D-un(e)-prof-a-l-autre-Numero-69-Juillet-aout-2014

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D-un(e)-prof-a-l-autre-Numero-69-Juillet-aout-2014
Numéro 69
69 – Juillet-aout
Juillet-aout 2014
Bonnes vacances !
Au sommaire ce mois-ci :
p. 2
p. 5
p. 10
p. 12
p. 16
Former à l'oral expressif : la lecture-spectacle
Le kamishibaï : un outil pour développer l'écriture et l'oralité
Quand les technologies s'invitent à l'école : (1) Le TBI
Heureux qui, comme Ulysse...
Lu dernièrement
D'un(e) prof ... à l'autre
La lettre du bac en français de HELMo Sainte-Croix
61, Hors-Château – 4000 Liège
Comité de rédaction : Sylvie Bougelet, Aurélie Cintori, Pierre-Yves Duchâteau, Jean Kattus
Informations – abonnement – numéros précédents :
www.helmo.be > formation continuée > D'un(e) prof à l'autre
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Former à l'oral expressif : la lecture-spectacle
Lire un texte littéraire à voix haute, avec expressivité, est sans conteste une compétence attendue
des professeurs de français. C'est la raison pour laquelle, dans le cadre de leur cours de didactique
de l'oral, les étudiants de 3e année ont donné cette année une lecture-spectacle de textes qu'ils
avaient réunis autour du thème de la femme. Grâce à ce projet, chacun a pu progresser. Décryptons
l'organisation adoptée, transposable directement dans les classes de l'enseignement secondaire.
Etape 1 : Découvrir de ce qu'est une lecture-spectacle
Chaque année, les étudiants bénéficient d'un programme culturel constitué notamment de
différentes sorties : musée, théâtre, spectacle de danse, séance de contes, concert parfois. En 3e
année, ils ont assisté à une lecture-spectacle de textes de chansons dites engagées, donnée dans le
cadre du festival « Les Parlantes1 ». Ils ont ainsi pu découvrir une forme théâtrale nouvelle, qui
possède des caractéristiques particulièrement intéressantes si on souhaite l'exploiter pour enseigner
aux élèves le travail de la voix :
- souvent, la scénographie s'éloigne de celle du théâtre classique où spectateurs et acteurs occupent
des lieux différents, isolés l'un de l'autre, la salle et la scène. Une lecture-spectacle peut ainsi avoir
lieu dans une librairie, une cafétéria ou tout autre lieu non initialement prévu pour y donner des
représentations théâtrales.
→ ce type de spectacle peut donc facilement être organisé dans une école, sans infrastructure
particulière. En ce qui nous concerne, nous avons choisi une grande salle de cours, dans laquelle les
30 étudiants se sont répartis au milieu des spectateurs (une cinquantaine, parents, amis et
professeurs) regroupés autour d'une dizaine de tables. Chacun se levait, tout simplement, au
moment de lire son texte.
- les acteurs/lecteurs, bien qu'ayant évidemment répété soigneusement leur texte et l'ayant
parfaitement intégré, gardent leurs feuilles sous les yeux et lisent à voix haute.
→ pas de travail de mémorisation à proprement parler pour les élèves, et niveau moindre de stress.
Loin de nous l'idée que la mémorisation soit inutile, même dans ce cas, mais elle se fera ici
naturellement et progressivement.
- les déplacements sont inexistants ou très limités ; pas de décor, pas de costume ; en principe, pas
de bande-son ni d'accessoires.
→ tout le travail peut se concentrer sur la voix et sur les seuls éléments de l'image corporelle qui
contribuent à l'expressivité : le regard, les gestes des mains, les éventuelles mimiques.
Etape 2 : Travailler la technique vocale
Si ce travail technique peut gagner à être mené avec une quinzaine d'élèves seulement, nous l'avons
quant à nous mis en place tous ensemble, en deux heures, guidés par Malou Buchet, professeure
dans l'option « arts du spectacle » d'un collège voisin de HELMo. Voici donc quelques principes et
points forts de cette animation.
La voix au théâtre n'est pas une voix ordinaire, celle de tous les jours : c'est une voix théâtralisée,
qui doit être PRO-CLAMÉE, c'est-à-dire « projetée » vers les auditeurs du public, souvent éloignés,
pour toucher leurs oreilles et leur coeur. Pour pouvoir produire cette voix théâtralisée, il faut
prendre conscience de soi-même (son corps, sa voix), acquérir peu à peu de l'assurance et oser être
1
http://www.lesparlantes.be/
2
créatif. Ci-dessous quelques-unes des pistes que nous avons suivies.
- la RELAXATION
Exercice de relaxation assis sur une chaise (salle obscurcie, yeux fermés pour ceux qui le
souhaitent) : emmené par la voix de l'animateur, chacun prend conscience du poids de ses membres
en les mobilisant et/ou en passant sa main sur eux : tête, nuque, épaules, torse, bras, avant-bras,
mains, cuisses et jambes, mollets et pieds.
Ensuite, même exercice debout, bien ancré dans le sol sur ses deux jambes légèrement écartées, en
faisant bouger chaque partie du corps. Terminer en laissant tomber son corps vers l'avant et en le
relevant, en le « dépliant » lentement.
- la RESPIRATION
La voix nait dans la « soufflerie du corps », les poumons, avant de passer par les cordes vocales. Il
importe donc d'apprendre à respirer profondément (= respiration ventrale) pour donner de la
consistance et de la puissance à sa voix théâtralisée. Chacun s'efforce donc d'emmaganiser un
maximum d'air dans le fond des poumons, puis d'expirer lentement. Peu à peu, on laisse vibrer
librement les cordes vocales, en émettant sur le souffle un long son proche du a, créant ainsi une
« cathédrale de sons ».
- le VOLUME et la POSE DE VOIX
Prononcer tous ensemble
- bikini (voix très aigüe)
- maillot (registre moyen)
- tuba (voix très grave, courbe intonative descendante).
En cercle, chacun, l'un après l'autre, dit en posant sa voix Je m'appelle + son nom de façon
habituelle, puis en le proclamant pour que ceux qui sont tout au fond du local se sentent interpellés.
Même exercice avec une phrase courte, au choix, que l'on a envie de dire au groupe.
- l'ARTICULATION et la DICTION
De nombreux exercices peuvent être proposés, comme les virelangues. Soigner en particulier les
liaisons obligatoires :
Je veux et j'exige d'exquises excuses.
Veiller à l'articulation précise des nasales :
Dans ce long et lent wagon, on sent des relents pénétrants de harengs
ATTAQUER les consonnes et FAIRE SONNER la consonne finale :
DAC, DOC, DIC, DEC, DUC
PLAK, PLOK, PLIK, PLEK, PLUK
SPRATCH, SPROTCH, SPRITCH, SPRETCH, SPRUTCH
Dire en boucle, en veillant à l'articulation, au rythme et à la musicalité :
Quand j'y songe, mon coeur s'allonge,
3
Comme une éponge que l'on plonge
Dans un gouffre où l'on souffre
De tourments si violents que
Quand j'y songe, etc.
- Une ACTIVITÉ DE SYNTHÈSE pour l'articulation, la musique et la créativité dans la mise en
scène : les élèves répètent en sous-groupes de quatre personnes pendant cinq minutes. Puis chaque
élève dit et interprète devant le grand groupe un vers du poème de Verlaine, et ceci de façon
créative. Attention aux [R] et aux [yi].
Ô bruit doux de la pluie
[bR] [yi]
[pl][yi]
Par terre et sur les toits
[R] [R] [R]
Pour un coeur qui s'ennuie
[R]
[R]
[yi]
Ô le bruit de la pluie
[bR] [yi]
[pl][yi]
Etape 3 : Choisir le thème et les textes
Faisons confiance aux élèves pour proposer des thèmes pour le spectacle : une belle occasion pour
le groupe d'apprendre à débattre en avançant des arguments et à prendre une décision de façon
démocratique2. Une fois le thème décidé, chacun choisit un texte (un poème, une chanson qu'il
aime...) en relation avec le thème et le soumet au groupe. Sans doute avec des élèves jeunes sera-t-il
intéressant de construire soigneusement le sens de chacun de ces textes et de les évaluer en termes
d'intérêt intrinsèque, de valeurs véhiculées, etc. Une ouverture donc vers une riche séquence de
lecture. Bien entendu, c'est aussi l'occasion pour l'enseignant de mettre les élèves en contact avec
des textes qu'ils ne connaissent pas, issus du patrimoine littéraire notamment : une ouverture vers
l'histoire littéraire cette fois. Une règle en tout cas : il s'agit que l'élève aime suffisamment le texte
qu'il lira pour avoir envie de le « donner » au public, dans une démarche généreuse de partage de
son propre plaisir de lire3.
Etape 4 : Organiser et donner le spectacle
Plusieurs points restent à régler, une fois les textes choisis :
- assurer la cohérence du spectacle en regroupant les textes autour de sous-thèmes ou en fonction de
leur tonalité. Veiller aussi à la cohérence de la tenue vestimentaire des lecteurs, par exemple en
jouant sur la couleur des vêtements.
- choisir le lieu du spectacle et la scénographie, minimale comme expliqué précédemment. On peut
aussi ponctuer la lecture-spectacle par quelques projections de diapositives et/ou quelques moments
musicaux.
- écrire les invitations et composer l'affiche.
- répéter sur le lieu du spectacle, en veillant tout particulièrement aux éléments suivants : un débit
qui ne soit pas trop rapide, un volume suffisant et des pauses judicieusement placées dans les textes.
Insister aussi sur l'importance de garder un contact visuel avec le public.
QUE LE SPECTACLE COMMENCE !
Jean KATTUS
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3
= un autre apprentissage de l'oral. Voir les outils proposés dans le manuel Repérages 4, Van In, 2005.
Daniel PENNAC, Comme un roman. Gallimard,
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Le kamishi... quoi ?
Le kamishibaï : un outil pour développer l'écriture et l'oralité
Corentin PAUMEN a découvert le kamishibaï lors de sa 2e année d'études. Ce petit théâtre ambulant
japonais, détourné à des fins pédagogiques, l'a séduit au point qu'il en a construit un lui-même et
qu'il a décidé de centrer son TFE sur l'étude de ses possibilités. Une réussite, qu'il vous explique cidessous.
Un outil qui vient de loin
Monsieur, qu'est-ce que c'est, la boite dans votre sac ?
Ce fut la première question posée par l'ensemble des
élèves, la première remarque traduisant une vive
curiosité face à un outil jamais rencontré. Un intérêt
soutenu jusqu'à la révélation d'un théâtre sobre en
apparence, mais porteur de nombreux mystères. Il faut
attendre l'ouverture de ses portes pour commencer à
apprendre et à rêver....
Les observations qui suivent sont issues de
l'expérimentation que j'ai menée au premier degré
différencié dans le cadre de mon TFE. Ces pratiques et ce projet s'étalent sur une période de quatre
semaines et montrent l'intérêt d'utiliser cet outil dans le développement de deux compétences
langagières générales : écrire des textes narratifs et les lire à voix haute.
Tout d'abord, avant d'approfondir la question, il est utile de présenter le kamishibaï et son
fonctionnement. Le kamishibaï ou théâtre d'images, de « kami » (papier) et « shibaï » (théâtre), est
né au Japon au VIIIe siècle. Pendant plusieurs années, il ne cessera d'évoluer dans ses contenus et
son utilisation. Autrefois utilisé par les moines bouddhistes afin de convertir la population et par
l'armée pour diffuser sa propagande, il devint rapidement l'outil qu'il est aujourd'hui. De nos jours,
le kamishibaï est un support servant à raconter diverses histoires. L'ancêtre de la télévision
fonctionne à la manière du théâtre : un encadrement (appelé butaï) délimitant fiction et réalité, une
histoire, une ouverture et une fermeture de rideau.
Son intérêt pédagogique ? D'une part, son utilisation est relativement simple pour des élèves du
premier degré. D'autre part, il offre une dimension dynamique et créative. En effet, son
fonctionnement repose sur la lecture à voix haute d'un texte mis en images sur des planches
cartonnées. Le recto de chaque
planche, orienté vers le public,
contient une illustration proposant
un moment du récit. Le verso, quant
à lui, est face au conteur et contient
le texte de l'histoire. Les planches
sont insérées dans une rainure située
sur le côté du butaï, dans laquelle
l'élève introduira au fur et à mesure
chaque planche qu'il vient de
raconter.
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L'utilisation du théâtre d'images connait déjà un succès en bibliothèque et auprès d'un jeune public
et personnellement, j'ai trouvé pertinent de le mettre au service des apprentissages dans le premier
degré différencié. Plusieurs raisons soutiennent ce choix.
Premièrement, il est intéressant de placer les élèves dans une entreprise
collective, dans un projet qui sera la preuve palpable de tout ce qu'ils ont
construit comme savoirs, savoir-faire et savoir-être. Cette démarche apporte
une dynamique supplémentaire. En effet, les élèves manipulent un objet
concret, ils réalisent des planches (textes et images) et leur créativité est donc
prise en compte. Deuxièmement, le kamishibaï propose une méthodologie où
l'élève est actif par son utilisation d'un outil, mais également par le travail de
groupe qu'il va effectuer afin de raconter des histoires et d'en écrire. Chaque
élève est avant tout un acteur du projet, il le façonne et le bâtit en composant
les textes avec ses condisciples et avec l'aide de l'enseignant. Ce dernier sera
là afin de s'assurer que le projet se déroule sans encombres, pour outiller les élèves avec des
connaissances, les évaluer formativement, les guider et enfin relancer le projet si les élèves s'égarent
durant la réalisation de celui-ci.
Une tâche complexe : l'écriture
La première compétence ciblée sera l'écriture. En effet, suite à un travail de compréhension d'un
genre de texte, le conte du pourquoi, les élèves sont répartis en trois groupes afin de créer chacun
leur conte. L'écriture est couplée à la lecture dans une démarche de littératie : les élèves lisent et
analysent un genre pour transposer les connaissances qu'ils ont construites dans la production d'un
nouveau texte.
Mais on peut se poser légitimement la question suivante : quel est l'intérêt particulier d'aborder cette
liaison lecture-écriture avec le kamishibaï ? En effet, un enseignant peut travailler simplement ce
principe avec tout texte. Néanmoins, le théâtre d'images offre une approche plus stimulante, car la
dimension théâtrale de l'outil capte l'attention des élèves qui seront davantage dans une démarche
motivante bénéfique à la construction des apprentissages.
Cependant, avant que les élèves ne commencent à produire du concret, il est important de planifier
ce qu'ils vont mettre en œuvre pour écrire. Il est donc idéal de rendre explicites les opérations qui
permettent de créer un texte et de faire prendre conscience à l'élève qu'il est face à une tâche
complexe, mais qu'il peut être plus confiant en constatant ce qu'il peut et doit mettre en place pour
écrire avec une relative qualité et en prenant du plaisir.
LA PLANIFICATION
LA RELECTURE-RÉÉCRITURE DU TEXTE
Relecture de l’écrit : confrontation au
Analyse de la tâche à effectuer : buts,
projet
initial
et aux normes de référence
situation de communication, conditions de
Réécriture éventuelle : apports de
réalisation.
Choix d’un genre de texte et d’un plan modifications (remplacer, ajouter, supprimer,
d’action (gestion du temps, des outils et des déplacer).
supports, des aides et des recherches éventuelles à
effectuer).
Début de mise en œuvre (élaboration de
contenus, hiérarchisation et organisation).
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LA RÉDACTION
L’ACTE GRAPHIQUE
Rédaction du texte à différents niveaux.
Gestion de la graphie dans ses dimensions
physiques et visuelles : postures, maniement de
l’outil et du support, maitrise du tracé et de la
lisibilité, représentation visuelle du texte.
Les quatre opérations d'écriture, Guide pratique du Cadre de référence 1er degré différencié.
Une fois des consignes claires, des contraintes et des objectifs donnés, les élèves vont s'atteler à la
rédaction d'une histoire en mettant en place les apprentissages réalisés : le schéma narratif, les
organisateurs temporels, la conjugaison adéquate…
Par ailleurs, lors de la planification de ce projet, il est crucial de rassurer les élèves sur ce qu'ils vont
réaliser. L'évaluation formative ou « suivi » formatif (le terme évaluation a pour conséquence de
stresser les élèves, car ils associent ce mot à des points) est là pour renseigner les élèves sur leurs
progrès, les points à travailler, les pistes à explorer. Il ne faut pas hésiter à valoriser les élèves (sans
exagération) et à encourager chaque essai. Ces feedbacks placent ainsi la classe dans un processus
de relecture et de réécriture : l'élève se questionne et réfléchit sur ce qu'il peut améliorer et comment
le faire.
Le travail en groupe, quant à lui, va appuyer ce questionnement et susciter des interactions entre les
élèves. Pour reprendre les propos de l'un d'entre eux : C'est comme le foot, en fait : on construit
pendant un moment, on fait des passes, puis on savoure le résultat. C'est néanmoins une dimension
avec laquelle les élèves du degré différencié où j'ai mené mon expérimentation étaient peu
familiarisés. Ce dispositif nécessite un cadre et des consignes très claires afin de pouvoir être mené
efficacement.
Enfin, la dimension graphique prend toute son importance dans ce projet. L'élève va devoir
davantage soigner son écriture et en gérer la dimension physique (objet, planches) et visuelle
(illustrations représentatives du texte).
L'oral et la confiance en soi
L'écrit occupe donc une grande place dans l'aboutissement du projet. Toutefois, il ne faut pas
négliger l'oralisation des textes produits. Pour ce faire, un travail régulier est à mener avec la classe
afin de faire découvrir à chacun les paramètres qui contribuent à une lecture à voix haute de qualité.
L'écrit se centre sur l'aspect verbal d'un texte : la cohérence, l'organisation, la syntaxe. L'oral, quant
à lui, traite le paraverbal (l'intonation, l'articulation, le débit, le volume) et le non-verbal, limité dans
ce cas puisque le lecteur est dissimulé en partie derrière le butaï.
Une fois ces critères découverts, on peut en exercer la maitrise à travers des ateliers tournants pour
soutenir une dynamique, maintenir le mouvement dans la classe afin que les élèves comprennent
que lorsque l'oral est abordé, on travaille également ! Ces exercices vont aussi aider les élèves dans
la socialisation de leurs écrits à l'ensemble de la classe.
A noter que le kamishibaï agit comme un écran protecteur entre l'élève et le public. Le conteur se
trouve derrière l'outil en position assise, il peut ainsi mettre sa timidité de côté pour investir
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pleinement son énergie et sa concentration dans la lecture à voix haute.
En bref !
Le théâtre d'images est un outil efficace pour construire des apprentissages et développer des
compétences. Il intègre l'ensemble dans une entreprise collective où la participation de chacun est
importante. C'est également l'occasion de faire découvrir aux élèves un dispositif inédit, dynamique
et motivant.
Toutefois, il est crucial de planifier de manière optimale le projet, afin de le mener dans de bonnes
conditions, en identifiant clairement les objectifs poursuivis et en donnant du sens à ce que les
élèves vont construire. Si on procède de cette façon, la mise en route sera plus rapide, avec un
cheminement explicite pour la classe. Mais bien sûr, cette démarche demande du temps si l'on
souhaite exploiter et développer chaque compétence de manière optimale.
En conclusion, la concrétisation des apprentissages ainsi que l'aspect manipulable et palpable du
kamishibaï font de lui un instrument riche en possibilités. Il montre aux élèves en manque de
confiance ou insécurisés face à des taches complexes comme écrire et parler qu'ils sont tous
capables !
Un exemple de réalisation
Corentin PAUMEN
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Pendant vos vacances, construisez votre butaï !
Quelques planches, des vis, de la colle et une scie sauteuse suffisent ! Seul(e), avec votre
compagnon/compagne, avec vos enfants, un peu de bricolage avant d'inventer et de dessiner des
histoires à se raconter : rien de mieux que le petit écran du Kamishibaï pour faire suite à
l'engouement de la coupe du monde ! Et en septembre, votre matériel sera prêt pour emmener vos
élèves dans l'aventure...
Plusieurs sites donnent des explications très précises : vous pourrez même choisir votre modèle !
•
http://www.lejardindekiran.com/fabriquer-un-butai-modele-pour-kamishibai-traditionnel/
•
http://www.lejardindekiran.com/fabriquer-un-butai%CC%88-mode%CC%80le-pour-lekamishibai-de-lenfant-conteur/
Jean KATTUS
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Quand les technologies s’invitent à l’école...
(1) Le tableau blanc interactif (TBI)
Autre TFE particulièrement riche, celui de Noémie Jacquinet. Elle nous donne ci-dessous un avantgout de son travail de recherche, lequel portait sur l’utilisation du tableau blanc interactif en
didactique des langues étrangères.
Aujourd’hui, les médias affectent tous les domaines de la vie : le monde des affaires, les relations
sociales, les évènements culturels, jusqu’à bouleverser la vie familiale et les contacts personnels, à
tel point qu’il semble inconcevable pour beaucoup de s’en passer désormais. Et l’école ? Serait-elle
le dernier bastion à résister à cette intrusion ? Certes, non ! L’évolution rapide des technologies dote
sans cesse l’école de nouveaux outils, plus sophistiqués et plus performants. Mais sont-ils pour
autant plus propices à l’enseignement et à l’apprentissage des matières ?
C’est à partir de ce constat et à travers l’un de ces outils, le tableau blanc interactif (TBI), que je me
suis interrogée pour réaliser mon travail de fin d’études. En alliant les technologies à la didactique
du français langue seconde (FLS), j’ai cherché à savoir si l’utilisation du TBI permettait
d’optimaliser l’apprentissage et l’enseignement de notre langue. Ayant eu l’opportunité d’exploiter
ce dispositif dans deux pays et contextes bien différents, à savoir la Belgique et le Canada, j’ai tenté
d’en relever les forces et les défis, tout en les confrontant aux opinions des élèves auxquels j’ai
enseigné et à celles des chercheurs consultés.
Un outil potentiellement intéressant
Le principal intérêt généralement reconnu par les recherches est que le TBI augmente la motivation
des élèves, bien que cet engouement diminue sur le long terme. Interrogés quant à l’amélioration de
leur motivation, mes élèves étaient plutôt partagés, l’outil étant peu novateur pour eux. Toutefois,
lorsque des activités innovantes leur étaient proposées ou lorsqu’ils avaient l’occasion de prendre en
main l’outil, leur intérêt et leur implication dans la leçon réapparaissaient.
En outre, par son caractère multimodal, le TBI intègre divers outils et supports à travers un seul
système d’exploitation. Durant une même leçon, il est facile de varier les types de ressources
traitées et de passer de l’une à l’autre rapidement. Cela permet d’une part de raviver l’attention des
élèves, mais aussi de répondre aux différents profils d’apprentissage (par des stimuli visuels,
auditifs et kinesthésiques). Plus spécifiquement, dans un cours de FLS, l’enseignant peut recourir
rapidement à des documents authentiques, réaliser des activités variées développant les quatre
compétences fondamentales, susciter et enrichir les interactions orales ou encore combiner les
images aux sons (sans passer par l’écrit) et ainsi privilégier dans un premier temps l’apprentissage
oral de la langue.
Un autre avantage cité par les études et largement appuyé par l’avis de mes élèves est que l’outil
offre une meilleure présentation des contenus et une visualisation collective des tâches réalisées au
tableau. Cela leur permet de suivre plus facilement le cours et selon les activités menées, la
collaboration pourra aussi s’en trouver renforcée.
Enfin, pour l’enseignant, le TBI s’avère être un outil précieux dans la mesure où les possibilités
d'enregistrement des activités et l'accès à un ensemble vaste de ressources et d’outils viennent
faciliter son travail. Il ne lui reste qu’à user de sa créativité dans les activités qu’il aura à proposer.
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… mais présentant aussi plusieurs limites !
La critique généralement émise quant au TBI est l’investissement onéreux qu’il représente (entre
1000 et 4000 €). De plus, que ce soit en Belgique ou au Québec, les enseignants n’ont pas toujours
reçu une formation adéquate, celle-ci étant parfois davantage centrée sur le fonctionnement
technique du tableau au détriment de son intégration didactique. Ainsi, lorsque le potentiel de l’outil
n’est pas exploité pleinement et que son utilisation est limitée à l’usage d’un tableau classique ou
d’un simple projecteur, un tel cout s’en trouve injustifié.
De plus, le TBI reste avant tout un outil technologique et comme toute technologie, il faut pouvoir
gérer les dysfonctionnements du matériel. Les enseignants prennent parfois plus de temps à se
soucier des défis propres à l’usage du TBI qu’à assurer l’apprentissage des élèves. Il s’agit
d’ailleurs du principal désavantage relevé par les élèves durant mon stage.
Enfin, le TBI présente le risque d’un retour au cours magistral lorsqu’il est utilisé majoritairement
par l’enseignant pour exposer sa matière. On risque alors de retomber dans un enseignement frontal
allant à l’encontre des pratiques pédagogiques prônées actuellement dans l’enseignement des
langues et qui cherchent à se centrer avant tout sur les apprenants et à les rendre actifs. Dans le
même ordre d’idées, les documents préparés à l’avance et projetés au tableau ne correspondent pas
toujours aux difficultés rencontrées par les apprenants en classe et figent parfois la leçon. Pour
éviter de tomber dans ces pièges, il est donc essentiel de veiller à la pédagogie employée avec le
TBI et de concevoir des séquences sous forme de canevas ouverts qui laisseront un espace
d’expression possible aux représentations des élèves.
Porter un regard critique
En définitive, aussi bien du côté de l’enseignant que des élèves, les intérêts existent ; le TBI reste
avant tout un outil et ses apports dépendront avant toute chose de la manière dont il est utilisé. Les
diverses études parcourues et complétées par mon expérience ne m’ont pas permis d’affirmer que le
TBI, comparé à d’autres outils spécifiques, offre dans cette spécificité une réelle plus-value en
apport d'apprentissages et de compétences.
Et puis, après le TBI, d'autres évolutions apportent dès maintenant de nouvelles perspectives. La
tablette, par exemple, pourrait également présenter de nouveaux avantages pour le FLS en
permettant une différenciation des apprentissages ou en offrant la possibilité d'une interactivité
collective.
Mais si ces avancées ne sont pas négligeables, qu'il nous faut les intégrer et en tirer les avantages, il
nous faut aussi toujours être attentifs à leurs limites et veiller à ne pas tomber dans une
surexposition à ces nouveaux outils préjudiciable à l’efficacité didactique. Le TBI, comme d’autres
technologies, devra donc être utilisé à sa juste valeur lorsqu’il présentera de réels bénéfices pour
l’acquisition des compétences et des connaissances en langue.
Noémie JACQUINET
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Heureux qui, comme Ulysse...
Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !
Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?
Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais romains le front audacieux,
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine,
Plus mon Loire gaulois, que le Tibre latin,
Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la doulceur angevine.
Joachim DU BELLAY (1522-1560)
Joëlle DOBBELS et Noémie JACQUINET ont effectué une 3e année d'études en français et français
langue étrangère un peu atypique : la première a effectué un stage de six semaines au Bénin et la
seconde un quadrimestre entier au Québec, dont un mois de stage. Elles ont ainsi bénéficié des
partenariats mis en place depuis plusieurs années par HELMo Sainte-Croix pour permettre aux
étudiants qui le souhaitent d'effectuer une partie de leur cursus à l'étranger et d'aller ainsi à la
rencontre de l'autre. Les voici toutes deux de retour au pays, encadrant la statue de Georges
Simenon. Alors, heureuses de l'expérience ? Heureuses d'être de retour au pays ?
Joëlle, peux-tu nous présenter ton stage au Bénin en
quelques mots ?
J'ai effectué un stage de 6 semaines au Collège Général, une
école secondaire située à Possotomé, dans le sud du Bénin.
J'avais en charge trois classes de 1re et 2e années, composées
d'environ 50 garçons et filles âgé(e)s de 11 à 22 ans.
Es-tu contente de cette expérience ?
Oui, vraiment, ça s'est très bien passé, même si ça ne fut pas
toujours évident : un très grand choc culturel, mais j'étais
entourée de personnes ressources qui me guidaient, qui
m'encadraient, et cela m'a beaucoup aidée.
Pour quelles raisons souhaitais-tu partir ? Qu'est-ce qui t'attirait là-bas ?
J'étais déjà partie au Sénégal dans le cadre d'un projet humanitaire, et ça m'avait beaucoup plu.
C'est surtout la diversité culturelle qui m'attire. Et puis, mon projet professionnel, c'est de partir
enseigner à l'étranger ; ce long stage me permettait donc de me tester : serais-je capable de faire
face à la situation ? Est-ce que ça me plairait vraiment ? J'avais aussi envie de changer, de quitter
ce que je connaissais déjà et de m'enrichir au contact d'une nouvelle expérience.
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As-tu été confrontée à des difficultés ? Comment les as-tu surmontées ?
Oui, car au Bénin, être enseignant, c'est un métier d'hommes... Or, je suis une femme, blanche de
surcroit. Dans ces conditions, parvenir à me faire prendre au sérieux par 55 élèves, c'était difficile,
d'autant plus que mon maitre de stage était absent (il me faisait confiance et avait aussi d'autres
activités à mener : un salaire d'enseignant ne suffit pas à gagner sa vie là-bas). J'ai donc été
rencontrer le censeur du collège, qui m'a écoutée et m'a rassurée. J'ai alors pu discuter avec mes
classes de façon assertive, leur dire que je comprenais les différences entre leur culture et la
mienne, et j'ai progressivement pu prendre ma place. Mais c'est quand même resté difficile.
As-tu une anecdote à nous raconter ? Quelque chose qui t'a frappée ?
Beaucoup de choses, en fait ... Mais peut-être, en particulier, les séances de travail du mercredi
matin avec mes collègues jeunes enseignants. Deux heures sont consacrées chaque semaine à la
formation des jeunes profs, qui échangent autour des différents problèmes auxquels ils ont été
confrontés dans leurs classes respectives et qui cherchent des solutions ensemble (ce serait
d'ailleurs un excellent dispositif à mettre en place ici !). Mais ma présence a changé la donne : ils
voulaient parler avec moi de la façon dont les choses se passent ici en Belgique, et notamment à
propos de sujets plus personnels qui les interpellent fortement, comme l'homosexualité (considérée
au Bénin comme une maladie : les homosexuels sont privés de leur liberté et « soignés ») ou la
position de la femme dans la société. D'ailleurs, je me suis découverte moins tolérante que je ne le
croyais : Non, « la femme est inférieure à l'homme », je ne peux pas accepter !
Aujourd'hui, tu es rentrée à Liège pour terminer tes études. Qu'as-tu retiré de ton expérience ?
Peux-tu la résumer en quelques mots-clés ?
Sans doute l'entraide apportée par le groupe de stagiaires, qui m'a vraiment portée. Et puis la
créativité dont nous avons dû faire preuve : sans matériel, il s'agit de déployer des trésors
d'imagination !
Recommanderais-tu cette expérience ? A quelles conditions ?
Oui, très certainement, c'est formidable. Mais je crois qu'il faut absolument partir au moins à deux
pour se soutenir mutuellement. Et puis, il faut se rendre compte que le retour est difficile : sur
place, pas d'électricité, pas moyen de travailler intensément à son TFE (chaleur, conditions de vie
minimales...) et quand je suis rentrée, il ne me restait que quelques semaines pour boucler le tout...
Alors, heureuse, comme Ulysse ?
Oui, vraiment, c'est une expérience très riche, qui m'a profondément marquée.
Noémie, peux-tu nous présenter en quelques mots ton séjour
de quatre mois au Québec ?
Je suis partie à Chicoutimi, une petite ville située sur la rivière
Saguenay, à environ 200 km au nord de la ville de Québec. J'y
ai suivi avec mes homologues québécois les cours du semestre
d'hiver qui débouchent sur un stage de quatre semaines.
Es-tu heureuse de cette expérience ?
Oui, vraiment : ça a correspondu à ce que j'attendais, en
particulier le fait de vivre une expérience de type professionnel
dans un contexte très différent de celui que je connaissais ici en
Belgique.
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Pour quelles raisons souhaitais-tu partir ? Qu'est-ce qui t'attirait là-bas ?
D'abord, je souhaitais vivre quelque temps dans un pays étranger et me confronter aux chocs
culturels auxquels mon option FLES m'a sensibilisée. J'ai dû, entre autres, adapter mon langage
pour pouvoir communiquer efficacement avec les élèves (des mots, des expressions, des
prononciations différentes...). En particulier, ce qui m'a attirée dans la formule, c'était la possibilité
de mener un stage là-bas et de découvrir ce que le Québec, réputé pour son enseignement, pouvait
m'apporter.
As-tu découvert ce que tu cherchais ?
J'ai découvert que la profession d'enseignant était là-bas beaucoup plus valorisée qu'ici. Les
enseignants sont aussi très impliqués dans leur travail et manifestent beaucoup d'intérêt personnel
pour l'élève : la relation prof-élève n'a pas grand-chose à voir avec ce que nous connaissons. Par
ailleurs, tous les moyens sont mis en place pour que l'école marche et que les élèves apprennent.
Par exemple, des enseignants interviennent en renfort dans les classes, les élèves dyslexiques ont la
possibilité de recourir à un traitement de texte adapté, les nouvelles technologies sont disponibles
partout (c'était super pour moi qui menais mon travail de fin d'études sur l'étude des plus-values
apportées par le tableau interactif). J'ai trouvé cela absolument remarquable. Par contre, j'ai été
un peu surprise par les méthodes mises en place, plus déductives et frontales que je ne le croyais, et
peut-être moins efficaces.
As-tu été confrontée à des difficultés ? Comment les as-tu surmontées ?
Comme je l'ai dit, la relation prof-élève est là-bas beaucoup plus proche qu'ici, les normes sont
différentes. Au début, j'ai donc eu un peu de mal à voir où je pouvais mettre les limites : je ne
voulais pas paraitre trop froide et j'ai été un peu trop permissive. Mais peu à peu, j'ai progressé.
J'ai eu aussi la chance d'être extrêmement soutenue et aidée par l'équipe enseignante. J'étais dans
une petite école de 120 élèves encadrés par 12 enseignants : je pouvais m'adresser à tous et à
chacun, échanger avec eux et ils me soutenaient. Même le directeur s'intéressait de près à ce que je
vivais en classe et s'efforçait de m'aider.
As-tu une anecdote à nous raconter ? Quelque chose qui t'a frappée ?
Je me souviens du jour où la superviseuse de l'université est venue assister à un de mes cours pour
m'évaluer... Ce jour-là, certains élèves, suspectés d'avoir de la drogue sur eux, avaient subi une
fouille juste avant l'heure d'observation : vous pouvez imaginer l'ambiance dans la classe ! J'ai
géré le groupe comme j'ai pu, mais j'étais quand même assez perturbée, comme vous vous en
doutez. Après la leçon, la superviseuse, très gentiment, a voulu me rassurer : elle m'a adressé des
paroles réconfortantes, m'a dit que je m'en étais bien tirée, et tout en disant cela, elle se penchait
vers moi. J'ai donc cru qu'elle voulait me faire la bise, et je lui ai tendu la joue. Mais j'avais tout
faux ! Au Québec, on ne s'embrasse pas du tout comme on le fait assez spontanément chez nous...
Sa proximité était juste un signe de bienveillance et d'empathie, sans plus ! Choc culturel, a
posteriori fort amusant !
Aujourd'hui, tu es rentrée à Liège pour terminer tes études. Qu'as-tu retiré de ton expérience ?
Peux-tu la résumer en quelques mots-clés ?
Le mot qui me vient spontanément, c'est enrichissant : j'ai appris à des tas de niveaux. Puis, sans
doute, neige (il y en a eu vraiment beaucoup cet hiver, jusqu'à fin avril, contrairement à la
Belgique). Enfin, les rencontres, nombreuses et sympathiques !
Recommanderais-tu cette expérience ? A quelles conditions ?
Absolument, c'est unique. D'ailleurs, je pense qu'il faudrait plus encourager les étudiants à se
lancer. Moi, je suis partie seule, ce qui m'a permis de faire beaucoup de rencontres : on va plus
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aisément vers les gens quand on se retrouve toute seule bien sûr. D'ailleurs, au début, c'était un peu
dur... Partir à deux est certainement plus rassurant.
Alors, heureuse, comme Ulysse ?
Oui, je suis vraiment très contente d'avoir eu cette chance de partir. Mais je suis aussi contente
d'être revenue : je ne suis pas très neige... :-)
Mais les voyages ne se font pas à sens
unique : nous accueillons aussi des étudiants
qui souhaitent suivre une partie de leur
formation chez nous. C'est le cas de Ben
CEELEN, originaire de Peer, dans le
Limbourg, qui a terminé ses études de
français avec les étudiants de 3e année.
Ben, peux-tu nous présenter ton séjour à Liège en quelques mots ?
Je vais devenir professeur de français en Flandre et à ce titre, je souhaitais améliorer ma maitrise
de la langue française: le meilleur moyen était de poursuivre mes études pendant un semestre en
région francophone, et me voilà !
Es-tu heureux de cette expérience ?
Oui, j'ai pu découvrir la culture wallonne, et en particulier celle de Liège. Par rapport à ma
maitrise du français oral, je suis plus mitigé, mais il faut dire que je retournais en Flandre rejoindre
ma copine tous les weekends... Ça fait une coupure qui n'est pas bénéfique pour l'apprentissage de
la langue.
Comment ces six mois se sont-ils passés ?
Ça s'est globalement bien passé. J'ai fait un bon stage d'enseignement en immersion au Sartay et
j'ai aussi découvert les CEFA, qui n'existent pas en Flandre. Du côté des loisirs, j'ai participé à la
« Saint-Torè » : c'est incroyable comme façon de faire la fête ! En Flandre aussi, on aime bien boire
pour s'amuser, mais les tabliers sales, la boue, tout est excessif : j'en suis resté bouche bée...
Qu'est-ce que cette expérience t'a principalement apporté ?
Je me suis fait des amis dans la classe et j'ai aussi partagé un kot avec deux filles francophones :
c'était bien pour parler.
Recommanderais-tu cette expérience ? A quelles conditions ?
Oui, c'est déjà fait d'ailleurs : l'année prochaine, Isabelle prend le relais. Je lui conseillerai de ne
pas rentrer chez elle le weekend pour profiter pleinement de l'immersion en français, et aussi d'être
ouverte aux propositions d'activités, d'oser vraiment entrer en relation avec les autres : c'est la
meilleure attitude pour être bien et apprendre.
Alors, heureux, comme Ulysse ?
Bien sûr !
Jean KATTUS
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Lu dernièrement
Michel CRESPY. Chasseurs de têtes. Denoël, 2000.
Une poignée d’hommes et femmes, cadres au chômage, se retrouvent sur une ile d’un
lac alpestre pour l’ultime épreuve d’une session de sélection, opérée par une agence
de placement, des meilleurs d’entre eux. C’est au troisième jour d’un jeu de rôles que
les choses commencent à tourner mal. Au point que la police finira par débarquer.
Un texte rythmé, allégorie de l’économie capitaliste actuelle. Dommage que l’écriture
soit parfois quelque peu négligée.
Drago JANCAR. Cette nuit, je l’ai vue. Editions Phébus, 2014.
Ce roman polyphonique raconte le destin d’une femme impulsive et sensible, d’origine
bourgeoise, dans la Slovénie des années 30-40, époque qui a notamment vu l’ascension
décisive du « camarade » Tito. Un récit qui tient en haleine tout en informant sur une
période trouble.
Irvin YALOM. Le problème Spinoza. Le livre de poche, 2012.
Ce livre retrace l’histoire de l’excommunication du philosophe juif du XVIIe siècle
Baruch Spinoza. On y découvre sa lutte contre les superstitions et sa foi en la raison.
En parallèle, Yalom nous conte l’ascension du dirigeant nazi Alfred Rosenberg,
« philosophe » du parti, et ses tourments psychiques dus à l’indifférence qu’Hilter lui
témoignait parfois. Entre ces récits, de nombreux ponts implicites et des références
explicites.
Panagiotis AGAPITOS. Le luth d’ébène. Anacharsis, 2003.
Dans l’Empire des Romains, à Césarée, en mai 832, plusieurs jeunes filles
disparaissent puis sont retrouvées assassinées et atrocement mutilées. L’enquête est
menée par l’ambassadeur, dépêché par l’empereur aux limes de l’empire pour
négocier avec les Sarrasins. Costumé en chanteur de rues, Léon l’ambassadeur se
rendra dans les quartiers populaires de la ville pour résoudre l’affaire.
Malgré un nombre important de personnages, parmi lesquels des fonctionnaires aux
titres littéralement et métaphoriquement byzantins, et un contexte fort éloigné, ce
récit demeure la plupart du temps suffisamment accrocheur.
Fabio VISCOGLIOSI. Mont Blanc. J’ai lu, 2014.
Voici un roman qui a pour thème le deuil des parents. Ceux de l’auteur ont perdu
la vie dans le tunnel du mont Blanc, le 24 mars 1999. Il y pense encore
souvent… Le deuil semble compliqué lorsqu’une disparition est à ce point
inattendue, contingente, subite.
C’est par petites touches de vie quotidienne (autant de courts chapitres) que l’auteur nous décrit le
long cheminement qui l’a mené à l’oubli du mont Blanc.
Pierre-Yves DUCHÂTEAU
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Sophie VANDER LINDEN, album[s]. Editions de facto, 2014.
L'album est aujourd'hui un genre en plein essor : ayant quitté le
domaine de la seule petite enfance, il s'adresse à tous les « plus
grands », adolescents et adultes. Sophie Vander Linden lui avait
déjà consacré un excellent opus en 2006, Lire l'album. Elle
publie cette année un magnifique livre, intitulé album[s], qui, à
la manière d'un album, justement, donne toutes les clés pour en
comprendre en finesse le fonctionnement.
Maylis DE KERANGAL, réparer les vivants. Verticales, 2014.
L'action se passe en 24 heures. Les faits : Simon Limbres se réveille à
5h50'. Il va de suite retrouver deux autres jeunes comme lui pour une
session de surf. Nous sommes en France, non loin du Havre. Au retour, un
accident de la route : Simon est transporté à l'hôpital et déclaré en état de
mort cérébrale. Un protocole très précis se met alors en place : sa mère et
son père, arrivés à son chevet, se voient demander s'ils acceptent le don des
organes de Simon. Leur réponse est positive. Les organes de Simon, dont
son coeur, seront prélevés et expédiés dans divers hôpitaux français où les
attendent les receveurs. La greffe du coeur se termine : il est 5h49'.
Ce roman est une exceptionnelle description, extrêmement précise et pleine
d'émotions, de ce moment très particulier où vie et mort sont indissociables. Il est « saisissant », au
sens premier du terme, car il pose au lecteur des questions qui ne le lâchent plus : où est la vie, la
mort, quelle est la place du sacré dans une médecine de haute technologie ? Par ailleurs, l'écriture,
et notamment le sens des images que l'auteur y déploie, est d'une efficacité redoutable. Ma toute
meilleure lecture de l'année.
Vinciane DESPRET, Que diraient les animaux si... on leur posait les
bonnes questions ? Empêcheurs de penser en rond, coll. « La découverte »,
2012.
Est-ce bien dans les usages d'uriner devant les animaux ? Les singes saventils vraiment singer ? Les animaux se voient-ils comme nous les voyons ? À
quoi s'intéressent les rats dans les expériences ? Pourquoi dit-on que les
vaches ne font rien ? Etc. Ce livre pose vingt-six questions qui mettent en
cause nos idées reçues sur ce que font, veulent et même « pensent » les
animaux. Elles permettent de raconter les aventures amusantes ou
stupéfiantes qui sont arrivées aux animaux et aux chercheurs qui travaillent
avec eux, mais aussi aux éleveurs, aux soigneurs de zoo et aux dresseurs.
On connait Vinciane Despret notamment par ses sympathiques chroniques du dimanche matin sur la
Première qui, elles aussi, nous livrent des anecdotes amusantes sur les animaux. Ici, le propos est
évidemment plus approfondi et touche à la philosophie, c'est son grand intérêt, mais la lecture de
l'ouvrage reste néanmoins relativement facile puisqu'il s'agit d'un abécédaire constitué de chapitres
courts. Une excellente lecture de vacances : des anecdotes et des questions à partager en famille ou
avec des amis
Jean KATTUS
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