Un jour terne mourait devant moi. Et depuis ma plus haute tour, je
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Un jour terne mourait devant moi. Et depuis ma plus haute tour, je
……………………………… Un jour terne mourait devant moi. Et depuis ma plus haute tour, je pouvais enfin regarder un soleil affaibli et comme aspiré dans du néant. Le ciel puis l’horizon s’étaient débarrassés de cet astre pesant sur mon âme. Je souris à la lune, superbe, qui gravissait les cieux étincelants d’étoiles et de magie. Une lune, belle, puissante et pleine qui allait une fois de plus régner avec moi sur mon royaume de solitude, de noirceur et de pourpre. La nuit était mienne… je revivais, enfin. Un feu dans la cheminée jetait des ombres sur les murs. Je fixais les flammes ardentes et belles et j’avais le souvenir d’une silhouette. Et le feu apaisait le sang qui bouillait dans mes veines. Cette silhouette … si je pouvais mettre un visage sur ce frêle et brumeux souvenir. J’avais la nette sensation d’en avoir été si proche. Je contemplais toujours les flammes dans l’âtre, elles s’agitaient en une transe hypnotique. J’essayais en vain de me souvenir, j’étais si près du feu. Mon esprit torturé esquissait mille visages alors que la chaleur étreignait mon être. Qui était-ce ? Et pourquoi étais-je torturé de la sorte ? Mon serviteur s’était approché et m’avait servi un verre de vin. Je portais un toast à la mémoire de mes ancêtres qui avaient tous vu le jour dans ce château perdu au milieu d’une dense et sinistre forêt d’arbres plusieurs fois centenaires. Le vin jouait avec les reflets des flammes qui traversaient le verre et des taches rougeoyantes caressaient les murs, et à chacun de mes mouvements, c’était comme si les murs eux-mêmes saignaient. Et les murs se souvinrent des cris et des plaintes que l’on fait taire. La nuit avançait et sa robe devenait de plus en plus sombre. J’étais toujours près de la cheminée et bercé par la chorégraphie envoûtante des flammes. Rêveur, j’étais à des lieues de ma demeure et toujours le regard fixé sur le feu. Je vagabondais dans un apparent paysage de quiétude. Des petites maisons, des auberges, des couples qui se promènent le soir, tard, trop tard. Une petite ville malgré tout où protéger sa vie était imposé par le fléau qui asservissait leur petit monde. Je soupirais une fois de plus devant le foyer dans lequel les flammes se tordaient de douleur, elles étaient arrivées au paroxysme de leur gracieuse et maudite exaltation. Moi, j’étais arrivé au terme de ma nuit, et l’aube, cruelle aurore, me renvoyait dans l’agonie d’un jour qui se lève. Je devais me cacher, fuir cette lumière que je ne méritais plus, que je ne méritais pas finalement. Alors, amer, je me cloîtrais dans la partie la plus noire du château et, rêveur, j’attendais une nouvelle nuit, toujours plus belle, plus sublime que la précédente. Et dans mes profondeurs, dans mes abysses encres, mon esprit volait à travers les âges et les lieux. Toujours obsédé par la silhouette qui avait réapparu un peu plus tôt, je rêvais d’autres éternités, plus belles que celles que je connaissais alors, je rêvais d’une lumière que je pourrais supporter, je rêvais de cette silhouette esquissée par ma propre conscience. Des rêves torturés qui m’étouffaient et emprisonnaient mon corps si souvent meurtri par les affres de la vie, et de la mort elle-même. Et la nuit se révélait à nouveau. Et la lune me baignait de sa tragique et blanche lumière qui étalait toute sa beauté sur mon royaume de finitude et de noirceur absolue. Le feu dans la cheminée brûlait de tout son soûl, et les loups, fidèles compagnons de la nuit, hurlaient la mort en une frénésie tourmentée. Je pensais rêver à de ténébreuses métamorphoses face à ce feu qui incendiait scrupuleusement mon âme. Et puis j’avais le goût du sang sur mes lèvres, et dans ma tête résonnaient hurlements et lamentations et toujours le souvenir d’une silhouette. Un autre soir, du bruit se fit entendre dans la cour de mon château. Une calèche tirée par six chevaux s’arrêta. Il en sortit deux femmes et un homme. Je les croyais perdus, je les pensais déjà perdus. Ils frappèrent à ma porte, mon serviteur alla les accueillir et ils pénétrèrent tous trois l’antre qui abritait ma famille depuis de trop longs siècles. Puis, ils se firent introduire dans la grande pièce où j’étais, là où des flammes superbes déjà dévoraient sans remord d’énormes bûches. Je me détournai du feu afin de les voir. La silhouette qui tourmentait mes rêves et mes pensées, c’était elle, elle qui se tenait un peu en retrait de l’homme et de l’autre femme. Mes souvenirs infidèles me déchiraient les entrailles, la silhouette, c’était elle, mais qui était-elle ? Serais-je condamné à vivre éternellement sans une trace de mes souvenirs d’alors ? Mais comment faisais-je pour supporter ma sombre vie alors qu’un Dieu que je haïssais de toute ma souffrance ne voulait pas me rendre mes souvenirs. Je payais le lourd tribut de ma condition d’homme qui ne pouvait vivre que dans les ténèbres les plus noires de peine, se nourrissant de sang et de larmes. Alors, en la voyant me dévisager comme elle le faisait, je sus immédiatement que dans ma noire mansuétude, j’épargnerais pour un temps la vie des deux autres et les laisserais, tous les trois, repartir le lendemain. Mais pour elle, elle dont la blancheur de la peau me troublait, elle dont les yeux pénétraient mon âme, elle dont les charmes sans égal sur terre doucement m’envoûtaient et liquéfiaient mon cœur, pour elle, j’offrirai mon éternité. …………………………