Accompagner des enfants éprouvant
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Accompagner des enfants éprouvant
Accompagner des enfants éprouvant des troubles de comportement ’enfant se montre L colérique, irritable, imprévisible dans ses réactions ; il ne supporte pas la frustration. En jouant au « DUR », ou en narguant, il peut très bien couvrir d’intenses sentiments de PEUR, de TRISTESSE ou de DESESPOIR. Un autre regard, des stratégies adaptées, d’autres cadres théoriques sont nécessaires pour aider les enseignants à le comprendre et l’accompagner. Les enfants que nous accueillons dans nos écoles arrivent parfois avec de graves perturbations qui occasionnent des comportements d’agressivité, de violence, de colère et de passages à l’acte. Si nous rencontrons ces enfants dans l’enseignement spécialisé, il n’est pas rare d’être confronté à cette problématique dans l’enseignement ordinaire. Pouvons-nous exiger d’eux qu’ils modifient immédiatement leur comportement? En sont-ils capables? Que pouvons-nous faire pour les aider? Quelles conditions pouvons-nous mettre en place pour réduire la probabilité de passage à l’acte ? besoin à satisfaire, et donc d’un vécu à formuler, d’une demande à exprimer verbalement, de manière claire et directe. Cependant, par rapport aux attitudes de ces enfants (mais aussi par nos propres réactions à leur égard) il nous arrive parfois de nous décourager, de nous questionner, voire même de nous culpabiliser. Le cadre théorique de l’Analyse Transactionnelle peut nous donner les réponses pour prendre soin d’eux mais également nous aider à réaliser la poursuite de nos projets spécifiques d’accueil et d’accompagnement de ces enfants en difficultés comportementales. Les états du moi (d’après le modèle proposé par l’Analyse Transactionnelle) Il s'agit d’ensembles cohérents de manifestations (pensées sentiments, comportements) du MOI Freudien, qui est grosso modo «la partie» de nous-mêmes dont il est possible d’être conscient. Ces ensembles revêtent trois formes chez toute personne : le PARENT (P), l’ADULTE (A) et L’ENFANT (E). (A) Dans son «ADULTE», la personne calcule, estime, comprend, explique, se montre logique, rationnelle et tient compte de la réalité. (P) Dans son «PARENT», la personne permet, interdit, donne des directives, définit ce qui est bien et ce qui est mal, émet son jugement, punit, récompense, protège, console, sécurise. Lorsque je gronde un enfant, je suis dans mon PARENT : je lui dis «ce n’est pas bien ce que tu as fait ; tu dois obéir !». (E) Dans son «ENFANT», la personne est poussée vers ce qui est agréable; elle fonctionne sur base d’impressions, de sensations, d’intuitions, d’impulsions, de vécus internes... elle est en contact avec ses besoins, ses désirs, ses envies. Pour les accompagner efficacement, cessons de voir leur colère comme un sentiment négatif, mais comme un signal avertisseur d’un manque à combler, d’un 15 Qui sont-ils ces enfants dits «caractériels» ? Ces jeunes sont principalement caractérisés par leurs comportements de passage à l’acte et par leur réticence à incorporer les normes sociales. Il en résulte des problèmes disciplinaires et des conflits avec les figures d’autorité. Comportement de passage à l'acte L'enfant se montre opposant et provocateur (il jure, répond au professeur, perturbe la classe), il ne tient pas en place, recherche constamment des occasions de s'amuser, il «pompe», il fatigue, énerve son monde; il se livre à des actes antisociaux (vols, rackets dans la cour, agressions...), il se montre colérique, irritable, imprévisible dans ses réactions; il ne supporte pas la frustration. Cela s’explique par le fait que chez cet enfant, l’énergie normalement consacrée à ressentir et à exprimer les émotions est entièrement déplacée sur le comportement. En jouant au «DUR» ou en narguant, le jeune peut très bien couvrir d'intenses sentiments de PEUR, de TRISTESSE ou de DESESPOIR. Réticence à incorporer les normes sociales Le jeune se montre rebelle à l’égard de l’autorité et de la loi; il veut faire sa propre loi. Il ne tient pas compte des conseils et des directives d'autres personnes. D’une manière générale, il incorpore 16 mal ce qui vient des autres et du monde, se fiant exclusivement à son cadre de référence interne («ce qui vient de moi est certainement bon,- ce qui vient des autres ne l’est certainement pas»). Cette réticence a été établie tôt au cours de l’enfance, dans un but d’adaptation à un environnement hostile, frustrant, incohérent, non secourable. En termes d’analyse transactionnelle, elle correspond à la position «Je suis O.K., les autres ne sont pas O.K». En découlent le manque d'attention à l'école et l'absence de motivation pour les apprentissages, l’absence de remords, de culpabilité en cas de passage à l’acte, avec rejet de la faute sur l’autre, la tendance à rendre autrui responsable de ses propres difficultés. Comprendre troubles du portement ces com- La pathologie «caractérielle» ne se développe pas suite à des stresses ou à des traumatismes ponctuels survenant au cours de l'enfance, mais suite à une succession de stades éducatifs insatisfaisants ou inadéquats. La plupart des perturbations que l’on rencontre chez nos enfants sont liées à l’insuffisance et à l’incohérence de la «FONCTION PARENTALE» assumée par les parents. Dès sa naissance, l’enfant ne s’est pas senti accueilli, choyé, nourri, pris en charge. Ses besoins fondamentaux (nourriture, hygiène, contact physique, affection, attachement, soutien, réconfort) n’ont pas été pleinement satisfaits. Il n’a pas perçu le monde extérieur comme source de gratification véritable. A l'origine des troubles présentés, on trouve généralement le manque précoce d’objets d’amour, leur instabilité dans le temps et l’instabilité des signaux affectifs qu’ils envoient. La figure maternelle est souvent décrite comme immature, instable, égocentrique, abandonnique, dépendante, insatisfaite, mal soutenue par son entourage. Elle a espéré que cet enfant comble ses propres manques. Déçue sur ce point, continuant à entretenir les mêmes problèmes psychologiques, évoluant dans un milieu de vie souvent très pénible, elle ne s’est pas comportée à son égard de manière suffisamment nourricière. Frustré en permanence, l'enfant a adopté une position de «méfiance fondamentale», ressentant le monde comme non soulageant, non gratifiant, non source de satisfaction véritable. Quant à la figure paternelle, elle est absente ou multiple pères «de passages». En quelque sorte, l'enfant «GRANDIT DANS LA dans «UN PRAIRIE», DESERT» de normes, sans loi. J’ouvrirai cependant une parenthèse en invitant à ne pas adopter une attitude de projection de la FAUTE sur les parents qui pourraient induire une attitude négative de notre part à l’encontre des parents qui font confiance aux enseignants. Cela ne ferait, je crois qu’aggraver le tableau. Normalement, entre deux et quatre ans, les enfants apprennent à faire le lien entre leurs comportements et les réactions de leur entourage. Ils arrivent de cette manière à distinguer ce qui est «BIEN» (attendu, voulu, permis, exigé ou source de gratifications positives) de ce qui est «MAL» (non désiré, interdit, répréhensible, source de punition ou de blâme). L’enfant livré à lui-même, évoluant dans un DESERT de normes ou confronté à des normes incohérentes, ne peut accomplir correctement cette incorporation. Agir avec enfants ces C’est généralement au niveau du comportement perturbateur que le caractériel investit la plus grande partie de son énergie. C’est donc à ce niveau qu’il convient de le rencontrer. En tant qu’adulte enseignant, il importe que nous ayons un comportement adéquat et que celui-ci puisse être révélateur de nos attitudes intérieures. A travers son comportement, le caractériel teste notre cohérence, nos limites, notre fiabilité (présence, solidité, fidélité) notre crédibilité, il cherche en nous la sécurité. Il appelle à plus de structure. Un tel constat appelle certaines précautions dont celle de s’adresser au comportement. Il s’agit ici de confronter le processus employé par le jeune, sa manière de traiter l’autre, l’adulte, son comportement perturbateur. Il n’est, en tout cas, pas question de juger la personne. Nous évoquerons aussi d’autres précautions : banc» au lieu de «Tu descends». Supposons que nous ayons répondu «NON» à une demande et que le jeune insiste tout de même. «Contester, mettre en doute, éventer les pièges » Abstenons-nous de lui répéter ce non une seconde fois. Confrontons-le plutôt sur la manière dont il traite son interlocuteur. «Je t'ai déjà répondu et tu redemandes. Comment se fait-il que tu ne tiennes pas compte de mes paroles?». A l’entretien d’admission, il arrive souvent que des jeunes qui se font renvoyer d’autres écoles (mais aussi des élèves pour qui l’école a mis sur pied des contrats) nous fassent part de leurs «bonnes intentions». «Cette fois, je vais rester tranquille, je ne volerai plus» «Je ne frapperai plus les autres». Mettre en doute la sincérité du jeune permet d’éventer le piège éventuel qu’il nous tend. A nouveau le procédé consiste à confronter son comportement. «J’ai l’impression que tu essaies plus de me convaincre que mettre ton énergie à faire effectivement ce que tu dis. Remarque, je peux me tromper. Mais, tant que tu ne mets pas effectivement en application tes bonnes résolutions, je ne puis te croire. Moi, je ne crois que les gens qui font effectivement ce qu’ils disent.» Cette confrontation évite la «DISCUTAILLE», elle invite le jeune à tenir compte des réalités externes et s'adresse directement à ce qu’il fait : son comportement. Accompagner ces enfants, c’est aussi avoir des principes d’actions et les défendre. Lorsque nous leur imposons une norme, tenons à ce qu’elle soit absolument respectée. «Mais ils n’en veulent pas!», «A quoi bon, puisque de toute façon, ils s’opposent à cequ'on leur dit?,...». C'est que justement, ils nous testent. «Ils n’aiment pas les normes». Notre mission n’est-elle pas de leur donner ce qui leur a tant fait défaut? «Provoquer à bon escient» «Etre congruent» Accordons nos paroles à notre attitude, notre mimique, le ton de notre voix. Exigeons du jeune un contact visuel lorsque nous lui donnons une norme. Employons l’impératif (et non 1’indicatif, comme cela se fait souvent malencontreusement). Disons-lui: «Tais-toi» au lieu de «Tu te tais», «Descends du Salomon Nazielski1 pense que les provocations, plus encore que les confrontations constituent un outil de choix pour susciter ou raviver la motivation à changer. Il faut pour cela 1 Extrait d’une intervention de S. Nazielski au Congrès d’Analyse Transactionnelle organisé par l’IFAT (France) 17 que l’adulte sache «retomber sur ses pattes» devant la réaction du jeune à l’égard de sa provocation. « Sanctionner juste» Sanctionner = rendre sain. La sanction est un «traitement» et non une disqualification. En termes d’analyse transactionnelle, elle doit être administrée au départ de la position «Je sui OK, tu es OK» («Je te sanctionne, non pas parce que tu es mauvais, mais pour que tu cesses de te comporter de manière dommageable pour toi-même et/ou pour les autres»). Le but de la sanction n’est pas seulement d’aider le jeune à prendre conscience du dommage occasionné par son acte et à le réparer. Il est aussi de l'aider à prendre la responsabilité de son acte, à en assumer les conséquences, à en découvrir le sens. Ces sanctions punitives peuvent être passives (gronder, confronter, supprimer des activités attrayantes) ou actives (travaux écrits, services à rendre à la collectivité…). «Doser les gratifications» caractériel comprend que ce que nous approuvons est plus quelque chose que nous aimons que quelque chose d’utile pour lui. Il aura pourtant besoin de notre soutien, mais il faudra bien connaître le type de caresses verbales susceptibles d’être effectivement reçues par lui. Ne perdons pas de vue aussi que les promenades, les excursions, la natation, ... sont généralement mieux acceptées que les paroles encourageantes. Quant aux caresses négatives: elles doivent porter sur le comportement du jeune et non sur sa personne. Agir avec ces jeunes, c’est également les responsabiliser C’est le «MOT-CLE» de tout accompagnement de jeunes caractériels. Salomon Nazielski insiste: «Il faut le permettre et l'exiger». La responsabilité est possible à plusieurs niveaux: Celui de la demande: «Sais-tu que tu ne fais que te plaindre sans rien demander vraiment pour toi-même?» Celui de la gratification demandée lorsqu’elle lui est fournie: «Je t’ai complimenté, comme tu me l’as demandé et ça n’a pas l’air de te faire plaisir». Un piège consiste à donner trop de «caresses positives» (par exemple: un compliment pour un travail bien fait). Elles peuvent être utilisées par Celui de l’adoption ou de le jeune pour rouler l’accoml’apprentissage des compagnant qui les donne: le portements adéquats pour caractériel peut y pulser parvenir à l’obtenir : d’importantes informations «Demande-moi d’abord si sur les zones d’investissement je suis disponible pour te de l’adulte, à les utiliser par donner, et fais des demanexemple pour susciter sa des claires et directes». Ce déception plus tard et l’inviter dernier point suppose le par là à le rejeter: le renoncement à l’escalade, à 18 la manipulation, aux explosions de colère («celui à qui tu demandes n’est pas à ton service; il peut dire OUI comme il a le droit de dire NON»). Il est à noter que responsabiliser le jeune suppose qu’il soit motivé à changer. Or, cette motivation n’est jamais présente au départ. A nous de la susciter.. et de constamment l’entretenir. Cela passe notamment par l’élaboration d’un règlement. Les règles essentielles doivent figurer (non violence et respect des biens et des personnes,..) de même que quelques règles moins indispensables (ne pas jeter les ballons dans les corniches, ...) mais présentées comme tout aussi importantes. Pour les «caractériels», ces règles secondaires servent «d'os à ronger». Tant qu’ils s’y opposent, ils ne s'opposent pas aux règles essentielles (qui, elles, doivent être respectées coûte que coûte). Le règlement doit en outre mentionner que des sanctions «adaptées au cas et à la faute commise sont prévues et spécifier quelles sont les personnes habilitées à les administrer. Il peut être mentionné que certaines d'entreelles sont prises par un conseil de discipline. Personne ne peut déroger au règlement. Toute sanction décidée par l'adulte doit être effectivement appliquée. Il doit être précisé aux jeunes que la personne qui administre une sanction ne fait qu'appliquer un principe décidé par l'ensemble du système institutionnel. Je terminerai ce volet accompagnement en mettant l’accent sur la nécessité d’établir et de maintenir la relation avec le jeune, de susciter et d’entretenir sa motivation. Ces tâches sont cruciales. Elles nécessitent la mise en œuvre de nombreux talents, notamment celui de se rendre COHERENT (donc crédible) par une intégrité globale (sans se mettre en désaccord avec soi-même). Une autre clé sera de fournir en permanence au jeune un haut niveau de stimulation en participant avec lui à des activités sportives, à des voyages, des classes vertes et aussi en le mettant en condition de réussir dans ses apprentissages scolaires. Prendre l’enfant au dépourvu à l’aide de réparties « sonnantes et décontenançantes » ! Exemple : Jeune à l’enseignant : «J’en ai marre de cette boîte à la con. Il n’y a jamais moyen de faire ce qu’on veut ici! On se fait tout le temps ramasser pour des riens! Et puis les profs sont tous crétins». (VICTIMISA TION). Enseignant : «Arrête, tu vas me faire pleurer! Tiens, les mots, à présent, me manquent pour exprimer toute la pitié que j’ai pour toi» Jeune : «Vous ne voudriez quand-même pas que je les considère comme des génies plein de bontés?!». Enseignant : (D’un air détaché): «Moi ? Non, c'est toi qui ne veux pas. Et je trouve ça triste. Mais ça ne va pas bouleverser ma vie. C’est pour toi que c’est triste. Moi, je vais très bien: je ne perçois pas le monde autour de moi «comme crétin et mal intentionné» (PROVOCATION). Jeune : «C’est ça, vous vous en foutez. Vous me laissez tomber». Enseignant : «Non, mon cher. Ce n’est pas moi qui te laisse tomber, mais toi qui te laisses tomber. Moi, je ne fais que te montrer comment tu fais». (RESPONSABILISATION). Enfin, vouloir responsabiliser le jeune, c’est aussi partir de son projet. «Quels sont tes objectifs à très long terme?», «Sur quels talents peux-tu compter pour les atteindre», «Comment pourrais-tu l’empêcher de l’atteindre?» , «De quelle aide as-tu besoin pour éviter de t’empêcher de les atteindre ?» Enseignant : «Je ne me fous pas de toi. Je suis vraiment triste de te voir imaginer que les gens qui t’entourent sont crétins et mal intentionnés». (RESPONSABILISATION). bénéficie du soutien de l’équipe et de sa direction. Bibliographie •= «Analyse Transactionnelle et Psychothérapie», Berne Eric, Editions Payot, 1971. Un des premiers (ou peutêtre le premier) livre d’Eric Berne, le créateur de l’analyse transactionnelle. A conseiller. •= «Des jeux et des hommes», Berne Eric, Editions Stock, 1977. L’ouvrage indispensable pour comprendre les « jeux de manipulation » que nous mettons souvent en place lors de nos relations avec les autres, les différents rôles que nous jouons et que nous faisons jouer à nos « partenaires ». •= «Que dites-vous après avoir dit bonjour ?», Berne Eric, Editions Tchou, Un grand classique indispensable pour comprendre les origines et la création de l’analyse transactionnelle. Jean-François Delsarte •= adjoint Secrétaire général Enseignement Spécialisé (PROVOCATION). Jeune : «Ne vous foutez pas de moi en plus» (d’un air râleur). - Une suite à cet article est prévue dans notre prochain BI. Il portera sur la problématique de l’adulte qui : - a des principes, est congruent ; - « travaille sur lui » ; 19 20