La montagne de Sidi Ali Bouneb

Transcription

La montagne de Sidi Ali Bouneb
Je « retiens » une boutique de robes plus jolies les unes que les autres, mais
celles vers qui lesquelles va ma préférence sont les robes tuniques berbères
brodées à la main et dans des tons chauds couleur sable. Les autres sont gaies
mais très bariolées.
Les boutiques sont sombres et étroites, pressées les unes contre les autres !
Beaucoup de poussière ! Impossible de trouver des cartes postales, on me
répond que ce n’est pas encore un pays touristique ! Bon, je ne désespère pas,
j’en trouverai sûrement à Tizi-Ouzou. Les pancartes, les panneaux indicateurs
sont écrits en français et en « vermicelle ».
Les habitants flânent, les anciens sont assis près de la mosquée, d’autres sont
assis dans les cafés d’hommes. Un cinéma… mais ici, il est mal vu qu’une femme
s’y rende seule. Beaucoup de regards, de sourires.
11 h 30
Fadillah prépare le couscous kabyle pour le dîner. Ce midi : tomates, betteraves
crues râpées, salade et thon. Et une spécialité, chaktchouchka (cela
ressemble à notre pipérade basquaise, mais en plus épicé !). Fromage ;
camembert pasteurisé et un yaourt (marque associée à Danone). Du raisin noir.
Le vin est réputé dans le monde entier ; la cuvée du président : Sidi Brahim…
Cet après midi, sous un soleil de plomb, je me rends sur le chemin du château d’eau de
DBK. Météo : 46°, soleil brûlant. Bise chaude et légère ne laisse le
corps indifférent. La peau pique, brûle, se dessèche, mais la caresse efface
et calme la peau qui accepte.
La montagne de Sidi Ali Bouneb
Christine Lecompte
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DBK : Draa Ben Khedda (ex-Mirabeau)
Petitchâteaud’eau
Grandchâteaud’eau
Au retour, vue de la ville de DBK
Des nouvelles de monsieur Maklhouf, nous avons rendez- vous à Tizi demain
vers 10 heures. Sa femme se dit très honorée de me recevoir. Salem me
conduira en voiture.
Christine Lecompte
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TiziOuzou (col des genêts). Ville principale de lagrandeKabylie.
En compagnie d’Oria, fille aînée de Salem, nous nous rendons en ville avec le
minibus. Très typique, le tarif du trajet reste le même tout au long de la prise
en charge des passagers. Le chauffeur attend qu’il soit plein ou presque pour
démarrer. Son acolyte se charge, au cours du trajet, de récupérer l’argent de la
course, pas de ticket.
Je remarque que sur les pièces, il y a des animaux.
Au centre de Tizi :
Un théâtre d’apparence lugubre, sans couleur ni lumière !
Lors de ma prise de vue, un jeune homme me signale que je n’ai pas le droit de le
photographier. Je n’y attache pas d’importance sur le moment, mais comme je
ne connais pas la législation à propos des bâtiments culturels de ce pays,
je ne le publierai pas dans le doute ne dit-on pas : abstiens toi !
Lamairie où le général De Gaulle tint son premier discours.
Un magasin direct d’usine, un cercle sportif, un salon de coiffure, la préfecture, des
restaurants, une résidence universitaire de filles, un musée - cimetière de guerre
et lamaisondela culture.
J’apprends que de nombreux kabyles revenus au bled tiennent des petits
commerces.
De nombreux taxis circulent en quête de passagers.
Les routes sont à refaire car très « cahoteuses » avec nids de poule et dos
d’ânes. Les trottoirs sont très hauts ! Inachevés. Quelques voitures françaises.
Oria m’offre une glace dans un salon de thé - glacier réputé dans la ville.
Pas de climatisation dans cette salle, je sue à grosses gouttes et la glace fond
très vite.
Nous allons dans une boutique de cassettes. On m’offre une cassette d’un
chanteur que j’apprécie énormément : Idir que j’ai pu découvrir et applaudir au
mois de mai à Clichy sous Bois et avec qui j’ai pu converser et prendre une photo.
Nous visitons le quartier des touristes : « artisanat », souvenirs en tout
genre, bijoux, vannerie, mais cela ne me semble pas authentique.
A l’étage supérieur, une librairie. Je ne résiste pas, j’achète un bouquin « un
amour de papillons d’Habib Sayah »…C’est la nostalgie d’un c ur de pierre et
d’une pierre qui abrite un c ur égaré dans la consternation et la douleur.
Je cherche un nom Matoub Lounès. Le vendeur me renseigne et me répond que je
ne trouverai pas le livre de son autobiographie ici et cela avant quarante ans
peut-être.
Christine Lecompte
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De jeunes désoeuvrés errent. Ils regardent passer les
femmes…occupation ? De temps en temps, j’entends l’appel à la prière.
Au dîner, je me régale avec le couscous préparé par la femme de
Salem.
Près de chez eux, j’ai demandé l’autorisation de prendre une officine en photo.
Petit retour dans le passé, j’ai travaillé en pharmacie quelques temps en
France. Je satisfais ma curiosité en la visitant.
Ma résidence hôtelière
Au troisième étage ; volet ouvert, petite parabole. Chez Salem et toute sa
petite famille.
Le15août
J’ai dormi environ deux heures, il fait vraiment chaud et lourd la nuit. En
compagnie de Salem et de Marila, nous empruntons la route nationale,
quelques gouttes de pluie, le temps est lourd et couvert.
L’effervescence en bordure de route est toujours la même. Tizi est encombré,
nous rejoignons monsieur Maklhouf.
Le rendez vous est fixé à l’association espace 19.
Christine Lecompte
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Aït-Ouanèche
Superbe village, des oliviers à perte de vue.
L’olivier(extraitécritparMouloudMammeri)
C’est l’arbre de mon pays… Celui de toutes les vertus… Il est noueux, rugueux,
il est rude. Il a traversé les siècles… A certains, on donne des noms… Quand
l’ennemi veut nous atteindre, c’est à eux qu’il s’en prend d’abord.
… Contre toute logique c’est en hiver qu’il porte le fruit…C’est alors que les
hommes s’arment et les femmes se parent pour aller célébrer avec lui les noces
rudes de la cueillette…
Au loin le Djurdjura, c’est
beau !
Des habitations inachevées, « seuls les émigrés ou les truands ont les
moyens d’achever leur maison » paroles d’habitants.
Village d’Hasnaoua.
Village d’Haït Hassène
Je suis arrivée chez Med vers 11 heures. L’oncle de Shaba nous a conduit
jusqu’à son domicile en voiture.
Le paysage me plaît, c’est un coup de foudre !
La femme de Med, avec l’aide de ses filles, a repeint les murs de la grande
salle pour m’accueillir. Tout est propre.
Christine Lecompte
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La directrice et la maîtresse de français sont venues me saluer. Rencontre
avec : Monsieur Akir Talah
Chef de département commercial.
(Algérienne des eaux) Tizi-Ouzou
Très bons échanges.
EcoledeTazemmourtamar (1963)
Visite de l école commentée : c est l école des oliviers.
3petitsbâtiments. Pasdecantine. Accueil : 102 élèves.
Ecolechaufféeaumazout.
Monsieur Med, moi, Ourida (la directrice) et Ouardia (le professeur de
français). Le photographe est le chef du département des eaux.
Leshorairesdel’écolesont : 8 h – 11h15 et 13h -15h. De 15h à 16h le rattrapage.
On y enseigne l’Arabe et lefrançais (5heuresparsemaine).
28 élèves dans la classe de sixième équivalente à notre cm2. Le port du tablier est
obligatoire.
La directrice est totalement déchargée.
Pas de téléphone
Christine Lecompte
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Le tableau
Le matériel est très ancien. Ce sont des tables pour deux avec le trou des
encriers non utilisés.
Au dessus de l’école deux logements de fonction avec terrasse et une
vue !!
Imprenable.
Un logement est occupé par la directrice qui vit avec sa s ur ; c’est un trois
pièces.
L’autre est occupée par l’enseignante.
Nous sommes conviés à une collation chez la directrice (café, assiette de melon
blanc et raisins frais). Très appréciable car il fait chaud.
A l’université de Tizi-Ouzou, les matières scientifiques sont enseignées en
Français. A Alger, après le bac, les cours sont donnés en Arabe…
J’écouteleslégendes ?
Les touaregs ou les hommes bleus sont voilés car ce sont les femmes qui ont
sauvé leur campement lors de l’attaque des ennemis. Les hommes se sont
cachés et par honte de leur lâcheté se sont recouverts d’un voile bleu.
Les enfants portent le nom de leur mère. Les femmes ne se voilent pas.
Elles commandent et enseignent à leurs enfants.
La déesse Dihya (païenne), rebaptisée Kahina (dans la région des Aurès…les
Chaouis) veut dire sorcière.
Les musulmans venus en Algérie pour soumettre le peuple à la religion,
ont été abasourdis de voir une femme chef…Ils ont dit que c’était
impensable, inconcevable, qu’elle avait du ensorceler les hommes.
Elle a été décapitée, mais avant de mourir elle a demandé à ses enfants
de se soumettre à l’Islam pour ne pas être tués. (Sa tête transportée en
orient).
Depuis ce jour, la condition des femmes a décliné. Certains lieux en Kabylie
portent le nom de guerrières.
Christine Lecompte
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Le haut du Djurdjura – Lalakhadidja.
La ville de Bejaia (arabe), Bougie (français), Vgayet (kabyle).
Le lieu sacré est Yemma (mère) ; Gouraya…elle veille sur la ville et les marins.
Village D Aït Ouanèche
Cesoir : couscous.
Med est un surnom donné par Denis, c’est un diminutif de Mohammed. Il
enseigne 8 heures par semaine à l’université de Mouloud Mammeri à TiziOuzou.
Ouiza, sa femme est à la retraite, elle a commencé d’enseigner à l’âge de 19 ans.
Maintenant elle élève des poules, des lapins et des biquettes.
J’ai offert les cadeaux pour les élèves de la classe de sixième (dictionnaires,
livres et petites fournitures scolaires).
Ma valise sera bien moins lourde !
Au déjeuner : crudités, petite tranche de b uf, frites et haricots verts,
bananes et raisins dans une coupelle, (c’est bon !).
Danslevillage,alimentationeneaulejeudi,vendredietsamedi.
Le chef de la brigade des eaux fait la chasse aux fraudeurs qui
installent des robinets sans les déclarer car des occupants de maisons
voisines n’ont pas d’eau…ce qui n’est pas juste.
Ce soir douche, sans robinet, avec cuvette d’eau tiède et froide + un broc. Une
pensée me vient : « que de gaspillage d’eau », chez nous, en France !
La famille Makhlouf est composée de 5 enfants et de la mère de Ouiza.
L’aîné, que je n’ai pas vu, Idir qui étudie dans le génie civil, Dihya qui prépare sa
thèse de français, Yasmine qui poursuit des études dans le marketing… et
Yacine qui continue ses études et qui aime le français comme son papa.
Med est un grand poète, écrivain.
Je pourrais l’écouter des heures… le courant passe bien comme avec tous les
gens que j’ai rencontrés. Je peux revenir sans problème l’année prochaine, tout
le monde m’offre l’hospitalité.
Christine Lecompte
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La convivialité cependant ne se trouve pas dans chaque maison…souvent les
conflits éclatent lors d’un héritage. (Divisions et disputes).
Un homme peut prendre jusqu’à 4 épouses, mais cela se produit de moins en
moins. (Plus de harem ?).
Certains couples divorcent.
Beaucoup d’hommes sont souvent dans la rue car ils pensent que travailler,
même rétribués, est dévalorisant. Souvent les jeunes restent chez leurs
parents et se font entretenir. Cependant, il se trouve que parfois c’est l’aîné de
la famille qui nourrit toute la famille. (Solidarité).
Une blague racontée par Oria me revient en mémoire, enfin un fait
véridique.
Une femme kabyle se rend chez son docteur et dit ne pas comprendre
pourquoi elle tombe enceinte puisqu’elle achète la pilule ! Le médecin lui
demande si elle la prend bien chaque jour ?
Ah ! Non, « c’est mon mari qui les prend ».
Ce soir, assise à l’extérieur de la grande maison de Med, je regarde les
lumières dans la montagne et aussi les étoiles.
Je me sens bien, non dépaysée, pourquoi ?
Je vis à leur rythme et ils me donnent beaucoup…de marques de sympathie.
Ils me font voir qu’ils sont contents….
Je suis entourée par des gens de grandes valeurs et plein de richesses.
Ils sont riches en ne possédant que peu de bien matériel…
Economie:
1 salaire d’instituteur : 160 €
1 salaire de professeur : 280 €
1 litre de lait : 0,27€ - 27 DA.
Ce pays me parle…
Cette nuit, la première dans ce village, j’ai soif…mais je ne trouve pas d’eau
fraîche. Je trouve une casserole et je fais bouillir de l’eau.
Je vais boire une tisane de menthe car j’ai apporté des sachets de chez moi.
Cela, ne sera pas frais, mais me désaltérera.
Après le cris des hiboux, vient l’aboiement d’un chien, un peu enroué…Où est
ce un chacal ?
Les toilettes sont « à la Turque ». Un tuyau sert à l’évacuation des eaux
usées. Je pense qu’ils n’ont pas le tout à l’égout.
Ces gens sont braves…je dors dans la chambre des filles. Elles dorment
dans une petite pièce avec la grand-mère. Je suis un peu gênée de cette
délicate
attention. Les filles accomplissent les tâches ménagères sans
rechigner.
Christine Lecompte
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