Aspects juridiques de la recherche au sang du grand

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Aspects juridiques de la recherche au sang du grand
UNION NATIONALE POUR L’UTILISATION DES CHIENS DE ROUGE Aspects juridiques de la recherche au sang du grand gibier blessé Par François CARÉ, Avocat à Chartres, Vice‐président de l’UNUCR, chargé des actions juridiques. La notion juridique de recherche au sang du grand gibier blessé n’est apparue que dans la loi du 26 juillet 2000. Les dispositions relatives à la recherche sont codifiées aux articles L.420‐3 du Code de l’environnement, (relatif à la définition de l’acte de chasse), et L.425‐2 du Code de l’Environnement (schéma départemental de gestion cynégétique). Il est nécessaire d’étudier ces deux textes qui abordent la recherche sous un angle différent. 1‐ De l ’action de chasse à l’acte de recherche (article L420‐3 du Code de l’environnement) Après avoir défini l’acte de chasse (« Constitue un acte de chasse tout acte volontaire lié à la recherche, à la poursuite et à l’attente du gibier ayant pour but ou pour résultat la capture ou la mort de celui‐ci », art. L420‐3 1er alinéa), le texte prévoit une série d’exceptions dont l’une en particulier aborde le sujet de l’animal blessé : « L’acte préparatoire à la chasse antérieur à la recherche effective du gibier, y compris lorsqu’il consiste en un repérage non armé du gibier sur le territoire où s’exerce le droit de chasse, et l’acte de recherche du gibier accompli par un auxiliaire de la chasse ne constituent pas des actes de chasse. Achever un animal mortellement blessé ou aux abois ne constitue pas un acte de chasse, de même que la curée ou l’entraînement des chiens courants sans capture de gibier sur les territoires où s’exerce le droit de chasse de leur propriétaire durant les périodes d’ouverture de la chasse fixées par l’autorité administrative » (L.420‐3, 2ème alinéa). Le texte exclut en premier lieu l’action de faire le pied ainsi que celle de traquer, qui ne sont donc pas des actes de chasse. De même n’est pas un acte de chasse le fait d’achever un animal mortellement blessé. En n’imposant pas de conditions particulières, la loi autorise toute personne à le faire. (nb : le faire d’un seul coup est préférable si l’on emploie une arme à feu). En l’absence de prévision de la loi, chacun peut employer les moyens adaptés au but poursuivi, afin d’abréger au plus vite les souffrances de l’animal. Notons enfin que le texte emploie le terme d’animal, alors que seul celui de gibier avait été employé auparavant. Celui qui achève un animal n’en a pas pour autant le droit de l’emmener (compétence du maire pour donner une destination à l’animal). La question de l’utilisation de l’arme à feu pour achever l’animal ne doit pas provoquer d’hésitations. Elle représente au contraire le meilleur moyen d’obtenir une mort rapide. Elle en est souvent le seul (animal blessé dangereux). Si l’arme est légalement détenue, aucune disposition n’interdit donc de l’utiliser pour achever un animal. Si elle n’était pas détenue légalement, ce ne serait pas le fait d’avoir achevé l’animal qui ferait l’objet de poursuites. Seule l’action d’achever un animal est permise, ce qui exclut toute idée de poursuite. L’animal doit être à merci, sans qu’un acte de chasse soit nécessaire pour l’atteindre. La notion de blessure mortelle suppose bien sûr une certaine gravité, mais la question ne se pose pas d’un point de vue vétérinaire. La loi permet d’abréger les souffrances d’un animal suffisamment handicapé par sa blessure pour se trouver hors d’état de s’enfuir. Achever un animal blessé est une nécessité morale à laquelle le législateur a entendu donner force de loi. Cette idée de nécessité morale, exclusive de tout acte de chasse, avait été dégagée par la jurisprudence : « le fait d’abattre le chevreuil [qui traînait une blessure vieille de plusieurs jours] était une nécessité qui exclut toute action de chasse » (Cour d’appel d’Amiens, 2 novembre 1988). Mais la disposition fondamentale pour la recherche au sang figure au 3ème alinéa de l’article L 420‐3 : « Ne constitue pas non plus un acte de chasse le fait pour un conducteur de chien de sang de procéder à la recherche d’un animal blessé ou de contrôler le résultat d’un tir sur un animal ». L’intérêt de cette mesure est considérable : à l’exception d’une seule, les infractions en matière de chasse pour lesquelles l’acte de chasse constitue l’élément matériel deviennent inapplicables. Seul le transport d’un animal soumis à une obligation de marquage non muni du dispositif réglementaire reste susceptible de poursuites. Tout simplement parce que le conducteur n’est plus alors en train de rechercher un animal. Un certain nombre de sujets permettent d’alimenter les discussions des conducteurs : Nécessité du permis de chasser ? Assurance ? Définition du conducteur de chien de sang ? a) Permis de chasser ou pas ? Pour: Contre: Marque l’appartenance au monde de la chasse Coûteux, surtout si national ou plusieurs départements Socle de connaissances communes (examen) Nécessaire pour acquérir une arme et des munitions ; Transport de la venaison (si valide) Assurance pouvant se révéler insuffisante pour l’acte de recherche b) S’assurer : une nécessité L’assurance obligatoire du permis de chasser peut se révéler insuffisante. La recherche au sang est une activité qui s’avère souvent mouvementée et comporter des risques. Dès lors, il incombe à chaque conducteur de contacter son assureur et de vérifier qu’il est bien couvert en action de recherche. L’UNUCR a mis en place plusieurs contrats ainsi qu’un fond de garantie pour les chiens de sang accidentés. c) Définition du conducteur ? : Faux problème ! En pratique, il n’existe pas d’exemple où un conducteur agréé UNUCR n’est pas considéré comme conducteur de chien de sang. Cela vient du fait que nos conditions d’agrément sont les plus sérieuses et les mieux connues (stage de formation, épreuve cynophile officielle, code d’honneur). L’ONF reconnaît explicitement aux conducteurs UNUCR le droit d’effectuer des recherches dans les forêts de l’État. La question peut toutefois se poser pour un conducteur « en formation ».La prudence s’impose en ce cas. Dans ce cas, sauf disposition favorable du schéma départemental de gestion cynégétique, mieux vaut s’en tenir à des recherches en temps de chasse et sur des territoires autorisés. 2‐ LA RECHERCHE DANS LES SCHÉMAS DÉPARTEMENTAUX DE GESTION CYNÉGÉTIQUE (ARTICLE L425‐2) Ces schémas, institués par la même loi de juillet 2000, sont élaborés dans chaque département par la FDC et arrêtés par le Préfet pour 6 ans. Ils sont opposables à tous les chasseurs du département. Leur non‐respect est susceptible d’entraîner des sanctions pénales. Depuis la publication de la loi du 18 décembre 2008, des dispositions relatives à la recherche au sang du grand gibier blessé doivent obligatoirement figurer dans les SDGC (au même titre que celles relatives à la sécurité des chasseurs et des non chasseurs par exemple). La liste des mesures destinées à favoriser la recherche pouvant être intégrées dans un SDGC est longue (bracelet de remplacement, accompagnateur armé, chien forceur…). Elle peut être consultée sur le site de l’UNUCR. L’inconvénient est qu’elle peut varier d’un département à l’autre. Tout conducteur a donc intérêt à se renseigner sur ce qui se pratique dans les départements où il intervient habituellement 3‐ LA PRATIQUE DE LA RECHERCHE a) DROITS ET RESPONSABILITÉS DU DEMANDEUR DE RECHERCHE Celui‐ci s’est approprié l’animal au moment du tir. Il en devient donc responsable. Il supporte les conséquences pénales et civiles de ses éventuelles erreurs ou imprudences. En faisant appel au conducteur, il en devient le commettant occasionnel. b) RESPONSABILITÉ PÉNALE DU CONDUCTEUR Celui‐ci n’est pas coupable d’une infraction commise par le tireur, même s’il retrouve et achève un animal après une erreur de tir, ou pire une infraction délibérée. En effet, si l’infraction n’avait pas été commise au moment du tir, on n’aurait pas eu besoin du conducteur qui n’intervient par hypothèse que postérieurement à la commission de l’infraction. Et même s’il le savait avant de partir (sauf collusion frauduleuse=complicité par fourniture de moyens/délit ou coauteur/contravention, mais alors, il ne restera pas conducteur très longtemps). Dans ce cas, il faut refuser de commencer la recherche sans avoir invité le demandeur de recherche à prévenir les autorités. Attention lorsqu’on relève l’animal : le conducteur commettrait une infraction en « achevant » un animal non blessé. Dans ce cas, ne pas chercher à dissimuler l’erreur. La bonne foi et la réputation irréprochable du conducteur plaideront en sa faveur. Rappel : gare au transport ! c) RESPONSABILITÉ CIVILE DU CONDUCTEUR. Il est toujours responsable des dommages qu’il peut créer à autrui par sa faute. Il est également responsable de l’emploi de son arme. Attention aux accidents au ferme et aux accidents que pourrait causer la poursuite. Le conducteur est également responsable des accompagnateurs qu’il dirige (ainsi qu’il est recommandé de le faire). Il ne peut pas être considéré comme responsable des initiatives personnelles plus ou moins heureuses, parfois dangereuses, de certains « suiveurs » plus malins que les autres, ou qui le croient. Le mieux est de désigner restrictivement ceux qui pourront porter une arme, et de leur en ordonner les conditions d’emploi. d) ACTE DE RECHERCHE ET PROPRIÉTÉ Aucune disposition légale ne permet au conducteur de passer outre une interdiction de pénétrer clairement exprimée. Attention à la protection légale du domicile (pour laquelle la preuve d’une volonté délibérée de troubler autrui dans sa résidence est néanmoins nécessaire, ce qui est assez peu probable dans le cadre de la recherche). Attention aux zones à risque (zones militaires sensibles, champs de tir) ou faisant l’objet de restrictions juridiques strictes (parcs nationaux…) e) LES COLLISIONS AVEC LES VÉHICULES Aucune disposition légale n’interdit de rechercher un animal blessé par un véhicule (Nécessité morale/Action de recherche mais pas acte de chasse). Il importe cependant d’éviter de rechercher de tels animaux sans appel préalable d’un automobiliste, et sans s’être assuré que la police ou la gendarmerie ont été avisés. L’automobiliste peut seul transporter l’animal à son domicile (même soumis au plan de chasse et hors période de chasse) sous réserve d’avoir prévenu préalablement la police ou la gendarmerie.(L 424‐9) f) TRANSPORT ET COMMERCIALISATION Le détenteur d’un permis de chasser valide n’a désormais plus besoin d’une attestation de transport pour emmener un morceau de venaison à son domicile en période d’ouverture et à des fins de consommation (Arrêté ministériel du 2 juin 2010). Le conducteur de chien de sang bénéficie de cette disposition à condition seulement qu’il ait un permis de chasser valide. Une attestation reste nécessaire pour offrir le morceau, le commercialiser ou pour la naturalisation. L’attestation est également utile pour le transport de sang, de peau, voire de petits morceaux de viande pour les entraînements. La commercialisation de la venaison retrouvée au sang est interdite. Ce qui ne signifie pas du tout qu’elle est impropre à la consommation ! g) LES ENTRAÎNEMENTS (Arrêté ministériel du 15 novembre 2006) A l’artificiel (y compris voie saine et froide), chien tenu en longe : autorisés toute l’année et en tout lieu, avec l’accord écrit du propriétaire ou du détenteur du droit de chasse. Au naturel, uniquement en période de chasse (et toujours accord écrit). En cas de manifestation d’entraînements ou d’épreuve, autorisation préfectorale nécessaire. CONCLUSION : Le droit évolue, tantôt dans le bon sens, tantôt un peu à l’envers. Globalement, les progrès sont notables. L’obligation de rechercher les animaux blessés et d’abréger leurs souffrances n’est toujours qu’une obligation morale. Le droit de suite n’existe toujours pas. En revanche, on a assisté à la naissance d’une action spécifique, distincte de l’action de chasse lorsqu’elle est pratiquée par un spécialiste. Cette construction juridique n’autorise pas ce dernier à tout faire, mais permet de le sortir de la quasi‐totalité des situations épineuses dans lesquelles il se trouverait. Un regret subsiste, celui que le statut de ce spécialiste ne soit pas uniformément défini sur l’ensemble du territoire national. Le Goguelin, le 17 avril 2011.