent, au contraire, nous aider à cultiver notre esprit de critique scientifique et sociale, notre esprit de quête et de recherche, notre volonté de nous améliorer et d’améliorer le monde. Nous tentons de trouver notre équilibre entre deux attitudes nécessaires : Une très grand ouverture sur le monde, à travers nos voyages, volontaires (commerce) ou forcés (déportations) et à travers notre soif de savoir ; Une très grande cohésion, grâce à des « sanctuaires », des points de rencontre, géographiques (Temple, synagogue, Israël…), temporels (shabbat, fêtes…), langagiers (l’hébreu, partage de symboles communs…), comportementaux… De cette façon, nous devons être capables de remettre notre identité en chantier et de toujours l’enrichir sans perdre son essence. Que le bouillonnement identitaire qui nous a sauvé de l’esprit d’esclavage continue à nous inspirer, nous, nos communautés, et « tous les habitants de la terre ». Amen. 11 Laissez-vous séduire par le fait d’être chouchouté ! Concierge PRIVÉ pour particulier Arnaud 0477 90 24 18 Thomas 0472 97 76 40 www.privateconcierge.be J UDA Ï SM E « La liberté est une aventure dangereuse » Entretien avec Rabbi Abraham Dahan sur Pesach par Dr. Ralph Bisschops R.B. : A Pesach, nous célébrons la sortie d’Egypte. Alors que le Christianisme a conféré à cette fête une signification métaphysique (« résurrection »), la signification originaire et juive est concrète et même politique. 12 Rabbi Dahan : C’est vraiment la libération, comme le dit le premier commandement « Je suis l’Eternel, ton Dieu, qui t’ai fait sortir d’Egypte de la maison de servitude. » Dieu y est évoqué avant tout comme libérateur. En ce qui concerne le Christianisme, je crois que sa tendance générale a été de spiritualiser les données originelles du judaïsme. La foi s’y substitue à la loi. La liberté, dans le judaïsme, n’a pas seulement un sens métaphysique, elle est le produit d’une libération. Ce qui me touche beaucoup dans Pesach, c’est que cette fête célèbre la première libération de l’histoire. Dans un temps où l’on naissait et mourrait esclave et où il n’y avait pas d’autre condition que la servitude sauf pour l’aristocratie et les prêtres, ce fut quelque chose de très révolutionnaire. Dans Exode 21 (« voici les lois que tu mettras devant les Hébreux »), la première loi adressée aux Hébreux fut : « S’il arrive que tu achètes un esclave hébreu, il travaillera six ans et la septième année il sera libre » (Ex. 21, 1). L’idée que l’homme est né pour être libre n’a d’ailleurs en rien perdu de sa nouveauté ; même aujourd’hui, les démocraties sont rares. Il y a un autre aspect qu’il serait intéressant d’évoquer, c’est que quand on parle de libération, ce n’est pas seulement une libération physique, c’est aussi une libération de l’idolâtrie et de l’absurde. La Torah se veut être un outil de sculptage des têtes ; elle crée des têtes mobiles qui posent les vraies questions, qui ne s’enferment pas dans des schémas, qui ne se moulent pas dans des idéologies. C’est ce qui fait que les Juifs resteront un peuple qui pose des questions qui dérangent. C’est peut-être aussi cela, l’idée de libération : de rester avec une distance par rapport aux choses. R.B. : Cependant, au cours de l’Histoire, les Juifs se sont avérés de grand inventeurs de systèmes : le marxisme, le néoconservatisme… Rabbi Dahan : …sans oublier le monothéisme ! C’est vrai que les Juifs créent souvent des systèmes. Mais quand le système le shofar n’est pas géré avec intelligence, il devient une fin en soi au lieu d’être un outil. C’est ce qui conduit à leur échec. Même le monothéisme est condamné à l’échec quand la lettre cesse d’être le tremplin vers quelque chose qui la dépasse. Par rapport aux systèmes, il importe d’être à la fois dedans et dehors, ce qui va de pair avec un certain détachement et un brin d’humour. La Torah est très claire à ce sujet : la vraie liberté et la vraie démocratie impliquent une évolution de la tête et un sens de Dieu. Le verset « Je suis celui qui vous a fait sortir d’Egypte » suggère que ce n’est pas l’homme qui libère l’homme. Pour que l’homme libère l’homme, il faut qu’il soit touché par quelque chose qui vient d’ailleurs. Qui, plus que les Juifs, a cru au communisme ? Les idéaux de partage, de justice, d’égalité, tout cela correspond à l’idée que les Juifs se font du messianisme. Ensuite, quand cela est pris en charge par des gens qui n’ont pas le niveau et qui n’ont pas la lumière, c’est dévoyé, et les premiers broyés par leur propre système seront toujours les Juifs. R.B. : Est-ce que cela n’est pas déjà préfiguré dans l’histoire de Joseph qui avait créé le système totalitaire égyptien ? Ce fut bien lui qui avait asservi le peuple égyptien à Pharaon et élaboré le système qui broya le peuple juif ? Rabbi Dahan : Ce n’est pas Joseph qui avait mis ce système en route car d’ores et déjà, Pharaon représentait le pouvoir absolu. C’était le Dieu de l’Egypte. Mais ce qui est pour ainsi dire la « faute » ou « l’erreur » de Joseph, c’est d’avoir nourri ce système. Par la méthodologie qu’il prônera, toute la terre et tous les hommes deviendront la propriété de Pharaon. C’est effrayant de voir comment il institutionnalise le despotisme pharaonien. Et on peut même se demander si la Torah, à travers la servitude des Hébreux en Egypte, ne suggère pas à mot couvert que la facture de Joseph sera payée par l’asservissement de son peuple. R.B. : L’Exode fut une libération. Dans la vision moderne des choses, la libération se fait par les armes et la révolution. Rien de tel dans le récit de l’Exode. Rabbi Dahan : La libération n’est pas que la révolution. La révolution toute seule ne libère pas ; il faut qu’elle soit l’aboutissement de l’évolution des idées et des mentalités. On ne plaque pas un savoir ou une doctrine sur une société ; il faut que la société soit pour un minimum à parité. La Révolution française ne fut pas née de rien. Il y eut d’abord les encyclopédistes, les philosophes, les écrivains. Les vraies révolutions sont des naissances lentes, des mûrissements. Et pour que cela arrive à éclore, il faut que quelque chose vienne d’ailleurs. C’est ce que la Torah suggère. R.B. : Même si cette chose « venue d’ailleurs » se manifeste sous forme d’athéisme ? Rabbi Dahan : Evidemment ! Quand la Torah dit « Dieu », ce n’est pas penser Dieu comme démiurge, ou comme grand gendarme. Dire « Dieu », c’est reconnaître humblement qu’il y a des choses qui nous dépassent, qu’il y a une transcendance qui ouvre l’horizon pour que l’homme puisse voir plus loin. La clef, c’est l’homme qui la détient. J’aime beaucoup l’adage du Talmud : ( הבא לפתח פותחים לו הבא לסגר סוגרים לוcelui qui fait l’effort d’ouvrir, on l’aidera à ouvrir, et celui qui ferme, on l’aidera à fermer). Si on fait l’effort d’ouvrir l’horizon, il y aura quelque chose au bout ; si, par contre, on ferme l’horizon, les possibilités s’éloigneront encore plus. La main de l’homme ne suffit pas ; il faut autre chose. Selon la Haggadah, 13 J UDA Ï SM E les Juifs ont été libérés parce qu’ils se souvenaient de l’enseignement d’Abraham. L’idée de liberté était en eux, ils la comprenaient. Et en Egypte « ils ont crié ». Il faut se lever et crier ; c’est le premier pas. RB. : Un marxiste athée dirait « ils ont prié au lieu de prendre les armes ». 14 Rabbi Dahan : La Torah ne dit pas qu’ils ont prié, mais qu’ils ont « crié », « hurlé » parce qu’ils savaient que le contraire de ce qu’ils vivaient était possible. Le cri, c’est l’expression de ce savoir. Je me rappelle d’une façon très claire les manifestations des Juifs de l’Union Soviétique. Des gens sont venus me demander à cette époque : « Tout le monde en USSR est prisonnier, pourquoi vous les Juifs, vous vous singularisez ? » En effet, les premiers à avoir dit « non », qui ont « crié », ce furent les Juifs. Mais le cri de l’homme souffrant ne rejoint-il pas quelque part la prière ? R.B. : Revenons à l’Exode. Il y eut un cri. Mais par la suite, la libération émana avant tout de Dieu lui même qui fit sortir les Hébreux « d’une main forte et d’un bras étendu ». Rabbi Dahan : C’est vrai. Mais le mouvement part de l’homme. La liberté se conquiert. Bien entendu, l’homme tout seul n’y arrive pas. Si la libération ne se faisait que par lui, elle se dégénérerait. R.B. : Certains archéologues vont jusqu’à dire que les Hébreux n’ont jamais été en Egypte. Supposons que le livre de l’Exode et la Haggadah relèvent de la fiction, une chose est certaine : ils préfigurent avec une précision surprenante des événements qui se sont produits trois mille ans après : les camps, Auschwitz, la Shoah. Rabbi Dahan : Absolument. On trouve d’ailleurs dans les midrachim des commentaires qui vont dans ce sens. A l’instar des nazis, Pharaon et ses sbires ne cherchaient pas le rendement ou la rentabilité. Ils cherchaient la destruction des hommes ; ils tentaient d’enlever aux humains le minimum de dignité d’être humain. Le Midrach nous rapporte, par exemple, que les gardiens égyptiens mettaient de grands paniers pleins de briques sur les épaules de faibles femmes et de petits paniers sur ceux des hommes grands et forts. Lorsque les femmes titubaient et s’écroulaient sous le poids, les Egyptiens s’en amusaient. Il est donc possible que les textes relèvent de la prémonition. Mais ce qui me frappe, c’est l’intelligence du texte. Comment pouvait-on, à cette époque-là, mettre la liberté comme première valeur après la vie ? D’où cela vient-il ? Comment se fait-il que la première des Dix Paroles enseigne « Je suis l’Eternel, ton Dieu, qui t’ai libéré » ? D’où cela vient-il ? Pourquoi la première loi sociale qui est donnée est celle concernant la libération des esclaves ? Pourquoi la première fête du calendrier, c’est Pesach ? Pourquoi la première prescription que le peuple juif reçoit, sa première mitzvah, c’est de commémorer la libération ? Comment se fait-il que la première commémoration, le premier seder, se fasse encore en Egypte ? Nous sommes pourtant en pleine religion ! On aurait pu s’attendre aux appels à la foi et à la prière. Mais ce n’est pas du tout cela. C’est graver dans un peuple entier, pour la rendre indéracinable, la conviction de la liberté. Et là, peut-être, c’est prémonitoire, encore une fois. Parce qu’on savait que ce peuple allait être ballotté par l’histoire, écrasé, déchu, maudit et dispersé jusqu’à l’éclatement. R. B. : La Haggadah de Pesach met l’accent sur l’acharnement des nations à détruire l’identité juive. Elle rappelle le passage où Dieu annonce à Abraham que ses descendants vivront pendant quatre siècles le shofar comme esclaves sur une terre étrangère (Ex. 15, 13). Vous m’avez dit un jour qu’il y avait un prix lourd à payer si l’on veut sortir de l’absurde et se mettre à la quête d’un sens. Rabbi Dahan : Dieu dit à Abraham : « Tu seras une bénédiction » et « par toi seront bénies toutes les familles de la terre ». Il n’y a pas d’autre chemin que d’évoluer vers la fraternité universelle qu’inspire l’idée du Dieu Un. Mais d’un autre côté, il y a le poids de cela. Le poids d’être porteur d’un tel idéal révolutionnaire. Cela va coûter très cher. « Les premiers qui paieront la facture seront tes descendants directs, » dit Dieu à Abraham. Ne crois pas que tu auras droit à des privilèges et à un passe-partout parce que tu dis Dieu et la liberté. Non ! Vous serez écrasés. La liberté est une aventure dangereuse. Cela me fait penser au verset concernant la consommation de l’agneau pascal (Ex. 12, 48) : וכל ערל לא יאכל בו, « aucun non-circoncis n’en mangera ». Dans le même texte, il est pourtant dit « Une seule et même loi régira l’indigène, et l’étranger demeurant au milieu de vous » (Ex. 12, 49). Cependant, seulement l’étranger circoncis pourra participer au seder, ce qui semble paradoxal. Pourquoi dit-on d’abord : « vous avez la même carte d’identité, l’indigène et l’étranger qui vit avec toi », pour légiférer ensuite : « l’étranger incirconcis ne consommera pas l’agneau » ? Cela vient nous suggérer que la liberté ne s’improvise pas ; c’est un travail, un cheminement. On n’entre pas à l’improviste pour participer au seder. Ce n’est pas la foire du Midi. La démocratie ne naît pas d’un coup. R.B. : La Brit Mila peut revêtir beaucoup de significations, dont la plus connue est « l’alliance de sang ». Mais dans le passage que vous venez d’évoquer, la circoncision apparaît avant tout comme l’expression charnelle de la liberté. Rabbi Dahan : Le Talmud enseigne : אדם צריך תיקון, « l’homme a besoin d’être réparé », d’aller vers son humanité. Tant que l’on accepte le monde tel qu’il est, on est également amené à croire qu’il est « naturel » que le fort bouffe le faible. Dès lors, on ne comprend rien à la liberté, car elle est d’abord une sortie ou une distance par rapport à l’état de nature. Au Musée Juif de Belgique du 14 mars au 22 juin 2008 « A Fleur de Peau » œuvres de l’artiste Maurice Frydman rue des Minimes, 21 – 1000 Bruxelles (Sablon) 15 J UDA Ï SM E La liberté Par Jacqueline Wiener 16 Les Dix Commandements constituent le socle d’un comportement moral dont la finalité est de rendre les individus meilleurs, dans l’espoir qu’ils sauront, ensuite, un jour, s’organiser en une société juste. L’éthique contenue dans le Décalogue, à la fois concept d’outil de perfectibilité de l’esprit et comprise comme un but en soi, prend tout son sens, donc, dans l’aspiration à voir chaque vie humaine s’épanouir parmi les autres en Homme libre. Cette liberté de l’homme commence, pour ce qui nous concerne, par la découverte sans cesse renouvelée, au moment de la Pâque, Pessach, d’une idée marquante, authentique fondée sur une histoire grandiose et qui fait partie intégrante de l’histoire universelle : la sortie d’Egypte. Ce départ volontaire et organisé de la horde des enfants d’Israël qui avaient été réduits à l’état d’esclaves de Pharaon, il est exigé, aujourd’hui et demain, chaque année, à chaque Juif de porter son regard dessus, de manière à reconduire l’expérience historique par excellence d’une prise de conscience du passage vers la liberté. Chaque Juif se doit, ainsi, de faire sien le choix de se libérer de toute forme d’oppression pour s’engager sur le cheminement d’un projet, celui du Progrès du genre humain, cet idéal jamais assouvi des temps messianiques. La liberté liée à la sortie d’Egypte ne correspond pas, dans une telle acceptation du terme, uniquement au passage à un état d’abolition de l’asservissement. Elle revêt une autre dimension : celle d’un mouvement qualitatif où cette absence de domination, aussi bien intellectuelle que physique, aussi bien personnelle qu’imputable à autrui, devient indissociablement lié à une infinie exigence éthique. C’est en cette perception-là de la liberté que peut se comprendre le début du Décalogue, lorsqu’il commence par l’évocation divine. Celle-ci, la Première des Dix Paroles, nous dit « Je suis l’Eternel ton Dieu qui t’ai fait sortir de la terre d’Egypte, d’une maison d’esclavage »1. Pour nos jours, ce qui pourrait sembler une répétition du lieu d’où s’effectua la libération n’en est pas une ; au contraire, cette double précision de la terre et de la maison nous indique combien la liberté revêt de nombreux aspects auxquels il faut prendre garde, de peur d’en oublier à la fois la complexité et la finalité. La prescription de se souvenir que nous avons été esclaves entraîne, dans cette perspective, également celle de ne pas tenter d’oublier que nous avons été asservis et, par là même, à notre tour, d’attendre d’être servis2, ce qui constitue une des formes ultimes de la 1 Ex. 20 :2 2à l’instar des enfants d’Israël, dans le désert, lorsqu’ils réclamèrent auprès de Moïse afin qu’il leur donnât de l’eau (Ex. 15 :24 et 17 :2). Dans une compréhension contemporaine de l’attente d’être servi, il nous semble qu’on peut citer en exemple aussi bien la recherche effrénée d’une aura sociale qu’un manque de conscience professionnelle individuel au détriment d’une équipe de travail. le shofar servitude puisqu’elle ôte à son auteur le choix délibéré de lui-même… Or donc, au-delà de ce que nous instruit l’utilité, dans le calendrier hébraïque, du rappel annuel de la sortie d’Egypte dans une perspective de remise en question de soi à l’instar des fêtes de Tichri, la Première Parole a ceci d’universel qu’elle fournit à qui veut bien l’entendre une magistrale clef de compréhension d’un monde à venir meilleur où les hommes se seraient intelligiblement choisi cette liberté altruiste. Cette clef passe par la préhension de l’Histoire. Aujourd’hui, les notions de liberté s’abreuvent aux Droits de l’Homme, là où conventions internationales et charte fondamentale des Etats de Droit les consacrent en s’appliquant à en assurer le respect au travers de Cours et tribunaux indépendants. Dans ces Etats de Droit, dont la Belgique peut s’enorgueillir de faire partie, d’aucuns pourraient penser qu’il n’est plus nécessaire de se souvenir des circonstances aux travers desquelles ces Droits de l’Homme ont été obtenus, maintenus, recouvrés. Pourtant est apparu ces dernières années, dans ces pays dont le nôtre, un déni de liberté au nom, tantôt d’un nationalisme exacerbé, tantôt du respect du sacré, tantôt d’un clanisme obsolète et plaçant celles et ceux qui en sont victimes dans une situation d’asservissement anachronique. La liberté de l’esprit, telle qu’instituée notamment par les Constitutions européennes, constitue un Progrès de l’Homme dans la mesure où elle permet aux citoyens, riches de leurs particularités culturelles, philosophiques, religieuses, de se réaliser dans tous les domaines de leurs choix librement assumés. Dans cette perspective là, l’histoire du peuple juif montre à quel point se remémorer années après années, générations à la suite des générations, la sortie d’Egypte, conserve aujourd’hui toute son acuité. Sans doute, selon nos propres valeurs, la démocratie occidentale développée selon le concept d’Etat de Droit se rapproche-t-elle le plus de cette liberté éthique vers laquelle le Décalogue nous prescrit de tendre. Mais l’abolition de toute forme de domination assortie de la prévalence de la justesse dans les rapports sociaux n’a, jusqu’à présent, jamais été acquise. Et l’Histoire nous enseigne, qui plus est, que l’idée de liberté, continuellement remise en question (lorsque ce n’est pas son concept luimême qui est déformé par ceux-là mêmes qui s’en revendiquent), ne connaît pas de borne chronologique marqué du sceau d’un nonretour vers une antériorité plus coercitive. La progression de l’Homme vers la liberté n’est jamais atteinte ; cependant, cela ne dispense aucun d’entre nous d’en recommencer à effectuer les premiers pas… 17 J UDA Ï SM E Pessach : l’enfantement (assisté) de la libération Par Henri Lindner 18 Le septième jour de Pessach, nous lisons à la synagogue la Paracha Bechalakh dans l'Exode. Elle nous raconte ce qui s'est passé pendant les premiers sept jours après la sortie d'Egypte. Cette Paracha est riche en événements, mais aussi en enseignements. Elle nous raconte un tas de choses dont même un manuel d'histoire pourrait se passer. Il est vrai que c'est le propre de toute la Tora, mais ici, cela frappe particulièrement fort. Pourquoi ces détails et ces remarques apparemment superflus historiquement parlant ? Or, c'est ainsi parce que, justement, la Tora n'est pas un manuel d'histoire. Elle se sert des événements historiques, du vécu, parfois de légendes, pour nous enseigner en premier lieu quels sont les points faibles et les points forts de l'homme. Et comment vivre sa vie pour en faire – malgré et grâce à cela – une réussite, aussi bien sur le plan individuel que social. Car, en premier lieu, c'est une Torat Haïm, « l'enseignement de la vie ». Prenons, par exemple, le tout premier verset de cette paracha (Ex 13/17): « Quand Pharaon fit partir le peuple, Dieu ne le dirigea point par le pays des Philistins, car il était proche; parce que Dieu disait : « De peur que le peuple ne regrette quand ils verront la guerre, et qu'ils retournent en Egypte ». Pourquoi le texte ne répète-t-il pas (pour la énième fois…) « quand Dieu fait sortir les enfants d'Israël d'Egypte…»? mais «… Pharaon fit partir le peuple…» ? Pour nous faire comprendre que Dieu s'est servi du Pharaon pour les faire sortir. Pour nous rappeler et nous faire comprendre que quand les gens sont habitués à vivre dans la soumission – pour ne pas dire l'esclavage – mais qu'ils mangent plus ou moins à satiété, quand ils sont habitués à cet état de choses, n'ayant jamais connu la liberté, sauf par ouï-dire, alors la liberté ne constitue par pour eux un attrait irrésistible ni une raison valable pour prendre de gros risques. C'est ainsi qu'on nous rappelle que les Hébreux ne brûlaient pas d'envie de quitter l'Egypte pour s'aventurer dans le désert. Il fallait les pousser dans le dos et crier : « Partez ! » Cette résistance face à l'aventure ou à un danger sur le chemin de la liberté, accompagnée des reproches adressés à Moïse et Aaron, revient à chaque occasion qui s'y prête. Jusqu'au moment où la génération des adultes ayant conne le « bonheur » et le "bien-être" de l'esclavage égyptien se soit éteinte. La jeune génération, élevée dans le désert, dans l'indépendance et la liberté, où le seul donneur d'ordre était l'Eternel par la bouche de son prophète Moïse et non pas un roi tyran, cette génération réagit très différemment. Les commentateurs bibliques ont même trouvé dans le texte des traces de dégâts causés par notre faiblesse, dans le verset suivant (Ex. 13/18). Le mot « hamoushim » est généralement traduit par « armés »(en le shofar possession d'armes). Mais d'autres commentateurs l'ont traduit par « réduits à un cinquième », à partir du « hamesh », cinq (comme on dit « décimé » à partir de « dix »), avec cette justification que les quatre cinquièmes refusèrent de s'engager dans cette « aventure » et sont morts pendant les trois jours de ténèbres. Mais, si nous abordons ce problème comme nous le propose la Haggadah que nous récitons pendant le Seder, ce n'est pas seulement eux qui sont sortis d'Egypte, c'est nous aussi. Et leurs points faibles nous les retrouvons facilement en nous. Et nous les comprenons. Nous savons que l'homme, même s'il vient de la poussière et y retourne, entre les deux moments il n'est pas d'argile, et qu'il est difficilement maniable. Et ce premier verset nous enseigne que quand Dieu se sert de nous pour réaliser un projet, et notamment faire de nous un peuple libre, il tient compte de nos faiblesses. Et c'est à nous de faire le premier pas dans la bonne direction. Et, si le premier pas s'avère difficile, trop difficile, Dieu nous aide et nous encourage. C'est quand les Hébreux aperçoivent l'armée égyptienne qui les poursuit et se trouve tout près qu'ils évoquent leurs revendications anciennes : « Et ils dirent à Moïse : est-ce faute de tombeaux en Egypte que tu nous as pris pour mourir dans le désert ? Que nous as-tu fait en nous tirant d'Egypte ? N'est-ce pas là la chose que nous t'avions dite en Egypte, disant ‘laisse-nous et servons les Egyptiens’ ? Car mieux valait pour nous servir les Egyptiens que mourir dans le désert. » (Ex. 14/10,11,12) Moïse calme les Hébreux et se prépare pour adresser une prière à Dieu. Mais Dieu lui ordonne d'arrêter la prière, de faire avancer les enfants d'Israël et de faire fendre la mer par un geste de son bâton. Et ici commence l'épisode le plus dramatique de l'histoire de la sortie d'Egypte. D'après nos commentateurs, les enfants d'Israël voient la mer et n'osent pas s'y avancer. Finalement, ce serait Kalef ben Yphoune, le chef de la tribu de Yehouda, qui aurait fait le premier pas dans l'eau et c'est alors que les eaux se sont retirées et les enfants d'Israël se sont avancés. L'armée égyptienne les suivait de près. « L'ange de Dieu, qui marchait en avant du camp d'Israël, partit et il passa derrière eux : la colonne de nuée se retira de devant eux et alla derrière eux. Elle vint entre le camp égyptien et celui des Israélites : et il y eut la nuée et l'obscurité, et elle éclaira la nuit; et de toute la nuit, l'un n'approcha pas l'autre. Moïse étendit sa main sur la mer et l'Eternel refoula la mer, toute la nuit, avec un vent d'est puissant, et il mit la mer à sec, et les eaux furent divisées. » (Ex. 14/19,20,21) Et ici, un « secret » à découvrir. Dans la Tora, en hébreu, le texte de chacun de ces trois versets compte 72 lettres. Pourquoi ? Peutêtre parce que 72, c'est la valeur numérique de l'expression hébraïque qui exprime l'intemporalité du Dieu Eternel. Elle s'exprime par « Il a été, il est et il sera ». Celui qui se manifeste ici selon la promesse faite des siècles auparavant à Abraham (Gen. 15/13,14). Je ne peux pas imaginer que les « grandes richesses » de cette promesse désignent une fortune matérielle. Cela devait désigner un savoir et une conviction acquis à l'échelle sociale par tout un peuple, et qui deviendraient la pierre d'angle de notre histoire, de notre croyance, de nos convictions et de notre culture. Un jour, je me suis dit : « imaginons… je m'imagine qu'un ange de Dieu apparaît à mon grand-père, z"l (que j'aimais beaucoup et qui m'aimait autant) dans un rêve et qu'il lui annonce que son petit-fils bien-aimé passerait plusieurs années dans les camps de concentration allemands, y serait torturé et souffrirait beaucoup. Mais que, finalement, il serait libéré, les Allemands seraient punis 19 J UDA Ï SM E 20 et lui, il toucherait de belles indemnisations jusqu'à la fin de ses jours ». Connaissant mon aïeul, je suis persuadé qu'il aurait répondu à l'ange : « s'il te plaît, garde tes indemnisations et ne le fais pas souffrir » . Si Abraham n'a rien répondu, c'est qu'il savait de par son propre vécu qu'il faut d'abord être victime d'une tyrannie impitoyable et oppressive pour apprécier ensuite la liberté, pour l'aimer malgré ses exigences et les difficultés du parcours qu'elle impose. C'est cela la signification du début du récit de la Haggadah que nous récitons au Seder quand nous invitons un étranger pour partager avec nous la matza, le pauvre pain de misère. « Ha lakhma anyah…» Car il vaut mieux manger mal et être libre que manger mieux et être tyrannisé. C'est cela la première signification du chant que vont entonner Moïse et les enfants d'Israël, plus loin dans la paracha; heureux, non seulement d'avoir échappé à la mort, mais d'avoir acquis un savoir et une conviction par l'expérience vécue, ainsi que la liberté grâce à l'intervention de l'Eternel. Pour revenir à ces trois versets (Ex 14/19,20,21), en les relisant nous pouvons imaginer et comprendre ce qu'ont ressenti les Hébreux en s'engageant dans la Mer des Joncs et voyant les Egyptiens qui les suivaient de près, et quel était leur sentiment de vivre un miracle en voyant la colonne de nuée qui les guidait le jour se déplacer avant la tombée de la nuit et se mettre entre eux et leurs poursuivants. Et voir aussi apparaître plus tôt que d'habitude la colonne de feu devant eux pour les guider. Mais, pour nous, plus de 3000 ans plus tard, quelle est la leçon que nous présente la « Tora de la vie »? Miracle du passé lointain mis à part, qu'apprenons-nous pour l'avenir, pour NOTRE avenir ? Nous aussi, nous sommes guidés jour et nuit. Nous l'évoquons par exemple dans la prière juste avant celle de « Kryiat Chema », le vendredi soir : « C'est pourquoi, Eternel, notre Dieu, à notre coucher et à notre lever, nous parlerons de tes préceptes… ils sont notre vie et le prolongement de nos jours, et sur eux nous méditerons le jour et la nuit ». Ce sont eux qui nous indiquent le chemin à suivre. Mais nos ennemis n'y voient pas une guidance. Ce qui nous guide devient pour eux, sous l'effet de la haine, une « colonne de nuée » qui les rend aveugles. Il faut ne pas - ne plus - être imprégné de cette haine pour commencer à y voir clair. Comme le beau-père de Moïse – Yéthro – quand il dit à Moïse : « Je reconnais maintenant, je sais que l'Eternel est plus grand que tous les dieux » (Ex. 18/11) Mais rien n'est parfait dans ce monde. Malgré cette expérience et la conviction exprimée dans ce chant, les erreurs suivront; même si l'essentiel reste acquis. C'est toujours « deux pas en avant et un pas en arrière ». Arithmétiquement, c'est quand même un pas de gagné dans la bonne direction… L'homme n'est pas parfait et la vie est parfois difficile. Après quarante années de désert, les Hébreux sont entrés en Canaan ? Et même si, plus tard, à deux reprises, ils ont été chassés de cette terre, nous y sommes arrivés une fois encore. Peut-être cette troisième fois sera la bonne ? Essayons et faisons le nécessaire pour en faire une réussite. Vous l'avez lu : avec l'aide de Dieu, tout devient possible. Hag Saméah ! SEDER COMMUNAUTAIRE DE PESSACH Cette année, le Seder Communautaire aura lieu à Beth Hillel Le SAMEDI 19 AVRIL 2008 à 20h00 Si vous désirez être des nôtres, renvoyez sans tarder le bon de réservation ci-dessous, dûment complété, ou bien envoyez-nous un email à [email protected]. Participation : € 40,00 Adultes € 30,00 Enfants entre 5 et 13 ans gratuit Enfants de moins de 5 ans Pour permettre à tout le monde de participer, le prix a été diminué par rapport à l’année dernière, mais ne couvre pas totalement les frais du seder. Un don éventuel est laissé à votre appréciation. Les réservations ne seront enregistrées qu’après réception du payement par virement au compte CILB n° 192-5133742-59 auprès de la Banque C.B.C, avec la mention « SEDER ». En cas de désistement de dernière minute, veuillez contacter Giny au 02.332.25.28. L’office du soir aura lieu à 19h00 précises Je désire participer au Seder du 19 avril 2008 Adultes Nom et prénom Enfants Age Langue ......................................................................... ......................................................................... ......................................................................... ......................................................................... ......................................................................... ......................................................................... ......................................................................... J’ai fait un virement de €. . . . . . . . . . . . . . . . . au compte C.B.C n° 192-5133742-59 Tel :. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . Signature :. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . LECOBEL Votre agence immobilière 11, Place G. Brugmann 1050 Bruxelles Tél : 02/346.33.55 Tél : 02/343.94.82 www.lecobel.be le shofar Nos bné Mitsva Par Dan Van den Berg, Simon Umflat et Julia Plat Dracha de Dan Van den Berg « Paracha BéchalaH. Que veut dire béchalaH ? Cela signifie « quand il a envoyé ». Qui a envoyé ? C’est Pharaon qui renvoie les Bné Israël d’Egypte après la dernière des dix plaies. (…) Quand j’ai lu la traduction de ma paracha, je me suis posé pas mal de questions, et j’ai choisi d’en développer une. Le verset 26 du chapitre 15 nous dit : « Si tu écoutes la voix de l’Eternel ton dieu, si tu t’appliques à lui plaire, si tu es docile à ses préceptes, et fidèle à toutes ses lois, aucune des plaies dont j’ai frappé l’Égypte ne t’atteindra, car moi, l’Eternel, je te préserverai ». Cela veut-il dire que réellement, si on obéit à Dieu, tout va bien se passer ? Le but serait de nous faire obéir et de nous faire taire ? Les miracles aussi pourraient trop nous impressionner et donc nous soumettre à Dieu. Karl Marx a dit que la religion était l’opium du peuple, destinée à endormir notre conscience et notre esprit critique. Avait-il donc raison ? Je ne le crois pas. La Torah, c’est comme la vie. D’abord tu nais, et tes parents t’imposent plein de limites. Ensuite, tu grandis et tu reçois plus d’explications. Puis, tu grandis encore et c’est à toi d’expliquer à tes enfants. La Torah parle d’abord à un petit peuple à peine sorti de l’esclavage. Effectivement, les enfants d’Israël se comportent comme des enfants râleurs, craintifs et ignorants ; il est normal que la Torah parle comme un parent qui rassure et qui dirige. Par contre, dés qu’on le peut, on doit s’adresser à l’intelligence des gens. Si quelqu’un me disait d’obéir sans réfléchir et que tout ira bien, cela éveillerait mes soupçons. Ce sont les dictateurs qui parlent ainsi. Il ne faudrait pas revenir à une mentalité d’esclave. Cela veut dire que Dieu est soit un parent, soit un dictateur. Mais comme le disent les Pirké avot, il faut toujours voir le côté positif des gens ; donc, on va dire que Dieu est plus comme un parent. Et d’ailleurs quand on grandit, les parents se calment, ils arrêtent de faire des miracles, et ils laissent les enfants continuer. La Torah est une histoire racontée en même temps pour les enfants et pour les grands, pour un peuple à peine né autant que pour un peuple millénaire. Il faut savoir combiner les deux, faire une histoire que les enfants auront envie de lire, et que les grands pourront étudier avec intelligence pour en tirer des leçons. A première vue, elle nous dit de faire les choses d’une façon précise. D’un autre côté, elle nous dit que c’est à nous de développer son message. C’est ce que j’ai appris lors de mes études à Beth Hillel. C’est ce que la Hagada de PessaH, qui raconte l’histoire de la libération, nous enseigne à faire. Elle nous encourage à poser des questions. C’est ce que le Talmud fait constamment, il est basé sur des questions, des réponses divergentes, des questions sur les questions (…). On a démontré que le judaïsme est une éducation à la conscience, à la réflexion, à l’indépendance et à l’esprit critique. Rappelons-nous 23 J UDA Ï SM E 24 que Karl Marx était un juif élevé dans le protestantisme. Ses parents, avocats, n’auraient pas pu exercer leur profession en restant juifs. Le fait que Karl Marx critique une religion qui serait l’opium du peuple prouve qu’il a hérité des conceptions juives ! Pour conclure, je voudrais rappeler combien l’épisode de la traversée de la mer a été difficile pour les enfants d’Israël. Dieu n’a pas ouvert directement la mer. Ils ont eu le temps de bien paniquer, puis de voir qu’il ne fallait pas désespérer. Ils pourront s’en souvenir la prochaine fois que c’est la galère, comme ça arrive dans la vie. Faire ma bar mitsva m’a demandé beaucoup de travail, d’investissement, de réflexion et de courage. C’est un peu comme les enfants d’Israël. Une fois l’épreuve dépassée, on vit un moment magique qu’on n’est pas prêt d’oublier et dont on se souviendra à l’avenir, dans les moments difficiles. On cultive en soi un espoir et une force qui ne s’éteindront jamais… » Seder à Beth Hillel vers 1970 avenue Albert Dracha de Simon Umflat « Ma paracha s’appelle Ytro, qui est la paracha des Dix commandements (…). Dans la Torah, il n’y a pas beaucoup de parachot qui portent le nom d’une personne, et pas une ne s’appelle Avraham ou Moïse. Ytro (…) est un prêtre de Midian, qui a accueilli Moïse, s’est occupé de lui et lui a donné sa fille en mariage quand il avait fui l’oppression égyptienne (…). Pendant mon apprentissage, il y a une chose qui m’a préoccupé : Dieu se révèle dans la paracha, et il ne le fait plus maintenant. Pourquoi ne nous parle-t-il plus ? N’a-t-il plus rien à ajouter ? Pourquoi n’aide-t-il pas encore Israël à s’en sortir ? N’avons-nous plus besoin d’être guidés ? Nous pourrions penser qu’il ne parle plus car il a déjà dit ce qu’il voulait, ce que nous avions besoin d’entendre. Le texte de la Torah est souvent compliqué et difficile à comprendre. Ne pourrait-il pas le clarifier ? Bien sûr que non ! Car dans ce cas, il n’y aurait plus besoin de réfléchir, tout serait écrit, il n’y aurait plus qu’à obéir, le texte nous enseignerait à devenir des robots et pas des êtres humains ! Or, vous avez peut-être remarqué que le peuple juif est très loin d’être un troupeau de robots dociles ! C’est tout nous, on nous aime comme on est, mais sans exagérer quand même ! Il vaut donc mieux que Dieu se taise ! On comprend qu’il ne parle PAS pour ne PAS clarifier le texte de la Torah, pour que la Torah reste un texte vivant rempli de nouvelles choses à découvrir : c’est à nous de parler ! Nous nous sommes demandés si Dieu avait arrêté de parler. Mais a-t-il vraiment jamais commencé à parler ? le shofar Comme on considère que Dieu n’a pas de corps, il n’a pas de bouche pour produire un son ! D’autre part, Dieu n’a dit les Dix Commandements qu’une seule fois. Comment se fait-il alors qu’il soit écrit deux fois dans la Torah, de deux façons différentes ? Pour le shabbat, dans la paracha Ytro, la raison donnée est de se souvenir de la création du monde, et dans la paracha vaétHanan, la raison donnée est de se souvenir que nous sommes sortis d’Égypte ! Si Dieu les avait réellement gravés dans les Tables de la Loi, il n’y aurait pas deux versions différentes ! Dieu n’a certainement pas parlé au sens littéral du mot. Mais il a certainement inspiré Moïse, ou bien même l’ensemble du peuple d’Israël. Il n’a pas parlé réellement ni arrêté de parler, il a inspiré un peuple et continue, on l’espère, à nous inspirer parfois aujourd’hui. Si vous voulez mon sentiment, j’avoue que j’aimerais bien que Dieu parle encore, que Dieu agisse encore, pour voir directement à quoi cela ressemblerait. J’en suis très curieux. On dit d’ailleurs que le mérite des convertis est plus grand que celui de ceux qui sont nés dans le peuple d’Israël car ils n’ont pas été témoins de la révélation du Sinaï, et pourtant ils ont quand même voulu adhérer à l’Alliance de la Torah. De nos jours, nous sommes tous un peu comme les convertis. Certains d’entres nous sont rentrés dans le judaïsme, d’autres ont renoué avec lui après beaucoup de souffrances. Nous n’avons pas vu cette révélation tellement impressionnante et nous devons trouver en nous l’intelligence de comprendre le sens de la vie par nous mêmes. Pour moi, l’étude de la Torah aide à éclairer ce sens… » Dracha de Julia Plat « Ma Paracha s’appelle Tétsavé, qui se traduit par « tu ordonneras » (…). Cette Parasha-ci parle des vêtements que doit porter Aaron, le frère de Moïse et qui est le prêtre du Temple (…). On y parle aussi des sacrifices. A l’aide d’une technique visant à ne pas faire souffrir l’animal, on égorgeait un jeune taureau et deux béliers. Ce chapitre parle de ces sujets avec de nombreux détails. Lorsque je les ai lues pour la première fois, toutes ces histoires de sacrifices et de vêtements m’ont paru bizarres. Je me suis posée de nombreuses questions, et je vais vous parler des trois plus centrales (…). 1° les « sacrifices ». L’idée de tuer des animaux ne me semble pas du tout une chose « sacrée ». En quoi les sacrifices pourraient-ils être bons ? Que pouvaient-ils apporter aux gens de l’époque ? Que peuvent-ils encore nous enseigner aujourd’hui ? (…) Plutôt que d’utiliser le mot « sacrifice » qui pose beaucoup de problèmes, nous allons utiliser le mot hébreu : « Korban » Quand on te dit « je me suis sacrifiée pour toi », c’est comme si tu avais une dette visà-vis de la personne : « j’ai fait ça pour toi, alors maintenant, tu dois faire ça pour moi, tu dois m’aimer, tu dois me dire merci cinq millions de fois ». Finalement, se sacrifier pour les gens, ça les éloigne. Au contraire, le mot « Karov » qui veut dire « proche » en hébreu, et le mot « Korban » qui est issu de la même racine, et qu’on traduit par sacrifice, veut dire « ce qui rapproche ». Le korban, c’est le contraire d’un sacrifice ! C’est parfois bien de faire un sacrifice car c’est comme une offrande ou un cadeau, ils servent à rapprocher Dieu de l’homme, et l’homme de Dieu (…). 2° Il y aurait aussi beaucoup à dire à propos des vêtements du grand prêtre. Rappelons simplement que c’est une façon de 25 J UDA Ï SM E 26 souligner ce qui est important, vis-à-vis de l’extérieur, et vis-à-vis de nous-mêmes. Même si nous avons un idéal de pureté, nous ne le sommes pas. Les vêtements que porte Aaron frappent notre imaginaire, afin de renforcer le message de la Torah. 3° Pourquoi choisir Aaron et pas Moïse ? Moïse est le chef politique ; Aaron est le chef religieux. Dans notre tradition, on ne doit pas mélanger le politique et le religieux. Donc Moise ne peut pas être chef religieux. Personne ne doit avoir dans sa main tous les pouvoirs, ni toutes les influences ! Locke, Montesquieu, grands penseurs des Lumières en France et en Europe vers la fin du 18iem siècle, ont repris cette idée. Plus tard, il n’y aurait pas du y avoir de roi en Israël. C’est le peuple qui a dit : « Donne nous un roi, on veut être comme tout le monde ! ». Quand il y a un monarque, il y a un risque de décisions arbitraires, par une personne qui fait ce qu’elle veut en fonction de ce qu’elle croit, ressent et souhaite. Sans loi, sans critère extérieur à elle. Le roi sera humble au départ, puis risquera de perdre le contact avec les besoins réels de son peuple. Traditionnellement, le Roi d’Israël devait écrire de sa main un Sefer Torah (…). Le Sefer Torah est comme la Constitution d’Israël. On peut dire que l’organisation du peuple en Canaan était une Monarchie constitutionnelle ! Avec un Roi, mais pas de décisions arbitraires ! Comme quoi, la Belgique n’a rien inventé ! Nous, on l’avait il y a 2500 ans. Dans notre tradition, non seulement le roi doit obéir à la loi, mais Dieu lui-même y est soumis. Pour encore contrebalancer ce pouvoir, il y a les Prophètes. On appelle cela un contrepouvoir. Justement, en étudiant les sacrifices, j’ai aimé ce que dit le Prophète Osée (chapitre 14 :3) : « Nous voulons remplacer les taureaux par cette promesse de nos lèvres ». Aux yeux des Prophètes, les sacrifices sont moins importants qu’un bon comportement, et c’est également mon avis ! Même si nous ne sommes pas des Prophètes, nous sommes tous parfois comme des contre-pouvoirs. La Torah nous enseigne dans la Paracha Kédochim qu’il faut réprimander son prochain quand il commet des erreurs ou qu’il est blessant. Nous avons parfois le devoir d’être le contre-pouvoir de nos amis, voisins ou, plus largement, des autres membres de la société. Tétsavé est issu de la même racine que Mitsvah qui signifie commandement. Bat mitsva se traduit par : « fille du commandement ». Les commandements seraient-ils nos parents ? C’est quoi le rôle des parents ? Ils nous élèvent. Les commandements aussi doivent nous élever. Comme les korbanot : ne pas nous sacrifier, mais nous rapprocher. Ou comme les contre-pouvoirs : ils ne sont pas là pour nous importuner, mais pour nous empêcher de nous croire meilleurs, ou plus intelligents. Comme les vêtements spéciaux : ce n’est pas nous mettre dans un costume, mais nous faire réfléchir, et créer une certaine ambiance. Quand on s’habille bien pour une fête, (…) on montre que cela compte pour nous ; nous faisons honneur ainsi au moment important que nous sommes en train de vivre… » Cérémonie de commémoration de Yom HaShoah avec l’interprétation pour la première fois en Belgique d’oeuvres musicales écrites dans les camps Le mercredi 30 avril 2008 à 18h30 à la Synagogue Beth Hillel Organisée par l’Union des Déportés Juifs en Belgique – Filles et Fils de la Déportation ; l’Enfant Caché ; l’Union des Anciens Résistants Juifs de Belgique ; la Continuité de l’Union des Anciens Résistants Juifs de Belgique et la Communauté Israélite Libérale de Belgique. 18 :30 • • • Accueil du Président Exécutif de la C.I.L.B. Allocution du Représentant des Associations de la Mémoire Allumage des bougies Discours du Rabbin Floriane Chinsky • Lecture des noms •El Male Rakhamim (Dieu de Miséricorde, donne le repos et la paix aux âmes de nos frères martyrisés) • Enosh Kekhatsir (L’homme, ses jours sont comme l’herbe…) • Kaddish • Hymnes nationaux Introduction de la partie musicale : Paul Danblon Journaliste, président du Centre Laïque de l’Audiovisuel Hazzan : Georges Samuel Lison Piano : David Baltuch Ilse Weber • Und der Regen rinnt • Wiegala Viktor Ullman • Beryozkele Carlo Sigmud Taube • Ein Judisches Kind Alexander von Zemlinsky • Klagen ist der Mond gekommen • Ich geh’ des Nachts Gideon Klein • Ukolebavka Zikmund Schul • Uv’tzeil Kenofekha 20 :15 Fin de la cérémonie AG EN DA AVRIL 2008 / MAi 2008 Mardi 1er avril 2008 20h00 : Rikoudei Am (danses folkloriques) Mercredi 2 avril 2008 Pas de Talmud Tora 28 Vendredi 4 avril 2008 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 5 avril 2008 – 29 Adar II 5768 – Tazria – Chabbat HaHodech 10H30 : Office Dimanche 6 avril 2008 – Roch Hodech Nissan 5768 Lundi 7 avril 2008 20h00 à 21h30 : Cours Adultes : notre Judaïsme, pensée et pratiques avec Rabbi Chinsky Thème : la Brith Mila Mardi 8 avril 2008 20h00 : Rikoudei Am (danses folkloriques) Mercredi 9 avril 2008 14h15 à 16h15 : Talmidi Jeudi 10 avril 2008 20h00 : Midrach dans le texte avec Rabbi Abraham Dahan Vendredi 11 avril 2008. 20h00 : office de Kabbalat Chabbat Suivi d’un dîner chabbatique communautaire (inscriptions 02.332.25.28) Samedi 12 avril 2008 – 7 Nissan 5768 – Metzora 10h30 : Office Dimanche 13 avril 2008 18h00 : Chir Tefila Lundi 14 avril 2008 20h00 à 21h30 : Cours Adultes : notre Judaïsme, pensée et pratiques avec Rabbi Chinsky. Thème : Pessach Mardi 15 avril 2008 20h00 : Rikoudei Am (danses folkloriques) Mercredi 16 avril 2008 14h15 à 16h15 : Talmidi Vendredi 18 avril 2008 20h00 : office de Kabbalat Chabbat Samedi 19 avril 2008 – 14 Nissan 5768 – Aharé Mot – Chabbat HaGadol Erev Pessach 10h30 : Office 19h00 : Office de Erev Pessach, suivi du Seder Communautaire (inscriptions 02 332 25 28 - voir annonce ) Dimanche 20 avril 2008 – PESSACH I. 10h30 : Office de Pessach Lundi 21 avril 2008 – PESSACH II. Pas de cours Adultes le shofar ADAR II / Nissan / Yiar 5768 Mardi 22 avril 2008 20h00 : Rikoudei Am (danses folkloriques) Mercredi 23 avril 2008 – PESSACH IV. Hol Hamoed 14h15 à 16h45 : Talmidi Jeudi 24 avril 2008 – PESSACH V. Hol Hamoed 20h00 : Midrach dans le texte avec Rabbi Abraham Dahan Vendredi 25 avril 2008 – PESSACH VI. 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 26 avril 2008 – 21 Nissan 5768 – PESSACH VII 10h30 : Office de Pessach Lundi 28 avril 2008 20h00 à 21h30 : Cours Adultes : notre Judaïsme, pensée et pratiques avec Rabbi Chinsky. Thème : Le mariage Mardi 29 avril 2008 20h00 : Pas de Rikoudei Am (danses folkloriques) Mercredi 30 avril 2008 14h15 à 16h45 : Talmidi 18h15 : Office de Commémoration de Yom HaShoa (voir annonce) Vendredi 2 mai 2008 20h00 : Office de Kabbalat Chabbat Samedi 3 mai 2008 – 28 Nissan 5768 – Kedochim 10h30 : Office Bar Mitsva de Jolan Goutier Lundi 5 mai 2008 – ROCH HODECH YIAR 5768 20h00 : Cours Adultes : notre Judaïsme, pensée et pratiques avec Rabbi Chinsky Si vous désirez recevoir notre Newsletter, envoyez votre adresse e-mail sur [email protected] avec, comme communication : Abonnement Newsletter. 29 J UDA Ï SM E 30 C O MMU N AU T É le shofar Beth Hillel est notre maison Par Rabbi Floriane Chinsky nous réévaluons, rénovons et régénérons les idéaux et l’énergie de notre synagogue, telle l’assemblée générale du 28 février dernier à laquelle se rapporte mon propos qui suit. Dans notre tradition, les rendez-vous solennels se suivent, marquant le temps de nos vies d’un rythme de réévaluation, de rénovation, de recommencement. De Kipour à PessaH, notre liberté et notre responsabilité sont nettoyés et remis à neuf, régénérés. Beth Hillel participe à la grande vibration du peuple juif, nous sommes irrigués par l’énergie et l’espoir renouvelés qui émanent de notre peuple, et nous contribuons également à nourrir et faire circuler cette énergie et cet espoir. Nous avons également un rythme propre, nos rendez-vous solennels au cours desquels Au cours de l’année qui s’est écoulée entre la précédente et cette dernière assemblée, nous avons essayé de faire progresser deux idées centrales dans l’identité juive et dans celle de notre synagogue. Ce sont les deux mêmes idées que j’évoquais dans mon article de la rentrée de septembre : être plus Beth Hillel en 5768. La dimension de Bait, la maison, l’accueil. La dimension de Hillel, l’étude, le renouement identitaire. Nos membres, chacun des membres du Conseil d’Administration et moi également sommes très sensibles au fait que Beth Hillel est notre maison. Nous voulons nous y sentir accueillis et nous voulons y accueillir ceux qui nous rejoignent. Cela répond à un besoin renforcé encore dans l’identité juive belge actuelle, un besoin d’accueil inconditionnel et un besoin de ressourcement identitaire. Ce besoin est particulièrement pressant, et en tant que synagogue moderne, nous essayons de luter contre différents phénomènes qui menacent notre peuple et notre identité. Ce besoin, ce n’est pas que des mots ; il correspond à une réalité sociologique très préoccupante et à une réalité humaine que nous comprenons tous au plus profond de nous-mêmes. Beaucoup de facteurs entraînent les Juifs loin de leur identité. 1Le traumatisme de la Shoa est toujours présent. Les problèmes posés par cet évènement tragique ne sont pas résolus. Non seulement ils ne le sont pas, mais ils restent souvent le seul point de rattachement identitaire, sans qu’aucune autre réalité juive ne prenne le relais. 2L’éloignement de la génération de la Shoa a provoqué un vide de la transmission, qui a laissé les générations suivantes souvent ignorantes de leur identité. 3Dans ces conditions, les mariages mixtes n’étaient qu’une suite logique de cette perte identitaire. Ils contribuent à leur tour à rendre difficile le renouement identitaire, exception faite de ces conjoints incroyables qui encouragent leur partenaire juif à renouer avec son identité. 4Une autre conséquence de l’éloignement identitaire est le rapprochement extrémiste par retour de balancier. En renouant avec leurs racines, certains Juifs ont une telle soif de judaïsme qu’ils rentrent dans des mouvements extrémistes, qui se font un plaisir de prendre en charge leur identité à leur place. 31 C O MMU N AU T É 32 5Une conséquence de cette extrémisation, à son tour, est l’éloignement encore plus grand de Juifs qui ne voient de leur identité que l’image extrémiste présentée par les médias. Les difficultés du conflit Israélo-Palestinien et la façon dont il est traité par les médias renforcent cette image négative. 6Enfin, l’aspect « religieux » de notre tradition souffre également d’être assimilé injustement à d’autres religions perçues parfois comme peu respectueuses de la liberté humaine. Nous luttons au quotidien pour faire comprendre combien la façon juive d’être « religieux » ou plutôt pratiquant et engagé est une chance et une merveille sur le plan humain. 7Pour finir, l’attitude très fermée d’autres communautés juive est également la cause de blessures parfois profondes chez ceux qui ont fait de vaines tentatives de renouement avec leur identité. Ces constats mènent les communautés orthodoxes européennes à la fermeture et au jugement, à l’extrême difficulté des conversions, à l’humiliation de ceux qui ont fait des mariages mixtes, au rejet de leurs enfants. Ces constats nous mènent, pour notre part, au sentiment de l’urgence de réhabiliter l’identité juive et d’accepter pour partenaire toutes ces personnes extraordinaires, juives ou non juives sur le plan de la HalaHa, qui veulent renforcer leur propre identité ainsi que leur peuple. Nous ne sommes pas là pour punir (au nom de quoi ?), mais pour construire. Pour ces raisons, nous essayons d’exprimer la dimension de l’accueil et la dimension de la reconstruction identitaire dans chacune de nos activités. •Talmidi est le centre de nos plus grands efforts, en particulier de notre directrice du Talmud Torah, Josiane Goldschmidt, qui effectue un bénévolat remarquable, engagé, patient, auprès des enseignants, des parents et des enfants, avec le soutien absolu du Conseil d’Administration. Ainsi, nous avons effectués près de trois BM par mois depuis le début de l’année, mis en place l’accueil des parents, poursuivi notre action d’implication des parents dans la communauté à travers dîners chabbatiques et actions conjointes « communauté-Talmidi ». Cela demande de l’énergie et de l’imagination. Cela seul nous permettra de donner aux parents le sentiment de faire partie d’une communauté et non d’emmener leurs enfants dans une énième activité. Un programme de formation des enseignants une fois par mois a également été mis en place. C’est une façon de poursuivre le travail d’étude, qui ne se termine pas avec l’enseignement dans notre tradition, bien au contraire. Il faut également remercier parents et enfants qui font l’effort d’apprendre à nous connaître et à apprécier la profondeur de notre judaïsme exigeant mais vrai. •Le cours de Judaïsme Pensée et Pratique se poursuit ; il inclut des candidats à la conversion comme des personnes qui souhaitent renouer avec leur racines ou mieux connaître le judaïsme. •L a newsletter fonctionne à nouveau et permettra de reprendre la diffusion des annonces communautaires et du mot du rabbin, de mobiliser la communauté autour de l’étude et de l’action, elle est essentielle à notre progression ainsi que le site Web, dont Gilbert Lederman s’occupe activement. Catherine Venencie en assure la mise à jour régulière, travail fondamental et régulier dont nous la remercions. •D es dîners chabbatiques ont été prévus à l’avance, ce qui permettra de les poursuivre malgré le grand nombre de BM. Leur reprise a été un succès, il est bon de voir que la communauté aime toujours autant se retrouver, que les talents culinaires ne se sont pas perdus, et que les nouveaux venus sont toujours aussi bien accueillis. le shofar •Les services communautaires suivent leur cours, Hevra Kadicha (Jules Dubois), Gan hachalom (Willy Pomeranc et Jules Dubois), visite des malades (Monique Ebstein et Jean-Marc Loppes), travail avec les post BM (moi-même), travail interreligieux (Elie Vulfs, Gaëlle Schiffer et moi-même), activités culturelles… Il faudrait les renforcer dés que cela sera possible, ainsi que l’action de Tsédaka. Les responsabilités de la Hevra Kadicha sont importantes, lourdes, mais réellement riches de sens. Il est possible de se joindre au groupe en contactant les rabbins ou Jules Dubois qui examineront les candidatures. •Nos remerciements à Monique Ebstein pour son volontariat indéfectible et son idée d’ouvrir la bibliothèque régulièrement le vendredi soir. Merci à Monsieur et Madame Ledermann pour leur travail d’organisation de la bibliothèque et de classement des livres, ainsi qu’à tous ceux qui ont permis par leurs dons l’enrichissement de la bibliothèque. •Le Conseil d’Administration s’investit particulièrement dans les grandes manifestations comme Yom Hashoa ou Yom Haatsmaout et le soutient à Israël, ainsi que le voyage, en plus d’assurer la gestion courante des affaires de la synagogue. Sur les administrateurs repose une lourde responsabilité que chacun exerce avec conscience et dévouement. Tout en assumant ces charges, ils affirment leur volonté de renouvellement et d’ouverture, qu’il faut encourager. J’utiliserais trop de lignes pour rendre compte ici du détail de ces activités, mais je tiens à présenter notre travail et nos objectifs pour ce qui concerne les offices. Nos offices sont le premier lieu de lutte contre un judaïsme perçu comme fermé, exclusif, religieux dans la perception « opium du peuple » de ce mot. Ils constituent l’une des vitrines de notre synagogue. Nos offices sont de deux types, l’un que j’appellerai « communautaire » et l’autre « public ». Les offices communautaires sont ceux qui réunissent nos fidèles, ceux de nos membres qui viennent tous les shabatot, une fois par mois ou quelques fois par an. Lors de ces offices, nous expérimentons les dimensions d’accueil, d’étude et de lien communautaire en ayant un office plus participatif, en essayant de donner à chacun une place, lors de lectures en hébreu, de lectures en français, de montée à la Tora… La dimension de l’étude se retrouve également dans la dracha ou dans quelques réflexions sur le sens de nos prières. Le lien communautaire est renforcé par la possibilité de se joindre au chant à travers les feuilles en translittération et les feuilles d’apprentissage de l’hébreu, ainsi que le CD pédagogique du shabbat matin, qui facilitent l’apprentissage de l’hébreu. Nous avons expérimenté récemment, pour la première fois, ce que l’on peut appeler un shabbat communautaire « des membres », au cours duquel la plus grande partie de l’office a été assurée par la communauté. L’expérience de monter sur la Bima et de prendre en charge la prière est une expérience très enrichissante et puissante pour l’identité personnelle et pour le sentiment de faire partie de l’Alliance, le sentiment d’être « à la maison » à Beth Hillel. Il m’a semblé que les participants se sont sentis rapprochés de la communauté, acceptés, intégrés, renforcés dans leur identité personnelle comme communautaire. L’idée n’est pas de le faire tous les shabatot, mais une fois de temps en temps. Notre espoir est que chacun se rapproche de la façon dont il le souhaite et qu’à terme, la communauté puisse se délecter de cette participation et entraîner peut-être également des vocations rabbiniques. Ceci est un exemple de la façon dont les offices prennent une dimension de construction identitaire et communautaire. Vous êtes chaleureusement invités à participer à cette expérience la prochaine fois. Les offices « publics », pour leur part, sont ceux qui réunissent beaucoup de personnes 33 C O MMU N AU T É 34 peu habituées à la communauté, à notre tradition de participation de tous à l’office, à la présence active des femmes, à la lecture de certains textes en français, à l’ambiance à la fois détendue et respectueuse, participative et coordonnée. Il nous arrive d’accueillir à Beth Hillel une assemblée parfois dix fois plus nombreuse que le nombre de fidèles. C’est un défi difficile, mais que nous relevons, parfois, au prix de beaucoup d’énergie. Cette dépense d’énergie est justifiée par l’importance de cette mission qui nous permet de présenter Beth Hillel comme une synagogue extrêmement sérieuse sur le plan de nos convictions. En promouvant notre image, nous faisons aussi la promotion d’une identité juive intelligente dont beaucoup de Juifs ont soif et qui pour nous est seule porteuse d’avenir. Comment intégrer une assemblée dix fois plus importante que la nôtre ? Ce sont ces petits détails qui définissent le cadre dans lequel nous souhaitons que les participants occasionnels s’intègrent. Tout d’abord, nous avons souvent des compliments sur le cadre de la synagogue, la beauté du bâtiment. Ceci est une magnifique validation du travail accompli par les derniers Conseils d’Administration et la communauté dans son ensemble ces dernières années. Il est important que chacun en soit conscient. Nous devons nos remerciements à Gilda, Hélène et Daliah aux fidèles qui organisent une tournante pour distribuer les livres de prière à l’entrée. Philippe Notre président, Philippe Lewkowicz et Manu Wolf encadrent, canalisent les enfants, enrichissent le chant par leurs voix de basses reconnaissables entre toutes. L’arrangement des chaises donne à chacun une vision de ce qui se passe sur la Bima, les feuilles en translittérations permettent aux invités de chanter avec le/la Bar/ bat mitsva ; notre réflexion se poursuivra et chacun est invité à y contribuer. Le travail d’implication des familles est également très important dans cette réussite, grâce au travail de Josiane Goldschmidt qui les reçoit avec moi, les encourage à participer, organise des dîners shabbatiques pour le Talmud Torah, aide les parents à mettre au point des livrets personnalisés qui, distribués aux invités, leur permettent de comprendre qui nous sommes et ce qu’est le comportement adéquat dans nos murs. Enfin, le groupe de chir tefila se développe de façon positive. Ce groupe de chant et de développement vocal autour de nos prières permet de renforcer encore la participation des fidèles au cours de ces offices. C’est aussi une façon de permettre à nos membres réguliers de garder le sentiment de leur existence et de leur contribution et d’éviter qu’ils ne se sentent « noyés » par la vague des invités. L’ensemble de ces efforts nous permet de nous éloigner d’un modèle de judaïsme déconnecté, isolé en haut de la Bima et de nous présenter comme une communauté engagée, attractive, qui a le courage de se démarquer pour le plus grand bonheur de ses membres. Globalement, ces offices sont un franc succès. Les invités en sortent souvent remués, rassurés dans leur identité, ou, au contraire, pleins de questions vis-à-vis de leur ancienne critique du monde libéral. Ce succès n’est pourtant jamais acquis et reste un défi difficile, il reflète de défi général qui est le nôtre : donner à chacun l’accès à une identité juive fière, libre et active. Je crois qu’humblement, nous essayons de contrer toutes les difficultés que rencontre notre peuple, en vivant un judaïsme qui rend fier de son identité, en accueillant ceux qui se sont éloignés et veulent revenir, en encourageant chacun à développer un judaïsme d’ouverture, engagé, sans se renfermer, un judaïsme où le rituel est au service de l’humain, qui permet d’en savoir plus sur soi même et sur le monde, une maison d’accueil, et une maison d’étude, Beth Hillel. Merci à chacun pour son aide ; je sais que chacun participe avec tout son cœur, toute son âme et tout son pouvoir, et c’est ainsi que cela doit être, Merci. Pour l’organisation de vos Simhot Un nom : Solange ! Un numéro : 0497.57.47.27 ! C O MMU N AU T É Place Guthmann, Berlin, 65 ans après 36 C’était il y a 65 ans. Le 27 février 1943. Léopold Guthmann était arrêté sur son lieu de travail et déporté à Auschwitz. Ses parents, Otto et Charlotte Guthmann, ses deux frères Hans (16 ans) et Berthold (19 ans) ainsi que ses deux petites sœurs Eva (15 ans) et Maria (6 ans) seront tous assassinés par les nazis. Les uns à Auschwitz, les autres à Buchenwald. Ils étaient Allemands. Des Juifs allemands. Des Berlinois. Charlotte, la mère de Leopold Guthmann, était issue d’une famille de rabbins, dont le fameux Rabbin berlinois Rozencweig. Quant à son père, Otto, né à Berlin d’un père négociant en papier, c’était un Allemand convaincu. Comme tant d’autres Juifs d’Allemagne. La Croix de Fer pour services rendus à la Patrie dont il avait été décoré parce qu’il avait servi l’Allemagne tout naturellement durant la Première Guerre Mondiale 1914-18 (ce qui lui avait valu, du reste, de se retrouver stationné à Gand !) ne l’empêcha guère, en application de la loi du 19 septembre 1941 qui imposait le port de l’étoile jaune, de se retrouver affublé de celle-ci cousue fermement sur la gauche de son vêtement, parfaitement symétriquement à cette Croix de Fer dont il continua à en orner le pan droit… Peu après la prise de pouvoir par le régime nationalsocialiste, Otto Guthmann avait perdu son travail et déménagé dans le quartier de Mahlsdorf où il y dirigeait une petite exploitation agricole, avant de poursuivre avec un emploi au sein du service de construction des voies de la Deutsche Reichsbahn, la compagnie nationale des chemins de fer allemands. A l’époque où les synagogues brûlèrent dans toute l’Allemagne, un certain Monsieur Schulz vint en aide aux Guthmann et préserva leur propriété d’intrusions malveillantes. Après le pogrom de novembre, les enfants ne furent plus autorisés à fréquenter l’école primaire de Mahlsdorf. Puis, en 1939, les Guthmann se virent contraints d’ajouter à leur nom le prénom discriminatoire de « Sarah » ou « Israël ». L’étau se referma, au point qu’ils décidèrent d’émigrer et versèrent même, dans ce but, de l’argent au consulat de Bolivie. En vain : leur demande resta sans suite. En 1942, Berthold fut arrêté pour activités dans la résistance juive et déporté à Riga. Il mourut quelques jours avant la libération du camp de Buchenwald. le shofar Otto, Hans et Leopold furent appréhen- dont l’auteure nous est familière puisqu’il dés, quant à eux, sur leur lieu de travail, s’agit de notre amie Charlotte GutmanJWH. le 27 février 1943 et déportés à Auschwitz. Fischgrund. Comme Charlotte, Eva et Maria. … « En tant que fille aînée, je prends la Seul, Leopold survécut à l’enfer. « Libéré » en avril 1945 du camp de parole au nom de mes sœurs Simonne et Buchenwald, après avoir participé à la Marianne. (…) Nous avons grandi en BelMarche de la Mort depuis Auschwitz, là où gique dans une famille restreinte avec une lui avait été tatoué sur le bras le numéro tante adoptive et nos parents ici présents. Notre tante adoptive, Paula Weiss, dont le de matricule 105.946. La même année, il émigra en Belgique où fils Heinz, ami de notre père a aussi été assassiné dans un camp de il fut inscrit sous le nom de concentration, a pris le rôle Léon Gutman, nom qu’il a de grand-mère. Ils nous pu récupérer après avoir été ont surtout transmis les enregistré comme Goodvaleurs du travail, de l’inman par les Américains à dépendance et du respect de la libération du camp de l’autre. Ils ont réussi à nous Buchenwald. transmettre l’envie de profiLe 27 février dernier, Leoter de la vie. pold Guthmann, alias Léon En ce jour de commémoGutman, et les siens, qui ration à la mémoire de la habitent à Bruxelles, étaient famille de notre père, nous invités par la Ville de Berdevons insister sur l’imlin à inaugurer une place portance de cette date. à la mémoire de sa famille Notre père n’a pas beaucoup déportée. parlé de cette période noire Cette place est située au de sa vie, il aura fallu attencroisement de la rue Am Leopold Guthmann alias dre 50 ans pour obtenir Rosenhag et de la Kieler Léon Gutman Straße, à 100 mètres de son ancien domi- certaines réponses à des questions qu’on cile, au numéro 156 de la Lemkestraße, n’osait pas lui poser de peur de remuer qui devint un cimetière sous le régime le passé. Les informations nous ont été apportées par hasard : à la naissance de communiste. Parmi les nombreuses personnalités pré- Julien, le seul petit-enfant de mes parents, sentes figuraient Dagmar Pohle, la bourg- né le 27 février 1996, nous avons appris mestre de Marzahn-Hellersdorf, une des ce qu’était la Fabriek-Aktion. Il y a donc douze communes de Berlin, qui insista sur 65 ans exactement, en ce 27 février 1943, le devoir de mémoire et de responsabilité la Fabriek-Aktion allait déporter tous les à reconnaître les fautes du passé, ainsi « Juifs berlinois » directement de leur que la présidente de la communauté juive lieu de travail obligatoire. Nous avons aussi appris que notre père de Berlin, Lala Susskind. avait fait sa Bar Mitzva (…) en cachette, Nous reproduisons ci-dessous des extraits dans l’hôpital juif de Berlin, en 1938, d’un des discours qui furent prononcés à quand toutes les synagogues de la ville l’occasion de cet évènement de Mémoire et étaient fermées. 37 C O MMU N AU T É 38 Mes sœurs et moi-même, avons gardé de notre enfance un vide rempli de fantômes non seulement du côté de notre père mais aussi du côté de notre mère, dont la majorité de la famille fut assassinée à Babiyar, à Kiev en Ukraine. Vous connaissez sûrement le « second generation syndrome » qui nous habite même si on en n’est pas conscient. Notre père est le seul survivant de sa famille de Berlin. Son cauchemar est le nôtre, même si les messages étaient surtout transmis par des non-dits. Notre père est aussi le survivant de nombreuses maladies : il a, entre autres, surmonté quatre cancers, quatre pontages, une méningite, l’ablation d’un rein il y a 32 ans ; dernièrement, il a eu deux crises cardiaques (...). Nombreux sont les médecins qui l’ont surnommé le miraculé à l’hôpital universitaire où il est soigné à Bruxelles, tant pour son passé dans la Shoa que pour sa résistance aux maladies. Il semble que son destin était aussi de vivre ce jour de commémoration à sa famille, 65 ans après, et nous sommes tous émus par cette opportunité de célébrer des êtres proches que nous n’avons pas connus. Notre père, notre héros ! Il parle de plus en plus de cette époque, comme s’il voulait nous laisser un témoignage, lequel existe également en six heures de vidéo prise par l’équipe de Spielberg il y a une dizaine d’années, dans le projet de prendre un maximum d’interviews des survivants de la Shoa. Il aura beaucoup souffert, il sera passé à deux doigts de la mort plusieurs fois, changeant de file, ou répondant à un SS qu’il avait été accusé à tort de l’incident dans la mine de charbon. Il aura survécu principalement car il devait survivre mais surtout car il était un bon travailleur et qu’il parlait « Hoch Deutsch » oder « Berliner Deutsch », ce qui a décontenancé des SS alors qu’ils lui avaient déjà mis le revolver sur la tempe. Nous sommes tous venus à Berlin, laquelle est de plus en plus reconnue comme une ville de la mémoire juive. Il est important pour nous de vivre ces instants et de commémorer cette place qui nous permettra de donner une base plus stable à notre avenir. Cette place symbolise la reconnaissance de la vérité face au négationnisme trop actif. Notre père fut le triste témoin de ce qui relevait de l’enfer et non de l’imaginaire. La place « Guthmann », et c’étaient en effet de « bonnes personnes », symbolise une magnifique évolution vers plus de conscience des valeurs humaines essentielles que sont la reconnaissance et le respect de la diversité des cultures, la tolérance et le refus de tous les enseignements de haine (…) Que Dieu nous protège tous, que de tels fléaux inhumains ne trouvent de relais pour exister à nouveau » C O MMU N AU T É La pensée de Leo Baeck (1873-1956) Par Monique Ebstein Dans le numéro précédent du Shofar 1 , nous avons esquissé une biographie de Leo Baeck, le plus prestigieux parmi les premiers rabbins du Judaïsme libéral. Nous voudrions à présent souligner les thèmes essentiels de son enseignement2 . 40 Certains s’étonneront que notre exposé sur la pensée de Leo Baeck commence par une controverse concernant le christianisme. L’intérêt manifesté durant toute sa vie par Leo Baeck pour cette religion semble avoir été suscité par la publication en 1900 de seize cours intitulés « l’Essence du Christianisme » que le professeur protestant Adolf von Harnack (1851-1930) avait donnés à l’Université de Berlin en 1899/1900. A l’origine l’auteur n’envisageait pas du tout la publication d’un livre, mais ses cours avaient connu un tel retentissement qu’il y eut quatre éditions successives de l’ouvrage, et qu’il est encore disponible aujourd’hui. Qu’est-ce que le christianisme ? Harnack essaie de répondre à cette question en appliquant des méthodes scientifiques à la recherche historique. Selon lui, l’essence du christianisme est d’avoir mis l’homme en tant qu’individu en rapport direct et filial avec Dieu. Harnack reconnaît que l’enseignement des Prophètes de l’Ancien Testament a révolutionné le monothéisme en en faisant un monothéisme éthique. Cependant il dénonce le fait qu’au temps de Jésus, l’éthique riche et profonde du judaïsme était tellement occultée par les rites qu’elle s’était transformée en son contraire. Harnack, grâce à sa position de premier plan au sein de la théologie protestante et à son abondante production scientifique, était considéré par les Juifs comme le représentant par excellence de la culture universitaire allemande. C’est pourquoi la polémique antijuive contenue dans l’Essence du Christianisme était d’autant plus grave à leurs yeux que les cours de Harnack s’adressaient à des auditeurs de toutes les Facultés, et qu’ils avaient été donnés à Berlin, la ville où l’antisémitisme universitaire avait ses racines. En effet, Berlin où résidait la plus nombreuse communauté juive, était après Francfort le centre le plus important du judaïsme libéral et de « la Science du Judaïsme » (Wissenschaft des Judentums). Or, l’influence des cours de Harnack fut telle qu’elle entraîna de nombreux Juifs à se convertir au christianisme. 1 Monique Ebstein, « Leo Baeck : d’une lignée de rabbins », Shofar n° 291, février 2008, p. 36 à 44 2C et article se base sur la biographie écrite par le Rabbin Walter Homolka, « Leo Baeck, Perspektiven für heute », éd. Herder, Freiburg in Breisgau, 2006. Le rabbin Walter Homolka est recteur du Collège Abraham Geiger à l’Université de Potsdam et président de la « Leo Baeck Foundation » le shofar L’opposition des universitaires et des érudits juifs aux thèses de Harnack se fit sur la scène publique. Les discussions ne se limitèrent pas à la presse spécialisée, mais furent publiées dans des journaux à large audience comme l’« Allgemeine Zeitung des Judentums », principal organe du judaïsme libéral. La critique juive s’en prit surtout à la thèse selon laquelle Israël connut un déclin religieux et national à partir de l’exil, et se transforma alors en « peuple juif » ce qui permit au christianisme de contester des racines qui seraient issues de « ce judaïsme-là ». La théologie juive y vit une double négation : celle du judaïsme historique ainsi que celle du judaïsme moderne qui pourrait être considéré comme n’étant qu’une partie de l’histoire juive dans son intégralité. Du point de vue juif, cette thèse était erronée pour deux raisons. En effet, dès 1902 la Société pour la promotion de la Science du Judaïsme avait été fondée à Berlin. Or Harnack ne prenait pas du tout en considération les résultats des recherches de la Science du Judaïsme, qui avaient porté essentiellement d’une part sur la vie de Jésus, et d’autre part sur les rapports entre Jésus et le christianisme des origines. Ensuite, Harnack faisait preuve d’une grande méconnaissance de la littérature rabbinique. On le critiqua notamment pour avoir donné une égale importance à la Halakha et la Haggada, c’est à dire à la dimension rituelle et à l’éthique. La pression de l’émancipation ressentie depuis les Lumières au 18ème siècle, avait poussé la première génération de « Juifs libéraux » à relativiser certains principes de la tradition qui semblaient poser trop de problèmes à leurs compatriotes chrétiens, comme par exemple l’autorité normative de la Halakha, le Talmud, les « lois cérémonielles » et certains aspects du judaïsme qui 3 J ournal mensuel d’Histoire et de Science du Judaïsme pouvaient être soupçonnés de particularisme national. C’est dans ce sens que l’Election d’Israël fut dorénavant considérée comme une mission morale impartie au peuple juif, et que l’on attribua aux pharisiens la fonction historique d’avoir représenté les éléments universels de la religion juive. Dans cette controverse sur « l’Essence », les Juifs voulaient que l’on reconnaisse le judaïsme comme une religion vivante, aussi bien au temps de Jésus qu’en ce début du 20ème siècle, ce qui devait permettre une cohabitation harmonieuse entre Juifs et Chrétiens. Cependant, ils se contentèrent trop souvent de s’opposer aux thèses de Harnack et de les réfuter. Ce fut Leo Baeck qui le premier fit paraître une vision globale et cohérente de l’« Essence du Judaïsme ». En 1901, alors qu’il était un jeune rabbin inconnu de vingt-huit ans, il publia sa première réaction à « L’Essence du Christianisme » de Harnack, sous forme d’un article dans le Monatsschrift für Geschichte und Wissenschaft des Judentums 3. Ainsi débuta une très longue confrontation de Leo Baeck avec le christianisme, telle qu’il y en eut peu après lui. Une polémique solide au sujet du christianisme comme Harnack l’avait exposé dans ses cours, lui permit de développer les lignes fondamentales de l’« Essence du Judaïsme ». Quels sont les points essentiels que Leo Baeck critique chez Harnack ? Premièrement il lui reproche son mépris pour la science et la littérature juives qui le conduit à une mauvaise perception du judaïsme au temps de Jésus. Deuxièmement, il souligne l’intention apologétique du livre de Harnack auquel il reproche de ne pas faire de distinction entre son propre « jugement de valeur » et la signification objective « des faits historiques ». 41 C O MMU N AU T É 42 Harnack projetterait ainsi sa conception personnelle du christianisme sur les origines historiques de la religion. Curieusement Baeck défend le christianisme contre l’interprétation de Harnack qui, en le modernisant, falsifie son message et affaiblit le caractère radical de son impératif éthique. Pour Baeck, Jesus était une figure authentiquement juive, et il considère le fait que Harnack nie la condition juive de Jésus comme un exemple typique de la vision déformée que l’Université allemande porte sur le judaïsme. Cette controverse qui l’opposa à Harnack, détermina dans la pensée de Baeck tout au long de sa vie, le rapport entre le judaïsme et le christianisme, ou plutôt le rapport entre le judaïsme libéral et le protestantisme libéral (ou culturel). Quatre ans plus tard, en 1905, la réponse détaillée et systématique de Baeck aux thèses de Harnack parut sous le titre « L’Essence du Judaïsme », ouvrage qui fut republié en 19224. Pour lui, l’essence est la norme à laquelle se mesurent tous les courants historiques, apparus au sein du judaïsme. Baeck enracine cette essence dans le monothéisme éthique des prophètes, qui donne une place singulière à Israël dans l’histoire des religions, et qui confirme la pérennité du judaïsme. « Le judaïsme n’est pas seulement éthique, mais son essence est l’éthique elle-même »5. Un des fondements du judaïsme libéral est de faire remonter l’essence du judaïsme à l’apparition des prophètes sur la scène de l’histoire, alors que le courant orthodoxe considère que cette essence est née au moment de la Révélation au Sinaï. Cette différence reflète déjà clairement l’influence de la critique historique sur l’interprétation de la Bible. En effet, le judaïsme est en évolution constante, son histoire est composée par l’ensemble de ses courants, mais il n’est pas encore parvenu à son accomplissement. Ce ne sera que lorsqu’il l’aura atteint que nous pourrons l’appréhender totalement. Pour l’instant, l’incomplétude est une caractéristique inévitable d’un développement historique encore en cours. Le fil conducteur de ce développement est la Bible hébraïque issue du monothéisme éthique, garante de la tradition et de la transmission de la Parole de Dieu. Les prophètes, dans leur enseignement, ont lié les concepts de « vie » et de « religion » de façon tellement intime que l’on ne peut, avec Harnack, parler d’une religion qui accompagne la vie de l’homme, mais plutôt d’une religion qui « est » la vie même de l’homme. La dimension éthique, fondement du judaïsme, assure à la fois son unité et son universalité. Puisqu’il n’y a pas d’autorité pouvant proclamer des dogmes, le judaïsme n’en a pas. Au cours de son analyse, Baeck est amené à reprendre certains des concepts et des citations que Harnack attribue à Jésus, comme découlant naturellement du monothéisme éthique dont Jésus lui-même se revendique : la valeur unique et incomparable de chaque être humain créé à l’image de Dieu, l’amour 4 « L’Essence du Judaïsme » de Léo Baeck est disponible à la bibliothèque 5 Leo Baeck, Oeuvres complètes, vol V (Pourquoi les Juifs sont-ils au monde ?) le shofar du prochain, et aussi le concept d’une histoire universelle éthique en harmonie avec le concept de « Royaume de Dieu ». Dans son « Essence du Judaïsme », Baeck vise avant tout à justifier la persistance du judaïsme contemporain qu’il affirme être le continuateur en droite ligne du judaïsme biblique. Il ne se sent pour autant nullement obligé d’étayer sa thèse par des arguments historiques ou exégétiques comme d’autres penseurs juifs l’avaient fait avant lui.6 Harnack avait enseigné que la prédication de Jésus était la racine pure, à présent quelque peu occultée du protestantisme auquel il fallait revenir. Baeck lui oppose la continuité de la tradition juive formée et structurée par le monothéisme éthique. Selon lui, chaque Juif qui se réfère à la tradition la fait sienne, tout en gardant à son égard une liberté critique et une indépendance d’esprit qui lui confère une responsabilité dans la pratique personnelle de sa vie religieuse. Le débat entre penseurs juifs et protestants sur l’essence des deux religions avait comme but de bien définir leur identité. Il permit aux Juifs d’approfondir leur réflexion sur le phénomène unique que représente l’histoire du judaïsme, et sur la tradition engendrée par cette histoire. Ils purent ainsi mieux comprendre comment du point de vue théologique certains points communs aux deux religions pouvaient être controversés et interprétés de façon hostile au judaïsme par les penseurs chrétiens. (à suivre) Dans un prochain article, nous essaierons d’entrer dans le texte même de L’Essence du Judaïsme » Envie de nous écrire ? de participer à la rédaction du Shofar ? N’hésitez pas et contactez nous ! 6 Felix Perles, « Was lehrt uns Harnack ?», 1902; Martin Schreiner, « Die jüngsten Urteile über das Judentum », 1902; J oseph Eschelbacher « Das Judentum und das Wesen des Christenums », 1904 et « Das Judentum im Urteile der modernen protestantische Theologie », 1907. 43 C O MMU N AU T É Une double rencontre en Belgique Par Jacqueline Wiener Ces dernières semaines sont marquées d’une double et peu habituelle rencontre du public belge non-initié avec le monde juif : la première consiste en un rendezvous avec la Shoa à travers la sortie sur les écrans de cinéma du film documentaire « Modus Operandi » réalisé par Hugues Lanneau ; la seconde, en une entrevue avec le judaïsme, grâce à une réflexion partagée du Rabbin David Meyer, dans « Les versets douloureux », avec le jésuite Yves SIMOENS1 , enseignant, et l’imam Soheib BENCHEIKH2 , ancien Grand Mufti de Marseille et fondateur de l’Institut supérieur des Sciences islamiques. 44 « Modus Operandi », c’est la Mémoire cinématographiée chronologiquement, la description rouage après rouage, phase après phase, le modus operandi, des 24.916 Juifs, hommes, femmes et enfants déportés, de 1942 à 1944, depuis Malines à Auschwitz et dont seuls, 1.206 d’entre eux réchappèrent ; c’est l’histoire de notre pays sous l’Occupation, au sein duquel nazis et collaborateurs mirent en place la Solution Finale, avec l’appui tantôt volontaire, tantôt inconscient d’une partie des autorités belges et l’aberrante aide de l’Association des Juifs de Belgique créée à cet effet par les Allemands. Nonobstant le fait que les images d’archive soient extrêmement rares, le film parvient à reconstruire une narration rigoureuse des évènements grâce aux photos, telles celles de la caserne Dossin, à Malines, ou à cette bobine où l’on distingue, à la sauvette, le sigle de la SNCB sur un wagon à marchandises en partance pour Auschwitz. Et puis surtout, il y a les témoignages. De survivants, d’enfants cachés, de ces Justes… Pédagogiquement, « Modus Operandi » met magistralement en relief combien le manque de clairvoyance facilite l’évènement, combien croire être à l’abri tant que c’est l’autre qui est attaqué produit l’effet inverse à celui escompté. Au début, les Allemands sont polis, et à Dieu va, si les premières ordonnances antijuives débarquent le 28 octobre 1940 : on est Belge, et donc pas menacé, puisque ce sont les Juifs qui sont visés ; si on obéit aux nazis, peut être bien que cela limitera la casse… « le moindre mal »… 1 Yves SIMOENS enseigne l’Écriture Sainte au Centre Sèvres (Paris) ; il enseigne aussi, en particulier, l’Evangile de Jean à l’Institut Biblique Pontifical (Rome). 2 Soheib BENCHEIKH a étudié la théologie islamique à l’Université al-Azhar du Caire et est Docteur en Sciences religieuses de l’EPHE (Sorbonne). En 1995, il est nommé Grand Mufti pour la ville de Marseille où il fonde, en 2005, l’Institut Supérieur des Sciences Islamiques. Il est l’auteur de « Marianne et le Prophète ». le shofar A notre sens, il manque une dimension mémorielle à ce documentaire, un grave oubli que l’on retrouve si souvent et avec une telle constance qu’elle donne régulièrement à penser que les Juifs se laissèrent partout anéantir, résignés, sans broncher : c’est la réalité de ces nombreux Belges visés par les ordonnances allemandes anti-juives, avocats, médecins, ingénieurs, poètes ou manuels, libéraux ou communistes, qui se portèrent volontaires soit dans les forces militaires alliées , soit dans la Résistance, avec un courage et une détermination exemplaires ; ces Belges juifs que la Belgique, par la suite, honora, il est vrai, le plus souvent sans dire grands mots sur leur appartenance au peuple d’Israël, comme pour mieux marquer le refus de la différence, au sens où l’entendait cette Bête Immonde qu’ils avaient combattu… « Les Versets douloureux », c’est le livre3, dans la finalité, de la magnifique rencontre entre trois pensées, la musulmane, la catholique, la juive, qui se désirent un mutuel et 3 Ed. Lessius salutaire apaisement ; c’est le livre, dans l’outil, de l’opiniâtre volonté de trois intelligences d’aller au-delà de leur propre identité culturelle pour analyser ceux de leurs textes respectifs aux éventuels douloureux contenus séparateurs. Suggestions s’entrechoquent entre, pour l’imam, libération du discours coranique de son moment historique, pour le prêtre, relecture de pans entiers de théologie chrétienne antijudaïques – telle l’Evangile de Jean- et pour le rabbin, passage d’une lecture littérale à un décryptage éthique conforme à l’enseignement rabbinique de ceux des textes auxquels la tradition a conservé un sens inadapté à nos jours. Magistrale leçon de respect de l’autre, dont le mérite de l’initiative revient au Rabbin David Meyer, et dont nous vous livrons, en guise d’invitation à découvrir sans tarder le contenu, une phrase de sa plume : «…la force d’une tradition religieuse réside sans doute dans sa capacité à trouver le courage de se regarder en face, sans aucune forme de complaisance…» 45 C O MMU N AU T É Lu pour vous par Monique Ebstein Une histoire d’amour et de ténèbres, Amos Oz1, éd. Gallimard 46 Un très beau livre dont la traduction française est parue en 2004, « Une histoire d’amour et de ténèbres » est un roman autobiographique de plus de 500 pages que le lecteur quitte à regrets lorsqu’il est arrivé au point final. L’histoire commence avant la naissance de l’auteur, dans ces pays d’Europe centrale où vivaient, et prospéraient parfois, d’importantes communautés juives, ces pays slaves aux frontières mal définies qui se situent aux confins de l’immense Russie. Elle se poursuit en Israël où ses deux familles, celle de son père et celle de sa mère, émigrèrent en 1933, et où naquit le petit Amos Klausner. Il nous présente des personnages riches en couleur : sa grand- mère Schlomit,« morte de propreté », ou plutôt victime d’une peur des microbes qui la poussait irrésistiblement à prendre des bains trop chauds qu’un jour son coeur ne put supporter. Son grand-père Alexandre qui dût pourchasser les microbes jusqu’à la mort de sa femme, et se révéla au cours de son veuvage le plus séduisant des amants. Son oncle, le professeur Yosef Klausner de l’université hébraïque de Jérusalem, l’auteur du célèbre ouvrage « Jésus de Nazareth ». Le grand-père de sa mère, Ephraïm Mussman, « à mi-chemin entre la personnification de Tolstoï âgé et l’incarnation de Saint-Nicolas,... il faisait l’aumône et compatissait du matin au soir, en-dehors de quoi il ne faisait pratiquement rien d’autre de ses journées ». Son père, véritable érudit, lisant seize ou dix-sept langues, qui se croyait destiné à devenir « un vaillant pionnier du renouveau intellectuel hébraïque, mais qui toute sa vie dut se contenter d’un modeste poste de bibliothécaire, car son oncle, le fameux professeur, avait la hantise d’être accusé de népotisme. Mais peut-être aussi, tout simplement, parce qu’en ces temps-là, Israël regorgeait de professeurs réfugiés, affamés, tous bardés de diplômes et spécialistes dans tous les domaines imaginables, se disputant un misérable demi-poste d’assistant. Sa mère enfin, belle et intelligente, romantique et fantasque, solitaire et 1 A mos Oz est né à Jérusalem en 1939. « Une histoire d’amour et de ténèbres a valu à l’auteur son plus grand succès en Israël, où le livre a été le best-seller pendant dix-huit mois. Amos Oz est un des co-fondateurs du mouvement « La Paix maintenant ». Il a participé aux travaux qui aboutirent aux accords de Genève. Il vit à présent à Arad, au bord du Néguev le shofar déprimée qui choisit un jour de tout quitter, la vie, son enfant de douze ans et demi, son mari... blessure béante qui n’aura jamais d’explication. « Si ma mère m’avait quitté de cette façon, sans un regard en arrière, c’était la preuve qu’elle ne m’avait jamais aimé ». La vocation d’Amos est précoce. A cinq ans, quelques semaines après avoir appris l’alphabet, il rédige en caractères d’imprimerie une affiche « Amos Klausner, écrivain ». Nous le voyons grandir dans le logement étroit de ses parents. Avec lui, il avait alors neuf ans, nous participons à la guerre d’Indépendance d’Israël, à la naissance de l’Etat. Il raconte comment il est devenu Amos Oz : « La mort des adultes possédait un puissant charme magique. Et à l’âge de quatorze ans et demi, deux ans après la mort de ma mère, je tuai mon père et tout Jérusalem, changeai de nom et partis au kibboutz Houlda vivre sur les ruines ». Il y partage la vie d’une famille d’origine polonaise, dont le père est le directeur du lycée, et participe à cette vie très spéciale des kibboutzim de l’époque où «...même les derniers des agriculteurs lisaient des livres la nuit, et en discutaient le jour. En cueillant les olives, ils débattaient frénétiquement sur Tolstoï, Plekhanov et Bakounine, ...En triant les oeufs, au poulailler, ils délibéraient sur la question de savoir comment redonner une couleur locale aux anciennes fêtes juives. Et ils se querellaient à propos de l’art moderne en taillant la vigne ». Aussi conclut-il « Moi qui voulais fuir le monde de l’érudition et des sempiternelles palabres où j’avais grandi, je tombais de Charybde en Scylla...» Au kibboutz, Amos, malgré tous ses efforts pour devenir aussi fort, aussi solidement bâti et brûlé par le soleil que ses compagnons, reste « l’enfant de la ville, frêle, tendre, sensible, bavard, inventant des histoires fantaisistes qui n’avaient jamais existé ». Il nous raconte alors avec une pudeur exquise, dans une prose digne des plus grands poèmes, sa rencontre avec Nilli, princesse de rêve, environnée d’une nuée de soupirants, alors qu’il avait quinze ou seize ans. Il osait à peine lever les yeux sur elle, mais «...ce jour-là, le soleil brilla soixante-dix-sept heures au-dessus des cyprès et refusa de se coucher. » Aujourd’hui encore Nilli est sa première lectrice... *** Vie et mort en quatre rimes, Amos Oz, éd. Gallimard 2008 Le plus grand écrivain peut rater un livre. Après vous avoir fait part de mon admiration débordante pour Une histoire d’amour et de ténèbres je me vois obligée, à mon grand regret, de vous dire mon immense déception à la lecture du dernier livre d’Amos Oz, « Vie et mort en quatre rimes ». Un auteur célèbre, après avoir participé à une soirée donnée en son honneur dans un centre culturel, rencontre différentes personnes qu’il transforme dans son imagination en personnages d’un futur roman. Comme la liste de ces personnages est longue, une quarantaine environ, leurs noms sont récapitulés à la fin de l’ouvrage, avec quelques mots explicatifs sur chacun. Je donne deux ou trois exemples : « M. Léon : homme de main, Massif et impérieux. – Youval Dahan-Dotan : poète en herbe. Tourmenté. – Rochale Reznik : lectrice et comédienne. Elle collectionne les pochettes d’allumettes des palaces internationaux. » etc.... Lorsque vous rencontrez ces personnages dans le texte, vous n’en apprenez guère plus sur eux, ils sont vides. J’ai pourtant lu ce livre jusqu’au bout, voulant 47 C O MMU N AU T É 48 désespérément croire que quelque chose allait se passer, que j’allais enfin comprendre le sens de cette histoire qui n’en était pas une. Amos Oz a dû, lui aussi relire sa première version, et la trouver sans aucun intérêt. Mais plutôt que de la jeter comme il aurait dû le faire, et d’attendre que la merveilleuse inspiration du livre précédent lui revienne, il a sans doute cru qu’en aspergeant ce texte fade et creux de détails salaces (quelques heures passées par ennui dans le lit de la lectrice), ou peu ragoûtants, ils lui donneraient du sex-appeal : (« Ophélia : mère invalide d’Arnold Bartok : Quatre-vingt-six ans. Paraplégique. A besoin d’un pot de chambre. Elle partage le même lit que son fils de soixante ans qu’elle s’obstine à appeler Aralé, pour l’ennuyer même s’il s’appelle Arnold et qu’il le lui a répété mille fois ») ! Raté, mille fois raté ! Quel dommage ! Bah, oublions vite ce livre, ne nous rappelons que du précédent. A ne pas chercher sur les étagères de la bibliothèque de Beth Hillel. *** A lire, également, un magnifique nouvel ouvrage : Juifs du Congo - La confiance et l’espoir, Moïse Rahmani, éd. de l’Institut Sépharade Européen, 2008, dont nous vous livrons ci-dessous de larges extraits de l’avant-propos de l’auteur : « En 2002, je publiais Shalom Bwana, la saga des Juifs du Congo (éditions Romillat, Paris). Je contais l’épopée extraordinaire d’une poignée de jeunes Juifs, venus principalement de Rhodes, cette île merveilleuse, baignant dans la mer Egée. Ils avaient tenté l’aventure africaine et découvert une nouvelle « terre promise » qu’ils avaient faite leur. Je les avais suivis de leur terre natale au Katanga. Certes, tous n’étaient pas du Dodécanèse, certains arrivaient d’Egypte, de Turquie, de Palestine et d’Europe et les premiers Juifs à fouler le sol katangais étaient des Ashkénazes, débarqués à la fin du XIXe siècle d’Afrique du Sud, mais la grande majorité de ceux qui ancrèrent cette communauté venaient de l’Ile des Roses. En quelques décennies, rejoints par un frère, un cousin, un parent proche ou éloigné, ils avaient implanté une communauté vivante, active, dynamique. A sa tête le Grand Rabbin Moïse M. Levy. Ils avaient participé à l’essor économique de la colonie belge, contribuant à en faire le fleuron, non seulement de la Belgique, mais de tout le continent africain. Début des années 1950, le livre Le Congo Belge et ses coloniaux (éditions Stanley, Léopoldville, 1953), leur rendait hommage puisque sur 2.500 noms recensés, moins de 2% des 130.000 habitants européens, figuraient 180 Juifs, près de 10% de la communauté israélite (…). Mon père avait contribué à cet essor entre 1929 et 1934. Puis il était rentré en Egypte. La vengeance du gouvernement égyptien après ses défaites contre Israël s’étant tournée contre les Juifs de ce pays, en 1956, voici cinquante ans, je débarquais à Elisabethville (…). Après la naissance de notre bohora, de notre aînée, Inès Daniela, nous avons quitté cette terre africaine en octobre 1969. J’avais arrêté cette saga aux années 1960 et mon livre se terminait sur une note triste car, après les tragiques événements et les pillages des années 1990 qui eurent pour conséquence la disparition de pratiquement toute présence étrangère, je pensais la vie juive au Congo presque éteinte. Mon livre, entamé en 2000, s’achevait dans la désespérance. Durant les quarante ans qui nous séparaient de l’indépendance du pays, le 30 juin 1960, bien des tragédies s’étaient passées et d’abord pour le peuple congolais, première et malheureuse victime. le shofar Les troubles de 1960, les diverses sécessions, les rébellions, les mutineries, les attaques avaient balayé le labeur des hommes qui s’étaient accrochés à cette terre africaine. Beaucoup étaient partis. D’autres, demeurés sur place, avaient reconstruit, mais la zaïrisation les avait spoliés. Quelques années après, devant la situation économique désastreuse, le gouvernement décidait de faire marche arrière et restituait les biens. Mais, à l’exception des immeubles, les affaires commerciales et industrielles n’étaient plus que coquilles vides. Pourtant, certains reconstruisaient à nouveau. Les pillages de 1991 et 1993, la guerre de Laurent-Désiré Kabila contre Mobutu, l’exil de ce dernier, l’assassinat de Kabila, le Mzee, le vieux, les diverses rébellions qui suivirent, eurent raison des plus audacieux. Lors de l’écriture de Shalom Bwana, la saga des Juifs du Congo, la population juive du pays oscillait entre 30 et 50 personnes, faisant des allers retours avec l’Europe (…). La plupart de mes amis étaient rentrés en Europe, ceux qui tentaient de renouer avec le pays, de redémarrer une activité commerciale, désespéraient, la situation économique étant extrêmement difficile. J’avais écrit ce livre pensant que la communauté ne se redresserait pas, mais disparaîtrait, à l’exemple de celle de Lumumbashi où seuls quatre Juifs résident encore. Je ne pensais plus revoir cette terre qui nous était si chère, tant à Manuela, mon épouse, qu’à moi. Je ne pensais plus revoir l’endroit où reposait ma mère; mon livre s’achevait par ces lignes : Les morts, nos morts, Maman, sont désespérément tout seuls désormais… Et puis, en 2004, je rencontrais Aslan Piha. Et Aslan me parlait avec fougue et passion de cette communauté qui se réveillait d’un long sommeil, qui sortait de sa léthargie. Et Aslan m’a fait part de ses projets, de ses ambitions, de ses désirs, de ses rêves. Et Aslan m’invitait à Kinshasa pour donner une conférence. Je croyais rêver : bibliothèque, revues, conférences… Et j’y suis allé. Et j’ai vu. Et j’ai constaté. Et surtout, j’ai aimé (…). Après mon bref séjour, j’ai voulu rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui, des années durant, entre 1960 et aujourd’hui, ont perpétué cette mémoire juive, ont continué cette saga, ont œuvré afin que cette communauté, née dans les années 1900, atteigne et dépasse son centenaire. S’il y a encore, aujourd’hui, une vie juive au Congo, si dans dix ans, dans vingt ans, dans cinquante ou dans cent ans il subsiste, je le souhaite et l’espère, une vie juive dans ce pays, c’est à Clément Israël et à son comité que nous le devrons. Quelle meilleure preuve d’admiration et de respect sinon de raconter leur histoire et, à travers elle, la pérennité de cette présence juive dans ce qui fut pour nos grands-parents, nos parents et pour nous-mêmes une nouvelle terre promise, cette seconde patrie, le Congo, notre Congo ? En relatant l’histoire de quelques-uns, c’est celle de tous que je veux raconter et j’entends, avec ce témoignage, leur rendre justice et leur faire honneur… » 49 C O MMU N AU T É Nouvelles d’Israël et d’ailleurs 50 Afin de répondre aux exigences de son accroissement constant de membres, la Communauté Israélite Libérale de Genève, actuellement installée au Seujet, entame à Chêne, ce printemps, la construction d’un nouveau centre comprenant une synagogue et un espace culturel. Le bâtiment épousera le terrain en forme de shofar et les deux faces de l’édifice, à l’aspect minéral, afficheront les Tables de la Loi. Depuis la route, seule la pointe de l’immeuble de béton et de verre sera visible. L’intérieur comprendra une partie culturelle avec des salles de conférence et de cours destinés principalement aux quelque 120 enfants qui fréquentent le Talmud Torah ainsi qu’une synagogue pouvant contenir jusque 750 places lors des grandes fêtes. Sont également prévus un mikvé, un local d’archives et une grande salle pour les jeunes avec accès WI-FI. fondée en 1990 et qui a ouvert sa première synagogue à Vienne en 2003, les communautés libérales sont celles qui ont le plus de succès auprès des Juifs allemands et, aujourd’hui aussi, des Juifs autrichiens. Parmi les sujets à l’ordre du jour de la conférence a figuré le rôle des femmes dans le judaïsme. Le principal intervenant au congrès fut le rabbin Michael Mermur, directeur de l’Université de l’Union hébraïque à Jérusalem (Hebrew Union College). Nous reviendrons sur le sujet dans le prochain Shofar puisque la Communauté Israélite Libérale de Belgique-synagogue Beth Hillel y était représentée en la personne de Rabbi Floriane Chinsky et de notre ami Ralph Bisschops, en sa qualité d’administrateur délégué à la WUPJ. *** L’unique citoyen britannique déporté à Auschwitz, Leon Greenman, est décédé ce 7 mars 2008 à Londres, à l’âge de 97 ans. Son épouse, Esther Van Dam, de nationalité néerlandaise, et leur petit garçon Barney, né à Rotterdam et déporté à l’âge de 3 ans, n’avaient pas sur vécu à la Shoa. Les parents de Leon Greenman, né à Londres le 18 décembre 1910, s’installèrent avec leur fils en 1915 à Rotterdam où ils vécurent quelques années. De retour à Londres, c’est là qu’en 1935, Leon Greenman épousa Esther. Mais le couple, désireux de veiller sur la grand-mère d’Esther Le Congrès Européen des Juifs réformateurs de l’Union Mondiale du Judaïsme Progressiste (World Union of Progressive Judaism, WUPJ) s’est ouvert, pour une durée de quatre jours, le 12 mars dernier à Vienne, 70 ans jour pour jour après l’Anschluss de l’Autriche par l’Allemagne nazie. Plus de 300 délégués venus de toute l’Europe ont participé à ce congrès, qui s’est tenu pour la première fois dans la capitale autrichienne. D’après la communauté juive réformatrice d’Autriche, Or Chadasch, Nouvelle Lumière *** le shofar laissée seule aux Pays-Bas, décida, alors que les bruits de botte nazies s’amplifiaient, d’aller vivre à Rotterdam, C’est là que naquit leur fils Barney. Arrêtés à leur domicile en octobre 1942, avec des centaines d’autres Juifs, les Greenman furent incarcérés à Westerbork avant d’être déportés à Auschwitz où Esther et Barney furent gazés dès leur arrivée. Leon Greenman participa à la Marche de la Mort d’Auschwitz à Buchenwald, d’où il fut « libéré » le 11 avril 1945 par l’armée américaine. Jamais Leon Greenman ne se remaria. Il consacra le reste de sa vie à honorer la mémoire de son épouse et de leur fils. Auteur d’un ouvrage, « An Englishman in Auschwitz », il reçu en 1988, pour sa lutte contre le racisme, la très haute distinction honorifique de l’Ordre du British Empire des mains de sa majesté la reine Elisabeth II. *** Signe tangible d’une reprise de vie juive en Pologne, le grand rabbin ashkénaze d’Israël Yona Metzger s’apprête à y installer une association de rabbins, la première du genre depuis la Seconde Guerre Mondiale. Ce groupement réunira huit rabbins issus des principales villes du pays. Cet évènement est hautement symbolique, dès lors que la quasi-totalité de la population juive polonaise fut exterminée durant la Shoa… *** Là où se trouvait le ghetto de Varsovie, avec son lot de désolation, de souffrance et de morts, a été reconstruit un anodin quartier citadin d’affaires, pareil à celui d’une quelconque métropole. Les gens qui s’y trouvent aujourd’hui ne peuvent imaginer le sort qui fut réservé, au même endroit, durant la Seconde Guerre Mondiale, à près d’un demi million d’enfants, de femmes et d’hommes juifs polonais. Mais cela va changer. En effet, à l’occasion du soixante cinquième anniversaire du soulèvement du Ghetto, la municipalité de Varsovie a décidé de marquer la délimitation du ghetto au sein de la capitale d’une ligne rouge afin que soit rappelée à chaque passant l’horreur qui fut commise sur son territoire. Les responsables de l’Ambassade d’Israël à Varsovie ont favorablement accueilli cette mesure, en déclarant notamment qu’elle constituait un pas important dans la commémoration des 400 000 Juifs qui furent parqués dans le ghetto. *** Du 24 au 26 février dernier s’est déroulée, à Jérusalem, une conférence internationale sur l’antisémitisme présidée par Tzipi Livni, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères d’Israël et à laquelle participaient quelque deux cent cinquante personnes, parmi lesquelles des diplomates, chercheurs et représentants d’institutions juives. Les interventions furent nombreuses (septante trois conférenciers !). L’intérêt principal de colloque fut de poser la réflexion sur les nombreux défis actuels suscités par le contexte géo-politique international et que la haine répandue notamment via Internet exacerbe, aussi bien dans la rue que sur les campus universitaires. Les différents intervenants se sont accordés sur la gravité de la situation. Ils ont estimé qu’il y avait une recrudescence significative de l’antisémitisme dans le monde, lequel s’employait d’abord à délégitimer Israël, à le diaboliser en l’assimilant au nazisme, à l’apartheid ou au racisme pour, ensuite, s’attaquer aux personnes individuellement. 51 C O MMU N AU T É L’éducation des jeunes, l’intensification du dialogue inter-religieux, la protestation systématique auprès des pouvoirs publics compétents, l’adaptation adéquate des cadres juridiques de protection des droits des minorités furent autant de pistes évoquées parmi les solution proposées. *** Le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, a créé un groupe de travail au sein du gouvernement chargé de se pencher sur les modifications à apporter aux relations entre Israël et la diaspora. Car il s’agit de chercher les moyens par lesquels l’Etat d’Israël pourrait commencer à investir dans la diaspora, et non plus rester uniquement bénéficiaire de l’aide de celle-ci. Affaire à suivre. 52 *** La plus ancienne école juive de Londres, la Jewish Free School fondée en 1732 et qui compte quelque 1900 élèves issus, pour la plupart, de familles non pratiquantes, fait actuellement l’objet d’une action en justice devant la Hight Court de Londres pour ségrégation raciale. L’affaire fait grand bruit, dans les media britanniques. En cause : le refus par l’établissement scolaire d’accueillir en son sein un enfant dont la judéité n’est, selon sa direction, pas conforme aux exigences halachique en la matière. En effet, si le père du garçon est bien juif, l’école reproche à la mère, d’origine non juive, de ne pas s’être présentée devant un Beth Din d’obédience orthodoxe, mais bien devant un tribunal composé de rabbins de mouvance conservative. La Jewish Free School, qui fait allégeance au Beth Din de Londres bien connu pour ses positions peu enclines à l’ouverture sur le monde extérieur, risque bien de perdre le procès, tant il est vrai que recevant des subsides publics, elle risque d’être condamnée pour refus d’inscription fondée sur des motifs illicites. Ce qui devrait réjouir d’autres parents qui se sont joint à l’affaire, ayant vécu la même regrettable expérience. A noter, pour la petite histoire, que parmi ces mères jugées non suffisamment cacher s’en trouve une dont la conversion, en Israël, devant un Beth Din pourtant orthodoxe il y a plus de 20 ans, n’a pas été jugée satisfaisante. La raison invoquée ? Le manque de sincérité de cette maman puisque son mari, David Ligtman, était Cohen et que convertie, elle avait fait fi du joug de la Loi en l’épousant ! Selon le Rabbin Danny Rich, Président exécutif du Liberal Judaism Movement, l’attitude discriminatoire adoptée par l’école est essentiellement motivée par des considérations politiques, lesquelles consistent à essayer d’accorder un monopole de fait à l’orthodoxie, en Angleterre, alors que près de la moitié des Juifs britanniques se revendiquent du judaïsme conservative ou libéral. le shofar Un peu d’humour Il pleuvait, en cette fin de journée-là. Daniel rentrait à la maison, où, comme chaque soir, il se retrouvait seul, face à son assiette, depuis que Sarah n’était plus. Ah, si quelque chose de merveilleux pouvait à nouveau éclairer son existence devenue si monotone ! Oui, il y avait bien les petits-enfants, mais il les voyait si peu… Daniel, tout à ses sombres pensées, passa devant un magasin d’animaux de compagnie. C’est alors qu’il entendit une voix rauque criant en yiddish : « Couaaa... Vus machts du ? » (hé ! comment vas-tu ?) « Ouï, du ! » (oui, toi !) Daniel n’en croyait pas ses oreilles. Un perroquet, et du parfait yiddish ! Son nez aussitôt collé à la vitrine du magasin, le propriétaire du négoce l’invita à entrer. « Regardez, Monsieur, regardez ! Admirezmoi ce perroquet : n’est-il pas magnifique et étonnant ?!?... » Daniel resta sans voix, subjugué. Car non seulement l’animal était paré d’un très soigné plumage gris mais en plus, il penchait sa petite tête pour reprendre de plus belle : « Vus ? Vus ? Kenst sprechen Yiddish ? » (Alors ? Savez-vous parler le yiddish ?) Sans hésiter, Daniel offrit huit cent euros au commerçant et ramena sans plus attendre cet extraordinaire oiseau chez lui. Quel bonheur : toute la nuit, il dialogua en yiddish avec son perroquet ! Il lui raconta les aventures de sa jeunesse. Il évoqua la beauté de sa défunte épouse Sarah, leur mariage alors qu’ils n’avaient pas vingt ans, les deux merveilleux enfants qu’ils avaient eu ensemble et qui vivaient à présent si loin. Il parla de ses longues années de labeur dans les schmates, de sa retraite à Knokke du temps de Sarah… Quant au perroquet, celui-ci lui conta sa vie difficile dans le magasin d’animaux de compagnie, l’ignorance des clients qui ne comprenaient guère son langage trop exotique pour eux, les longues heures de solitude les jours de fermeture. Au petit matin, Daniel, comme chaque jour, entama la journée en posant ses tefillin. Le perroquet, intrigué, demanda ce qu’il faisait et lorsque Daniel lui eut expliqué, le perroquet lui fit part de son désir de faire la même chose. Daniel sortit et lui acheta des tefillin adaptés spécialement à sa petite taille. Puis, le perroquet souhaita apprendre les prières en hébreu. C’est ainsi que Daniel se retrouva à passer des semaines, puis des mois à former le perroquet : il lui enseigna la Tora, le familiarisa avec l’étude talmudique, lui fit aimer les midrashim et entreprit même de lui faire explorer les mystères de la Cabale… Puis vint Rosh Hashana. Daniel était sur le point de partir à la synagogue lorsque le perroquet lui demanda de l’accompagner. Daniel lui expliqua que la shule n’était pas plus un endroit pour les oiseaux que pour les femmes mais le perroquet argumenta tellement adroitement que Meyer céda et l’emmena sur son épaule. Inutile de dire qu’arrivés devant la synagogue, nos deux compères firent sensation ! Le rabbin, agacé par le remue-ménage que provoquait l’insolite couple en ce saint jour, décida d’interdire l’accès du bâtiment au perroquet. Mais Daniel persuada le Rabbin de le laisser entrer, en jurant que le perroquet psalmodiait avec une remarquable dévotion. 53 C O MMU N AU T É Des paris furent bientôt lancés et des centaines d’euros mis en jeu sur la capacité ou non du perroquet à prier, à parler en yiddish, à commenter les Sages… Pendant l’office, tous les yeux se rivèrent sur le perroquet imperturbablement perché sur l’épaule de Daniel. Or donc, voilà que l’animal ne bougeait pas, restait le bec cloué. Daniel murmura « Daven ! Daven ! » (prie !) Le perroquet restait impassible. « Perroquet, daven ! allons, vas-y !tu peux ! daven ! daven ! Tout le monde nous regarde ! » Le perroquet ne bronchait toujours pas. A l’issue de l’office de Rosh Hashana, Daniel se vit dans l’obligation de promettre de régler ses dettes de jeu ; or celles-ci n’étaient pas des moindres : y en avait pour plus de mille euros, du fait de son pari perdu ! 54 Très en colère, il regagna sa maison. A peine le pas de la porte franchi, le perroquet commença à chanter une vieille chanson yiddish, aussi heureux qu’une perruche en goguette. Daniel le regarda droit dans les yeux : « Dis donc, toi, pourquoi m’as-tu fait un coup pareil, hein ? Pourquoi ? Après tout ce que j’ai fait pour toi ! que je t’ai fait confectionner des tefillin sur mesure, que je t’ai enseigné toutes les prières, que je t’ai appris à lire l’hébreu, que je t’ai familiarisé avec la Torah, le Talmud, la Cabale, que je t’ai même emmené à la Shule pour Rosh Hashana ! Pourquoi… ? » « Allons, Daniel, cesse de t’énerver et ne sois pas aussi stupide ! », lui répondit le perroquet « pense à tout l’argent qu’on va leur piquer à Kippour... » Le vendredi 11 avril 2008 après l’office de kabbalat chabbat DîNER CHABBATIQUE COMMUNAUTAIRE A BETH HILLEL Pour vous inscrire, il vous suffit de téléphoner au secrétariat au 02.332.25.28 In f o r m at i on s u t i l es VIE COMMUNAUTAIRE OFFICES DE CHABBAT Vendredi à 20h et samedi à 10h30 Talmud tora et preparation a la bar/bat mitsva Tous les mercredis après-midi. Voir calendrier. Cours adultes et cercles d’etude Contactez Rabbi Abraham Dahan ou Rabbi Floriane Chinsky Yiskor Si vous voulez être tenus au courant des dates de Yiskor pour des membres de votre famille, contactez Giny ( 02.332.25.28 SOCIÉTÉ D’INHUMATION A.S.B.L. GAN HASHALOM En cas de nécessité, téléphonez aux numéros suivants : Le jour A Beth Hillel ( 02.332.25.28 Le soir Rabbi Floriane Chinsky ( 0485.428.490 Rabbi Abraham Dahan ( 02.374.94.80 ou 0495.268.260 Si vous désirez souscrire à Gan Hashalom, téléphonez à Willy Pomeranc Le jour ( 02.522.10.24 • Le soir ( 02.374.13.76 Gan Hashalom est réservé aux membres de la CILB en règle de cotisation et ayant adhéré à la société d’Inhumation