Introduction
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Introduction
Nous vous proposons un plan détaillé que vous pouvez rédiger en y intégrant des citations extraites du texte. Introduction Amorce : Dans la France du XIXe siècle, le développement de Paris et son rayonnement creusent l’écart entre la capitale et la province. À l’ennui, à l’archaïsme de la province s’opposent l’originalité, l’esprit, l’élégance de Paris. Les romans d’apprentissage ou d’éducation de cette époque ont souvent pour héros un jeune homme de province qui va tenter sa chance dans la capitale, attiré par des rêves de succès. Le texte : C’est le cas de Lucien de Rubempré. Le héros des Illusions perdues de Balzac, dans les premiers jours de son séjour à Paris, se rend compte qu’il avait largement surestimé sa maîtresse, qui passait en pro©HATIER vince pour la reine de beauté d’Angoulême et qui fait pâle figure auprès des « jolies » Parisiennes. Mais sa maîtresse fait la même observation à propos de son amant, quand elle le compare aux jeunes élégants de Paris. Annonce du plan : Leurs jugements se modifient donc sous l’influence de la société qui les environne. I. L’évolution du regard que les personnages portent l’un sur l’autre L’arrivée à Paris de Lucien et de Mme de Bargeton marque pour les deux amants une remise en question du regard qu’ils portaient jusqu’alors l’un sur l’autre et par conséquent de leurs sentiments réciproques. 1. Du regard admiratif et amoureux… Dans le Paris du XIXe siècle, on va autant au théâtre pour y voir le spectacle que pour y être vu : c’est en découvrant le théâtre et l’élégance du public que Lucien en vient à rejeter ses « idées sur la vie de province ». Le regard et son champ lexical (« voyant », « remarquable », « remarquer », « les yeux de Lucien ») occupent une place importante dans ce passage, regard qui se transforme en jugement sévère quand l’amant le pose sur la maîtresse et la maîtresse sur l’amant. Balzac construit son passage sur la symétrie de cette évolution chez les amants, en opposant le regard admiratif et amoureux qu’ils portaient auparavant l’un sur l’autre, quand ils étaient en province, et la façon très critique dont ils s’examinent aujourd’hui, à Paris. 2. … au regard critique Lucien, qui vient d’admirer – avec une attention toute particulière, comme l’indique le verbe « remarquer » – l’élégance des « jolies Parisiennes » qui l’entourent au théâtre, détaille alors la tenue de sa maîtresse et le contraste est cruel. C’est non seulement l’image actuelle de Mme Bargeton qui en souffre mais également celle par laquelle elle a plu autrefois à Lucien, comme sa « coiffure qui le séduisait tant à Angoulême » et qui, désormais, lui paraît « d’un goût affreux ». L’imparfait, contrastant avec le passé simple qui vient marquer la soudaineté de cette « répudiation », souligne bien que ce passé est révolu. Lucien est impitoyable dans l’examen critique qu’il fait de la tenue de sa maîtresse. Il ne trouve pas d’expressions assez péjoratives pour la qualifier : il parle de « vieillerie » et c’est par un groupe ternaire entièrement négatif qu’il disqualifie la robe de la jeune femme dont « ni les étoffes, ni les façons, ni les couleurs n’étaient de mode ». Plus grave, non seulement la robe et la coiffure sont critiquées mais c’est aussi et surtout sa maîtresse et son « goût affreux », ses efforts ratés quoique « passablement ambitieu[x]» pour essayer d’être élé©HATIER gante, qui sont condamnés. Dans sa remarque intérieure, agacée et méprisante : « Va-t-elle rester comme ça ? », par le style direct de la focalisation interne et par le recours à une question rhétorique dont la réponse est évidente, Mme de Bargeton est comme mise à distance par le pronom « elle » qui en fait déjà une étrangère, une anonyme… Par l’expression : « De son côté », Balzac souligne la symétrie de l’évolution de Mme de Bargeton avec celle de Lucien : elle est dans le même état d’esprit et se permet « d’étranges réflexions sur son amant ». La maîtresse a même déjà pris de l’avance, puisque son regard critique remonte à sa rencontre de « la veille » avec « Châtelet ». Certes, elle n’a pas tout oublié – elle le concède – de l’attrait que Lucien exerçait sur elle par son « étrange beauté », mais cette qualité n’est plus suffisante pour la retenir, comme l’indique le « malgré » qui précède cette appréciation positive, et les cinq dernières lignes du texte, d’une cruauté terrible, balaient cette admiration d’autrefois par une succession d’expressions négatives (« n’avait point de tournure »), dévalorisantes et méprisantes, qui montrent que le « pauvre poète » (faut-il voir dans ce qualificatif un commentaire apitoyé de Balzac ou le dédain de la maîtresse ?), désormais « prodigieusement ridicule », ne trouve plus grâce à ses yeux. 3. Une évolution qui reste secrète sauf pour l’auteur-narrateur et le lecteur Pour le moment, les deux amants cachent cependant cette dégradation du regard et des sentiments qu’ils se portaient. Les réflexions de Lucien restent « secrètes » pour Mme Bargeton et il est « sans savoir » les préparatifs de transformation de sa maîtresse qui vient de passer une partie de la journée chez les marchands de mode. Il ignore aussi les « étranges réflexions » qu’elle se fait sur son amant. Balzac, au contraire, narrateur omniscient, lit dans le cœur de ses personnages et permet au lecteur de prédire la fin de la liaison. II. L’influence de la société environnante sur les jugements des personnages C’est la venue à Paris du couple, et plus précisément cette soirée au théâtre (une « première fois » pour Lucien), qui donne à Lucien et à Mme de Bargeton de nouveaux repères pour s’évaluer eux-mêmes et juger l’autre : leur liaison ne résistera pas à ce dépaysement. 1. La théorie… Cet exemple précis fournit en quelque sorte à Balzac un cas pratique qui vérifie et illustre la théorie qu’il développe au milieu de l’extrait (des lignes 13 à 16) sur la notion de beauté féminine à Paris et en province. En quelques ©HATIER phrases au présent de vérité générale, le romancier oppose les deux univers par des formules péremptoires modalisées de façon radicale (« il n’y a ni choix ni comparaison », « pas la moindre attention », « elle n’est belle que par… »), qui lui permettent de mettre en évidence l’influence de la société environnante sur les jugements en matière de beauté féminine. Balzac donne du poids à ses affirmations en les doublant d’un « proverbe » imagé, qui repose aussi, curieusement, sur la notion de vue, donc de regard (il s’agit de « borgnes » et d’« aveugles »), comme au début de l’extrait. 2. … et les exemples La province offre le monde de « l’habitude » (« conventionnelle »), un monde négatif et sans repères, comme Balzac le souligne par une négation redoublée (« il n’y a ni choix, ni comparaison à faire »). Au contraire, l’environnement de Paris est ouvert, et Lucien et Mme de Bargeton disposent pour porter un jugement de nouveaux critères, plus nombreux. C’est un monde d’abondance que décrit Balzac : « le cercle s’élargissait », « la société prenait d’autres proportions » et Lucien est désormais capable de comparer les beautés féminines et d’apprécier la véritable élégance. On relève d’ailleurs de nombreux termes qui impliquent la « comparaison », comme « trop », auprès de », « voisinage ». Lucien est désormais en mesure de porter un jugement éclairé sur les « jolies Parisiennes » qui l’entourent. Autant les termes qui les qualifient sont positifs et appuyés par des adverbes intensifs – elles sont « jolies, si élégamment […] mises », ont de « délicates inventions » –, autant Mme de Bargeton paraît dévalorisée. Alors que les unes sont « fraîchement mises », elle, elle porte une « vieillerie » : à travers l’emploi de ces deux termes antithétiques, qui pourraient presque s’appliquer à des fleurs, les premières servent de repoussoir, comme en peinture, à la seconde. Il en va de même pour Mme de Bargeton : c’est en comparant son jeune amant au baron du Châtelet et aux « jeunes gens du balcon » qu’elle découvre les imperfections de Lucien. Conclusion C’est finalement une vision très pessimiste de la société et des individus que propose Balzac : dans cette « comédie humaine », tout repose sur l’apparence et les sentiments qui semblaient les plus solides peuvent, pour quelques mèches de cheveux ou une tenue bien ajustée, perdre brutalement leur intensité. ©HATIER