Kilimandjaro de Jean - Velo club bois

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Kilimandjaro de Jean - Velo club bois
« J’irais au bout de mes rêves (Jean Jacques Goldmann) »
Préambule : pourquoi cette ascension ? Depuis longtemps, depuis l’école primaire, ce nom de
Kilimandjaro me faisait rêver : les cartes d’Afrique, les films d’aventures que les USA nous
balançait, avec en fond d’écran, ce géant des safaris ; plus tard le livre d’Ernest Hemingway
« les neiges du Kilimandjaro », la chanson-tube de Pascal Danel, récemment « le Roi lion »
etc…
Bref, après mes deux ascensions du Mont Blanc par des versants différents, au début des
années 90, je m’étais promis d’attaquer ce mythe … Mais les années passèrent avec plein
d’autres projets, d’autres challenges… Le Kilimandjaro restait toujours dans un coin de ma
tête…
Et c’est durant l’été de cette année que j’ai pris la décision : vu les années accumulées je me
suis dit « c’est maintenant ou jamais ! »
Samedi 5 décembre.
Roissy CdG.
Je suis, avec mon barda, au RdV fixé par « Terres d’Aventure ».
Un membre de cette agence me donne mon billet, et m’annonce que nous sommes 14 à partir
pour ce séjour : 8 au départ de Roissy et 6 que nous retrouverons à « Kilimandjaro Airport ».
De suite, grâce aux étiquettes de bagages, je repère mes futurs compagnons, quelques
sourires furtifs, on s’observe, échange de quelques mots timides : beaucoup de retenue…
L’avion, un 787, affrété par « Ethiopian Airlines » est confortable, le service à bord de
qualité ; mon voisin, un camerounais sympa de 25 ans fait son premier retour aux sources dans
son pays. Il m’explique que la compagnie aérienne est numéro 1 pour toutes les destinations
d’Afrique avec des lignes directes pour tous les pays d’Europe, les USA, l’Asie, Israël
etc…etc…
Nous transitons par l’aéroport d’Addis-Abeba, capitale Ethiopienne, qui culmine à 2800m.
C’est une véritable plaque tournante pour toutes destinations et l’importance du trafic est
impressionnante ! ça grouille de monde, c’est bigarré et bruyant, nous avons 2 heures à
attendre pour le transfert, ce qui nous donne l’occasion de nous rapprocher les uns des
autres : le groupe commence à prendre forme …
Dimanche 6 décembre
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Arrivée à 12h aéroport de « Kilimandjaro airport » ; après les formalités de visa nous
retrouvons les 6 autres compagnons et notre guide Tanzanien « ABEI ».
Le groupe est complet : 5 femmes, 9 hommes, de 23 à …72 ans avec une tranche majoritaire
de 23/40 ans. Je suis déjà repéré……
-
Rose-Marie, Laurence, Monique, Laetitia, Patricia
Thomas, Frédéric, Christophe, Francis, Nicolas, Philippe, Patrick, Jérôme et Jean
ABEI, nous fait le premier briefing avec contrôle des bagages : le poids d’abord 12kg pas plus
(tout est porté à dos d’homme) et ensuite il s’assure de la qualité suffisante de nos
équipements. Je suis le premier sanctionné : mon sac de couchage est insuffisant pour les
températures que nous subirons là-haut ; résultat, je dois le laisser et en louer un, garanti
pour les nuits très froides …
Beaucoup de participants seront en surpoids et devrons abandonner sur place quelques kilos
que nous retrouverons au retour.
Ensuite, quartier libre pour profiter du bar et de la piscine avant le repas où nous allons tous
nous retrouver après un petit apéro convivial qui pose les bases de la fondation du groupe.
Lundi 7 décembre
Réveil 7h, départ 9H en bus pour ARUSHA, point de départ du trekking. Il faut acheter de
l’eau, très important car déjà, je m’aperçois que je ne bois pas assez.
Arusha 1800m. entrée dans le parc du Kilimandjaro, il pleut, nous trainons pour nous équiper,
pour manger, d’autres groupes partent sous la pluie… Et puis, est-ce de bonne augure ? la
pluie cesse au moment où nous partons vers 14h.
Environ 1200m. de dénivelé et 4h30 de marche. Déjà notre guide imprime un pas lent mais
ferme, qui nous aidera tout au long du parcours à l’acclimatation de l’altitude. Nous sommes
dans la forêt, avec des caoutchoucs, fougères géantes, lianes inextricables.
A 18h30 nous arrivons au premier camp de base, il y a un accueil où il faut pointer avec
passeport, identité, âge (mes 72 balais attirent les regards …). Ce pointage aura lieu à chaque
camp de base. Il y a plein d’autres groupes qui sont sur le parcours, le parc est très surveillé
pour éviter les intrus et incidents divers.
Nous sommes en tente de 2 que je partage avec Frédéric, un petit jeune dans la quarantaine
(?), il est sympa et le courant passe de suite. J’ai une douleur au genou qui m’inquiète ...
quelques massages avec voltarène dissiperont mes craintes.
Chaque jour on nous proposera un peu d’eau pour une « toilette de chat » qui sera complétée
par des lingettes humides que j’ai pris soin d’emporter.
Un WC est également installé, sommaire, mais il ne faut pas faire les difficiles, tout ce
matériel est porté par nos Tanzaniens.
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Le soir, le repas est pris dans une plus grande tente, juste une quinzaine de places, nous ne
trainons pas (sauf quelques bavards tardifs) pour rejoindre notre petite tente.
Mardi 8 décembre 3000m .
Lever 7h départ 8h, il fait beau mais l’humidité de la nuit tarde à sécher. J’ai peu dormi et ce
sera comme cela toutes les nuits, l’altitude m’a toujours fait cet effet.
Mon colocataire Fred, me dit que je dors quand même un peu et que mes ronflements ne sont
pas gênants... tant mieux !
Nous monterons un peu plus de 800m de dénivelé, costaud, avec des passages escarpés, j’ai
failli tomber 2 fois… Heureusement, Patricia, notre Madrilène, était derrière moi et c’est
dans ses bras que j’ai retrouvé l’équilibre … le paysage change, il est fantomatique avec des
pierres volcaniques, des séneçons géants, bruyères diverses.
A l’arrivée nous avons une démonstration du fameux caisson « hyperbare » qui, je l’espère, ne
servira pas. C’est pour le MAM (mal aigu des montagnes) que nous craignons tous. En effet, ce
mal est incontrôlable et quel que soit l’âge, la condition physique, nul est l’abri de cet avatar
possible. Puis ce sera une présentation de notre groupe de Tanzaniens (cuistots, porteurs,
guides, etc…) ils sont 27 pour nous aider dans cette aventure.
L’après-midi se passera entre sieste-repos et discussions.
Mercredi 9 décembre 3840m.
Départ 8h, nous montons un col « lawa tower » à 4640m. par une belle matinée, nous prenons
le déjeuner à cette altitude. Je n’ai pas faim, j’ai en permanence un « mal au cœur » mais je
me force à manger et à boire. Cette montée est un test d’altitude, nous redescendons
ensuite, sous la pluie, au camp de base à 3960m.
Je fatigue dans la descente et quelques tanzaniens nous proposent de porter notre sac à dos,
certains acceptent et, cette fois-ci, je mets mon orgueil de côté, j’accepte pour la première
fois et c’est un soulagement pour mes épaules.
Patrick, un quinqua, qui semble être le plus costaud du groupe (il monte et redescend vers
nous plusieurs fois par jour) me prends en sympathie, il me coache, me donne des conseils,
prodigue des encouragements. Il dit qu’il veut me voir au sommet. Tout le groupe est sympa
pour leur patriarche !
Chaque jour ABEI, nous questionne individuellement sur notre condition : est-ce que vous
respirez bien, maux de tête, appétit, douleurs ; à l’aide d’un petit appareil il prend notre
rythme cardiaque et notre taux d’oxygénation du sang. Tout cela est consigné sur ses fiches
et j’avoue que ce rituel journalier est rassurant : nous sommes bien suivis !
Jeudi 10
et vendredi 11 décembre 3960m.
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Sommeil difficile, je suis un peu vasouillard, le démarrage est rude, je ne trouve pas mon
souffle, chaque pas est un essoufflement, succession de montée et de descentes, Les
paysages sont de toute beauté avec des cascades et une végétation encore présente.
Monique, 59 ans, est en difficulté après 7 heures de marche et 1030m de dénivelé positif ;
elle décide de ne pas faire l’ascension finale qui est (et de loin !) le plus gros morceau de la
semaine. Nous sommes à 4640m.
Nous avons décidé de faire 2 groupes, un de 8 partants, plus lent qui partira à 22h30 et
l’autre de 5, qui partira à 23h30.
Le repas est servi à 18h, puis quelques petites heures de repos, petit déjeuner 22h et départ
de nuit à la lampe frontale …
De suite je me colle derrière ABEI qui démarre d’un pas court, lent et régulier, ma frontale
est rivée sur ses pas que j’emboite à son rythme, c’est long, lancinant, je m’accroche, le
manque d’oxygène me donne un souffle court, à la limite de l’asphyxie, mais nous avançons
inexorablement.
Il y aura quelques arrêts réparateurs avec, quelle aubaine, du thé chaud amené par les
porteurs ; c’est long, épuisant, je dois me ressaisir plusieurs fois pour éviter la chute (j’ai
même eu des mirages à force de fixer les chaussures d’Abei) il nous faudra 8 h pour monter
1200m de dénivelé et atteindre ce sommet avec un lever de soleil, faisant suite à la nuit
étoilée, qui nous éblouit, c’est magnifique, irréel, voilà une superbe récompense.
Ce final, en long faux plat, je l’ai fait en trainant les pieds, les yeux fixés sur le but final ; (je
ne serais pas le seul à terminer de cette manière.)
Au sommet, c’est émouvant, nous nous félicitons, nous congratulons, il y a beaucoup de joies
Commentaire [JD1]:
mais aussi quelques larmes d’émotions d’avoir réussi ce challenge un peu fou mais tellement
désiré.
On nous dit qu’il fait -10/15°, mais, je n’ai pas froid, ma respiration est enfin stabilisée.
Quelques photos pour immortaliser ce vieux rêve, seul, avec mon groupe et, enfin, je vais
chercher dans mon sac la banderole du Vélo club de Bois Grenier.
2 participants m’aident à la déployer et c’est dans la boite !
Pourquoi cette photo, un peu iconoclaste ? C’est un pari stupide, fait avec Daniel, notre
Président de Club, lors d’un repas qui précédait mon départ.
Une petite collation pour recharger les batteries et il faut vite redescendre pour, toujours
et encore, décompresser et éviter le MAM.
Je pensais avoir tout donné lors de l’ascension mais il y aura cette descente de 1200m qui
sera un véritable enfer. Nous empruntons un chemin différent dans une terre poussiéreuse
faites de petits cailloux et de cendres.
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Dans ces matières friables, je titube, cette terre se dérobe sous mes pieds et je chute (sans
douleurs) plusieurs fois, c’est épuisant, un Tanzanien me propose de l’aide et j’accepte de lui
laisser mon sac à dos. Nous arrivons vers 9h30 au camp de base. Nous nous reposons un peu
sous nos tentes qu’il faut libérer avant midi.
Un nouveau départ est prévu vers 13h30, de nouveau 1200m à descendre le long du lit d’un
court d’eau asséché ; nouvelle épreuve accentuée par un orage court mais bien humide …
Je découvre (ou redécouvre) que nous pouvons repousser loin nos limites avec ces dernières 4
heures que je terminerais sur les rotules : total 8 heures en montée et 8 heures en
descente : nous sommes revenus à 3000m d’altitude,
Au repas du soir le groupe fourbu, refait le monde sur cette journée super costaud… ; Je ne
demande pas mon reste, le repas du soir est vite escamoté et, enfin je dors, d’un sommeil
immédiat lourd et profond ! Enfin une nuit bonne et réparatrice !
Samedi 12 décembre
Petit déjeuner 7h pour une réunion à 7h30 ….
Remise des pourboires à ABEI qui se charge de la répartition et c’est la séance photo de
groupe. Puis nos tanzaniens entament une série de chant à la gloire du Kilimandjaro, un des
leurs commence à danser, vient me chercher puis d’autres, quelle bonne ambiance avec ce
rythme comme savent le faire les Africains.
Chaque Tanzanien, viendra nous serrer la main en guise de remerciements, beaucoup me
tapent sur l’épaule en guise de félicitations, mais, nous aussi nous avons à les remercier des
efforts qu‘ils ont faits pour que tout se passe au mieux pour nous.
Vers 8h, nous attaquons les derniers 1200m de dénivelé en descente… J’ai le bout des pieds
douloureux, pour notre Madrilène Patricia, c’est pire, elle souffre plus que moi … mais l’un et
l’autre nous finirons ce trekking, arrivé à ce stade il n’y a pas d’abandon.
Vers 11h nous retrouvons l’entrée du parc à 1 600m, un rapide déjeuner nous sera servi, je
déguste ma première bière depuis 8 jours … et c’est rudement bon !
L’enchainement sera rapide nous aurons droit, (enfin) à une douche dans un hôtel proche de
l’aéroport. 4 par chambre nous avons 1h pour nous doucher à tour de rôle et nous changer
pour le retour (c’était préférable pour nos voisins d’avion !!!).
La fin est un peu bousculée, l’aventure se termine et nous allons tous retrouver nos
préoccupations. Malgré la fatigue et les douleurs physiques je ressens quelque chose
d’indéfinissable, une plénitude, une satisfaction, ce vieux rêve de toujours, enfin réalisé.
Durant le voyage de retour, j’ai dormi comme une masse…
Epilogue :
citation attribuée à Sénèque : « nous commençons à vieillir quand nous
remplaçons nos rêves par des regrets… »
Jean
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