Donnez sans vous tromper

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Donnez sans vous tromper
Date : 26 MAI 16
Journaliste : Éric Leroux
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Donnez sans vous tromper
Transmission. Les donations permettent d'aider ses enfants et petitsenfants avec un avantage fiscal à la clé.
Reste à choisir la bonne formule.
PAR ÉRIC LEROUX
C
'est l'une des conséquences de
l'allongement de la durée de la
vie : on hérite de plus en plus
vieux, à la retraite bien souvent.
Pour aider ses enfants et petits enfants lorsqu'ils en ont le plus besoin, mieux vaut donner de son
vivant. L'opération est aussi avantageuse au plan fiscal, car elle permet de profiter plusieurs fois des
abattements prévus entre parents
et enfants (100 DOO euros par parent et par enfant).
Si une donation impose de se
dépouiller immédiatement et irrévocablement, il existe cependant
de nombreuses manières de donner. A vous de choisir celle qui correspond le mieux à l'objectif
poursuivi, à votre situation familiale et patrimoniale. Attention
tout de même avant de laisser libre
cours à votre générosité : mesurez
bien que ce don est définitif et
irrévocable. Assurez-vous donc de
donner des actifs dont vous êtes
certain de ne pas avoir besoin dans
l'avenir, même lointain.
Le don manuel,
pas si informel
Si vous voulez donner par exemple
une somme d'argent, des valeurs
mobilières, un meuble ou une
œuvre de valeur à vos enfants
- l'immobilier et certains autres
actifs demeurant exclus -, vous
n'êtes pas obligé de vous entourer
d'un grand formalisme, ni de passer par un notaire. Un don de la
main à la main est tout à fait suffisant. Il suffit de demander
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au bénéficiaire de l'enregistrer auprès de la recette des impôts de son domicile, via un
formulaire ad hoc (n° 2 y 3 5, disponible sur Internet ou à votre centre
des impôts). Il n'y a pas vraiment
de délai légal pour le déclarer, mais
mieux vaut le faire le plus vite possible pour lancer le compteur fiscal des quinze ans (lire encadré
p. 112). Si le montant du don dépasse les abattements, les droits
dus devront être payés lors de cet
enregistrement.
La simplicité de ce don manuel
a un revers : il est « en avancement
d'hoirie », c'est-à-dire qu'il s'imputera sur la part d'héritage revenant plus tard à l'enfant qui a reçu
ledun. «Ilestpossibkdeprévoirune
clause préciputaire pour avantager
Ie seul donataire, ou de prévoir un
droit de retour(\ne plus loin), mais
leur rédaction doit être précise et nécessite de bonnes connaissances juridiques», explique Sophie Gonsard,
du réseau notarial Althémis.
Pour un don de la main à la main, il suffit
de demander au bénéficiaire de l'enregistrer
auprès de la recette des impôts de son domicile.
La donation simple
A l'instar du don manuel, la donation simple consiste à attribuer
un bienouencorede l'argent à un
enfant ou à un petit-enfant, mais
elle s'effectue cette fois devant un
notaire. Elle peut donc dans ce cas
incorporer des biens immobiliers.
Le recours au notaire procure
davantage de libertés et de sécurité, car différentes options sont
ouvertes, et des clauses de protection peuvent être ajoutées. La donation pourra ainsi être « en
avancement d'hoirie» ou «par
préciput et hors part ». Dans le
premier cas, elle s'imputera sur la
part d'héritage du donataire lors
de la succession; dans le second,
elle sera prélevée sur la « quotité
disponible » (la part de patrimoine
que vous êtes libre de transmettre
à qui vous voulez) et procurera
donc un avantage définitif sur les
autres héritiers.
Vous pourrez également entourer la donation de clauses de sauvegarde, comme par exemple le
« retour conventionnel » : si le donataire venait à disparaître avant
vous et sans descendance, la
somme ou le bien donné vous reviendrait automatiquement, plutôt que de partir dans le patrimoine
du conjoint du défunt, par
exemple.
Le don d'argent,
un abattement en plus
Tarifs des droits de donation
Exemple de calcul pour une donation
d'un studio d'une valeur de 200 000 t
par un père à son enfant (en supposant
qu'il n'y a pas de donation antérieure).
Payez les droits!
Lorsque vous consentez une donation
d'un montant supérieur aux abattements,
le donataire (celui qui reçoit) doit
payer des droits. Choisissez de les payer
vous-même, quitte à donner un peu
moins. En effet, ce paiement ne sera
pas considéré comme une donation
supplémentaire. C'est donc un petit espace
de défiscalisation en plus.
Montant dè l'abattement
renouvelable tous les quinze ans
pour une donation :
- a un enfant : 100 ooo e
- à un petit enfant : 31865 e
- à un arrière-petit-enfant : 53ioe
- à un frère ou sœur : 15 932 e
- à un neveu ou nièce : 7 çôye.
Moins de 8 072 e
5%
Entre 8 072 et 12 roge
10%
Entre 12 109 et 15 932 e
15%
Entre 15 932 et 552 324^
20%
Entre 552 324 et 902 838e
30%
Entre 902 838 et i 805 677 e
40%
Superieure a i 805 677 e
45%
C'est l'une des rares mesures rescapées de la loi Tepa de l'ère Sarkozy :
les dons d'argent aux enfants ou
aux petits-enfants (à défaut aux
nièces et neveux) bénéficient d'un
abattement supplémentaire de
31 865 euros, dès lors qu'ils répondent à trois conditions. Le donateur doit avoir moins de So ans
et le donataire plus de 18 ans. C'est
une aubaine pour augmenter la
transmission sans impôts, d'autant
que ce don est lui aussi renouvelable tous les quinze ans. « Cette mesure ayant été adoptée en 2007, les
donations d'argent qui ont été effectuées avant cette date en exonération
dimpôts ne sontpas concernées, ajoute
Sophie Gonsard. Lespersonnes ayant
donné avant 2007 peuvent doncà nouveau donner une somme d'argent en
exonération d'impôts. »
Au plan civil, ce don est considéré comme une donation en avancement d'hoirie, c'est-à-dire
La part taxable apres abattement
est egale a 100 000 € (200 000 -100 000 €)
APPLICATION DU BAREME
Montantjusqua8071€ 8 0 7 1 € x 5 %
= 403,55 «
Entre 8 072 et 12109 €
(12109-8072) X l 0 % = 4037xl0%
= 403,7 €
Entre 12109 et 15 932 €
(15 932-12109) x 15% = 3 823x15%
= 573,45 €
Entre 15 932 et 100 000 €
(100 000-15 932) x 20 % = 84 068 x 20 %
= 16 813,6 €
Entre parents
jusqu'au 4e degré inclus
55%
Entre parents au delà
du 4e degré ou entre
personnes non parentes
60%
LES DROITS DE DONATION SONT DE :]
403,55 + 403,7 + 573,45 +16 813,4
£J8194,3 €..
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des biens donnés sont figées, ce qui
évite tout souci de rapport ultérieur. C'est la deuxième raisonpour
laquelle elle garantit la paix des fannlles...«llestégakmentpossibled'associer les petits-enfants dans cette
opération,enfaisantunedonation-partage transgénérationnelle, précise
Sophie Gonsard. Ainsi, si des enfants
n'ont pas besoin des sommes ou biens
donnés, ils peuvent s'effacer au profit
de leurs propres enfants, la taxation
s'effectuant néanmoins comme celle
d'une donation des grands-parents aux
petits-enfants.»
Le démembrement,
pour optimiser la fiscalité
La donation-partage a la faveur des professionnels, car elle assure la paix des familles.
qu'ilseraretranchédelapart
d'hentage reçue au décès du donateur si c'est un de vos enfants qui
est concerné.
La donation-partage,
pour éviter l'épineux
«rapport à la succession»
Vous voulez donner en même
temps à tous vos enfants des biens
ou des sommes de valeur appro
chante ? La solution royale s'ouvre
à vous : la donation-partage. Elle a
la faveur des professionnels, car
elle assure généralement la paix
des familles (tout le monde doit
donner son accord) et, surtout, elle
évite la douloureuse question du
« rapport à la succession ». Explication: lors du règlement d'un héritage, le notaire prend en effet en
compte les donations effectuées
dans le passé pour vérifier si chaque
héritier reçoit bien sa part. Mais il
ne retient pas la valeur que les biens
donnés avaient lors du don, mais
celle qu'ils ont lors du partage de
l'héritage. Imaginez qu'un parent
donne un logement d'une valeur
de 150 DOO euros à chacun de ses
deux enfants. Le premier le
conserve ; le second le revend immédiatement. Vingt ans plus tard,
lors de la succession, le premier enfantdoitrapporterlavaleuractuelle
du logement (par exemple
300 DOO euros), alors que le second
ne rapporte que 150 DOO euros, la
valeur de revente de l'époque. Si la
succession est vide ace moment là,
l'enfant qui a le mieux géré son patrimoine devra indemniser l'autre
pourrééquilibrerleursparts,enlui
versant... 75000 euros (valeur de la
succession:4500oo;soit22500opar
enfant). Avec une donation-partage,
pas de souci de ce genre : les valeurs
Donnez tous les quinze ans
Sur le plan fiscal, les dons que vous avez
accordés sont oubliés au bout de quinze ans.
Ainsi, si vous avez donné 150 ooo euros le
5 septembre 2007 à un enfant, il sera possible
d'utiliser l'abattement de 100 ooo euros pour
une nouvelle donation le 6 septembre 2022.
Lors du décès du donateur, même schéma :
les donations effectuées depuis moins de
quinze ans seront ajoutées à la part reçue en
héritage, mais celles de plus de quinze ans
seront oubliées. Attention : cet oubli fiscal
n'a pas d'influence au plan civil. Au décès du
donateur, toutes les donations effectuées de
son vivant (sauf les donations-partages) sont
rapportées pour vérifier que chaque héritier
a bien reçu sa part, et pas plus
Parfois, le patrimoine à transmettre
est assez important pour justifier
d'anticiper la transmission afin de
profiter plusieurs fois des abattements, mais pas forcément adapté
à une donation. C'est le cas par
exemple d'une personne qui possède un patrimoine immobilier de
plusieurs centaines de milliers d'euros dont elle tire des revenus nécessaires à son train de vie et dont elle
ne peut se priver. La solution passe
alors par une donation en démembrement de propriété. Comme le
Code civil le permet, vous pouvez
séparer la pleine propriété de votre
bien en deux parties: la propriété
elle-même et l'usufruit, c'est-à-dire
la jouissance. La technique consiste
donc à donner la nue-propriété aux
enfants par exemple et à conserver
l'usufruit pour continuer à profiter des revenus délivrés parle bien,
ou de son usage. Au décès du donateur,les enfants retrouveront-sans
droits-1'entière propriétédes biens.
Le démembrement permet donc
d'anticiper la transmission sans se
départir de l'usage ou des fruits du
patrimoine, mais aussi de réduire
l'assiette taxable de la transmission.
En effet, la valeur d'un bien en
nue-propriété est logiquement inférieure à celle du même bien en
pleine propriété. Pour un usufruitier de 61 à 71 ans, par exemple, le
fisc estime que la nue-propriété
vaut 60% de la valeur vénale du
bien. C'est autant de droits à payer
en moins pour les donataires