comment choisir sa canne à mouche

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comment choisir sa canne à mouche
Choisir sa canne à mouche
Je dois avouer tout de suite que je suis un amoureux partial du bambou refendu, un
collectionneur immodéré de cannes anciennes et contemporaines et un constructeur amateur de
modèles personnels. Je prétends que cette matière naturelle a quelque chose d’indéfinissable qui
n’est pas tant la légèreté et la nervosité qu’une sorte de sonorité dans l’action qui correspond à ce
que les luthiers appellent pour les violons le sentiment.
Et puis aussi, le bambou a quelque chose que n’ont pas les fibres synthétiques, c’est la
beauté. L’incomparable couleur dorée de ce bois ajoute beaucoup de plaisir de posséder et de
manier cet objet racé qu’est une canne à mouche.
Les ligatures doivent être faites d’un fil aussi fin que possible. La soie naturelle offre des
coloris beaucoup plus chaud que les textiles synthétiques.
La poignée d’une canne à mouche ne peut être qu’en liége de bonne qualité. Sa forme est
évidement une question de goût, mais pour ma part je regrette que toutes les cannes de série, aient
des poignées « étudiées », c'est-à-dire galbées de manière plus ou moins tarabiscotée. Ces galbes,
façon cigare ou tulipe allongée. Ils sont pourtant peu fonctionnels, car ils ne favorisent pas le bon
appui du pouce qui doit s’allonger bien à plat sur la face supérieure de la poignée. La poignée la
plus simple qui soit : un cylindre régulier. J’aime aussi le profil légèrement et régulièrement
tronconique. Il suffit de comparer, cannes en main, pour en saisir tout l’agrément (fig. 1).
Comme porte moulinet, je n’admets sur mes cannes que le plus simple et le plus léger,
composé d’un culot et d’une bague coulissante.
J’en viens maintenant à ce qui me paraît le plus important : la longueur de la canne.
La première et la plus grande difficulté que rencontre l’apprenti lanceur est de maintenir tant
bien que mal sa soie en l’air, sans toucher l’eau ou le sol, ni au cours du lancer arrière, ni au cours
du lancer avant. Il est évident qu’il y arrivera beaucoup mieux et plus rapidement avec une canne
relativement longue qu’avec une canne courte, ne serait-ce que parce que la ligne évoluera dans un
plan plus élevé.
Bientôt, lorsque vous serrez un lanceur plus affiné, vous aurez certainement envie d’un
mince fleuret de 8 pieds ou moins. Mais quel que soit l’agrément que vous retirerez de votre petite
canne, la longueur et la puissance de votre 9 pieds vous resteront utiles pour pratiquer la mouche
noyée, qui nécessite de durs arrachers, pour prospecter de larges rivières où il faut lancer loin, et
surtout pour utiliser de grosse mouches comme les imitations de mouches de mai dont les fort
hameçons exigent un ferrage appuyé.
L’action de la canne est une chose difficile à définir clairement. Une canne est souvent dite
rapide, nerveuse, puissante, souple, parabolique mais ces qualificatifs sont utilisés dans un sens
vague et même impropre.
La première caractéristique chiffrable de l’action est la puissance. Elle peut se définir d’une
façon pratique par le poids moyen de ligne que la canne est capable de maintenir en l’air sans
effort. Les lignes normalisées par une échelle de chiffres allant de 3 à 12, chaque chiffre
correspond à un poids déterminé des premiers 30 pieds (9m 14) de la ligne. La canne qui
s’harmonise au mieux avec une ligne voit sa puissance définie par le même chiffre. Qui figure
généralement parmi les inscriptions portées sur le talon au-dessus de la poignée.
Une autre caractéristique importante de l’action est la vitesse, notion également objective et
chiffrable. Vous pourrez mesurer la rapidité de votre canne en fixant solidement la poignée à une
table et en donnant au scion une impulsion que vous entretiendrez par petits coups de doigt. Vous
compterez le nombre de battement par minute de la pointe du scion et vous obtiendrez un chiffre
fixe, indépendant de l’amplitude des oscillations et caractéristique de chaque canne. Jusqu’à 120
vibrations/minute la canne est plutôt lente ; elle est de rapidité moyenne entre 120 et 130, rapide de
130 à 140 et très rapide au delà.
Il faut éviter de tomber dans le travers si répandu à notre siècle de la vitesse qui est de croire
que tout ce qui est rapide est bon et que le mot lent est dévalorisant. Une canne à pèche n’est pas
une voiture de compétition ni un cheval de course. Les cannes rapides ont pour avantage de mieux
sécher la ligne et la mouche et assurent peut-être un meilleur ferrage. Mais les cannes lentes
permettent un lancer plus harmonieux et surtout un poser beaucoup plus léger. Cette qualité est
tout à fait décisive pour solliciter nos poissons surpèchés et extrêmement méfiants.
La répartition de la puissance et de la rapidité, c'est-à-dire l’étude du profil de la canne, a fait
l’objet d’innombrables études, hypothèse et essais, dont la vérité n’a pas encore jailli, mais qui ont
quand même permis de dégager quelques notions intéressantes.
Autrefois, la plupart des cannes avaient une pente régulière et identique sur tous les brins. La
canne était d’autant plus rapide que cette pente était plus forte. La canne soumise à une traction
croissante plie d’abord au niveau du scion puis du milieu, et enfin du talon. Celui-ci n’entre en jeu
que pour les efforts prononcés et on dit que la canne a une action de pointe.
Certain ont pensé qu’il serait plus efficace que la canne fléchisse instantanément dans sa
totalité. Ils ont donc cherché un profil permettant une répartition uniforme de l’effort de flexion
lorsque la pointe du scion est soumise à une force déterminée, choisie parmi les valeurs moyennes
prévues pour la canne. L’expérimentation et les calculs théoriques, qui sont assez longs et
compliqués, permettent d’obtenir un profil qui a la forme d’une parabole. Le talon a une pente
faible et régulière tandis que le scion a une pente plus accusée et plus courbe (fig. 2). Il s’agit, en
somme, d’un profil inverse de la tour eiffel. La plupart des constructeur on simplifié et adopté un
profil multicône comportant un cône à pente faible de 1,4 à 2 pour 1000 sur le talon et un cône plus
dégressif d’environ 3 pour 1000 pour le scion.
L’expérience n’en confirme pas moins que ces profils sont les plus efficaces surtout, et c’est
là le plus important, en ce qui concerne l’aisance des jets à moyenne distance, la main sent une
canne ainsi construite jusque dans la poignée. On dit qu’elle a une action de talon.
Les actions résultant de profils composites à faible pente sur le talon et pente plus accusé sur
le scion sont souvent dites paraboliques. Ce terme est impropre, la courbe de flexion étant encore
moins une véritable parabole que le profil du bois. Mais le temps en a consacré l’usage. Je préfère
et recommande les actions de ce type.
Bambou, verre ou carbone en deux brins, de 8 pieds ½ à 9 pieds, de puissance 6, d’action
parabolique assez lente, tel est donc, je crois, l’outil qui convient le mieux pour entrer bien armé
dans une carrière de pêcheur à la mouche.
Oui, si vous considérez les choses du seul point de vue de l’efficacité. Aucune canne ne vous
ferra prendre franchement plus de poissons que celle-là.
Mais si vous cherchez à tirer la quintessence du plaisir que peut donner la pêche à la mouche,
si vous êtes amoureux du beau matériel, un jour cette première canne ne vous satisfera plus
pleinement, quelle que soit l’affection que vous lui gardiez. Vous saurez lancer, vous saurez
pêcher. Alors à vous l’impondérable petite canne rapide, précise, qui transmet dans la main les
moindres réactions du poisson, à vous surtout l’extraordinaire plaisir et la grande fierté que donne
la prise d’un beau poisson sur du matériel très léger.

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