La responsabilité de l`Allemagne dans la politique européenne
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La responsabilité de l`Allemagne dans la politique européenne
6. Une Europe forte La responsabilité de l’Allemagne dans la politique européenne L’œuvre d’unification européenne reste la mission la plus importante pour l’Allemagne. Les attentes des partenaires européens envers l’Allemagne se sont modifiées ces dernières années. L’Union européenne (UE) traverse une période de changements et d’innovations sans précédent sur les plans économique, social et institutionnel. Dans cette phase de transition, l’Allemagne, État membre et solide pilier à l’économie puissante, a appris à assumer davantage de responsabilités, et fait face à des attentes particulières venant de ses partenaires. Dans ce contexte, notre pays, membre fondateur de l’UE et partenaire fiable, doit assumer un rôle responsable et promoteur d’intégration au sein de l’Europe. L’Allemagne va tout mettre en œuvre pour renforcer et développer la confiance dans l’avenir de l’œuvre d’unification européenne. Nous ne ménagerons pas nos efforts pour surmonter la crise en Europe et impulser un nouvel élan en faveur d’une UE forte d’un point de vue politique et économique, et équitable sur le plan social. Il importe de concilier une situation financière solide et durable avec la croissance et l’emploi, tout comme il importe de concilier la nécessaire responsabilité propre des États avec la solidarité européenne et la démocratie. Pour pouvoir accomplir ces tâches, l’UE a besoin d’institutions communautaires capables d’agir. Une Europe démocratique Les décisions de politique européenne ont souvent des effets non négligeables sur les conditions de vie de nos citoyens. Il est donc important, pour la confiance envers l’Europe et ses institutions, de renforcer la légitimation démocratique et de faire en sorte que les décisions de l’UE soient plus lisibles. Un rôle fort pour le Parlement européen est tout aussi essentiel dans cette perspective qu’une véritable implication des parlements nationaux. La Commission européenne doit disposer d’un collège de commissaires convaincant et efficace, doté de compétences clairement définies. Pour être acceptée au sein de la zone euro, il faut que la gestion de la crise, en particulier, s’intègre dans le cadre des structures démocratiques de l’UE et de la coopération, qui a fait ses preuves, entre la Commission, le Conseil, le Parlement européen et les États membres. La méthode communautaire est au cœur de l’unification européenne. Dans les domaines où certains États progressent vers une intégration plus poussée, l’objectif devrait consister à réunir au plus tôt ces politiques au sein des traités européens, en incluant tous les États membres de l’UE. Le gouvernement fédéral soutient l’introduction d’un droit de vote européen uniforme, afin d’assurer au Parlement européen des majorités fiables, favorisant la stabilité du processus législatif de l’Union. Dans ce contexte, il faudrait fixer un seuil minimum adapté pour l’attribution des sièges. L’émergence d’une société civile européenne est une condition essentielle pour une démocratie européenne vivante. Il est particulièrement important, à cette fin, de continuer à développer aussi la politique de la jeunesse. Les écoles européennes et les Offices pour la jeunesse peuvent y contribuer, ainsi qu’une mobilité accrue des jeunes. C’est dans cet esprit que nous nous engageons par exemple en faveur d’un Office germano-grec pour la jeunesse. Nous poursuivrons notre partenariat pour soutenir les efforts de réforme en Grèce, notamment en continuant de développer l’Assemblée germano-grecque. Il est essentiel de respecter strictement le principe de subsidiarité, afin que les citoyens acceptent mieux l’approfondissement de l’intégration européenne. Ce principe prévoit que l’UE intervienne uniquement dans la mesure où une action des États membres ne suffirait pas. Il s’agit de fixer les tâches au niveau où elles seront accomplies au mieux : européen, national, régional ou local. En outre, les actes juridiques de l’UE doivent être mesurés à l’aune du principe de proportionnalité. Nous souhaitons réaliser une Europe proche des citoyens, qui respecte l’autonomie administrative des communes. Les langues et cultures des communes et régions contribuent de façon essentielle à cette diversité de l’Europe à laquelle s’identifient les individus. Nous souhaitons que l’UE préserve l’autonomie et les multiples traditions de tous ses États membres. L’Europe doit surtout se concentrer sur les grandes missions de l’avenir. Il nous faut dans ces domaines une UE forte, démocratique et agissant à l’unisson. L’utilisation de la langue allemande dans les institutions européennes doit refléter son statut juridique et son emploi de fait au sein de l’UE. En pratique aussi, l’allemand doit être sur un pied d’égalité avec les deux autres langues de procédure, l’anglais et le français. Défis – Comment sortir l’Europe de la crise Nous voulons faire tout notre possible pour que l’Europe émerge plus forte de la crise actuelle. Nous sommes fermement convaincus que cela est possible, si l’Europe reste unie et apporte une réponse politique globale aux défis de la zone euro. Les causes de cette crise sont multiples : un endettement excessif de certains pays européens, des déficits de compétitivité, des déséquilibres économiques, des défauts de construction de l’Union économique et monétaire, ainsi qu’une évolution négative des marchés financiers. Les perspectives de croissance se sont récemment améliorées. La crise a cependant laissé des blessures profondes, et elle est loin d’être surmontée. Dans bien des pays membres, le chômage reste à un niveau inacceptable, notamment parmi les jeunes. De nombreuses petites et moyennes entreprises n’ont pas les moyens de financer des investissements. En outre, la conjonction d’un endettement élevé et d’une croissance faible continue de fragiliser les économies européennes. Pour que l’Europe sorte durablement de la crise, il faut une approche politique globale, qui concilie les réformes structurelles en faveur de la compétitivité et la consolidation stricte et durable des budgets avec les investissements d’avenir dans la croissance et l’emploi, tout en préservant l’équilibre social. La prochaine étape de la gestion de la crise, au niveau européen, doit être de remédier à la dépendance mutuelle entre les dettes privées des banques et la dette publique des États, et de s’assurer que les banques soient dorénavant les premières responsables de leurs risques, sans les reporter sur les contribuables. Il faudra en outre continuer de modifier les règles applicables aux banques et aux marchés financiers, de manière à ce que les acteurs du secteur ne puissent plus jamais mettre en péril la prospérité des États et des sociétés. Les marchés financiers devront participer aux coûts de la crise et, à terme, être ramenés à leur fonction de serviteurs de l’économie réelle. Seront également nécessaires des réformes visant à renforcer la coordination des politiques économiques, en particulier au sein de l’Union économique et monétaire. Les règles de l’économie sociale de marché, qui ont fait leurs preuves, doivent former le socle de l’Union économique et monétaire de demain. Développer l’Union économique et monétaire La crise de la zone euro a mis en évidence des défauts de construction de l’Union économique et monétaire européenne (UEM). Il s’est notamment avéré que l’UEM avait besoin d’une coordination plus performante et contraignante de sa politique économique, ainsi que d’une politique budgétaire plus efficace, afin de concilier durablement la compétitivité, la stabilité financière, les investissements pour l’avenir et la péréquation sociale. En concertation avec ses partenaires européens, l’Allemagne s’engagera en faveur d’une évolution de l’Union économique et monétaire en ce sens. Les institutions communautaires devraient être associées à la coordination économique dans le cadre de leur rôle institutionnel. L’Allemagne réaffirme son attachement à la monnaie commune. Notre objectif reste de faire en sorte que l’Europe émerge renforcée de cette crise, une Europe de la stabilité et de la croissance. Notre principe directeur est le suivant : solidarité et responsabilité propre vont de pair. Nous, Européens, devons aussi nous doter d’une économie plus compétitive pour faire face à la concurrence mondiale. La clé de la croissance européenne est une compétitivité accrue, portée par des réformes structurelles et des investissements durables dans l’avenir. Les efforts nationaux et européens doivent être accomplis main dans la main. Nous souscrivons aux règles du Pacte de stabilité et de croissance renforcé. Son application crédible constitue le fondement d’une monnaie commune stable à long terme. Pour être crédible, notre action nécessite une politique budgétaire et économique fondée sur des critères de durabilité. Le ratio d’endettement élevé des pays de la zone euro doit donc baisser. C’est l’un des enseignements de la crise actuelle. La politique de consolidation budgétaire doit se poursuivre et s’accompagner de réformes en faveur d’une croissance structurelle et d’investissements durables, orientés vers l’avenir. L’Allemagne reste disposée à apporter un soutien solidaire, par exemple sous forme de prêts et d’aide technique, afin de permettre aux pays bénéficiaires de mettre en place des réformes pour restaurer la compétitivité et réduire le chômage. Il faut cependant maintenir le principe selon lequel chaque État membre est responsable de ses engagements. Toute forme de mutualisation de la dette publique mettrait en danger l’aiguillage nécessaire des politiques nationales dans chaque État membre. La souveraineté budgétaire nationale est inconciliable avec une responsabilité supranationale commune pour la dette. Les prêts provenant de plans européens de sauvetage ne doivent être octroyés qu’en dernier recours, lorsque la stabilité de la zone euro dans son ensemble est mise en danger. Nous voulons que les États en difficulté apportent une large contribution à la victoire sur la crise et mobilisent leurs moyens propres avant de bénéficier de prêts. Ces derniers ne doivent être accordés qu’en contrepartie de conditions strictes, à savoir d’efforts de réforme et de consolidation de la part des pays bénéficiaires. Il faudra une feuille de route claire, qui mette en évidence les mécanismes garantissant la viabilité de la dette. Le contrôle démocratique de toutes les aides revêt en outre une importance majeure : l’octroi de fonds issus du MES restera soumis à l’approbation du Bundestag. La crise a montré que les mesures correctives européennes intervenaient souvent trop tard. Afin de prévenir de futures turbulences au sein de l’Union monétaire, il faut donc mieux surveiller les politiques budgétaires et l’évolution de la dette, et réduire les déséquilibres économiques de la zone euro par des efforts coordonnés de tous les pays membres de cette dernière. Nous devons pour cela mobiliser activement le Pacte de stabilité et de croissance renforcé, ainsi que la Procédure concernant les déséquilibres macroéconomiques. Les nouvelles règles ne seront crédibles que si elles sont appliquées avec rigueur et surveillées. Il faut poursuivre la mise en œuvre d’un tableau de bord (score board) européen et d’indicateurs sur l’emploi et la situation sociale, afin que ces nouveaux instruments soient opérationnels dès le semestre européen 2014. Cette palette élargie d’indicateurs doit permettre de mieux appréhender les évolutions sociales dans toute l’UE. Nous souhaitons développer la surveillance des décisions budgétaires nationales par la Commission européenne, instaurée avec le paquet législatif « Two-Pack », afin d’en faire un instrument efficace, qui permette à un législateur national d’agir lui-même au plus tôt en cas de manquement flagrant aux règles de l’UE. Cela comprend entre autres les objectifs de croissance, d’innovation et d’emploi. Nous plaidons pour que les États membres concluent avec les instances européennes des accords de réforme contraignants, applicables et légitimés démocratiquement, visant à promouvoir la compétitivité, la solidité durable des comptes publics, la croissance et l’emploi, sans oublier la solidarité. Nous adapterons les principes de base des traités régissant l’Union économique et monétaire. Les réformes entreprises par les États membres de la zone euro particulièrement touchés par la crise constituent une base importante pour impulser une croissance durable, dans ces pays et dans toute l’Europe. Dans ce contexte, il faut également mobiliser de manière ciblée les ressources de la Banque européenne d’investissement (BEI) et du budget européen, y compris des Fonds structurels de l’UE, pour mettre en place les infrastructures nécessaires. Il s’agit en outre d’améliorer efficacement les conditions d’accès au crédit pour les petites et moyennes entreprises. Là encore, la BEI peut apporter son soutien, en coopération avec les institutions de crédit spécialisées (« Fo rderbanken ») des États membres. Cet éventail d’instruments vise à stimuler la croissance économique, à favoriser l’emploi et à réduire la fragmentation des marchés financiers en Europe. Compétitivité et emploi Le marché intérieur est une pierre angulaire de la croissance et de la compétitivité européennes. Il doit pouvoir donner sa pleine mesure et continuer de s’approfondir. L’accomplissement du marché intérieur et la mise en place de règlementations adaptées peuvent imprimer un élan décisif à la croissance, au même titre que la reconnaissance mutuelle des diplômes et des qualifications, et que le transfert des droits sociaux au sein de l’UE. Pour assurer la prospérité et la création d’emplois à long terme, il est essentiel de miser sur la compétitivité, sur une croissance économique structurelle et forte, et sur les investissements d’avenir. Cela vaut tout particulièrement pour les pays en crise de la zone euro, où le taux de chômage est bien trop élevé et où la population a subi de douloureuses baisses de revenu souvent liées à la perte d’un emploi. Nous nous engagerons pour que la politique de consolidation budgétaire et les réformes structurelles continuent à évoluer de manière substantielle, tout en restant acceptables sur le plan social, et les compléterons avec des investissements accrus dans la croissance et l’innovation. Nous continuerons à améliorer le climat économique, afin de voir émerger une production de haute qualité et des emplois bien rémunérés. En bonne entente, le secteur privé, avec son dynamisme et sa compétitivité, et l’État, à travers le cadre régulateur de l’économie sociale de marché, l’éducation et les infrastructures, contribuent à la réalisation de cet objectif. Cela s’applique suivant les responsabilités au niveau national et au niveau européen. Si nous voulons que l’Europe soit parée pour l’avenir, nous avons besoin d’investissements plus conséquents, notamment dans les infrastructures, les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique, les transports, les réseaux transeuropéens, les médias numériques ou les réseaux internet à haut débit, l’éducation, la recherche et le développement, ainsi que des réformes structurelles qui s’imposent. Nous insisterons sur une mise en œuvre rigoureuse du Pacte pour la croissance et l’emploi conclu à l’été 2012 (à hauteur de 120 milliards d’euros). Le Pacte pour la croissance et le Pacte budgétaire sont deux éléments d’importance égale pour une politique axée sur la croissance durable et la solidité budgétaire. Les mesures qui facilitent l’accès des petites et moyennes entreprises aux ressources financières sont cruciales pour la promotion de la croissance et de l’emploi. Elles comprennent entre autres l’augmentation des activités de prêt de la BEI, et la mobilisation accrue des fonds renouvelables permettant d’utiliser les moyens issus des fonds structurels et d’investissement. Le gouvernement fédéral veillera à ce que la BEI emploie efficacement et intégralement les moyens mis à sa disposition. L’instrument de flexibilité prévu par les accords sur la planification budgétaire à moyen terme devrait être utilisé pour les investissements, la croissance et l’emploi. En vue d’une gestion économe du budget communautaire, nous plaidons pour que le budget de l’UE soit en adéquation avec ses missions. Eu égard à la révision du cadre financier pluriannuel en 2016, il s’agit d’entreprendre de nouveaux efforts pour que le budget européen soit clairement axé sur la croissance, l’emploi et l’innovation. À l’échelon européen, le gouvernement fédéral s’engagera pour que la phase pilote des obligations européennes liées à des projets fasse l’objet d’une évaluation au plus tôt. En garantissant les obligations liées à des projets à travers le budget européen, il sera possible d’encourager de nouveaux investissements favorisant la croissance. L’Europe est le berceau de la société industrielle moderne. Or, l’industrie a perdu de sa vigueur dans une bonne partie de l’Europe. L’UE a maintenant pris conscience de l’importance de l’industrie pour la croissance durable, la prospérité, la qualité de vie et l’emploi, ainsi que le problème de la désindustrialisation européenne. Elle n’est toutefois pas encore parvenue à renverser la vapeur. Étant donné le rôle majeur d’une industrie européenne dynamique, nous œuvrerons de concert avec les institutions et partenaires européens afin que l’UE redevienne le foyer d’une industrie moderne et forte. Il faut pour cela – et nous y veillerons – entreprendre une action transversale pour améliorer les conditions d’implantation industrielle, tenir compte de la compétitivité internationale de l’industrie lors des prises de décision à Berlin et à Bruxelles, et prêter davantage attention à la rentabilité de nos choix en matière de politique industrielle. Il est tout aussi important, pour l’Europe, d’accroître les investissements publics et privés dans la recherche, le développement et l’innovation, ainsi que dans des systèmes de formation performants, une meilleure promotion des exportations – notamment dans les pays peu exportateurs –, des infrastructures modernes, axées sur les besoins de l’industrie, et un cadre règlementaire favorable au sein du marché intérieur européen. Pour renforcer la compétitivité de l’Europe, il faut alléger le poids de la réglementation à l’échelon communautaire. La Commission européenne doit identifier les domaines qui offrent le plus grand potentiel pour simplifier la réglementation et diminuer les coûts induits par cette dernière, en particulier s’ils jouent un rôle majeur pour les petites et moyennes entreprises. Nous plaidons pour que des objectifs concrets de réduction soient définis dans ces domaines. Il importe toutefois de veiller à la protection des consommateurs, de l’environnement et des salariés. De manière générale, nous voulons appliquer à la lettre les directives européennes, afin de garantir entre autres l’égalité des chances sur le marché intérieur européen. Le tournant énergétique doit être pensé également dans le contexte européen. Mettre en place un marché intérieur intégré de l’énergie et une étroite coordination entre les États membres (par exemple pour le développement des énergies renouvelables et des réseaux de transport) est le seul moyen d’assurer un approvisionnement énergétique fiable, abordable et respectueux de l’environnement, pour permettre à l’Allemagne de rester durablement la locomotive d’une Europe compétitive sur les plans économique et industriel. Le rôle que l’Europe sera amenée à jouer au XXIe siècle dépendra aussi largement de notre capacité à rester dans la course dans le secteur numérique, et à élaborer des normes communautaires pour préserver notre modèle européen de société. C’est pourquoi nous plaidons pour un vaste agenda numérique européen portant à la fois sur la protection des consommateurs, la protection des données, l’innovation, les réseaux et la sécurité de l’information. En outre, il est nécessaire de définir un nouveau cadre juridique international pour l’utilisation de nos données. Nous aspirons à une convention internationale pour protéger dans le monde entier la liberté et l’intégrité de la personne sur Internet. Nous devons continuer d’améliorer résolument les dispositions européennes en matière de protection des données. Sur cette base, nous souhaitons par ailleurs négocier rapidement l’accord de protection des données avec les États-Unis. En ce qui concerne la coordination de notre politique économique dans le cadre européen, nous ne perdons nullement de vue la dimension mondiale. Nous allons par exemple œuvrer à la conclusion d’un accord de libre-échange avec les États-Unis. Face à la concurrence croissante entre les entreprises et les sites à l’échelon mondial, nous appliquerons les principes fondateurs de notre économie sociale de marché, dont l’efficacité n’est plus à démontrer, et l’une de nos principales priorités sera de veiller à la compétitivité internationale de notre économie allemande et européenne. Dans un monde en rapide mutation, seule une Europe forte pourra conserver son pouvoir d’influence. Là encore, nous avons besoin d’une gestion économique durable, ainsi que d’une grande stabilité matérielle et sociale. La politique européenne de l’Allemagne tient compte de la nécessité particulière de protéger la culture et les médias, notamment en ce qui concerne la législation européenne, les questions relatives aux aides d’État au sein de l’UE ou les accords de libre-échange avec des pays tiers. Il faut également y veiller lors des négociations en vue d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis, en protégeant ces domaines au moyen de clauses dérogatoires. Renforcer la dimension sociale, créer de l’emploi, combattre le chômage des jeunes L’expérience de la crise prouve une fois de plus que le pire danger pesant sur les populations et la paix sociale en Europe est la perte d’emploi. Dès lors, le moyen le plus efficace – et le seul viable à long terme – d’assurer les revenus, l’inclusion sociale, l’intégration et la stabilité, c’est de vaincre le chômage en créant suffisamment d’emplois qualifiés et durablement compétitifs. La responsabilité individuelle et l’initiative privée consistant à travailler ou à créer des emplois par l’entreprenariat doivent s’accompagner d’un soutien solidaire. Cela se reflète aussi dans la stratégie de l’Europe, qui combine solidarité et solidité : les réformes structurelles des États membres et la consolidation budgétaire constituent, au même titre que les investissements d’avenir, un socle important pour la croissance et l’emploi, donc pour l’intégration des citoyens à la société. Dans de nombreux pays d’Europe, le chômage des jeunes a augmenté dans des proportions dramatiques du fait de la crise. L’Europe n’a pas le droit de laisser sur le bord de la route ces jeunes gens, qui disposent souvent d’une formation solide. C’est pourquoi la lutte contre le chômage des jeunes doit figurer parmi les priorités de la politique européenne. L’Allemagne entend montrer l’exemple dans la mise en œuvre de la Garantie européenne pour la jeunesse. Pour porter ses fruits dans tous les États membres, cette mesure devra s’accompagner d’un soutien financier suffisant, permettant de mettre en place les structures nécessaires dans les pays les plus touchés. Nous saluons l’élaboration d’un cadre de qualité pour les stages. Lors du semestre européen, le gouvernement fédéral s’engagera en faveur d’objectifs vérifiables pour la lutte contre le chômage des jeunes. Les parlements nationaux et le Parlement européen devraient assumer leurs responsabilités en la matière. Les moyens alloués à l’initiative pour l’emploi des jeunes au titre du nouveau budget européen doivent être mobilisés dès que possible, en tout état de cause au cours des deux premières années de la prochaine période budgétaire. Le cas échéant, ils pourront être augmentés lors de la reprogrammation prévue des fonds structurels européens, et par la combinaison des moyens budgétaires encore disponibles. Nous soutenons les initiatives visant à apporter une aide technique pour la mobilisation et l’utilisation de ces moyens. Nous saluons explicitement le financement d’investissements dans l’éducation et la formation, ainsi que d’aides temporaires à l’emploi grâce à des crédits et garanties de la BEI, et nous plaidons en faveur d’une combinaison renforcée de crédits de la BEI et de financements issus de fonds européens. Il importe de mieux exploiter le potentiel du programme « Erasmus pour tous » en matière de formation en alternance. Par ailleurs, nous allons œuvrer à un marché européen commun du travail, en améliorant l’enseignement des langues, la reconnaissance des diplômes et le transfert des droits sociaux. Nous nous attelons à l’amélioration notable de la mobilité géographique et sociale au sein d’un marché européen commun du travail et de la formation. Nous prenons des mesures ciblées pour aider les jeunes gens qualifiés d’autres États membres à suivre une formation professionnelle ou à exercer un métier plus facilement en Allemagne. Avec le concours des chambres de métiers, nous voulons également épauler les États membres souhaitant adopter le système allemand de formation en alternance, réputé efficace, y compris le Brevet de Maîtrise, et contribuer à la mise en œuvre de l’Alliance européenne pour l’apprentissage. Pour favoriser la création de places d’apprentissage et d’emplois supplémentaires, nous nous engageons en faveur d’une action commune, portée par les entreprises, les syndicats et les États membres de l’Union européenne. Nous ferons bénéficier ce partenariat de l’expérience acquise en Allemagne avec le « Pacte pour la formation ». Il faudrait aussi mettre en place des programmes qui s’adressent aux nouveaux entrepreneurs, dans l’esprit de l’aide allemande à la création d’entreprise. Ces dispositifs doivent s’accompagner d’un véritable suivi. La politique sociale relevant au premier chef de la compétence des États membres, l’UE respecte les traditions nationales en la matière. Conformément au modèle économique et social européen, nous soutenons l’élaboration de principes et critères communs pour combattre le dumping salarial et social, afin d’éviter, au sein du marché intérieur, les distorsions de concurrence, qui nuisent entre autres aux entreprises et aux salariés. Nous devons protéger plus efficacement les salariés contre l’exploitation et les conditions de travail illicites en Europe. Là où il existe une activité économique transfrontalière, les droits des travailleurs ne doivent pas s’arrêter aux frontières. Nous plaidons pour l’étude de normes en matière de salaire minimum, en vue de garantir un niveau d’emploi élevé et des salaires justes. Ces normes doivent être définies et organisées à l’échelon national, soit par voie législative, soit par la négociation d’accords salariaux. Il faut également veiller à mettre sur un pied d’égalité les droits sociaux figurant dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et les libertés inhérentes au marché intérieur européen. Le dialogue entre les partenaires sociaux revêt, y compris à l’échelon communautaire, une fonction importante qu’il convient de renforcer, au même titre que les comités européens d’entreprise et la cogestion au sein des sociétés européennes. En ce qui concerne les négociations actuelles sur la directive d’application relative au détachement des travailleurs, nous nous engageons en faveur de normes aussi exigeantes que celles de l’Allemagne, avec des règles claires en matière de responsabilité, un droit de regard approfondi pour les autorités et des droits de contrôle efficaces pour les États membres. La lutte contre d’éventuels abus ne doit pas se heurter à l’affaiblissement des droits de contrôle. Il faut combattre résolument les fraudes telles que les sociétés-boîtes aux lettres et les faux détachements. Nous devons continuer à développer la législation européenne sur le détachement pour que ce soit le pays de destination qui détermine les conditions de travail et le niveau salarial (à travail égal, rémunération égale). Les services publics de base figurent parmi les principales missions de l’État, notamment à l’échelon régional et communal (par exemple l’approvisionnement en eau). Il est d’autant plus nécessaire d’agir dans ce domaine que de nombreuses zones rurales sont confrontées à la transition démographique et à la dépopulation. Il faut veiller à garantir un équilibre entre le principe de compétitivité du marché intérieur européen, le bon fonctionnement des collectivités et la péréquation sociale ; c’est le seul moyen de recueillir l’adhésion des citoyens. Les États membres, leurs régions et leurs communes doivent continuer à jouir de la même marge de manœuvre pour les missions relevant de l’intérêt public. Nous nous opposerons fermement à toute politique communautaire restreignant davantage les services publics. La politique européenne ne doit pas ignorer les spécificités nationales, régionales et locales existant dans ce domaine. Politique étrangère et de sécurité commune Nous voulons une Union européenne forte et confiante, qui apporte une contribution décisive au processus de mondialisation, en défendant résolument la paix, la liberté et la prospérité. L’Allemagne œuvrera activement à renforcer la foi dans la construction européenne. Il est indispensable que les partenaires travaillent dans la confiance mutuelle pour y parvenir de concert. Tenir compte des intérêts des petits et moyens États membres fait partie intégrante de notre politique européenne. La crédibilité de l’Union européenne dans sa défense internationale des droits de l’homme dépend largement de sa propre intégrité dans l’application de ses valeurs et la sanction des violations survenant sur son territoire. Conformément à l’article 7 du traité sur l’Union européenne (TUE), le gouvernement fédéral s’engage en faveur d’un mécanisme efficace pour faire respecter les normes relatives à l’État de droit et à la démocratie en Europe, afin de garantir la protection des valeurs visées à l’article 2 du TUE. Le partenariat franco-allemand se caractérise par une ampleur et une profondeur uniques. En tant que grandes puissances économiques, nos deux pays ont tout intérêt à promouvoir résolument l’intégration européenne et à consolider la prospérité, la sécurité et la compétitivité de l’UE ; ils disposent également de possibilités hors du commun pour s’y employer. Nous continuerons à mettre en œuvre étape par étape l’Agenda franco-allemand adopté le 22 janvier 2013, à renforcer notre partenariat avec la Pologne et à développer nos riches relations de voisinage. Nous allons élargir les champs d’action de l’Office germano-polonais pour la jeunesse, et offrir une perspective durable aux rencontres de jeunes sur les sites de Krzyżowa et d’Auschwitz. Nous intensifierons la coopération avec la France et la Pologne dans le cadre du Triangle de Weimar. Nous voulons développer les initiatives bilatérales avec nos partenaires d’Europe centrale. Nous prolongerons le Forum germano-tchèque et le Fonds germano-tchèque pour l’avenir au-delà de 2017. Élargissements et voisinage oriental L’élargissement de l’UE est une politique active de paix en Europe. Les élargissements réalisés à ce jour sont dans l’intérêt de l’Allemagne et de l’Europe. Nous réaffirmons notre volonté de voir ce processus se poursuivre dans le strict respect des critères d’adhésion, et d’offrir aux États des Balkans occidentaux une perspective en ce sens. La Serbie et le Kosovo doivent honorer leurs engagements en la matière. Nous voulons réduire progressivement la KFOR, en phase avec l’évolution de la sécurité, et la mener à son terme. Avec nos partenaires et alliés, nous œuvrerons activement à rapprocher les pays des Balkans occidentaux de l’UE et de l’OTAN. Pour procéder à des élargissements de l’UE, il est essentiel d’appliquer des critères stricts, ainsi que des objectifs clairs et vérifiables en matière de progrès accomplis. La capacité d’adhésion des candidats et la capacité d’accueil de l’Union européenne sont d’égale importance. La Turquie revêt un intérêt stratégique et économique pour l’Europe. En outre, nous sommes étroitement liés à cet État par un tissu de relations variées entre les habitants de nos deux pays. Nous souhaitons approfondir les rapports entre l’Union européenne et la Turquie, y compris par le biais d’une étroite coopération stratégique sur des questions de politique étrangère et de sécurité. Au-delà de l’impressionnant développement économique de la Turquie, nous saluons surtout les réformes entreprises dans le cadre des pourparlers d’adhésion. Ce processus se poursuit avec l’ouverture de nouveaux chapitres de négociation. Le respect absolu des valeurs fondatrices de l’UE, notamment la démocratie, l’État de droit, la liberté de culte et la liberté d’opinion, et leur mise en œuvre à l’échelon national sont les conditions sine qua non de nouvelles avancées. Les négociations d’adhésion engagées en 2005 sont un processus ouvert dont l’aboutissement, en aucun cas automatique, ne saurait être garanti à l’avance. De même, la question de l’adhésion à l’Union européenne fait débat en Turquie. Si l’UE n’était pas en mesure de s’élargir, ou si la Turquie ne parvenait pas à honorer en intégralité les engagements liés à une adhésion, il faudrait que la Turquie se rapproche le plus possible des structures européennes, de manière à pouvoir renforcer ses relations privilégiées avec l’UE et l’Allemagne. Il est vital, pour l’Allemagne et pour l’UE, de promouvoir la stabilité, la démocratie, l’État de droit et le développement économique dans les autres régions frontalières. La Politique européenne de voisinage a fait ses preuves à cet égard. Les accords d’association, de libreéchange et d’assouplissement des procédures en matière de visas restent les instruments les plus efficaces du Partenariat oriental. Les pays voisins des côtes sud et est de la Méditerranée revêtent une importance stratégique pour l’Europe. Rapprocher ces États de l’UE pourrait contribuer à la stabilisation de la région. Une Europe forte dans le monde Nous voulons que l’Union européenne continue à se montrer digne de son Prix Nobel de la Paix. Dans le monde globalisé du XXIe siècle, elle doit contribuer à définir la politique internationale, en assumant dans ce domaine un rôle fort et autonome. Après le Conseil européen de décembre 2013, le gouvernement fédéral lancera de nouvelles initiatives politiques pour renforcer et approfondir la Politique étrangère et de sécurité commune. En principe, le Conseil européen devrait se pencher une fois par an sur des questions de politique étrangère, de sécurité et de défense à l’échelle des chefs d’État et de gouvernement. Nous plaidons pour le renforcement de la fonction du Haut représentant de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Il faut améliorer la capacité d’action du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) en matière de prévention et de gestion rapide des crises. Un service extérieur fonctionnant avec peu d’effectifs a une mission plus opérationnelle que représentative. Les questions de politique étrangère, de politique commerciale et de coopération pour le développement doivent faire l’objet d’une coordination et d’une concertation plus étroites entre la Commission européenne et le SEAE. L’Union européenne a plus que jamais besoin de mener une discussion stratégique sur ce qu’elle veut et peut obtenir par des moyens essentiellement civils ou, le cas échéant, des opérations militaires. L’UE et ses États membres peuvent apporter une contribution précieuse à l’instauration de la démocratie, de systèmes fondés sur l’État de droit et d’une administration efficace dans des pays tiers. Cela vaut en particulier pour la police et la justice. Nous plaidons pour que l’Union européenne combine davantage ses instruments civils et militaires, tout en améliorant ses capacités de prévention des crises et de résolution des conflits dans ces deux domaines. L’organisation des forces armées de l’Union européenne et de l’Alliance nord-atlantique doit faire l’objet d’une coordination plus étroite. Il importe d’éviter les doublons. Les capacités de l’OTAN et de l’UE doivent être complémentaires. Nous voulons que les opérations communautaires visant à défendre et à renforcer la sécurité de l’Europe aient lieu de préférence dans notre voisinage. Au-delà, elles devraient être plus souvent confiées à des organisations et à des partenaires régionaux, par exemple à l’Union africaine (UA), à la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) ou au Conseil de coopération du Golfe (CCG). Il faut aider ces organisations à assumer des responsabilités, ainsi que les autres structures régionales et partenaires fiables présents sur place. OSCE et Conseil de l’Europe Nous voulons consolider l’OSCE. En concertation avec les autres nations membres de l’organisation, notamment la Pologne et la France, le gouvernement fédéral se déclare prêt à assumer de plus grandes responsabilités au sein de l’OSCE. Nous souhaitons que le Conseil de l’Europe et ses organes se recentrent sur leurs compétences primaires de défenseurs et de garants des droits de l’homme et des droits fondamentaux. Nous allons fournir un travail intensif en ce sens.