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LE MONDE SPORT&FORME Date : 10 OCT 15 Page de l'article : p.6 Journaliste : Jacques Portier Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Page 1/2 SPORT & FORME AVIS AUX A M A T E U R S A Strasbourg, les filles envoient les préjugés au tapis FAIS-NOUS RZVZK Grâce à la pratique du noble art, l'association Allez les filles permet à des jeunes femmes de plusieurs quartiers de la ville de dépasser leurs différences sociales ou culturelles pour se rencontrer et échanger... plus que des coups JACQUES PORTIER Strasbourg, correspondant y est bon, les filles, on met * les gants. » Dans la grande salle aux tons chauds du gymnase Reuss 2, à Strasbourg (Bas-Rhin), une douzaine de femmes, âgées de 15 à 40 ans, s'échauffent. Après un quart d'heure d'exercices, chacune enfile des gants de boxe. Certaines ont l'habitude, d'autres hésitent. « Vous vous mettez par trois autour des sacs, vous vous déplacez latéralement », donne pour consigne Yvette Palatine, qui dirige le cours. Les boxeuses virevoltent autour des « sacs de frappe » en envoyant des coups. « On danse toujours un peu en boxe », s'amuse Yvette. De l'autre côté des murs, c'est la cité. Plus précisément le quartier du Neuhof, vaste étendue de tours hérissées où vivent 20 ooo personnes et où le taux de chômage atteint 25 %. Dans ce quartier « sensible », les opérations de rénovation succèdent aux initiatives de « retissage » du lien social. Parmi elles, Allez les filles, qui organise tous les mercredis soirs une heure de découverte de la boxe réservée aux femmes. A l'origine de cette association créée en 2011, Yvette Palatine, ancienne championne de boxe anglaise. Ce soir, elle est assistée par Nera. Sa fille, Angélina Panza, est là aussi. Pourtant, difficile d'imaginer que cette adolescente de 17 ans, discrète derrière son ordinateur, est double championne de France de C Tous droits réservés à l'éditeur boxe anglaise et thaïlandaise. Il est vrai qu'elle a de qui tenir. Son entraîneur et père n'est autre qu'André Panza, surnommé « Docteur K.-O. », champion du monde de kick-boxing, boxe française et f ull-contact. « La promotion de la boxe, j'en ai toujours fait, explique Yvette Palatino. Cela fait trois ans qu'on intervient ici, pour les femmes. Ce sont elles qui sont venues me demander d'intervenir dans leur quartier, fai dit d'accord « Ces jeunes femmes peuvent se sociabiliser par le sport, apprendre le respect, une certaine discipline et gagner en assurance » FANNY HECHINGER administratrice de l'association Allez les filles à condition qu'ensuite elles viennent à leur tour dans d'autres quartiers. Notre projet est interquartiers, intergénérationnel et interculturel. » Et entre femmes, c'est-à-dire sans le regard des hommes, même si, parfois, certains les singent à travers la vitre. Par groupe de deux, elles travaillent maintenant leur jeu de jambes en frappant alternativement dans les gants de leur par- FAIS 1535055400509 LE MONDE SPORT&FORME Date : 10 OCT 15 Page de l'article : p.6 Journaliste : Jacques Portier Pays : France Périodicité : Hebdomadaire Page 2/2 tenaire. Une jeune femme arrive en retard, avec une copine. L'une a ici ses habitudes et rejoint le groupe ; l'autre s'assied sur un banc et regarde. Une animatrice vient à sa rencontre. « Je viens juste voir, peut-être la prochainefois... » « On est partis du principe que, comme d'autres, ces jeunes femmes peuvent se sociabiHser par le sport, apprendre Ie respect de l'autre, une certaine discipline, et gagner en assurance », explique Fanny Hechinger, administratrice de l'association. Là, son regard suit une jeune femme, foulard serré sur les cheveux, yeux pétillants, qui fait un sort au « sac ». « Regardez, quelle pêche elle a, celle-là ! » Si une fille « accroche » avec la boxe, Yvette l'aiguillera plus tard sur un club local. Changement de décor le dimanche suivant. Nous sommes au centre sportif de la Robertsau, quartier résidentiel aisé du nord de Strasbourg. Une affiche y annonce « une séance de sensibilisation dans l'approche de la protection et de la défense féminine ». Autour d'Yvette, il y a Marina, Guillaume et les deux Stéphane, membres d'un club près de Colmar. Objectif: enseigner quèlques gestes simples d'autodéfense. Vingt femmes se sont inscrites. La séance commence par quèlques conseils : « Le gars un peu lourd qui vous drague, ce n'est pas une agression, vous n'êtes pas en état dè légitime défense. Donc ne sortez pas la lacrymo, c'est d'ailleurs illégal ! » Puis viennent les exercices où les élèves apprennent à se débarrasser d'un agresseur qui tente de les étrangler. Stéphane montre comment dégager les deux mains et frapper au bon endroit. Mais une fois l'assaillant maîtrise, pas question de s'acharner. « Courez là où Hy a du monde », conseille Stéphane. « On ne cherche pas le combat, ajoute Yvette, juste à se sortir d'une situation dangereuse, c'est tout ! » Au début, les gestes sont lents, un peu factices. On pouffe. Marina s'insère dans un groupe, saisit une fille à la gorge. Tout à coup, le sérieux s'impose, la « victime » balance son bras comme on vient de le lui montrer. « Si l'une d'entre vous veut parler, en tête à tête, de quelque chose qui lui est arrivé, je suis là pour ça », glisse Yvette. Ici aussi, Allez les filles répond à une demande, dans le même esprit : « Donner de l'assurance et apprendre à inspirer le respect. » Entre le Neuhof et La Robertsau, comme entre les autres quartiers strasbourgeois où elle intervient, l'association essaie de multiplier les liens. «La première fois que des filles du Neuhof sont venues à la Robertsau, pour un stage, je les ai vues se préparer à repartir très vite, se souvient Yvette Palatino. "Désolée, je ne suis pas à l'aise ici", s'est justifiée une fille. La fois suivante, au Neuhof, on en a parlé : "Revenez, vous en êtes capables. Vous allez faire une démonstration de boxe avec moi, et le maire de Strasbourg sera présent !" » Les filles sont revenues, Roland Ries était là, effectivement. Et à la fin de l'entraînement, ce sont elles qui ont demande : « Quand est-ce qu'on recommence ? » • Cette initiative concourt au prix «LeMonde» -Fais-nous rêver, qui vise à récompenser un projet d'éducation par le sport. Pour en savoir plus : Apels.org PT:;: Les boxeuses d'Allez les filles lors d'un entraînement dirigé par Yvette Palatino au gymnase Reuss z du Neuhof, à Strasbourg. CH BOURGEOIS POUR«LE MONDE» Tous droits réservés à l'éditeur FAIS 1535055400509