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Dimanche 33e semaine T.O. B
Frère Pierre-Marie
Dn 12, 1-3 ; Ps 15 ; He 10,11-14.18 ; Mc 13,24-32
19 novembre 2006
Saint-Gervais, Paris
Tout passe
« Mes paroles ne passeront pas »
On pourrait être accablé à l’écoute des propos rudes et alarmants
que nous venons d’entendre.
Mais d’une seule parole Jésus nous éclaire et nous réconforte :
Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas (Mc 13,31).
D’emblée, cette affirmation remplit nos cœurs de force et d’espérance.
Mais comment devons-nous l’entendre ?
*
Nous ne savons que trop que ce monde
est appelé à disparaître un jour.
Toute existence d’ici-bas va vers son terme.
L’instant qui vient de s’écouler ne renaîtra jamais plus.
L’avenir plonge inexorablement dans le passé.
On comprend donc que le Christ puisse nous dire sans détours
qu’il y aura un jour une fin pour ce monde.
Alors ?
Au milieu de cette fuite en avant
qui retombe sans cesse vers l’arrière,
où tout semble emporté par le flot éphémère du temps qui file,
y a-t-il une réalité qui puisse survivre ?
Nous l’avons entendu de la bouche même du Christ :
le ciel et la terre devront passer ;
ses paroles à lui ne passeront jamais !
Or, nous pouvons garder sa Parole (Jn 8,51).
Qu’est donc cette Parole immortelle
qui devient pour nous Vie éternelle (6,63) ?
Elle se révèle à nous dans une double lumière :
au niveau humain tout d'
abord,
au plan divin ensuite.
*
Au niveau de notre expérience humaine que voyons-nous ?
Le propre de l’homme est d’être doué de la parole.
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De tous les êtres créés, il est le seul à pouvoir parler.
Il parle à Dieu et il parle à la création.
Il parle à Dieu au nom de la création
et il parle à la création au nom de Dieu (Gn 1,28).
Ainsi, par la parole, l'
homme est-il fait
et peut-il être dit enfant de Dieu (Jn 1,12).
Mais qu’est-ce alors que la parole ?
La parole exprime l’essentiel d’un être.
Le plus intime d’une âme, d’un coeur et d’un esprit
se traduit par la parole.
Et c’est par la parole aussi qu’on atteint au plus profond de chacun ;
et donc à l’expression majeure de l’intelligence, de la spiritualité et de l’amour.
Le meilleur de l’homme, en somme,
se dit par elle, avec elle et en elle.
Mieux encore, avec le langage, oral ou écrit,
l’homme, en quelque sorte, transcende l’espace et le temps.
Il dépasse l’emprisonnement de la durée, la fragilité des jours fugaces.
Plus encore, le langage universalise les esprits
et unifie les coeurs.
Quel dépassement de tout le créé n’est-il pas déjà ici contenu !
On voit clairement, à travers tout cela,
poindre la première lueur d’un vrai mystère.
Là où le monde passe et meurt,
la parole demeure et survit.
Au seul plan humain, n’est-ce pas déjà plus qu’étonnant ?
*
Avec Jésus, on passe au plan divin.
Car Dieu aussi a parlé sur cette terre.
En lui, la parole n’est plus seulement l’expression d’une image divine,
elle est la personne même de Dieu.
Le Fils du Père lui-même est venu dans le monde.
Le Verbe s’est fait chair (Jn 1,14).
Et, à sa lumière, nous apprenons, en pleine lumière,
que la Parole est Quelqu’un (Jn 1,1-9).
Quelqu’un qui a dit ce que personne n’a jamais dit :
Je suis la voie, la vérité et la vie (14,6).
La Vie ? Que nous en dit notre foi chrétienne ?
La vie éclate sans limite dans la parole du Christ
car cette parole est tout d'
abord créatrice.
Au commencement était la Parole
et la Parole était auprès de Dieu
et la Parole était Dieu.
Elle était au commencement auprès de Dieu.
Et le Prologue de Jean continue :
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Tout a été créé par elle et, sans elle, rien n’a été fait.
De tout être, en vérité, la Parole était la vie (Jn 1,1-3).
Comment pourrait-elle donc passer, disparaître,
cette Parole créatrice
qui est non seulement dans l’origine,
mais encore à l’origine de tout l’univers créé (Col 1,15-20) ?
En écoutant les paroles du Christ,
nous rencontrons Quelqu’un.
Quelqu’un qui demeure au coeur du mystère de la vie
tout comme il est à l’origine du monde.
Dès lors les cieux peuvent s'
ébranler,
la mer s’ouvrir et la terre chanceler,
son amour pour nous ne passera jamais (Is 54,10).
Il nous fera donc revivre toujours.
Lazare, sors ! Et le mort se releva à la parole du Christ.
Déliez-le et laissez-le aller (Jn 11,44).
Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas (Mc 13,31).
*
Si cette parole est la seule à pouvoir être immortelle
pour la bonne raison qu’elle est d’abord créatrice,
on peut dire aussi qu’elle atteint à la pérennité
parce qu’elle est à la source de toute vérité.
Elle est également révélatrice.
Toutes les autres paroles humaines
(et il en est de fort saintes, de fort sages et de fort belles),
cherchent, expliquent ou enseignent la vérité.
Jésus, lui, a osé dire : Je suis la Vérité (Jn 14,6).
La Vérité ? Que nous en dit notre foi chrétienne ?
Sa Parole Incarnée, comme celle du Père éternel
est vérité.
Et il nous l’a donnée (Jn 17,14.17).
En quoi aurait-elle jamais menti ?
Oui, en quoi n’aurait-elle pas dit ce qui est vrai ?
Il y a donc, dans ces paroles qui ont la capacité de nous révéler,
non seulement ce que l’œil n’a pas vu,
ce que l’oreille n’a pas entendu
ou ce qui n'
est pas monté au cœur de l’homme,
mais encore tout jusqu’aux profondeurs divines (1 Co 2,9-10),
il y a en elles une puissance d’éternité.
Ce ne sont pas alors simplement des paroles justes et vraies.
Ce sont, avant tout, des paroles immortelles.
Car la vérité est immortelle ou elle n’est pas !
Au cœur de ce monde où tout doit mourir,
nous pouvons donc écouter et redire les paroles
du seul Véritable Dieu (Jn 17,3 ; 1 Jn 5,20 ; Ap 3,7 ; 6,10).
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À qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle (Jn 6,68).
Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passent pas !
*
Il faut dire, pour finir, que si les paroles de Jésus
sont vie, puisque créatrices, et vérité, puisque révélatrices,
elles sont également chemin puisqu’elles sont conductrices.
Le monde, lui, s’en va, mais sans savoir où il va.
Et, si l’homme sait où le conduisent ses pas,
c’est parce qu’il marche à la suite de quelqu’un qui lui a dit :
Je suis la route (Jn 14,6).
La route ? Que nous en dit notre foi chrétienne ?
La Parole de Dieu, à ce niveau, garde encore quelque chose
d’absolument unique au monde.
Elle n’a jamais été écrite de sa main.
Et mille mains, au long des siècles, l’ont transmise et transcrite.
Mais la Parole de Dieu, elle, à travers tout cela,
s’est avancée tout droit.
De partout elle converge vers le Christ.
Et le Christ, en retour, de son Verbe vivant éclaire tout (Jn 8,12).
Pendant 2000 ans la Parole de Dieu a conduit son peuple ;
et l’Écriture sainte a construit une Histoire sainte.
Depuis 2000 ans, elle guide l’Église des baptisés ;
et cette même parole, au long des siècles,
édifie peu à peu le Corps du Christ en son entier.
Cette suite ininterrompue, cette coulée historique jamais tarie
est sans équivalent dans l’humanité.
Quel chemin pour nos vies !
Et qui donc, quand elle a été fidèlement reçue et saintement vécue,
aurait-elle jamais fourvoyé ?
Oui, quel saint l’Évangile aurait-il jamais égaré ?
Et que de pécheurs, comme nous tous,
n’a-t-elle pas ramenés au droit chemin !
Tout passe, certes, et le monde s’en va.
Mais la Parole de Dieu ne vacille pas et ne change pas.
Elle garde le cap.
Les siècles succèdent aux siècles sans que s'
éteigne la voix du Verbe.
Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas !
*
Le monde n’a donc pas à craindre la Parole de Dieu.
Elle l’a déjà créé au premier jour.
Elle pourra le recréer, au dernier jour.
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Si donc nous gardons la parole, nous gardons le monde (Gn 18,16-32).
Elle est la voie !
Si nous croyons à la Parole, nous illuminons la terre (Mt 5,14).
Elle est la Vérité !
Si nous vivons de la Parole, nous passons à travers la mort (Jn 8,52 ; 11,26).
Elle est la Vie !
Frères et sœurs, l'
automne est venu.
À la base de chaque feuille qui tombe,
il y a déjà un bourgeon qui attend.
Du figuier, apprenez la parabole... (Mc 13,28s).
Le monde doit passer.
Mais il dépend de nous qu’il passe vers Dieu (Jn 13,1 ; 2 P 3,13).
Le jour où Jésus a été élevé en croix sous les remparts de Jérusalem,
la vraie fin du monde a commencé (Jn 12,32),
par sa victoire sur le péché et la mort (1 Co 15,54-55).
Et le Christ ressuscité a fait germer,
comme le figuier au printemps (Mc 13,28),
l’espérance d’un monde renouvelé (Ep 4,10-13)
en travail d’enfantement (Rm 8,22).
La voilà donc enfin, la vraie fin du monde !
Et elle n’a pas de quoi nous effrayer.
Le Fils de l’homme est là.
Il se tient à la porte et il frappe (Mc 13,26-29 ; Ap 3,20).
On le verra ! nous a-t-il dit (Mc 13,25).
Saurons-nous lui dire d’entrer ?
Le voilà bien le re-commencement du monde !
Comment ne serait-il pas, pour nous, source de joie ?
Seigneur, je fais vœu de ne plus faire qu’un avec Toi !
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