Note de veille, 20 juin 2012 Première école transgenre

Transcription

Note de veille, 20 juin 2012 Première école transgenre
Note de veille, 20 juin 2012
Première école transgenre en Suède
Une école maternelle suédoise, ouverte en mai 2010, a mis une place une pédagogie
d’indifférenciation des sexes pour lutter contre les stéréotypes dans l’éducation. D’autres
pays comme la France semblent intéressés par ces dispositifs, mais de nombreuses
interrogations demeurent quant à leurs applications pratiques.
En 2010, la première école « transgenre » a vu le jour en Suède. Il s’agit d’une école
maternelle dont le but est de reléguer les différences de sexe au second plan, en considérant
les enfants comme des individus avant de les considérer comme fille ou garçon. Toutefois, la
question de savoir où commence le sexe social et où commence le sexe biologique plane au
dessus de l’initiative.
Dans les faits, ces nouvelles techniques se traduisent par une modification du langage : le
personnel encadrant privilégie le pronom impersonnel « hen » pour qualifier les enfants plutôt
que « han » (il) et « hon » (elle). La place des jouets est soigneusement choisie pour qu’il n’y
ait pas de barrière entre le bricolage et la cuisine, le nettoyage et la construction, etc., les
couleurs sont aussi étudiées pour ne pas qu’elles soient associées à tel ou tel sexe. Enfin, les
histoires racontées aux enfants sont sélectionnées avec attention : les contes de princes et
princesses sont bannis au profit de récits mettant en scène des personnages unisexes 1 ou des
animaux.
Cette initiative s’inscrit dans la loi sur l’enseignement de la petite enfance de 1998, qui
indique que les écoles maternelles doivent « combattre la répartition traditionnelle des rôles
entre les sexes, promouvoir l’égalité et laisser les enfants se forger librement leur propre
identité ».
Selon la directrice de l’école, il s’agit de jouer un rôle sur le sexe social des individus et non
sur le sexe biologique. La question n’est donc pas de gommer les différences mais plutôt de
traiter identiquement tous les individus pour qu’ils puissent se forger une personnalité hors
des questions de genre. Actuellement, 33 élèves sont inscrits dans cette école et, bien que de
nombreux parents suédois soient contre cette initiative, la liste d’attente pour y inscrire son
enfant s’allonge de jour en jour.
En France, un projet semblable a vu le jour à Saint-Ouen, à la crèche Bourdarias, où le
personnel a suivi une formation avec des pédagogues suédois pour déconstruire l’espace de
jeu des enfants, de la même manière qu’à Egalia. Le Conseil général de la Seine-Saint-Denis
souhaiterait étendre ce modèle à d’autres villes en inscrivant l’éducation à l’égalité fillesgarçons dans son nouveau projet départemental des crèches. Un partenariat est en cours avec
1
Voir « Un héros ni fille ni garçon », Courrier International, 21 février 2012. URL :
http://www.courrierinternational.com/article/2012/02/21/un-heros-ni-garcon-ni-fille
© Futuribles, Système Vigie, 20 juin 2012
1
l’Éducation nationale pour assurer le suivi de ces élèves à l’école maternelle et primaire 2.
Ainsi, il sera possible de constater si les habitudes scolaires sont modifiées par ce type de
pédagogie, et si la mentalité des élèves est différente de celle des enfants ayant suivis un
cursus traditionnel. Toutefois, il sera relativement difficile de différencier le rôle qu’a joué
l’école dans la modification des comportements du rôle qu’ont joué les familles (qui ne sont
pas neutres, puisqu’elles ont fait le choix de ce cursus pour leur enfant).
Les avis sur le bien-fondé de cette pédagogie divergent, l’école n’occupant pas les enfants à
plein temps, ces derniers auraient largement le temps de côtoyer la répartition traditionnelle
des tâches, le risque serait que cette incohérence perturbe les enfants alors en plein quête
d’identité 3. Par ailleurs, dès que les enfants d’Egalia quitteront l’école primaire, ils côtoieront
d’autres enfants n’ayant pas suivi le même cursus, ce qui pourrait entraîner une certaine
incompréhension entre les élèves.
Le réel problème de ce dispositif repose sur l’utilisation du pronom indifférencié : en
évacuant la distinction entre fille et garçon dans le langage (en disant l’enfant plutôt que la
fille ou le garçon, par exemple), on évacue toute référence à une différence physique bien
réelle et il y a donc bien confusion entre sexe social et sexe biologique. Par ailleurs, s’il est
entendu que l’objectif de ces nouvelles méthodes est d’éviter la reproduction des inégalités
hommes / femmes, qu’en est-il des questions de genre dans le langage ? Le but est-il à terme
de supprimer toute référence au genre ?
Enfin, il semble étrange de changer le comportement des enfants (en bannissant les pronoms
il et elle) alors que ces enfants n’ont a priori pas (encore) de comportements sexistes. La
méthode fondée sur la prévention des stéréotypes et sur l’égalité des sexes a vu le jour, en
Suède, au milieu des années 1990 : des chercheurs avaient alors filmé deux classes de
maternelle 4 et relevé les inégalités de traitements entre filles et garçons (un espace plus
important était réservé aux garçons qui suscitaient davantage l’attention, etc.). La mise en
place de formations afin de modifier les comportements (involontairement) sexistes des
instituteurs pourrait être une ébauche de solution.
Pour le moment, il n’est pas question de généraliser le dispositif en Suède mais, dans tous les
cas, il sera intéressant de voir comment vont évoluer les enfants d’Egalia suite à cette
expérience.
Laurie Grzesiak
2
Voir « Le sexisme n’a pas d’âge : lutter contre les stéréotypes… À tous les âges ! », 8 mars 2012. URL :
http://www.seine-saint-denis.fr/Le-sexisme-n-a-pas-d-age-Lutter.html.
3
HEBBLETHWAITE Cordelia, « Sweden’s “Gender-neutral” Pre-school », BBC News, 7 juillet 2011. URL :
http://www.bbc.co.uk/news/world-europe-14038419.
4
CONSEIL DE L’EUROPE, Promoting Gender Mainstreaming in Schools: Final Report of the Group of Specialists
on Promoting Gender Mainstreaming in Schools, Strasbourg : Conseil de l’Europe, 2004, 106 p.
© Futuribles, Système Vigie, 20 juin 2012
1