L`homosexualité d`un point de vue théologique

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L`homosexualité d`un point de vue théologique
L’homosexualité d’un point de vue théologique
J’aimerais revenir sur l’affirmation particulière selon laquelle l’homosexualité serait un
péché mortel, conviction qui m’a paru centrale pour tous ceux qui ont lancé la
pétition anti gay pride avec des arguments théologiques.
Au sens strict de la question, il semble évident que seul Dieu pourrait nous éclairer à
ce sujet. La tradition réformée, pense qu’en matière d’interrogation, il convient
d’examiner au préalable ce qu’en disent les auteurs successifs de la Bible.
L’homosexualtié, dans la Bible.
La première chose qui frappe le lecteur de l’Ancien Testament, est que la question
de l’homosexualité n’est pratiquement jamais traitée. La question semble si
secondaire qu’on ne trouve même pas de mot précis pour en parler. Les textes
parlent de : coucher avec un homme comme on couche avec une femme. Le mot
hébreu : coucher : « zalal » a un sens large et comprend la notion de débauche. Il
est exact de lire à ce sujet dans Lévitique 20 : 13 « Quand un homme couche avec
un homme comme on couche avec une femme, ce qu'ils ont fait tous les deux est
une abomination; ils seront mis à mort, leur sang retombe sur eux. » cependant,
dans le même chapitre on lit que doivent être mis à mort également : tous ceux qui
insultent père et mère, les adultères, les zoophiles, un homme qui épouse une
femme et sa fille, ou qui a vu la nudité de sa sœur, celui qui a eu des relations
sexuelles avec sa femme pendant les menstrues, et tous les cas d’incestes
ascendants.
Je souhaite bien du plaisir à tous ceux qui veulent menacer de péché mortel les
homophiles. Cette entreprise les contraint - pour éviter d’être accusés de
discrimination - à en menacer aussi toutes les catégories énumérées ci-dessus !
Dans le Nouveau Testament on trouve précisément quatre textes qui abordent la
question : 1 Corinthiens 6:9 ; 1 Timothée 1:10 ; Romains 1:27 et Jude 1:7. Dans les
deux premiers, on trouve le mot grec arsenokoitos : celui qui copule avec un homme.
(Les mots homophile ou pédéraste ne sont pas utilisés.) Dans chaque cas, il est vrai
que les auteurs abordent la question pour la réprouver sévèrement.
Comment poser une question éthique ?
Le fondamentaliste protestant considère que les textes bibliques suffisent pour
énoncer tout vérité. Quant à moi, je refuse de croire que Dieu aurait tout dit sur tout,
et qu’il se serait tu depuis le deuxième siècle. La tradition catholique n’a cessé de
réfléchir depuis cette époque et a construit une dogmatique qui lui permet de prendre
position aujourd’hui. Les réformés pensent qu’il faut à chaque fois reprendre la
question depuis le jour de la résurrection de Jésus, en s’aidant des outils et des
connaissances contemporaines, quitte à devoir accepter qu’on a tenu des
raisonnements faux dans le passé. Ces erreurs ne dépendent pas de l’Evangile,
mais de l’imperfection des outils dont les croyants ont disposé dans les siècles
passés pour lui donner sens. Ces outils ont permis aux théologiens de constater que
l’homophilie n’est pas une décision de comportement individuel, mais une condition
d’identification qui ne dépend pas d’un acte volontaire de choix. Les sciences
humaines actuelles ne sont pas capables de nous raconter toutes les circonstances
qui ont conduit telle personne à aimer le même plutôt que l’autre. Ce constat nous
invite à la prudence, à la circonspection et au respect.
L’éclairage de l’Evangile.
Il faudrait un numéro entier du Nouvelliste pour exposer la démarche théologique
dans son entier. Je me contenterai de dire ceci :
La morale consiste à consulter le catalogue du bien qu’ont élaboré nos
prédécesseurs dont il ne reste la plupart du temps que poncifs, stéréotypes, dogmes
(je n’évoque ici que ceux dont on a démontré la désuétude) et affirmations toutes
faites. Ce catalogue nous autorise à juger toutes choses sans avoir à réfléchir, et ce,
avec une assurance et une autorité qu’on prétend infaillibles. Ce recours
systématique est au risque permanent de reproduire et d’amplifier les erreurs
héritées du passé…
L’éthique consiste à poser toute question, comme si c’était la première fois qu’elle
surgissait, en utilisant d’une part, la croix comme présupposé d’amour, et les outils
contemporains pour cerner le mieux possible la réalité de la question.
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La morale dit si c’est bien ou mal.
L’éthique cherche à trouver un chemin qui conduit vers la vie, plutôt que de suivre
celui qui conduit vers la mort.
En conclusion
La priorité de la théologie n’est pas de savoir si l’homophilie est un bien ou un mal,
mais de prendre acte de sa réalité devant la grâce divine. Chacun est responsable
de son idée à ce sujet, il n’est pas invité à se cacher derrière une morale.
La priorité consiste à trouver comment cheminer ensemble dans l’amour. Et si ce
cheminement nous conduits un jour à voir disparaître l’homophilie, peut-être s’en
félicitera-t-on ? dans le cas contraire nous aurons quelque fierté si nous sommes
parvenus à garder intacte la capacité de l’Evangile à nous rendre libres de nous
aimer de toute manière et d’accueillir nos différences !
L’homosexualité un péché mortel ? Je répondrai par une question : peut-on mettre
en échec le salut du Christ ?
Il me semble plus urgent de nous demander si la discrimination et l’exclusion n’en
constitueraient pas un… Cette double attitude a distribué son lot de blessures et
augmenté la solitude.
Il faut que le rappel du droit imprescriptible à l’existence particulière de l’autre et
l’amour inconditionnel de Dieu manifesté en Christ délient et débloquent notre liberté
à aimer… sans restriction et sans condition.
Reste cependant aux communautés homophiles à se comporter de façon telle,
qu’elles nous aideront à trouver avec elles ce chemin qui conduit vers la vie.
Pasteur Genton
Maître en théologie