Faire un bébé toute seule.

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Faire un bébé toute seule.
Faire un bébé toute seule.
De plus en plus de femmes célibataires ont recours à des procréations médicalement assistées
(PMA) pour avoir un enfant avant qu'il ne soit trop tard. Un don de sperme donne lieu à une
insémination artificielle ou une fécondation in vitro (FIV). En France, 23.000 bébés naissent
chaque année grâce à ces techniques, soit 3% des naissances en 2013. Mais elles sont
réservées aux couples hétérosexuels. Seule solution pour les lesbiennes et les femmes seules:
aller à l'étranger, comme en Espagne ou en Belgique. En sortant du cabinet, Alexandra songe à
l'adoption. Des mois de démarches, mais l'agrément lui est refusé. Le temps presse et la
gynécologue prévient: "Il vous reste trois mois pour avoir un enfant, ne perdez pas votre temps,
allez en Belgique
". Elle n'y avait jamais songé.
La Belgique, en 2012, est une libération. "Mes rendez-vous pour adopter étaient tous
déprimants, là on me dit que je suis prioritaire." Trois mois plus tard, elle tombe enceinte. Des
jumeaux naissent mi-2013. Un docteur dit à la jeune maman: "ils trouveront un papa plus tard
".
'Toutes avec le même profil'
Si les défenseurs des droits des homosexuels réclament régulièrement l'ouverture de la PMA
aux couples de lesbiennes, les femmes seules aspirant au même droit font moins parler d'elles.
Difficile de savoir combien de Françaises seules font une PMA à l'étranger. "C'est de plus en
plus fréquent
",
juge Brigitte Letombe, présidente d'honneur de la Fédération nationale des collèges de
gynécologie médicale. "
De plus en plus de femmes sont autonomes d'un point de vue financier et peuvent envisager, si
elles n'ont pas de partenaire stable, d'avoir un enfant seule
." "
C'est relativement anecdotique par rapport aux couples de lesbiennes",
nuance Joëlle Belaïsch Allart, gynécologue à Sèvres (Hauts-de-Seine).
Vanessa, qui y a eu recours, s'étonne elle du nombre de femmes en quête de renseignements.
"J'en ai eu une dizaine au téléphone. Des amies d'amies, toutes avec le même profil: hétéros, la
quarantaine, sans mec ou avec un mec hésitant... "
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Pour Vanessa aussi, tout a commencé chez sa gynéco. Une mère à la ménopause précoce,
une tante qui a eu un cancer des ovaires... A 33 ans, elle fait des tests de fécondité. Qui se
révèlent très mauvais: "six mois pour faire un enfant". C'est un choc. "Je me suis toujours
imaginée avec des enfants"
, dit-elle.
Vanessa, célibataire, n'envisage pas d'adopter. Elle consulte des spécialistes en Espagne, en
Belgique, aux États-Unis. A Paris, elle se souvient de salles d'attente remplies "
de nanas de 40 ans qui pianotent sur leur Blackberry
". Ses pérégrinations se terminent à Los Angeles, où elle bénéficie d'un don de sperme. "
J'ai dû vendre mon appartement pour financer le projet et abandonner mon boulot pour me
libérer du temps
." Cinq FIV, deux fausses couches et neuf mois plus tard, Vanessa tombe enceinte pour de
bon. Elle connaît "
tout du donneur de sperme". "J'ai son dossier médical sur trois générations. J'en sais plus que
si c'était mon mec", rigole-t-elle. Aux États-Unis, "si vous voulez un donneur chinois juif et
joueur d'accordéon, c'est possible
..."
Pour elle, sans cette PMA, elle n'aurait jamais été maman: "en France, le don de sperme est
réservé aux couples et les doses d'hormones autorisées auraient été trop faibles dans mon cas
".
Seule, la détresse est colossale.
Les deux femmes parlent d'une épreuve qu'elles ont dû affronter seules. Face à un problème de
fécondité, "il y a une détresse colossale et on ne sait pas vers qui se tourner, on est perdues",
dit Vanessa, les gynécos ont tendance à dire "
allez voir à l'étranger
". Il y a aussi les piqûres dans le ventre, les shoots d'hormones qui remuent corps et esprit. "
On est très fragiles, on se retrouve seule chez soi à hurler dans un coin
", lâche Vanessa. Après, ce sont les nuits de pleurs, les biberons de 04H00 à gérer seule.
"Élever des jumeaux toute seule, je ne le conseille à personne", dit Alexandra. "
Mais je n'ai jamais regretté ma décision
." En guise d'explication, elle écrit tout dans un carnet qu'elle donnera aux enfants plus tard.
Vanessa, elle, a rencontré un homme qui était "
un peu comme un papa
" pour sa fille. Mais ils se sont séparés.
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Les deux mamans portent un regard dur sur une "situation française complètement dingue",
dixit Vanessa. "Nos politiques sont hypocrites, ils savent très bien que les gens partent en
Belgique. Ce système très conservateur est à bout de souffle",
juge Alexandra.
Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes comme le Défenseur des droits ont
recommandé d'étendre la PMA à toutes les femmes, sans discrimination.
Mais Vanessa reste pessimiste: "On en est très très loin. C'est triste. Pour aller à l'étranger il
faut des moyens que plein de femmes n'ont pas
", souligne
cette ex-directrice générale de PME. La procédure a coûté 2.000 euros à Alexandra, beaucoup
plus à Vanessa.
L'accès à la PMA permettrait de faire cesser des pratiques d'un autre âge. "Beaucoup de
femmes seules se débrouillent autrement
", explique Michèle Scheffler, présidente de la Fédération nationale des collèges de gynécologie
médicale. "Elles récupèrent le sperme d'un homme, un ami, et elles se font elles-même une
auto-injection.
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