La Bise - Uniopss

Transcription

La Bise - Uniopss
La Bise
des vacances en famille
pour lutter contre
la grande pauvreté
Les
fruits
de la
liberté
mai 2011
Des vacances familiales pour combattre l’exclusion
La maison de La Bise, dans le Jura
Les vacances en famille,
le pari de la liberté
‘‘ Il y avait un petit oiseau, il cognait à la vitre
pour réveiller. Ça me manque...La marche avec
les ânes, avec le père Lulu, c’était trop bien. Il
y a eu l’accueil dans son petit village, et on a
goûté à leur jus de pomme, fait maison. Il en faut
pas beaucoup pour rendre heureux quelqu’un,
quoi ’’ Martial D., séjour à 15 ans
Lutter contre la grande pauvreté, cela passe aussi par les vacances.
Leur accès aux plus démunis n’a rien d’un luxe, c’est un droit. Depuis
33 ans, une maison du Jura accueille des familles qui ne sont jamais
parties. En partageant des moments précieux avec les enfants, surtout s’ils sont placés, la famille reprend du sens, les liens sont revitalisés. Au retour, il y a de beaux souvenirs, mais surtout des « fruits » :
une ouverture, un autre regard sur soi-même, davantage de force et
de confiance en soi… Pour certains la vie s’est même « retricotée
» à partir de ce séjour.
‘‘ Au départ, ils me disaient “tu es folle, pourquoi me parles-tu des vacances si je ne travaille
pas?” . Ceux qui vivent dans un immeuble ne sortent pas de chez eux, pas même pour aller au
marché... c’est difficile d’être pauvre dans un pays riche’’ Eligia R, promotion familiale
‘‘ On se dit : les gens viennent là passer des vacances, ils repartent et c’est tout.
On est extrêmement surpris quand on discute avec eux de découvrir l’importance qu’ont
pu avoir ces 8 jours dans la suite de leur vie’’ Jean-Claude F., maire
‘‘ Le démarrage en côte est fini, la voiture
Des travailleurs sociaux, des
voisins de La Bise, des personnes qui accompagnent les
vacanciers le disent aussi. Ces quelques jours ont été un déclencheur.
Le respect, un compagnonnage rassurant et ouvert, en sont le terreau. Localement, des moments partagés rapprochent les habitants
et les vacanciers. C’est cela qu’ATD Quart Monde veut permettre
de vivre et faire largement connaître. Notre pari, c’est que d’autres
initiatives poussent ailleurs, en s’adaptant aux besoins, bien réels.
Nous refusons que les plus pauvres soient enfermés dans un univers
étriqué, humiliant et douloureux. Ils sont déjà lourdement malmenés par la vie. Emprisonnés par l’image négative que la société leur
renvoie, ils ont besoin d’ouverture pour percevoir leur potentiel,
respirer, retrouver leur place et être vus autrement. C’est l’objet
de ces vacances en famille. L’évaluation qu’en font les divers acteurs
témoigne de la valeur de ce qu’ils y ont vécu. Comme dit l’un d’eux,
« c’est un pari gagnant-gagnant : les familles vont mieux, et la société
se porte mieux ». Chiche.
Bruno Tardieu,
délégué national d’ATD Quart Monde
ne recule plus, elle monte tout doucement.
Je me sens d’être décoincé ’’ Un vacancier
‘‘ Pour nous, les SDF, c’est tout
le temps à se battre. “Est ce
que je vais avoir à manger
aujourd’hui ? Avoir un toit ?”
Je crois que j’ai plus progressé
du fait que je suis allée à La
Bise. J’ai encore plus de force
en moi. La route est longue.
Actuellement, je suis
déterminée… Je n’ai plus
besoin de me cacher derrière
ma propre ombre ’’
Nadia L., vacancière
La Bise : une trêve et un tremplin
Un séjour, de vacances c’est souvent compliqué pour une famille. Aller
vers l’inconnu, prendre le train parfois pour la première fois, vivre en
collectivité, affronter le regard des autres sur soi et en tant que parent,
quitter son quartier… cela réveille des peurs profondes. Et si les enfants
sont placés, il faut convaincre le juge. Cela demande donc une grande
préparation en amont. Et parfois un accompagnement pendant le trajet.
‘‘
Les parents disent
“c’est la première
fois que je partais
avec les enfants
et on était
tous ensemble”.
Ça a l’air d’être
un cadeau
monstrueux
’’
Sommaire
Anne M., accueillante
Edito p. 2
Présentation de La Bise (Jura) p. 3
Le bilan de 33 ans d’expérience p. 4
Le contexte des vacances p. 5
Les fruits d’un séjour p. 6-7
Les repères d’action p. 8-9
A travers des moments de bonheur tout simples, les personnes se révèlent autrement et dénouent des capacités ligotées. Parents et enfants
se (re)découvrent. Il y a un avant et un après La Bise. Mais ça n’a rien
de magique, il y a parfois des moments de colère, de découragement,
de peur. Des personnes d’ATD Quart monde vivent là en permanence,
d’autres viennent bénévolement participer aux séjours, faire la cuisine
ou le ménage, proposer des ateliers. Toute l’équipe vise à ce que chacun
goûte la richesse de cette détente.
La Bise, 39600 Mesnay (Jura).
www.atd-quartmonde.fr/vacancesfamiliales
Des pistes à creuser p. 10-11
Le mouvement ATD Quart Monde p. 12
La Bise est une grande maison située dans le Jura (à Mesnay), qui accueille depuis 1978 des familles en situation de grande pauvreté pour
quelques jours de vacances. Plantée dans la verdure, elle peut accueillir
5 familles, dans des petits appartements, les parents et les enfants se retrouvent ainsi « chez eux », mais aussi dans un cadre collectif. Une salle
à manger commune, une très grande salle de jeux, une rivière… pas de
télévision. Des activités sont proposées, chacun est libre d’y participer
ou pas : une balade avec des ânes, des fermiers qui ouvrent leur maison,
des visites de grottes ou autres, des ateliers sur place : tour à bois, vannerie, couture, danse, peinture, chant… Tout un réseau local de voisins,
d’artisans, offre ainsi des occasions de rencontre.
2
Pour un séjour : [email protected]
3
Des vacances familiales pour combattre l’exclusion
De telles vacances
sont une nécessité... et un droit
Permettre
de souffler, de partager du temps ensemble et de se redynamiser,
c’est
le rôle des vacances pour toutes les familles. Pour celles qui sont en grande
difficulté, c’est encore plus important qu’on ne l’imagine. De plus, près de
150 000 enfants sont placés chaque année à l’aide sociale à l’enfance (ASE),
beaucoup en raison des conséquences des conditions de vie précaires de leurs
parents. Mme Versini, défenseure des enfants, s’inquiétait en 2010 de la situation
des 2 millions d’enfants de familles pauvres. Le contexte socio-économique actuel ne va pas arranger les choses.
A la précarité qui atteint ces familles s’ajoute la souffrance de la séparation. Des
vacances ensemble les rapprochent et consolident les liens, elles nourrissent la
mémoire familiale, ça n’a rien d’anecdotique.
L’action pilote d’ATD Quart Monde à La Bise s’inscrit dans la volonté d’appliquer le droit aux vacances pour tous, inscrit dans la loi d’orientation relative à
la lutte contre les exclusions de 1998 (article 140) : « L’accès égal pour tous,
tout au long de la vie, à la culture, à la pratique sportive, aux vacances et aux
loisirs constitue un objectif national. Il permet de garantir l’exercice effectif de la
citoyenneté. » Un droit loin d’être effectif alors que cette année nous fêterons
les 75 ans des premiers congés payés.
La Bise à bras le corps
‘‘ Quand des enfants sont placés,
quelles images auront-ils de leurs
parents quand on leur permet de les voir
qu’1 heure tous les 15 jours ou toutes les
semaines en présence d’un tiers entre
quatre murs ? Il n’y a pas d’échange.
La Bise permet d’avoir une image d’un
père ou d’une mère avec qui on
pouvait rire, s’amuser. C’est aussi un
moyen de voir les frères et sœurs ’’
Depuis son ouverture, en 1978, La Bise a accueilli près de 1 000 séjours
‘‘
‘‘ Je ne dirais pas
qu’en huit jours
cela m’a sauvée
de tout, mais
ça m’a quand
même donné
un bon coup de
pouce pour voir
les choses autrement. Après La
Bise, j’ai compris
que c’était super
important de
partager plein de
choses avec son
enfant
’’
Simone R., vacancière
familiaux. Pour évaluer cette expérience, 70 entretiens ont été réalisés. Un
séminaire a ensuite réuni à Arbois du 1er au 3 avril 2011 : des vacanciers,
des accueillants et permanents de La Bise, des animateurs des activités, des
habitants de la région, des professionnels du travail social, des partenaires
dans l’accompagnement des familles pour un projet vacances, des élus.
Les échanges en ateliers, à partir de nombreux témoignages, ont permis
de reconnaître des effets positifs, à plus ou moins long terme, dans la vie des
familles et de dégager des repères d’action qui permettent que ces séjours
soient libérateurs. Toute cette démarche à l’écoute des bénéfices des
séjours et des pratiques en jeu est accompagnée par des cherchers.
Le colloque du 28 mai, à Dole
(Jura), vise à mettre en lumière
le bilan collectif de cette action
pilote et à approfondir les pistes qu’elle ouvre pour toute la
société. Une vidéo témoignera
de tous ces échanges.
Les citations de ce dossier
sont issues des entretiens préparatoires et du séminaire.
Christophe W., avocat
Les aides aux vacances : d’abord pour les plus aisés
‘‘ C’est à mon tour de
faire profiter de mon expérience,
je pense que ça casse la spirale. J’ai
trouvé cette force en vacances
à La Bise. J’ai beaucoup appris en ces
trois jours de séminaire ; je ne me suis
pas sentie au travail, mais en vacances.
J’ai besoin de La Bise et je pense
que La Bise a besoin de moi,
enfin de nous tous ’’
Nathalie V., vacancière
4
uLe nombre de familles
modestes parties en
vacances (au moins quatre
nuits consécutives hors de
chez soi) est passé de
46 % en 1998 à 32 % en
2009. La situation de loin la
plus critique est celle des
familles monoparentales.
u19 % des Français interrogés déclarent avoir perçu
une aide pour les vacances
en 2007. Parmi eux, 54 %
ont des revenus mensuels
supérieurs à 2 300 euros
et 13 % des foyers un revenu
inférieur à 1 500 euros.
uCes aides sont : des
chèques-vacances (12 %),
des aides financières des
employeurs ou de comités
d’entreprise (9 %), la Caisse
d’allocations familiales (4 %),
les municipalités (1 %) et
les autres organismes (1 %)
tels que les mutuelles.
Credoc, enquête 2008, « Conditions de vie et aspirations des Français »
5
Des vacances familiales pour combattre l’exclusion
Comme tout le monde
Une autre dynamique
‘‘ Se faire reconnaître comme un être humain,
‘‘ Au retour, mon fils, en ouvrant grand ses bras comme des
ailes, s’est exclamé : « On est libres, on se sent libres comme des
oiseaux. Avec ces vacances, on peut s’envoler ’’ Corinne K., vacancière
c’est rare et précieux, car on se sent souvent rabaissé ’’ Gaetane L., vacancière
‘‘ Quand je revenais chercher les familles à la gare, j’avais toujours l’impression d’une sorte de
libération, comme si on leur avait enlevé des chaînes. lls retrouvaient leurs soucis, c’est sûr, mais libérés
de quelque chose ’’ Babeth B., soutien au départ
‘‘ La différence avec d’habitude, c’est que personne ne me regardait comme
une exclue ou une mauvaise mère, je me sentais comme tout le monde, pas de
jugements, pas de critiques. J’ai repris confiance en moi ’’ Nelly R., vacancière
‘‘ Les gens n’ont pas besoin qu’on leur promette la lune. La sincérité et l’écoute,
ça fait un gros travail de compréhension mutuelle, du coup, les gens sont bien plus
détendus, ils rigolent ’’Maxence X., accueillante
‘‘ Ça m’a donné la force de dire « je suis capable », capable de faire beaucoup de choses
avec mes enfants, capable de gérer. Puis je me suis battue pour récupérer mes petiots et
c’était un nouveau départ ’’ Valérie B., vacancière
‘‘ Mon meilleur souvenir c’est l’accueil. Le premier contact est le plus important,
‘‘ Ça met de l’énergie dans notre boulot, et pour eux ça déverrouille des choses.
ces gens sont capables de vous mettre à l’aise tout de suite. Ils nous présentent les
chambres, on se dit qu’on est un peu chez nous ’’ Nathalie V., vacancière
les fruits
d’un séjour
Ils sont capables d’exprimer des demandes, des envies qui étaient bloquées
auparavant. On passe un autre cap ’’ Véronique B., éducatrice
Partir à l’aventure, c’est forcément changer... Et si on change, on avance
Faire famille
Fiers l’un de l’autre
‘‘ J’ai pu apprécier mon fils parce que j’avais
ma chambre et lui l’autre, à côté. Une nuit, je
me lève, je vais le voir, il dort bien. Je me
demandais si c’était bien mon gamin qui était
là ! Je ne l’avais jamais eu en vacances... Là, il
dormait à côté, vous ne pouvez pas savoir le
choc que ça peut vous faire ! ’’ Nicole P., vacancière
‘‘ J’ai appris pas mal de choses…
Du début à la fin, j’ai fait un panier, et un sac
en jean. Tous mes petits trucs que j’avais
mis dessus sont partis, mais je l’ai toujours.
Une maman très réservée nous l’a fait faire ’’
Flora B., vacancière
‘‘ J’ai eu l’idée d’un atelier slam d’écriture. Pour « une confiture
‘‘ Vous faites famille, peut-être pas comme votre voisine, mais à votre manière à
de mots », on met des mots sur un papier, on les découpe,
chacun en tire 5, 6 ou 7 et avec, on fait un écrit. Une maman
qui se mettait toujours à l’écart avait peur. Moi, ça m’est arrivé,
à l’époque ça faisait un an que j’avais perdu ma femme ;
j’avais écrit, mais j’avais pas pu le lire.
Une jeune l’avait fait pour moi. Cette dame-là a pris son
courage, elle avait les larmes aux yeux parce que
c’était du personnel, mais elle a lu son texte. C’est quand même
des victoires tout ça, des victoires sur soi-même ’’ Georges M., vacancier
vous. Se fabriquer des souvenirs communs, être vus ensemble,
vivre des choses ensemble, c’est ça une famille ’’ Sabine S., assistante sociale
‘‘ J’avais 8 ans. J’en ai 40 maintenant. Avec ma mère, avec mes frères et sœur
ensemble, c’était super. C’est les seules vacances en famille qu’on a eues.
On a retrouvé des repères. L’heure des repas, faire la vaisselle, faire des jeux,
les veillées, les promenades... on connaissait pas ça nous, c’était super. On était tellement
contents de partir, laisser notre taudis… avoir une vie presque normale.
Et voir notre mère sourire.
On en parle avec mes 5 frères et ma sœur quand on se voit un peu, on a des
super souvenirs. On n’est peut-être pas soudés, mais individuellement on prend conscience
qu’on est une famille.
C’est une base de points communs pour les familles vraiment déchirées.
Les effets ne sont pas toujours visibles à court terme, mais à long terme
il faut avoir confiance qu’un jour cela servira aux personnes
qui ont fait un passage à La Bise ’’ Philippe B. vacancier
6
‘‘ Un monsieur très pauvre ne voulait jamais sortir.
Il disait : ‘‘tu te rends pas compte comme je suis bien, les enfants, ma femme
sont bien, moi je fume sous le marronnier et c’est bien.’’ Sa femme, qui chez elle
ne bougeait pas, a fait de l’accro branches, et c’est très physique, parce
qu’elle voulait que ses enfants soient fiers d’elle ’’ Véronique D., permanente
7
Des vacances familiales pour combattre l’exclusion
Calme, détente et naturel
Accompagner les bons moments en famille
k La maison de La Bise – belle, c’est important ! - accueille 5 familles en pension complète.
Elles ont leur intimité tout en partageant 7 à 9 jours avec les autres familles et ceux qui les
reçoivent. Ceux-ci accompagnent, avec chaleur et souplesse, chacun selon son rythme.
k C’est un moment privilégié pour qu’enfants et parents tissent des liens de bonheur. L’équipe
soutient les uns comme les autres. Les familles aussi ont des capacités à se soutenir, à résoudre les conflits. Dans l’album photos qu’elles ramènent, elles puisent de la force en rappelant
la joie, la fierté de leurs victoires, la reconnaissance qu’elles ont vécues.
‘‘ Petit à petit, les gens ont moins peur. C’est flagrant chez les
‘‘ On ne leur apprend pas leur rôle de parents, on les laisse
ados, ils arrivent avec la casquette à ras les yeux, et au bout
du troisième jour, on voit des yeux. Après ils enlèvent la
capuche, on voit leur visage et leur regard ’’ Lydia V., accueillante
prendre ce rôle. Le gros truc, c’est ne pas se mettre à
leur place. Mais les familles se sentent soutenues, elles font
mieux face à leur responsabilité ’’ Maxence, accueillante
k Sur place, pas d’angoisses avec l’argent : le séjour, avec toutes les sorties, est intégralement
réglé avant l’arrivée.
‘‘ Avoir ses enfants quand on ne les a pas à la mai-
k Déchargées des taches quotidiennes, les personnes peuvent goûter de vraies vacances :
bien-être, repos, beauté du cadre, rencontres...
Des vacances réussies pour
les familles en situation de grande
pauvreté ne s’improvisent pas.
L’expérience d’ATD Quart Monde,
sur plus de trente ans, a dégagé
quelques conceptions et modalités
les repères d action
qui rendent cela possible.
’
‘‘ On repense à ces jours-là, surtout les enfants. Ils prennent
le classeur avec les souvenirs et ils regardent. Ils me l’ont
abîmé, à force. Ils sont toujours après ’’ Christelle A., vacancière
Rassurer et favoriser la liberté de chacun
Un laboratoire du vivre ensemble
Soutenir et non contrôler
k Pour développer ce regard positif et agir au mieux, les accueillants « s’entraînent ». Toute
l’équipe prépare le séjour les deux jours précédents autour de quelques principes d’action.
Puis chaque matin, de bonne heure, elle prépare la journée et envisage comment soutenir au
mieux les vacanciers, avec une « règle » : toujours commencer par un regard positif sur chacun
avant d’aborder les difficultés, les tensions, les conflits qui peuvent se présenter. Une façon
d’éviter les jugements à l’emporte-pièce, de mieux comprendre les réactions des uns et des
autres et d’avancer ensemble. Une formation pour changer de regard.
k Les familles sont reçues sans devoir raconter leur histoire. Elles n’ont de compte à rendre à personne et ce cadre non institutionnel ouvre leur confiance.
k De même, La Bise ne rend pas de rapport sur la façon dont s’est déroulé le séjour. Les
vacanciers choisissent d’en parler ou pas.
‘‘ Une femme était là avec ses deux enfants
placés. Tous les soirs il y avait un drame. Le séjour
‘‘ Signifier à ces parents qu’ils
avaient des compétences pour
s’occuper de leurs enfants qu’on
ne pouvait pas voir dans le cadre
de l’aide éducative, c’était
redonner de l’oxygène et de la
confiance en soi ’’ Karine M., éducatrice
son depuis des années, on est mort de trouille. Des
accueillants sont là pour rassurer les parents.
Ils rassurent les enfants aussi, parce que ça se passe
super bien ensemble ’’ Christophe W., avocat
était un véritable défi : si elle arrivait à passer
des vacances avec ses enfants, on les
lui rendait. Quand elle a compris qu’elle
n’avait pas à rendre des comptes, elle s’est
absolument détendue. Elle n’avait plus besoin
de prouver que ses enfants étaient parfaits,
qu’elle était une bonne mère ’’ Anne M., accueillante
‘‘ C’est une semaine où on peut lancer ses reproches :
« maman, pourquoi tu m’as laissé à une autre famille ? ou
pourquoi...? » Il faut oser la confrontation, parce que c’est
à ce moment-là que tu peux te bâtir. L’exclusion c’est ça,
on ne te donne pas les moyens de parler, on ne te comprend pas... Parfois, c’est délicat, mais on arrive à gérer ’’
k Le séjour produit des effets positifs, mais il n’est pas possible de les prédéterminer. Les
graines, semées sans contrôle ni obligation de résultat, poussent parce que la personne
décide librement. La gestation, les potentiels éveillés, les actions menées par la suite, tout
dépend de la vie de chacun.
k L’équipe refuse les situations d’échec. Elle invite, incite, mais n’impose jamais. Aller au bout de quelque chose, réussir des créations de
qualité, réaliser que l’on apporte quelque chose aux autres restaure
l’estime de soi. Si quelqu’un désire partir, ne pas participer à des sorties ou des activités, il reste libre de le faire. C’est en quelque sorte
du « sur mesure », mais toujours avec un soutien pour dénouer les
blocages, les souffrances.Toute l’attention se porte sur les forces des
vacanciers, pas sur leurs manques.
Jonathan R., permanent
‘‘ Rencontrer des milieux que l’on n’a pas l’habitude
de rencontrer fait tomber des méfiances, des idées fausses.
La société montre souvent ce qui nous sépare mais pas ce qui
nous rapproche ’’ Henryelle C., accueillante
‘‘ Cette façon de chercher des trésors cachés, chez les
uns et les autres, est une joie contagieuse. Des instituteurs
de Dole ont essayé de trouver des points positifs chez leurs
collègues. Un point par semaine ’’ Amélie R., permanente
8
‘‘ Ce qui me marque, c’est que les personnes s’entendent
bien, elles peuvent aider les autres ’’ Paulette V., vacancière
9
Des vacances familiales pour combattre l’exclusion
Le souffle de La Bise dans le travail social
Un réseau pour un tourisme réellement social
k La Bise se concentre sur un premier départ en vacances, d’autres sur les week-ends… Il
n’y a pas actuellement de structure pour un deuxième séjour dans des conditions aussi sécurisantes. Un constat : il reste beaucoup à inventer. Mais déjà plusieurs projets sont nés dans les
pas de La Bise. Car les professionnels du secteur social ont noté qu’un séjour là-bas change
leurs relations avec les familles et nourrit leur travail. Le fait que l’équipe de la maison n’a pas
de mandat et tient à ne pas faire de rapport sur les vacanciers y est pour beaucoup. Les travailleurs sociaux, eux, ont un mandat de protection dans lequel entre une part de contrôle. En
apprenant les uns et des autres, en conjuguant les efforts, des réponses adaptées aux besoins
et aux diverses réalités seront plus nombreuses.
k Le tourisme social encourage le départ en vacances du plus grand nombre. Mais rares
sont les initiatives qui s’adressent à des personnes en grande précarité. Des dispositifs financiers les soutiennent : Cnaf, Vacaf, Ancv. ATD Quart Monde coordonne le réseau Wresinski
« Vacances familiales – Vaincre l’exclusion », qui regroupe : La Bise, Lugova, Ternelia Relaisoleil,
Les Restos du cœur, le Secours catholique,Vacances & familles, le réseau Accueil paysan, Unafudaf de la Marne,Vacances Ouvertes, le Secours populaire, les centres sociaux de Versailles.
‘‘ Nous avons aussi une maison de vacances
en montagne. Nous menons un combat depuis
de nombreuses années, notamment avec ATD
Quart Monde, le Secours populaire et le
Secours catholique. On va continuer à travailler
ensemble. C’est vraiment intéressant aussi
d’échanger entre mouvements associatifs ’’
Soraya X., Restos du cœur
‘‘ L’ensemble des partenaires
qui ont su faire avancer une loi doit
être capable de la défendre,
de la faire appliquer. Pour qu’on soit
davantage l’écho des attentes
des familles, en particulier les familles
en difficulté, parce que c’est un
moment de reconstruction ’’
André L., Vacances & familles
des pistes à creuser
Relever ensemble le défi, c’est possible
Une richesse pour la société
‘‘ Marcher, c’est tout un sym-
bole, se remettre debout, sortir,
s’en sortir. Depuis plus de
treize ans, l’association Floriâne
s’adresse à des enfants
de Salins qui ne peuvent pas
partir en vacances, dans
la même dynamique que La
Bise. A chaque séjour des
jeunes conduisent les familles
en balade avec des ânes.
Les gens des villages que
nous traversons ouvrent leur
maison et leur cœur ’’
k Un lieu inscrit dans son territoire. Tout un réseau de personnes gardent un œil bienveillant
sur ce qui s’y passe et participent plus ou moins ponctuellement aux séjours.
‘‘ On peut faire du lien entre les travailleurs sociaux, la Bise et nous, les intervenants, puis
aller jusqu’à rencontrer les instits. Ils disent ”Il y a là quelque chose qui réussit, que nous nous
voudrions bien pouvoir réaliser dans nos écoles” ’’ Lucien C., un voisin
k Des élus sont convaincus du rôle de ces séjours pour lutter contre la précarité. Exemples
Il faut arrêter d’imaginer qu’il y aurait d’un côté la bonne réinsertion, la
réinsertion professionnelle, et de l’autre la mauvaise, la réinsertion sociale.
Je vois aujourd’hui lier le niveau des aides accordées à des associations à
des indicateurs de performances de retour sur le marché du travail. Il y a
tellement de gens loin de l’emploi, qui ont tellement de freins à lever, qui
sont les plus « cassés », les plus « oubliés » de nos concitoyens, qu’il faut les
soutenir pour une réinsertion sociale.
Une famille peut déposer un dossier et obtenir une aide, dans le cadre
des dispositifs que nous avons prévus, et être accompagnée pour partir
en vacances. A partir du moment où c’est bon pour la famille, que cela
s’inscrit dans un processus qui favorise une réinsertion sociale, la capacité
à retrouver confiance en soi, cela peut aider à nourrir un projet professionnel. On est donc bien sur de la prévention au sens large. Notre idée est de
se demander comment aller plus loin
Un premier départ, cela nourrit avant, pendant, après parce que la
famille se retrouve avec des souvenirs communs qu’elle va pouvoir
entretenir avec ses enfants. C’est un sujet dont on parle très peu. Ce
n’est pas une préoccupation quotidienne et il convient de « dédier » des
crédits à ces actions originales, malgré les arbitrages budgétaires, actions
qui ne sont pas portées par beaucoup d’associations ni de groupes de
réflexion ’’
Christophe B., Conseil général du Maine et Loire
Les principes d’action de La Bise ont
convaincu des partenaires. Elle se
bat désormais pour ouvrir avec eux
de nouvelles perspectives. Son but :
interroger et inspirer nos territoires,
nos pratiques, notre société. Pour que
cet esprit vive ailleurs, librement.
Lucien C., Floriâne
‘‘ J’ai découvert
‘‘ Au niveau de l’action éducative à
domicile, sur une journée, on accompagnait les parents dans la relation
avec leurs enfants et dans ce qui leur fait
peur. On a ajouté 2 week-ends par an.
On voulait un lieu protecteur.
cette maison
de vacances,
en 2001. Ce lieu
apporte beaucoup plus que
des vacances. Il
faut que ce type
d’offre se multiplie.
J’ai une certaine
fierté d’avoir cette
maison sur ma
commune ’’
Jean-Claude F., maire
10
La Bise nous reçoit. Ils sont là et ils nous
laissent faire. Le Conseil général favorise
de telles actions. Des collègues ont
envie de découvrir les week-ends familles,
c’est vraiment un outil de travail
important. On est avec les personnes,
on a beaucoup plus de repères, ça
permet de poser les choses encore plus
clairement. On est même étonnés,
c’est bien, ça relance l’énergie de tout le
monde. Il nous faut ça ! ’’
Véronique B. et Michel T., éducateurs, Besançon
‘‘ Je préside l’association « Espace de vie »,
qui fonctionne depuis cinq ans. Elle regroupe tous
les services de l’Assistance éducative en milieu
ouvert (AEMO), pour réunir des parents et
des enfants placés. On organise des week-ends
dans un gîte des Flandres.
C’est une étape, en attendant que ces familles
puissent avoir des droits de visite et d’hébergement à la maison, ou quand les parents n’ont
pas de toit. Deux accueillants sur place
aident au lien, choisis pour leurs qualités d’accueil
et d’écoute. Ils sont salariés.
Chaque fois on a 2 ou 3 familles. C’est un peu
comme à La Bise. Une liberté, une respiration,
un moment serein avec les enfants.
Sans pression, surtout ’’
Christophe W., avocat, Espace de vie, Lille
‘‘ Les familles m’en parlent encore,
4, 5 ou 6 ans après. Mais on n’a pas
d’autres types de structures: ou il y
a une prise en charge éducative, ou
ils sont trop libres et ils ne pourraient
pas. Pourquoi y a-t-il soit La Bise,
soit rien ? On a imaginé un projet de
vacances, dans une maison du
même type, avec des familles en
autonomie mais vivant ensemble, et
deux éducateurs pour faire un peu
le lien. Il y a un vrai besoin ’’
Véronique C., au Conseil général de l’Ain
11
ATD Quart Monde est un mouvement sans affiliation religieuse ni poli-
tique, avec une certitude inscrite dans son ADN : la société se construit
à partir et avec les plus pauvres. Au cœur de ses actions, il cherche à
connaître ce qu’elles vivent, ce qu’elles pensent, ce qu’elles veulent. Education, travail, santé, logement, culture, vacances familiales... les projets
sont vécus, réfléchis, nourris et développés avec les personnes concernées.
Eradiquer la pauvreté et son cortège de souffrance, d’exclusion, d’humiliation, c’est son engagement. Fondé sur son « expertise » de terrain, il
interpelle les pouvoirs publics et les politiques afin d‘enrichir et contribuer à la transformation de la société.Tout le monde y
‘‘ Nous,
gagne quand les trop nombreuses personnes en granles pauvres, on a
de précarité ne sont pas abandonnées sur le bord du
besoin d’exister ! ’’
chemin. C’est aussi un riche et joyeux partage.
Nadia L., vacancière
Ce mouvement revendique pour chacun le respect de sa dignité et l’application des droits pour tous (droit de vivre en famille, liberté d’expression, moyens convenables d’existence en priorité par le travail et la
formation, éducation, culture, accès aux soins, logement, justice…). Cette
démarche s’enracine dans l’engagement du fondateur Joseph Wresinski
(1917-1988) à éradiquer la misère, qui a lui-même grandi dans une très
grande pauvreté.
Le 17 octobre est reconnu par l’Onu comme Journée mondiale du refus
de la misère, une démarche impulsée par un rassemblement international d’ATD Quart Monde pour défendre les droits de l’homme, en 1987.
Contact presse :
Typhaine Cornacchiari
0142460169
‘‘
Beaucoup de gens sont privés
de liberté, de beauté, de
respect, puisqu’ils disent qu’ils
ont trouvé ça à la Bise !
Les intervenants aussi prennent
du plaisir là-bas. Il y a un
vrai plaisir à vivre ensemble
Bruno T., permanent
ATD Quart Monde
33, rue Bergère, 75009 Paris
www.atdquartmonde.fr
facebook.com/ATDQM
twitter : @ATDQM
’’
Crédits photos : François Philiponeau - Keny Rajaonarison
Des vacances familiales pour combattre l’exclusion
ATD Quart Monde :
pas de compromis avec la misère

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