MüLLER / MüLLER
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MüLLER / MüLLER
Un projet de Müller / Müller (Tr’espace) création : début novembre 2017 Le Maillon Théâtre de Strasbourg, Scène européenne FR de et avec Jörg Müller et Roman Müller Qu’advient-il une fois ArbeiT (le travail) accompli? Temps libre ... Liberté ... libre-pensée ... Libération du sens MüLLER / MüLLER A space oddity… Mars 2016 Photo : Michel Nicolas accompli Qu’advient-il une fois travail) accompli La suite d’ ArbeiT (travail), dernière création de Tr’espace en 2012? A quoi l’effort fait-il place ? Après le travail… le temps libre! Si l’on dit du travail qu’il fait sens, le temps libre est-il synonyme de non-sens? Notre nouvelle production sera-t-elle donc vide de sens? Commençons donc par nous laisser la liberté d’empoigner l’oisiveté à bras le corps et de nous libérer pour un moment de l’incontournable recherche de sens.L’ Ich glaube, dass in der Anhäufung von Schwachsinn mehr Wahrheit liegt als in der Anhäufung von Wahrheit. Christoph Schlingensief Source: Der Spiegel 11/1998 du 9 Mars 1998 Traduction M.Merçay Je crois qu’il y a plus de vérité dans un recueil d’idioties que dans une collection de vérités. Traduction M.Merçay De temps en temps, c’est très simple : deux Müllers se croisent par hasard, ils discutent et se donnent rendez-vous sur un plateau de scène. C’était fin 2014. Printemps 2015 : Le Théâtre Hautepierre à Strasbourg leur ouvre ses portes pour 8 jours. Juste comme ça. Seule condition : montrer quelque chose à la fin de la résidence. Ils sont arrivés à une présentation de 50 minutes et ils sont repartis avec le désir de continuer. Un s’appelle Jörg et l’autre Roman. Deux artistes, bricoleurs, performeurs, jongleurs avec 20 ans d’expérience comme bagage. Les chemins des Müllers En cursif, quelques citations de Jean Michel Guy à propos de la rencontre de Jörg et Roman. Le texte de Jean Michel Guy dans sa globalité en annexe Jörg grandit en Allemagne, Roman en Suisse, tous les deux jonglent depuis leur jeunesse. Leur rencontre peut sembler logique : leur langue commune, leur commune science de la jonglerie, leur expérience de l’altérité (on ne peut pas parler, dans leur cas, de déracinement ni d’exil), leur folie douce. L’un se forme au Centre National des Arts du Cirque CNAC à Châlons-en Champagne, l’autre à la Scuola Toatro Dimitri au Tessin. La base commune, c’est l’injonction contradictoire de faire du neuf avec du vieux, et du sacré avec du profane. Ni Roman ni Jorg ne sont, durant leur formation, révolutionnaires a priori : ils s’inscrivent l’un et l’autre dans un mouvement d’émancipation du cirque qui leur permet de chercher, d’expérimenter, de ne pas trop savoir où ils vont. Mais ils ne savent pas ce qu’ils font, si j’ose dire. Ils font. Jörg invente le jonglage en apesanteur, Roman réinvente le Diabolo sur le plan esthétique et technique Du moins sont-ils égaux en monstruosité : avant eux, on n’avait jamais vu ça ! On n’avait jamais vu le diabolo autrement que comme un jouet d’enfant, on n’avait jamais vu le jonglage pendulaire de Jörg. Ça tourne, ça gravite, ça orbite sans cesse. La simplicité, la réduction à l’essentiel les réunit. Deux génies. Ce n’est pas, cela dit, la jonglerie, ni l’allemand, qui à mon sens les réunit. C’est leurs rires. Roman rit à tout bout de champ, il rit de tout, il se rit de tout, moins par ironie que par plaisir ! La vie est, en tant que telle plaisante. Roman est cette personne qui s’interdit tout malheur dans la vie courante en jetant tous ses malheurs (éventuels) dans la création. Roman jette tout le tragique dans son art, et c’est là qu’il est grand. Jörg est un mec qui cache son jeu, pratiquement en permanence : jamais où je suis. C’est un rieur total, un mec qui adore s’amuser, un fou de la fête. Et qui se cache presque pour penser. Qui pense énormément, mais comme en cachette. Qui bouge merveilleusement. Les deux développent leur propre langage, leur identité scénique et vision artistique. « Cynisme positif » ou « optimisme critique »? Leurs chemins se croisent rarement. Ils entendent parler l’un de l’autre de temps en temps. Leur première rencontre sur un plateau date de mars 2015. C’est vrai qu’il est difficile de les imaginer ensemble, tellement ils sont chacun «entiers». Moi, j’entends leurs rires, j’entends leurs conneries, j’entends leurs délires de jongleur, je les vois ensemble avec crainte et enthousiasme. MüLLER / MüLLER est comme une nécessité. Façon de procéder dans un premier temps Sans but, sans thème, sans regard extérieur dans un premier temps, sans se parler de ce que nous allons faire, sans parler d’une méthode de travail, sans chercher de raisons. Démarrer avec une page blanche et vierge. C’était la base de notre première résidence en mars 2015 à Strasbourg et également la richesse et fraîcheur de ce moment. Nous voulons garder et prendre soin de cette liberté en portant une attention toute particulière aux moments où émerge la matière. Observer et analyser nos actions dans l’instant présent pour distiller au fur et à mesure et avec prudence le propos et la thématique. Nous laissons la porte bien ouverte au hasard, nous lui laissons la possibilité d’intervenir, de nous surprendre et de nous guider par moments. Point de départ 1000 demi-diabolos blancs 5 tubes en aluminium suspendus 1 balais 1 pelle 1 chariot 1 guitare un espace circulaire proche du public simple et direct tout à vue Source d’inspiration Le régime d’accélération de la modernité et ses conséquences de Hartmut Rosa, sociologue et chercheur, était la base du précédent spectacle ArbeiT MüLLER / MüLLER - a space oddity s’inspire de l’oeuvre Liquid Modernity du sociologue et philosophe Zygmunt Bauman Ces deux penseurs s’intéressent tous les deux à l’évolution postmoderne : plus particulièrement à l’accélération du temps pour Rosa et à la liquéfaction des structures pour Bauman. La fluidification de l’espace Liquids, unlike solids, cannot easily hold their shape. Fluids, so to speak, neither fix space nor bind time. While solids have clear spatial dimensions but neutralize the impact, and thus downgrade the significance of time, fluids do not keep to any shape for long and are constantly ready to change it; and so for them it’s the flow of time that counts, more than the space they happen to occupy; that space, after all, they fill but for a moment. In a sense, solids cancel time; for liquids, on the contrary, it is mostly time that matters. When describing solids, one may ignore time altogether; in describing fluids, to leave time out of account would be a grievous mistake. Descriptions of fluid are snapshots, and they need a date at the bottom of a picture. Fluids travel easily. From meeting with solids the emerge unscattered, while solids they have met, if they stay solid, are changed – got moist or drenched … Zitation de Zygmunt Bauman, Liquid Modernity, Cambridge, UK: Polity Press Liquids, unlike solids, cannot easily hold their shape Un paysage blanc et infini sur le fond noir de l’espace scénique. Ce paysage bouge, se transforme, se désagrège, se cherche de nouveaux chemins et perd lentement sa consistance - comme un glacier en train de fondre. Une surface d’eau, dont les molécules ne sont ni de l’hydrogène (H) ni de l’oxygène (O), mais des demi-diabolos. Deux hommes essayent de dompter cette immensité aqueuse, tantôt de l’intérieur, tantôt de l’extérieur. Ils tentent de canaliser les remous, d’orienter les flots, s’activant chacun pour soi ou ensemble. Bien que cette matière soit tangible, elle est instable, mouvante. Elle constitue l’espace de jeu des deux acteurs et leur point de repères Leurs repères deviennent instables, liquides… A la fois tangible et mouvante, cette matière constitue l’espace de jeu et le cadre de référence des deux acteurs. Mais leurs points de repères deviennent instables, liquides… Nous vivons dans un monde en transition, d’une modernité solide à une modernité liquide. Citation de Zygmunt Bauman, Liquid Modernity, Cambridge, UK: Polity Press Le temps La dimension du temps a dans notre recherche une grande valeur. Donner aux actions le temps nécessaire pour se développer, mais aussi au spectateur le temps de pouvoir lire nos actions, suivre des changements subtils. Nos actes se forment étape par étape, au fur et à mesure qu’ils commencent à se relier, à trouver une évolution dans leur logique et à construire le langage et la dramaturgie. L’espace, circularité L’espace scénique est une surface libre et circulaire de probablement 11 mètre de diamètre. Les spectateurs sont en préférence assis tout autour, ceux du premier rang sur des coussins au sol, proches des événements et des acteurs. Les frontières de cet espace sont poreuses : ce qui délimite la scène et la salle peut être flou, l’étendue d’eau risque de se faufiler entre les spectateurs en les impliquant subtilement. Les acteurs aussi oscillent entre présence naturelle et jeu scénique, glissent de l’activité à la passivité, de l’observation à l’action. Une grande partie de notre recherche est circulaire, dans le mouvement des objets, dans nos propres mouvements, dans l’écriture, dans notre manière de penser. Le son Le bruit de centaines de demi-diabolos en mouvement au sol ressemble à un déferlement et contraste avec les sons harmoniques des tubes d’aluminium. L’univers sonore sera créé à partir de sources non instrumentales. Les sons émis par les objets et leurs mouvements seront mis en valeur et amplifiés. Exemple : des demi-diabolos vacillants sur les cordes d’une guitare créent à la fois des ambiances intéressantes et des relations entre les objets utilisés. Les ambiances ainsi créées, reprises en boucles, vont offrir tout en subtilité et en finesse un support aux sons acoustiques des deux acteurs, de leurs objets et de leurs actions. Les personnes Roman Müller CH Roman Müller vit du cirque et pour le cirque depuis plus de 20 ans. Il s’inspire de la théorie sèche et ardue pour nourrir avec une touche d’humour un imaginaire riche et ludique. Né en 1972, diplômé de la Scuola Teatro Dimitri (CH) en 1999. Artiste indépendant, il se produit dans de nombreuses compagnies et spectacles internationaux. En 2002 : cofondateur de la compagnie Tr’espace et ensuite, en 2007, membre du collectif InStallation. Roman Müller joue dans plus de 25 pays sur les 5 continents et reçoit de nombreux prix internationaux. Il enseigne Les fondements scéniques de la manipulation d’objet dans des écoles de cirque renommées, telles que ESAC (Ecole supérieur des ARTS du Cirque) à Bruxelles (BE) ou ACaPA (Fontys Academy for Circus and Performing Art) à Tilburg (NL). Roman Müller est membre du jury international de CircusNext et directeur artistique du Festival cirqu’ à Aarau en Suisse. Jörg Müller DE/FR Jörg Müller évolue entre le cirque, la danse, la performance et la musique en se jouant des frontières entre les genres et les disciplines. Né en Bavière en 1970, Jörg Müller obtient en 1994 son diplôme (avec les félicitations du jury) en Arts du Cirque au CNAC d'où il sort avec mobile. Depuis il a créé «c/o» et «noustube» - (travail dans un cylindre de verre rempli d'eau mesurant 3 mètres de haut); «PRE #1» et «PRE #2.2» avec Jess Curtis (performance entre cirque, danse et sciences expérimentales) et il vient de créer «Sarabande» avec Noémi Boutin (les suites de Bach et jonglerie). Depuis 2006 il est praticien de la Méthode Feldenkrais. Il collabore (en cirque, danse, théâtre, musique, performance) entre autres avec Pierre Doussaint, Mads Rosenbeck, Thierry André, Jérôme Thomas, Philippe Goudard, Francois Cervantes, Kitsou Dubois, François Verret, Philippe Découflé, Odile Duboc, Valerie Lamielle, Yoann Bourgeois, Martin Schwietzke/Les Apostrophés, Gulko/Cahin-Caha, Jeanne Mordoje, Nikolaus Holz/Christian Lucas, Roland Auzet, Mark Tompkins, Pedro Pauwels, Cie Anomalie, Jess Curtis, Noemie Boutin, Peter Corser, Jean-Paul Autin, Steven Cohen, Karim Sebbar, Cendrine Gallezot, Keith Hennessy, Camille Boitel, Jean-Benoît Mollet, Hyacinthe Reich, Vincent Peter, Jean-Emmanuel Belot, Noemie Lambert, Samuel Dutertre… Régine Westenhoeffer FR Regard extérieur / conseil dramaturgique Régine Westenhoeffer fait la connaissance de Jörg Müller au cours de leur résidence commune avec le chorégraphe Mark Tomkins de 1998 à 2000 à Strasbourg. Elle rencontre Roman Müller lors des représentations de ArbeiT et Le Cercle à Strasbourg. Elle assiste ensuite à la présentation du travail de MüLLER / MüLLER au Théâtre Hautepierre à Strasbourg. Jörg et Roman sont conquis par son regard affûté, son analyse et la pertinence de ses questions. Comédienne formée à l’AEPAS de Bruxelles, elle suit une formation vocale avec Enrique Pardo (Roy Hart). Elle participe en parallèle à des ateliers de danse improvisée avec Simone Forti, Julyen Hamilton et Mark Tompkins. Toujours à Bruxelles, elle travaille sur des projets de théâtre clownesque et scientifique avec la Cie Espace/Temps. En 1998, elle rencontre le chorégraphe Mark Tompkins et participe à sa résidence chorégraphique à Strasbourg. Artiste associée à l’Atelier du Rhin de Colmar de 2005 à 2007. Depuis plus de dix ans, elle travaille avec la Cie de théâtre chanté Les Clandestines sur Strasbourg. En tournée actuellement avec Loin –Lontano, Vià, spectacle de rue, paroles d’exil à partir d’un répertoire de chants populaires italiens et Boots & Roots. Parallèlement, elle codirige depuis 2002 la Cie de danse dégadézo à Strasbourg et participe activement aux créations chorégraphiques et au programme de formation de danse improvisée. En ce moment, en tournée avec le spectacle hors les murs Contactfull, conférence en corps et en mots sur la thématique de la peau et du toucher. Elle intervient également comme formatrice au CFMI à Sélestat, à l’EM et à l’IEP à Strasbourg. Intervenants Nous allons travailler dans le temps de recherche avec différant intervenants pour la phase de recherche. À l’heure actuelle nous n’avons pas encore pris des décisions. Tr’espace Tr’espace développe sur scène un univers riche en nuances en rendant l’invisible visible, dans un geste simple et épuré où l’effort se fond dans la beauté. Le moteur de Tr’espace est Roman Müller, penseur, bricoleur, performeur, jongleur, guitariste et directeur artistique du festival cirqu’ à Aarau. Entouré sans cesse de nouvelles équipes, il crée dans un rythme tranquille, en se laissant le temps. Le temps de chercher, d’exercer, d’échouer, d’essayer encore. La dimension temporelle est d’ailleurs au cœur de ses recherches pour faire émerger du neuf : tout tourne, circule, virevolte, pivote dans un imaginaire captivant et ludique, nourri de théories scientifiques et philosophiques. La discipline artistique d’origine– le diabolo – se laisse à peine deviner, elle apparaît en filigrane, complètement réinventée sur le plan esthétique, dramaturgique et technique. Tr’espace a réussi à travers plusieurs créations consacrées au diabolo. Premier spectacle intitulé Duo Tr’espace, suivi par la courte pièce RencontreD, puis Le Cercle et enfin ArbeiT. A ce jour, Tr’espace s’est produit lors d’un millier de représentations dans plus de 25 pays sur tous les continents et a reçu plusieurs distinctions et prix internationaux. 2015 MüLLER / MüLLER Premiers étapes de recherche à Strasbourg et Helsiniki Mise en scènes pour le Theater op de Markt BE: Circusbos 2014 Tr’espace recois le prix suisse d’innovation des arts de la scène 2014 pour ArbeiT 2012 ArbeiT Création : Théâtre Hautepierre, Le Maillon, Théâtre de Strasbourg, Scène européenne FR 2010 ArbeiT Carte Blanche 2008 inStallation Première du spectacle en collaboration avec le collectif inStallation à Wohlen CH dans le quartier d’hiver du cirque Monti 2009-2011 Tournée en Suisse, France, Belgique, Allemagne et Angleterre 2005 Le Cercle Première au festival La route de Cirque à Nexon FR En tournée de 2005 à 2015 2004 RencontreD en tournée de 2004 à 2010 Première au festival Piste de lancement à Bruxelles BE 2004 lauréats Jeunes Talents Cirque Paris FR. Subvention de Conseil Régional d’Ile de France pour poursuivre la recherche 2007 Premio de Circo Emilo Zapatero au IX. Festival International de Teatro y Artes de Calle TAC à Valladolid ESP 2003 Duo Tr’espace pour cirque, gala, cabaret 2002 Petronelle von Zerboni et Roman Müller créent Tr’espace Planning Résidences fixées 2015 -‐ -‐ Du 7 au 14 mars au Théâtre Hautepierre à Strasbourg, avec le soutien des Migrateurs FR, Du 11 au 17 octobre, Cirko Helsinki, avec le support du 5-3-1 Festival FI 2016 -‐ -‐ -‐ Du 1 au 15 février au Theater Tuchlaube à Aarau CH En juillet - août, 2 semaines au Théâtre Hautepierre à Strasbourg FR avec le soutien des Migrateurs FR 2 semaines prévue dans la Alte Reithalle à Aarau CH 2017 -‐ du 8 au 30 avril au Théâtre Hautepierre à Strasbourg FR avec le soutien des Migrateurs et Le Maillon, Théâtre de Strasbourg, Scène européenne FR -‐ Création : début novembre 2017 au Le Maillon, Théâtre de Strasbourg, Scène européenne FR Temps de travail prévu -‐ -‐ Temps de recherche : Temps de création : 6 semaines 10 semaines MüLLER / MüLLER cherche -‐ -‐ -‐ Des résidences de 10 jours à 3 semaines pour un team de 3 à 6 personnes, dont 3 en permanents + dramaturgie, production etc. Des coproductions Des préachats à partir de novembre 2017 Partenaire actuelle -‐ -‐ -‐ -‐ Le Maillon, Théâtre de Strasbourg, Scène européenne FR Les Migrateurs, associés pour les arts du cirque, Strasbourg FR 5-3-1 Festival Helsinki FI Theater Tuchlaube, Aarau CH Contact Tr’espace Müller & Von Zerboni di Sposetti c/o A. Müller Naglerweg 6a 5614 Sarmenstorf Suisse +41 79 249 24 21 [email protected] www.trespace.com Production et diffusion internationale Ute Classen Theaterstraße 15 52062 Aachen Allemagne +49 24 14 50 48 410 [email protected] www.ute-classen.de Jean Michel Guy à propos de la rencontre de Jörg Müller et Roman Müller Janvier 2016 L’un Suisse, l’autre Allemand, germanophones l’un et l’autre de naissance, mais ils ne parlent pas tout à fait le même allemand. L’un et l’autre francophones d’adoption, mais ils ne parlent pas tout à fait le même français. Et tellement à l’aise, l’un et l’autre, en anglais, qu’on se demande en quelle langue ils vont bien pouvoir s’engueuler. Leur rencontre peut sembler logique : leur langue commune, leur commune science de la jonglerie, leur expérience de l’altérité (on ne peut pas parler, dans leur cas, de déracinement ni d’exil), leur folie douce. Mais l’un et l’autre sont des monstres. L’un fût-il espagnol et l’autre birman, ça ne changerait rien : monstre une fois, monstre toujours. Monstre d’abord. Du moins sont-ils égaux en monstruosité : avant eux, on n’avait jamais vu ça ! On n’avait jamais vu le diabolo autrement que comme un jouet d’enfant, on n’avait jamais vu le jonglage pendulaire de Jorg. La base commune, c’est l’injonction contradictoire de faire du neuf avec du vieux, et du sacré avec du profane. Ni Roman ni Jorg ne sont, durant leur formation, révolutionnaires a priori : ils s’inscrivent l’un et l’autre dans un mouvement d’émancipation du cirque qui leur permet de chercher, d’expérimenter, de ne pas trop savoir où ils vont. Mais ils ne savent pas ce qu’ils font, si j’ose dire. Ils font. Jörg invente le jonglage pendulaire, c’est une belle idée, mais il ne sait pas encore que je le rebaptiserai, en généralisant, jonglage asservi, ni qu’il vient d’inventer quelque chose de totalement nouveau. Mais le fait est : Jorg Müller a inventé une nouvelle forme de jonglage, qui interdit la chute sans nier l’accident. Plus tard, Jorg essaiera, certes vainement, de jongler en apesanteur : l’idée même de séparer les notions de jonglerie et de poids est en soi révolutionnaire (et elle a inspiré à Phia Ménard l’idée même de jonglabilité). Jorg, qu’il l’ait voulu ou non, est l’exemple même du génie. Il suffit de voir aujourd’hui, en 2015, Mobile, pièce de trente minutes, basée sur une idée révolutionnaire datant de 1990, pour comprendre ce que j’entends par génie : cette pièce est tellement formelle , et même tellement formaliste, qu’elle transcende le temps. Elle pourra être rejouée dans 100 ans avec la même efficacité. C’est très exactement ce que j’appelle une œuvre : pas seulement quelque chose qui dit son époque ou plaît ou déplaît en son temps, mais qui reste. Roman a déconstruit et continue de déconstruire le diabolo. Il est exactement sur la même longueur d’onde idéologique que Jörg. La révolution de Roman est moins médiatique, car le diabolo n’évoque pas, comme la jonglerie de balle, la notion de chute. C’est bien plutôt la notion de style qui est en jeu : je peux tout faire avec un diabolo, même avec un diabolo déconstruit à l’extrême, que voulez-vous ? Roman, avec un diabolo, peut tout simplement tout. Que suis-je en train de dire ? Deux génies. Ce n’est pas, cela dit, la jonglerie, ni l’allemand, qui à mon sens les réunit. C’est leurs rires. Roman rit à tout bout de champ, il rit de tout, il se rit de tout, moins par ironie que par plaisir ! la vie est, en tant que telle plaisante. Roman est cette personne qui s’interdit tout malheur dans la vie courante en jetant tous ses malheurs (éventuels) dans la création. Roman jette tout le tragique dans son art, et c’est là qu’il est grand. Jorg est un mec qui cache son jeu, pratiquement en permanence : jamais où je suis. C’est un rieur total, un mec qui adore s’amuser, un fou de la fête. Et qui se cache presque pour penser. Qui pense énormément , mais comme en cachette. Qui bouge merveilleusement . Ce qui vous réunit, c’est évidemment ce rire face à la vie, comment dire ce « cynisme positif » ou cet « optimisme critique » ? C’est vrai qu’il est difficile de vous imaginer ensemble, tellement vous êtes chacun « entiers ». Moi, j’entends vos rires, j’entends votre connerie, j’entends vos délires de jongleur, je vous vois ensemble avec crainte et enthousiasme.