L`UNEF de janvier 1967 à avril 1968 - esu-psu-unef
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L`UNEF de janvier 1967 à avril 1968 - esu-psu-unef
L’UNEF de janvier 1967 • avril 1968 par Michel PERRAUD Militant du PSU durant les ann€es 1962-1972, associ€ au travail des ESU, membre du Bureau de Pierre Vandenburie • partir de janvier 1967, pr€sident de l’UNEF de novembre 1967 • fin mars 68, j’ai €t€ l’un des t€moins privil€gi€s de l’exp€rience collective des militants ESU engag€s dans la direction de l’UNEF. Cette contribution a trois buts : 1. Faire le point sur la situation de l’UNEF en janvier 1967. Les bureaux de l’UNEF dirig•s par des •tudiants du PSU entre f•vrier 1967 et avril 1968 (Vandenburie et Perraud) ne sont en rien responsables de l’affaiblissement tragique de l’UNEF : ils h•rit‚rent d’une situation qui, sur le plan politique ou financier, •tait d•jƒ d•sesp•r•e. 2. Montrer qu’en avril 1968, la situation de l’UNEF n’avait pas empir‚. D’ailleurs, •taitce possible ? Malgr• l’h•ritage, les bureaux PSU ont r•ussi ƒ assurer la survie de l’UNEF jusqu’au mouvement de mai 68. 3. Expliquer le rƒle indispensable de l’UNEF en mai 68. Vis-ƒ-vis des •tudiants, de l’opinion publique et des organisations syndicales, l’UNEF a jou• un r„le f•d•rateur, m…me par rapport ƒ des organisations et mouvements politiques •tudiants qui le contestaient et r…vaient de s’en passer. En mai 68, l’UNEF a pu l•gitimer cette fonction en raison de son pass• remarquable pendant la guerre d’Alg•rie pour atteindre deux objectifs : D’une part, mobiliser les •tudiants au-delƒ du p•rim‚tre d’influence des organisations politiques •tudiantes, D’autre part, engager avec les syndicats CGT, CFDT et FEN une coordination, certes difficile et limit•e, mais qui e†t •t• impossible sans l’UNEF. 1. La situation de l’UNEF en janvier 1967 La crise de l’UNEF n’est pas apparue en janvier 1967. Elle s’est •tal•e sur plusieurs ann•es et notamment ƒ partir du congr‚s de Bordeaux en 1965. L’•tat des lieux r•alis• par le PSU et le nouveau bureau de l’UNEF d‚s janvier 1967 •tait malheureusement sans ambigu‡t• : ƒ cette date, l’UNEF •tait exsangue financi‚rement et sa situation politique n’•tait gu‚re plus brillante. La situation financi„re Trois causes externes expliquent la crise financi‚re de l’UNEF de 1966-67 : La suppression de la subvention de fonctionnement du Minist‚re de l’ˆducation Nationale ; Le fiasco du 14‚me F.I.C.E. en 1966 ; La d•cision des AGE ‰ majos Š1 de ne plus payer leurs cotisations ƒ partir de f•vrier 1967. 1 Les ‰ majos Š (majoritaires) d•signaient, avant 1956, les responsables d’AGE dirig•es par la droite corporatiste. Les ‰ minos Š (minoritaires) •taient les responsables d’AGE hostiles ƒ la guerre d’Alg•rie, donc plut„t de gauche. Le basculement de majorit• au sein de l’UNEF se fit en 1956, provoqu• par la question, de plus en plus br†lante pour les •tudiants, de la guerre d’Alg•rie. Les positions prises sur les questions internationales, et notamment l’attitude vis-ƒ-vis de la d•colonisation, furent la ligne de s•paration d•terminante entre les ‰ majos Š et les ‰ minos Š. Les ‰ minos Š, pour leur part, repr•sentaient un arc-en-ciel politique allant des diff•rents courants de l’UEC ƒ la JEC, jeunesse •tudiante chr•tienne, dont les positions se gauchirent jusqu’au moment o‹ la hi•rarchie catholique la reprit en main (d‚s 1965, La suppression de la subvention du MEN Depuis la Lib•ration, l’UNEF, association reconnue d’utilit• publique par d•cret de 1929, recevait une subvention de fonctionnement. Cette subvention •tait justifi•e par le fait que les AGE de l’UNEF assuraient, parall‚lement aux CROUS (Centres r•gionaux des œuvres universitaires et scolaires), la gestion directe de services aux •tudiants : polycopi•s, restaurants universitaires, cit•s universitaires2. Elle fut supprim•e par le gouvernement en 1960-613 ƒ la suite des communiqu•s communs sign•s en 1960 par l’UNEF et par l’UGEMA (Union g•n•rale des •tudiants musulmans alg•riens) demandant l’ouverture de n•gociations avec le FLN pour le cessez-le-feu et l’autod•termination. Elle ne fut pas perdue pour tout le monde : le gouvernement, qui avait soutenu la cr•ation de la FNEF, lui transf•ra la subvention qu’il venait de supprimer ƒ l’UNEF. Les congr‚s de l’UNEF qui suivirent d•nonc‚rent cette d•cision gouvernementale, r•clam‚rent le r•tablissement de la subvention et continu‚rent ƒ •tablir des budgets comme s’ils •taient persuad•s que la subvention serait r•tablie. R•tablie, puis supprim•e en 1964 par Fouchet, la subvention fut d•finitivement supprim•e ƒ partir de 1965. Le 14‚me FICE Celui-ci s’•tait tenu en 1966. Ce fut un fiasco total : son budget •tait bas• sur des ressources essentiellement compos•es de subventions (suppos•es acquises) accord•es par des municipalit•s (Paris et un certain nombre de villes des d•partements limitrophes) qui, en r•alit•, n’avaient pris aucun engagement ou liaient leur subvention ƒ des spectacles, qui furent parfois annul•s. Si les d•penses, tr‚s importantes, furent bien effectu•es, les subventions, elles, n’arriv‚rent jamais. L’arr…t du versement des cotisations des AGE ‰ majos Š Apr‚s l’•lection du bureau de Pierre Vandenburie, les AGE ‰ majos Š (AGEMP, ACES, Sciences Po, Langues O) cess‚rent de verser leurs cotisations. C'est pourquoi elles furent invalid•es (c’est-ƒ-dire sans droit de vote) au congr‚s de Lyon en juillet 67. Comme il •tait clair que ces AGE n'avaient pas l'intention de reprendre le versement de leurs cotisations, elles furent suspendues en novembre 1967, ainsi que Pharma-Paris qui les avaient rejointes, et le processus de leur exclusion fut engag•. Pour donner des chiffres significatifs, en f•vrier 67, les rentr•es annuelles de cotisations •taient de l’ordre de 100 000 F par an (y compris celles des AGE ‰ majos Š avant qu’elles ne cessent de payer, ce qui repr•sentait la perte d’environ 40 % des cotisations) et les dettes trouv•es •taient d’environ 400 000 F. Les bureaux de l’UNEF dirig•s par des ESU ont donc d† faire face ƒ cet endettement avec des rentr•es de l’ordre de 60 000 F par an. L’UNEF ne vivait que d’exp•dients, continuellement sous la menace d’un d•p„t de bilan. des •tudiants chr•tiens tent‚rent d’animer une organisation alternative, la JUC, jeunesse universitaire chr•tienne) et aux •tudiants socialistes de la gauche de la SFIO. 2 • partir de 1962, dans le cadre de sa ‰ syndicalisation Š, l’UNEF prit la d•cision de refuser la cogestion et de remettre les cit•s et restaurants universitaires qu’elle avait en gestion directe aux diff•rents CROUS et les services de polycopi•s aux universit•s. Cette d•cision ne fut pas appliqu•e par toutes les AGE de province. 3 L’UNEF avait demand• 9 millions en 1960 (8 avaient •t• reŽus en 1959), 7 avaient •t• promis dont 2,5 avant le congr‚s de Lyon de P•ques 1960 (M. Heurgon, Histoire du PSU, pages 403-404, note 23 du chap. 6). La situation politique Le d•bat interne entre 1962 et 1966 On conna•t le pass• corporatiste de l’UNEF jusqu’en 1956 : fond•, d’une part, sur une majorit• d’•tudiants issus des couches moyennes-sup•rieures et sup•rieures, et, d’autre part, sur des fili‚res et structures universitaires traditionnelles faisant la part belle au mandarinat, etc. • partir de 1956, la sale guerre coloniale men•e en Alg•rie change tout : la majorit• des •tudiants est menac•e personnellement par ‰ cette guerre imb€cile et ruineuse Š. Cette prise de conscience provoque une •volution profonde du rapport de forces au sein de l’UNEF et am‚ne une majorit• progressiste au bureau national autour des AGE ‰ minos Š. En tant qu’organisation de masse des •tudiants, l’UNEF prend des initiatives de plus en plus en pointe, comme la proposition de manifestation du 27 octobre 1960. Il n’est pas inint•ressant de se souvenir de la position prise par le PC ƒ l’encontre de cette manifestation. En 1964 encore, dans son Histoire du Parti communiste franƒais, le PC •crit : ‰ C’est dans ces conditions que l’Union Nationale des „tudiants de France d€cide une manifestation en invitant, par voie de presse, les organisations syndicales et d€mocratiques, non consult€es au pr€alable, • soutenir son initiative. R€uni le 15 octobre, le Comit€ central se f€licite du d€veloppement du mouvement en faveur de la paix en Alg€rie Š. Il ajoute : ‰ Dans l’int€r…t m…me du but • atteindre, la classe ouvri†re et son parti, sans lesquels rien n’est possible, ne sauraient servir de force d’appoint • des groupements quels qu’ils soient. Le parti communiste, comme toute autre organisation d€mocratique, doit avoir son mot • dire sur les actions auxquelles la classe ouvri†re est appel€e • participer Š. Cette position, conforme • l’int€r…t de la paix en Alg€rie, l’emporte dans le pays. Les organisations syndicales et de nombreuses organisations politiques d€cident une journ€e nationale d’action. Dans la r€gion parisienne, comme en province, des centaines de milliers d’hommes et de femmes expriment leur volont€ par des d€brayages et des manifestations de rues. Le 27 octobre 1960 est une €tape importante dans la lutte du peuple franƒais pour imposer la paix en Alg€rie par la n€gociation Š. Histoire du Parti communiste franƒais - manuel, ˆditions Sociales, 1964. La manifestation parisienne, interdite et transform•e en meeting ƒ la Mutualit•, a eu un •norme retentissement dans l’opinion publique. Elle fut r•ellement le point de d•part de la mobilisation de masse contre la guerre d’Alg•rie et elle apportait une l•gitimit• incontestable ƒ l’UNEF. • la fin de la guerre d’Alg•rie, dans les AGE minos, le retour au corporatisme •tait devenu tout simplement impossible et, ƒ partir de 1962, la priorit• de l’UNEF devint la transformation du ‰ mouvement de jeunesse Š en v•ritable syndicat •tudiant. D‚s lors, apr‚s le congr‚s de Dijon (1963), le grand d•bat au sein des AGE ‰ minos Š fut centr• autour des analyses de deux courants : La gauche syndicale, dont la FGEL assurait le leadership avec, notamment, Marc Kravetz, Jean-Louis P•ninou, Antoine Griset et Prisca Bachelet ; Le courant dit ‰ ligne universitaire Š, repr•sent• notamment par Jean-Paul Malrieu (ENS), Bernard Besnier (ENS), Jean-Marc Salmon (Rennes), Jean-Claude Gillet, etc. Au-delƒ des apparences, il y avait un fond commun •vident entre ces courants : - Un profond consensus anticapitaliste - Une volont• affirm•e de participer ƒ l’•l•vation du niveau de conscience politique des •tudiants. La gauche syndicale, partant du fait incontestable de l’h•t•rog•n•it• sociale et id•ologique du milieu •tudiant et de la condition tr‚s temporaire du statut •tudiant, proposait de capitaliser les m•contentements r•els des •tudiants, quantitatifs et qualitatifs, pour d•velopper une pratique syndicale revendicative et contestataire. La gauche syndicale s’appuyait sur le mal vivre des •tudiants confront•s d’une part ƒ une universit• en pleine mutation et d’autre part ƒ des conditions de vie mat•rielle insupportables. Le courant ‰ ligne universitaire Š, ƒ partir des m…mes bases, pariait sur une pratique syndicale plus ‰ structuraliste Š. Les structures socio-•conomiques de l’universit• •tant un reflet, une repr•sentation des structures capitalistes, il devait …tre possible, ƒ partir de la compr•hension de la nature r•elle de l’universit•, de d•boucher sur la contestation, d’abord du mod‚le universitaire, ensuite du syst‚me politique et social qui l’instrumentalise. Naturellement, tout le monde se retrouvait autour de l’objectif de l’allocation d’•tudes sur crit‚res universitaires. Cependant, il n’•tait pas rare d’observer que les explications donn•es ƒ cette revendication embl•matique de l’UNEF laissaient transpara•tre l’influence de la gauche syndicale (le v•cu, le mal …tre, les besoins, etc.) ou l’empathie pour la ‰ ligne universitaire (la valeur de la force de travail socialement n•cessaire ƒ sa propre reproduction •tant par principe collective devait inclure •videmment les ayants droit et en particulier les lyc•ens et les •tudiants, au m…me titre que les ch„meurs et les retrait•s). La politisation politicienne Les organisations politiques •tudiantes ont toujours exist•. Mais, jusqu’en 1965, elles respectaient consciencieusement dans leur pratique militante la s•paration entre ce qui relevait de l’avant-garde politique et ce qui •tait du ressort des organisations de masse. • partir de 1965, commencent ƒ appara•tre de nouvelles pratiques politiques, en particulier dans les organisations issues de l’•clatement de l’UEC apr‚s son 8‚me congr‚s ƒ Cachan. La reprise en main de l’UEC conduite par Roland Leroy avait permis au PC d’•liminer les contestataires et de d•signer Guy Hermier ƒ la t…te de l’organisation communiste •tudiante. Parmi les exclus et les d•missionnaires de l’UEC, certains, rejoignirent le CLER et d’autres particip‚rent ƒ la cr•ation de nouveaux groupes politiques •tudiants, notamment la JCR et l’UJC(ml). La priorit• de ces groupes politiques •tudiants •tait d’affirmer leur sp•cificit• et, ƒ part le CLER, ils ne consid•raient pas leur investissement dans l’UNEF comme un objectif strat•gique prioritaire. Enfin, on n’aura garde d’oublier qu’ƒ la fin novembre1966, l’AFGES4 •tait pass•e sous le contr„le de militants se pr•sentant comme ‰ situationnistes Š5. Ils publi‚rent De la 4 5 Association G•n•rale F•d•rative des Groupes d’ˆtudiants de Strasbourg. Le mouvement situationniste •tait d’abord un ph•nom‚ne artistique ƒ retomb•es politiques. En mai 1968, on en connaissait la revue L’internationale situationniste et des manifestations culturelles qui voulaient …tre le prolongement du dada‡sme, du surr•alisme et du mis†re en milieu €tudiant en 1967, comme suppl•ment du mensuel de l’UNEF6, afin de b•n•ficier des d•taxes li•es ƒ l’inscription de 21x27 ƒ la commission paritaire des papiers de presse. La d•mission du bureau de Jean Terrel Le d•bat entre gauche syndicale et ligne universitaire •tait particuli‚rement riche. Les analyses n’avaient aucun •quivalent dans la classe politique traditionnelle, laquelle commenŽait ƒ sentir la naphtaline. De toutes parts montaient des signaux tr‚s clairs d’une modification en profondeur de la soci•t• dont l’•chec des am•ricains au Vietnam n’•tait pas le moins important. En face de cette dynamique sociale et culturelle qui, sur le plan international, animait la jeunesse et notamment les •tudiants, la vie politique franŽaise ronronnait autour du ‰ r•gime de pouvoir personnel Š, du ‰ capitalisme monopoliste d’ˆtat Š, de ‰ l’union de la gauche Š, des ‰ voies de passage pacifiques au socialisme Š. Les efforts pour que les d•bats au sein de l’UNEF d•bouchent sur une nouvelle pratique syndicale de masse n’ont pas r•pondu ƒ l’esp•rance des militants. Si le d•bat interne de l’UNEF avait apport• des acquis ind•niables en termes de r•flexion, en revanche les projets qui en d•coulaient n’avaient pas eu de prolongement en termes organisationnels. L’UNEF restait une f•d•ration de ‰ corporations •tudiantes Š se r•v•lant incapable d’impulser efficacement la pratique syndicale correspondant le mieux ƒ ses analyses. Il est vrai que la comp•tition, parfois muscl•e, que se faisaient les organisations politiques •tudiantes n’•tait pas un facteur de dynamisme pour le projet de l’UNEF. Mais les structures de l’UNEF devenaient ellesm…mes un obstacle au d•ploiement d’une pratique syndicale nouvelle. Sa structure f•d•rale clairement corporative facilitait la constitution de bastions ƒ partir desquels des sc•narios de prises de pouvoir pouvaient …tre mis en œuvre. Enfin, le d•veloppement de la crise financi‚re de l’UNEF ne facilitait pas son red•ploiement en tant que syndicat •tudiant. La crise de l’UNEF se d•veloppa progressivement, sous ces diff•rents aspects, ƒ partir de 1964 et atteignit son paroxysme fin 1966. lettrisme. Il n’est pas •vident que les situationnistes de l’AFGES aient •t• reconnus par le mouvement situationniste, ƒ part l’•pisode de la publication de La mis†re en milieu €tudiant. 6 21x27 – L’„tudiant de France, directeur de la publication : Pierre Vandenburie. ˆlu en juillet 1966, le bureau Terrel d•missionna en janvier 1967. Cette d•mission fut la r•sultante de trois facteurs : une th•orisation de l’•tudiant en tant que jeune travailleur intellectuel, non aboutie en termes de programme et de pratique7, la prise de distance de ‰ la gauche syndicale Š, de ‰ la ligne universitaire Š, de la JCR et de l’UJC(ml) vis-ƒ-vis de l’UNEF et les difficult•s croissantes pour faire fonctionner l’appareil syndical. La recherche d’une solution ƒ la crise Il ne restait plus, en janvier 1967, que deux forces, tr‚s minoritaires, qui postulaient ƒ la direction de l’UNEF : la tendance autour du CLER (qui dirigeait notamment l’AGE de Clermont-Ferrand et quelques groupes de la FGEL) et la tendance autour de l’UEC ‰ normalis•e Š (majoritaire en particulier dans les AGE de Lille, Nancy, Saint-Etienne, Orsay). Mais, d‚s cette •poque, personne ne pouvait croire que l’une de ces tendances •tait en mesure de conduire une UNEF unitaire et leur •ventuelle alliance •tait une vue de l’esprit. Dans ces conditions, l’hypoth‚se d’un bureau conduit par la tendance regroup•e autour des •tudiants du PSU apparut comme la solution de la derni‚re chance pour l’UNEF. Assurant la responsabilit• de plusieurs AGE de province et d’AGE comme l’UGEP ou l’AGEDESEP sur Paris, les •tudiants PSU se r•f•raient au sein de l’UNEF pour partie ƒ la ‰ gauche syndicale Š et pour partie ƒ la ‰ ligne universitaire Š, sans toutefois le revendiquer de faŽon affirm•e. En termes de mandats, le courant ‰ PSU •largi Š pouvait compter sur une majorit• relative, pourvu que les AGE dirig•es par la ‰ gauche syndicale Š et la ‰ ligne universitaire Š s’abstiennent. Il fallut deux AG en janvier 1967 pour arriver ƒ un tel compromis, lequel fut reconduit, peu ou prou, au congr‚s de Lyon en juillet 67, ƒ l’AG de novembre 67 et ƒ l’AG de janvier 68. Dans cette situation de majorit• relative au sein de l’UNEF, le bureau de l’UNEF •tait confront• aux ambitions de style ‰ prise du Palais d’Hiver8 Š du CLER et au fait que l’UEC s’affirmait sans en avoir les moyens comme la seule alternative ƒ la direction de l’UNEF. Le bureau Vandenburie a h•rit• d’une UNEF sous perfusion. Malgr• tout, il n’envisagea pas de d•missionner comme le bureau Terrel et se fixa comme objectif pratique de maintenir l’unit• de l’UNEF et de tenter de la redresser. C’est sur cette m…me base que le bureau Perraud fut •lu ƒ l’AG de novembre 1967. Mais pourquoi faire ? Jean-Louis Cardi a raison : personne, les ESU pas plus que les autres, n’a eu l’intuition d’un mouvement de l’ampleur de mai 68. Bien s†r, on peut faire a posteriori la liste des signes avant-coureurs, pr•ciser l’analyse des crises en gestation (universit•, mœurs, appareil productif, etc.) dans la soci•t• franŽaise, d•couvrir les lignes de force et les dynamiques contradictoires qui constituaient le contexte dans lequel a eu lieu l’explosion du mouvement. Mais, en janvier 1967, la seule question que se posaient les ESU •tait la suivante : ‰ Au vu de la situation de l’UNEF, est-il raisonnable de penser qu’elle est encore un cadre institutionnel favorable • la mise en œuvre de notre projet politique ? Š. La majorit• des ESU et la direction du PSU en •taient persuad•es. J’•tais plus r•ticent. Mais de fait, bien qu’il n’y ait pas eu pr•m•ditation, les ESU et le bureau de l’UNEF se trouvaient en mai 68 ƒ l’intersection du champ universitaire, du champ politique (par 7 8 Voir l’analyse du texte de d•mission de Terrel dans l’article ‰ Le d•veloppement du d•bat id•ologique…Š. La r•volution d’Octobre 17, la prise du Palais d’Hiver et le croiseur Aurora constituant une partie importante de l’imaginaire (et des discours) des militants du CLER. l’interm•diaire du PSU et de ses militants) et du champ syndical (du fait de la r•manence des liens intersyndicaux •tablis par l’UNEF). Cette conjonction de relations multiples et crois•es, avec l’originalit• du projet politique du PSU (y compris de ses ambigu‡t•s) ont ouvert des potentialit•s qui ont fait de mai 68 en France une exp•rience unique de contagion de la contestation •tudiante ƒ l’ensemble des couches sociales, se traduisant par la g•n•ralisation du mouvement de gr‚ves avec occupation des lieux de travail. Faut-il y rechercher une ‰ ruse de la Raison Š ƒ la Hegel ? Faut-il y voir un pur hasard ? Quoi qu’il en soit, les faits sont lƒ : l’UNEF, les ESU et le PSU se trouvaient au bon endroit au bon moment. Puisqu’ils •taient lƒ, ils ont assum• le r„le de charni‚re entre des champs (‰ gauchistes Š et gauche parlementaire, •tudiants et travailleurs, etc.), qui sans cela ne se seraient pas rencontr•s. 2. Les bureaux Vandenburie et Perraud On aurait pu dire : ‰ Enfin, les difficult•s commencent !9 Š En r•alit•, tr‚s vite, les nouveaux membres du bureau de l’UNEF v•rifi‚rent que l’•tat de l’organisation ne permettait pas d’esp•rer le d•ploiement du projet syndical des ESU. L’institution •tait financi‚rement exsangue et structurellement d•sorganis•e. Nombre d’AGE, transform•es en camps retranch•s par des organisations politiques •tudiantes (notamment CLER et UEC), men‚rent un travail de sape syst•matique et firent ‰ feu sur le quartier g•n•ral Š. Dans ces conditions, les bureaux Vandenburie et Perraud en furent r•duits ƒ assurer plus ou moins les affaires courantes. Cela dit, malgr• toutes ces difficult•s, on peut •num•rer les actions men•es par eux de f•vrier 1967 ƒ avril 1968 : 1. Le 10 f•vrier 1967, Pierre Vandenburie se rend ƒ Madrid et participe ƒ un meeting clandestin de solidarit• avec l’organisation (•videmment clandestine) des •tudiants espagnols. La garde civile intervient dans le meeting et arr…te Pierre Vandenburie qui passera quelques jours dans les locaux de la police madril‚ne et sera finalement expuls• apr‚s l’intervention de l’ambassadeur de France ƒ Madrid. 2. En mai 1967, l’UNEF fait partie des organisations syndicales appelant ƒ la journ•e nationale d’action, aux gr‚ves et manifestations contre les projets Pompidou sur la s•curit• sociale. Cort‚ge significatif de l’UNEF. Heurts avec le service d’ordre CGT ƒ propos d’une banderole ‰ Allocation d’•tudes pour tous les •tudiants sur crit‚res universitaires Š, consid•r•e comme ‰ politique Š. 3. Le jour de la rentr•e universitaire, le 9 novembre 1967, l’UNEF appelle les •tudiants ƒ se rassembler rue Soufflot : 5000 •tudiants r•pondent ƒ l’appel de l’UNEF. Le rassemblement, qui devait se transformer en manifestation se dirigeant vers la Sorbonne, se heurte aux forces de police pr•sentes pour prot•ger la c•r•monie de rentr•e solennelle se d•roulant dans la Sorbonne. Le service d’ordre de l’UNEF d•tourne la manifestation qui se dispersera ƒ Port-Royal pr‚s de l’Observatoire. 4. En d•cembre 1967, avec la CGT, la CFDT et la FEN, L’UNEF participe ƒ la journ•e nationale d’action contre les ordonnances Pompidou sur la s•curit• sociale. A Paris, cort‚ge •tudiant significatif au milieu d’un cort‚ge de plus de 100.000 manifestants. 5. En d•cembre 1967, une journ•e nationale d’actions organis•e en commun par l’UNEF et le SNESUP se traduit par de nombreux arr…ts de travail et des meetings dans les facult•s. 9 Bracke Desrousseaux, en mai 1936. 6. En f•vrier 1968, l’UNEF et la FRUF organisent en commun les manifestations des •tudiants dans les r•sidences universitaires. Les revendications classiques sur les loyers et les conditions de vie des •tudiants sont maintenant accompagn•es de revendications qualitatives, telle que la libre circulation dans les cit•s universitaires. 7. Le 21 f•vrier 1968, manifestation contre la guerre du Vietnam organis•e conjointement par l’UNEF et le Comit• Vietnam National. Environ 20 000 manifestants. Sous une pluie battante, Pierre Rousset10 grimpe sur la statue de Saint-Michel pour y installer le drapeau du FNL. Le boulevard Saint-Michel est rebaptis• (Boulevard Ho-Chi-Minh). L’UEC fait sa propre manifestation, les maos participent avec les Comit•s Vietnam de Base ƒ la manifestation devant l’ambassade du Vietnam-Sud (3000 manifestants). Quant aux lambertistes, s’ils affirmaient leur soutien ƒ l’ind•pendance du Vietnam, ils r•cusaient tout soutien au FNL. 8. Le 5 mars 68, ‰ manifestation centrale des •tudiants devant le Minist‚re de l’ˆducation Nationale Š selon les termes de la motion d•pos•e par le courant proche du CLER au congr‚s de Lyon 1967. Elle regroupait, ƒ l’appel de l’UNEF, 5000 •tudiants qui furent stopp•s ƒ l’entr•e de la rue de Grenelle par un imposant service d’ordre. Pour m•moire, L’UNEF •tait partie prenante de l’op•ration ‰ Un bateau pour le Vietnam Š. Elle a parrain•, avec les syndicats et associations, la tourn•e de la pi‚ce ‰ V comme Vietnam Š d’Armand Gatti. Cela dit, les diff•rents courants trotskistes ou mao‡stes et l’UEC sont aussi partie prenante de ce bilan car, soit en se retirant de fait de l’UNEF, soit en y menant une guerre de tranch•es contre le bureau national, ils •taient eux-m…mes des acteurs de l’affaiblissement d’une dynamique ƒ l’UNEF emp…chant ainsi de d•velopper un v•ritable projet syndical. 3. Le bureau Sauvageot en mai 1968 Ma d•mission du bureau de l’UNEF •tait personnelle. J’avais •t• mis en minorit• avec Jean-Louis Cardi, par le reste du bureau national11. Ce vote exprimait clairement que j’avais perdu la confiance, du bureau national d’abord, mais •videmment aussi de la direction des ESU et de Marc Heurgon. En fait, j’ai d•missionn• avant qu’on ne me le demande. Cette d•mission n’impliquait •videmment pas la d•mission du bureau, l•gitim• par l’•lection de novembre 1967. L’A.G. DE MARS 1968 • COLOMBES : P…RIP…TIE OU D…CLIN DES ESU ? par Jean-Louis CARDI Trois semaines avant cette Assembl€e G€n€rale, le bureau national dont je suis (rappelons-le) Secr€taire G€n€ral • l’organisation, d€bat des m€thodes de protection • utiliser contre le CLER qui ne cache pas ses intentions de putsch politico-militaire pour cette AG. Deux positions 10 11 Pierre Rousset, •tait l’un des responsables de la JCR. ˆtudiant ƒ la Sorbonne en 1968, il est le fils de David Rousset. Voir l’article de Jean-Louis Cardi sur l’AG de l’UNEF ƒ Colombes le 17 mars 1968 et, pour la vision de la majorit• du BN d’alors, les commentaires de Jean-Daniel B•nard sur cette m…me AG. [Il faut ajouter que ni l’un, ni l’autre ne mentionnent le r„le du SO des ESU, pourtant bien r•el ce jour-lƒ (dont une dizaine de membres de la seule section droit-sciences •co des ESU). R. Barralis]. s’affrontent : celle de faire appel au Service d’Ordre ( !) du PC et celle de n€gocier avec l’UJCml une alliance de d€fense contre le CLER. Je prends donc contact avec les ENS de la rue d’Ulm. C’€tait la premi†re et seule fois o‰ je suis entr€ dans ce lieu prestigieux. La s€ance se tient dans une petite pi†ce. La position des ENS est la suivante : que le BN de l’UNEF lance un appel aux €tudiants parisiens pour venir prot€ger leur syndicat et nous assurerons le S.O. Le d€bat reprend au BN deux jours apr†s. Finalement la d€cision majoritaire est prise de confier notre protection au pire des appareils staliniens : l’appareil politico-militaire du PC., le service d’ordre du Comit€ Central ! M. Perraud et moi-m…me votons contre, un autre membre du BN s’abstenant. L’AG se tient. Dehors, face • la salle, pr†s de 300 lambertistes avec • leur t…te Pierre Lambert (p†re), casqu€s et arm€s de barres diverses sont rang€s comme une l€gion romaine. A l’ent€e de la salle, goguenard, le SO du PC parade tout autant. On est en plein d€lire, cela faisait bien longtemps que l’UNEF ne s’€tait pas signal€e par ses app€tits militaires ! Mais, au fait, qui sont les ennemis de classe dans cette affaire ? C. Chisseray, pr€sident CLER du groupe philo de la FGEL (Sorbonne) veut entrer pour repr€senter son groupe, il en est l’€lu l€gitime. Les membres du SO l’avertissent qu’ils lui casseront la gueule s’il essaye. Pendant une demi-heure je suis oblig€ de n€gocier avec le SO et plusieurs responsables d’AGE (oppos€es aux lambertistes et • leurs m€thodes) le droit de Chisseray de participer • l’AG de son syndicat. Finalement dans une ambiance de Š pr€ AG ‹ pourrie, le SO s’engage • respecter l’int€grit€ physique du leader lambertiste. A peine Chisseray a-til franchi la porte qu’il est assailli et frapp€, heureusement prot€g€ par de nombreux €tudiants toutes tendances confondues (sauf l’UEC). Nous sommes devenus les Š prisonniers ‹ des stals. Quelle r€ussite pour un parti n€ en partie contre les trahisons staliniennes ! Je demande une r€union du BN avant le d€but de l’AG pour un traitement politique de ce qui vient de se passer, se traduisant en premier lieu par une d€mission du BN, quitte • revenir ult€rieurement dessus. Notre pr€sence au BN qui n’avait d€j• plus beaucoup de sens • mes yeux est devenue un contresens historique. Seul M. Perraud et moi-m…me sommes sur cette position. Nous sommes mis en minorit€. Je d€missionne donc seul ; Michel le fera quelque temps plus tard. Je quitte l’AG et rejoins Caen deux jours apr†s. A la mi-avril, je recevrai une lettre recommand€e sign€e de M. Rocard m’annonƒant mon passage devant la Commission Nationale des Conflits, pour Š d€viation maoŒste ‹ ! Je n’ai jamais su qui m’avait d€nonc€ de cette faƒon calomnieuse, je n’ai pas cherch€ non plus • le savoir, ce que j’avais vu • Colombes m’avait suffi. En attendant la date de ce proc†s, j’ai continu€ • r€fl€chir et • militer • la section de Caen, puis tr†s vite Mai est arriv€ et j’eus autre chose • faire de plus important. C’est donc naturellement que le bureau choisit en son sein l’un des vice-pr•sidents, Jacques Sauvageot, pour me succ•der, sa d•signation devant …tre ratifi•e par l’AG suivante. Cette AG se tint le 21 avril 1968 dans un amphi annexe de la Sorbonne. Pour protester contre l'exclusion des AGE ‰ majos Š, un commando a voulu p•n•trer dans l'amphi o‹ se tenait cette AG. L’AG fut imm•diatement suspendue et les militants repouss‚rent le commando. La suite, on la conna•t : le meeting de la Sorbonne le 3 mai, l’•vacuation de la cour de Sorbonne par les forces de l’ordre, le d•but des •chauffour•es sur le Boul’Mich et la protestation des •tudiants contre l’intervention de la police et pour la lib•ration de tous les •tudiants arr…t•s. On conna•t peut-…tre moins la faŽon dont la suite des •v•nements se pr•para. Dans la soir•e, diff•rentes tentatives de r•unions eurent lieu. Finalement, toutes les forces politiques et syndicales •tudiantes et le SNESUP se retrouv‚rent ƒ deux heures du matin dans une salle de r•union de l’ENS rue d’Ulm12. Au centre, se trouvaient, d’un c„t•, le SNESUP et ceux des membres du bureau de l’UNEF (que j’accompagnais) qui n’avaient pas assist• au rassemblement de la cour de la Sorbonne ou avaient d•jƒ •t• lib•r•s (Jacques Sauvageot le sera plus tard) et, de l’autre, les repr•sentants de pratiquement toutes les organisations et courants politiques en milieu •tudiant : la FER, la JCR, l’UJC(ml), l’UEC, la gauche syndicale, etc. Ce fut une v•ritable mise au pilori du bureau de l’UNEF. Chacune des organisations et des courants prit successivement la parole pour : 12 Voir aussi, un peu plus loin, les souvenirs que H. Rouilleault et JD. Benard ont gard• de cette r•union. - Exposer son analyse de la situation ; - R•cuser une quelconque unit• d’action avec l’UNEF, dont au passage •taient d•nonc•es l’incapacit•, l’imp•ritie et la responsabilit• dans les •v•nements (j’en oublie probablement) ; - La repr•sentativit• de l’UNEF •tait ainsi r•duite en miettes par chacun des intervenants. Chacun des groupes affirmait sa volont• de participer avec ses propres forces ƒ la conduite du mouvement naissant, puis la d•l•gation se levait et sortait de la salle et on passait ƒ la suivante. • la fin de ce tour de table, il ne restait plus que les repr•sentants du SNESUP et de l’UNEF. Il ne fallut pas plus de cinq minutes pour prendre acte des positions qui avaient •t• exprim•es et pour arriver ƒ la conclusion que l’UNEF et le SNESUP devaient lancer un appel ƒ la gr‚ve g•n•rale illimit•e de l’enseignement sup•rieur ƒ partir du lundi 6 mai 68. Les communiqu•s du SNE-sup et de l’UNEF furent repris par les m•dias et un tract UNEF fut diffus•. Sa distribution en province fut facilit•e par le fait que les ESU •taient en conf•rence nationale •tudiante ƒ Paris et rapport‚rent le texte du tract UNEF dans leurs facult•s. Les dirigeants des organisations politiques •tudiantes n’avaient pas compris le fait suivant : si l’UNEF •tait tr‚s affaiblie par sa crise financi‚re et politique, elle avait encore en milieu •tudiant, dans le corps enseignant et aupr‚s des organisations syndicales une vraie notori•t• du fait d’une l•gitimit• acquise suite aux positions qu’elle avait prises pendant la guerre d’Alg•rie. Les organisations syndicales de salari•s consid•raient encore l’UNEF comme repr•sentative, malgr• ses faiblesses •videntes. De plus, en milieu •tudiant, l’UNEF •tait connue dans des cercles qui d•passaient assez largement le p•rim‚tre des organisations politiques •tudiantes, notamment dans les universit•s de province o‹ les groupes politiques •tudiants •taient g•n•ralement moins bien implant•s. Enfin, les organisations syndicales ouvri‚res acceptaient de rencontrer l’UNEF, malgr• les divergences, voire les tensions. Mais elles n’auraient pas officiellement rencontr• les groupes politiques •tudiants, s•par•ment ou f•d•r•s dans des comit•s d’actions comme le Mouvement du 22 mars. Le lien privil•gi• de la CGT avec le PC •tait connu. Quant ƒ la CFDT et ƒ la FEN, elles refusaient d’envisager toute unit• d’action avec les partis et groupes politiques. Dans ces conditions, la coordination des organisations syndicales avec les groupes politiques •tudiants trotskystes, mao‡stes ou anarchistes pris individuellement ou f•d•r•s dans quelque structure que ce soit, paraissait impossible. En revanche, il y avait toujours eu des relations entre l’UNEF et les centrales syndicales. L’UNEF fut l’interm•diaire oblig• des relations entre le mouvement •tudiant et le mouvement syndical. Enfin, il allait falloir compter avec la personnalit• de Jacques Sauvageot : ses qualit•s personnelles ont fait de lui un des leaders du mai •tudiant. Mais c’est bien en tant que pr•sident de fait de l’UNEF qu’il est devenu l’interlocuteur incontournable du mouvement syndical ouvrier pendant toute la dur•e du mouvement de mai 1968. Il est vrai que les organisations politiques •tudiantes ont particip• ƒ la conduite du mouvement •tudiant. Mais sans l’UNEF elles auraient probablement peu d•bord• de leur p•rim‚tre d’avant mai 68. On doit se souvenir que, le 3 mai, dans la cour de la Sorbonne, le nombre d’•tudiants pr•sents ne d•passait pas les 2000, malgr• l’appel commun lanc• par l’UNEF, le Mouvement du 22 mars, la JCR, l’UEC et le CLER pour protester contre les provocations et d•noncer la convocation d’•tudiants13 de Nanterre devant le conseil de l’universit•. L’exception de Nanterre L’exp€rience de Nanterre qui a conduit • la constitution du Mouvement du 22 mars est unique : l’AGE de Nanterre fut cr€€e au cours de la gr†ve massive des €tudiants de Nanterre • la rentr€e de novembre 1967. Elle adh€ra • l’UNEF et son adh€sion fut valid€e par l’AG de novembre 1967. Mais les organisations et mouvements politiques €tudiants ne s’y investirent pas vraiment : pour une raison apparente, la faiblesse de l’UNEF et, pour une raison beaucoup plus r€elle, la volont€ des groupes politiques de s’affirmer de mani†re autonome. Gr•ce • son talent oratoire et • son humour, Cohn-Bendit (et le groupe anarchiste qui le suivait) r€ussit • f€d€rer, au sein du Mouvement du 22 mars, les militants anars et ceux de la Š Gauche Syndicale ‹, avec les militants JCR et maos qui, jusqu’• cette date, s’apostrophaient violemment et ne se rencontraient que par services d’ordre interpos€s14. 4. Et les partis de gauche, dans tout †a ? Georges S•guy a r•cemment r•v•l•, dans un entretien publi• par L’Express, ce que fut l’attitude du PC : une incompr•hension formidable du mouvement de mai 196815. Par la voix de FranŽois Mitterrand, la FGDS se pr•senta comme une alternative politicienne traditionnelle, qui ne convainquit ni le mouvement •tudiant ni la majorit• des travailleurs. En voulant surfer sur la vague, la FDGS se mit elle-m…me hors du mouvement social et pr•f•ra jouer ƒ fond, apr‚s le 30 mai, les •lections de juin pour le renouvellement de l’Assembl•e nationale dissoute par de Gaulle. Elle y subit une d•faite m•morable. Le PSU eut des relations constantes avec l’UNEF et soutint d‚s le d•but les initiatives du mouvement •tudiant. Mais ce n’est un secret pour personne qu’ƒ la fin du mois de mai, Pierre Mend‚s France ne suivait plus et se rapprochait de FranŽois Mitterrand, tandis que Michel Rocard16 se s•parait de Marc Heurgon. Il choisit de se rapprocher progressivement du PS, pour y adh•rer en 1974 apr‚s sa mise en minorit• au PSU et suite ƒ l’organisation des Assises du Socialisme. 13 Dont Daniel Cohn-Bendit. 14 Le stalinisme assum• des maos et l’anti-stalinisme revendiqu• de la J.C.R. ne pr•disposaient pas naturellement ƒ l’unit• d’action entre ces courants. 15 L’Express, 30/04/2008 : Question : ‰ Que s'est-il donc pass€, au PC ? Š. R•ponse de Georges S•guy : ‰ Rien : il a €t€ compl†tement d€pass€ par les €v€nements de Mai 68. Je le sais : j'€tais moi-m…me membre du bureau politique du Parti. Quand, apr†s la manifestation du 13 mai, j'ai expliqu€ que nous allions vers une gr†ve g€n€rale illimit€e, personne ne m'a cru. Le Parti est rest€ dans l'expectative pratiquement jusqu'au bout Š. 16 Il r…vait d•jƒ ƒ voix haute de son avenir d’homme d’ˆtat. 5. Conclusion En d•finitive, les bureaux UNEF dirig•s par les ESU de f•vrier 1967 ƒ avril 1968, quand ils ne sont pas carr•ment occult•s17, sont trait•s avec m•pris ou condescendance. Certaines critiques, parmi les plus dures, viennent d’anciens •tudiants ayant exerc• leurs mandats ƒ partir de 1971. Ils ont provoqu• la scission de 1971. Ils ont d•velopp• s•par•ment leur projet syndical et, ce faisant, n’ont pas d•montr• dans leur pratique qu’ils auraient mieux g•r• la crise de l’UNEF ƒ partir de 1967 ou qu’ils auraient mieux assum• les responsabilit•s de l’UNEF en mai 68. De m…me, concernant mai 68, il ne serait pas s•rieux d’oublier que la manifestation unitaire du 13 mai a •t• rendue possible parce que l’UNEF existait et que les syndicats ouvriers et enseignants acceptaient de la consid•rer comme seule repr•sentative du milieu •tudiant. Sans l’UNEF, il y aurait peut-…tre eu des manifestations •tudiantes et syndicales contre la r•pression, mais pas l’unit• d’action avec les syndicats ouvriers et enseignants qui a permis l’•norme mobilisation du 13 mai et a pr•lud• au mouvement des occupations d’usines ƒ partir du 15 mai. Alors que des mouvements •tudiants se sont d•velopp•s dans pratiquement tous les pays, la soci•t• franŽaise est la seule dans laquelle le mouvement protestataire •tudiant ait eu de tels prolongements dans toutes les couches de la soci•t•. Dans de nombreux pays, des mouvements d’•tudiants contre la guerre du Vietnam, contre le puritanisme autoritaire et contre les cons•quences de la transformation de l’enseignement sup•rieur exig•e par le n•ocapitalisme se sont •galement d•velopp•s. La lutte contre l’imp•rialisme am•ricain, de m…me que la contestation de la soci•t• f•tichiste dite de consommation ou la revendication des libert•s civiques (aux ˆtats-Unis mais aussi en Tch•coslovaquie, etc.) furent g•n•rales. La France est cependant le seul pays dans lequel le mouvement des •tudiants et le mouvement des travailleurs se rejoignirent, non sans difficult•, non sans ambigu‡t•. L’opportunit• saisie fut la d•nonciation unanime de la r•pression polici‚re particuli‚rement violente men•e contre les •tudiants des barricades dans la nuit du 10 au 11 mai 1968. Elle entra•na l’unit• d’action des organisations syndicales avec l’UNEF en d•cidant la manifestation du 13 mai 1968. Cette manifestation, avec en t…te de cort‚ge, au milieu des dirigeants syndicaux, Jacques Sauvageot, Alain Geismar et Daniel Cohn-Bendit, semblait montrer que toutes les composantes du mouvement •tudiant avaientt •t• partie prenante de l’organisation de cette manifestation. En r•alit•, c’est Jacques Sauvageot qui, au nom de l’UNEF, imposa la pr•sence de Cohn-Bendit. Celui-ci, le soir m…me, invit• ƒ prendre la parole au meeting du PSU ƒ la Mutualit•, rendit impossible qu’un tel •v•nement se reproduise en exprimant f•rocement sa joie d’avoir •t•, dans la manifestation, devant les ‰ crapules staliniennes Š. Enfin, le 13 mai trouva un prolongement quand le mouvement ouvrier d•cida progressivement, ƒ partir du 15 mai, entreprise par entreprise, la gr‚ve g•n•rale reconductible avec occupation. Que les syndicats ouvriers aient •t• surpris par les premi‚res occupations est une r•alit•. Mais imaginer que le mouvement d’occupation aurait pu se d•velopper sans les syndicats voire contre eux est irr•aliste. En fin de compte, ƒ partir de f•vrier 67, les bureaux UNEF dirig•s par des ESU n’ont probablement eu comme unique fonction que celle de maintenir l’organisation contre vents et mar•es. L’UNEF ayant surv•cu ƒ sa crise interne, elle s’est trouv•e en position centrale pendant mai 68 : d’une part, seule organisation •tudiante consid•r•e comme repr•sentative par 17 Voir Hamon et Rotman. les centrales syndicales, d’autre part, organisation syndicale •tudiante incontournable dans le mouvement •tudiant lui-m…me, malgr• cette forme d’attirance/r•pulsion que prenaient parfois les rapports entre l’UNEF, le SNESUP, la JCR, les comit•s d’action ou le mouvement du 22 mars. Mais cela •tait in•vitable dans cet univers multipolaire impitoyablement dialectique que constituait le mouvement •tudiant qui allait entrer en mai 68 dans l’Histoire.