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LA N°3 : Jacques PREVERT, « Pater Noster », Paroles (1945) INTRO Jacques Prévert est un poète populaire du XXème siècle comme en témoignent les versions chantées de certains de ses textes ; pensons aux « Feuilles mortes » interprétées par Piaf, Montand ou Gainsbourg. Son écriture se caractérise par un jeu sur les mots, les niveaux de langue. Son recueil Paroles paraît à la fin de la seconde guerre mondiale ; le poème « Pater Noster » en fait partie. Le texte est composé d’une seule strophe aux vers irréguliers dans laquelle le poète énumère les aspects du monde. Ex de Q°: Quels reproches Prévert adresse-t-il à ses contemporains ? Nous verrons que Prévert offre du monde une image paradoxale avant d’étudier la distance ironique qu’il adopte. PISTES D’ETUDE • Quels lieux sont énumérés dans le texte ? (§ rédigé = entraînement au commentaire à l’écrit) Plusieurs lieux sont énumérés dans le texte et sont qualifiés de « merveilles » au vers 15, ce qui n’est pas sans rappeler les 7 merveilles du monde1. Jusqu’au vers 23, le poète énumère, dans chaque vers, un aspect du monde ; il choisit un élément emblématique, sorte de cliché du lieu. Ainsi il retient le « petit canal de l’Ourcq » au vers 8, ou encore la « grande muraille de Chine » et enfin « les bêtises de Cambrai ». Nous relevons donc une liste de noms propres qui se retrouvent à la rime ; cela commence avec la ville de « New York » et cela s’achève par une évocation de l’ « Océan Pacifique ». De plus la terre est désignée comme mère ou propriétaire de tous ces lieux, ce que semble signaler le recours constant aux adjectifs possessifs « ses », «son», « sa ». Finalement le lecteur peut rapprocher cette liste d’un guide touristique. Parmi tous ces lieux évoqués, la France est particulièrement représentée, dans l’allusion à des villes et rivières comme celle de « Morlaix ». Paris est mentionnée à deux reprises, au vers 14 et au vers 6 dans une demi-épanalepse puisque la mention des « mystères de Paris » est appelée par ceux de « New York ». Le poète procède donc par association d’idées, survivance vraisemblable du surréalisme, mouvement auquel appartenu Jacques Prévert. 1. qui sont sept œuvres architecturales et artistiques les plus extraordinaires du monde antique, à savoir la pyramide de Khéops à Gizeh en Égypte (la seule merveille encore visible aujourd’hui), les jardins suspendus de Babylone, la statue de Zeus à Olympie, le temple d'Artémis à Éphèse, le Mausolée d'Halicarnasse, le Colosse de Rhodes et le phare d'Alexandrie. L’organisation New Seven Wonders a lancé en 2007 un grand vote auprès des internautes du monde entier afin de désigner les sept nouvelles merveilles du mondeVoici la liste des sites plébiscités par les internautes du monde entier : - en Europe : le Colisée de Rome (Italie) - en Asie : le Taj Mahal (Inde), la Grande Muraille (Chine) et la cité troglodytique de Pétra (Jordanie) - en Amérique du Nord : la cité maya de Chichen Itza (Mexique) - en Amérique du Sud : la cité inca du Machu Picchu (Pérou) et la statue du Christ rédempteur de Rio de Janeiro (Brésil). • La prise de position du poète semble être sous l'angle de l'admiration. Il personnifie les "merveilles" qui sont "émerveillées" v.20, qui "n'osent se l'avouer" v.21. Vision du monde positive=méliorative=laudative. Voca élogieux : "si jolie" v.4 ; "valent bien" v.7 dans la comparaison avec la Trinité. "bons enfants", "jolie(s) fille(s)" 2x. v.23 et v.33. Puis ce discours s'inverse après une première nuance du propos dans "quelquefois si jolie" v. 4. On remarque que le poète n'a pas généralisé son éloge. Même si l'on retrouve l’anaphore de la préposition "avec", on note qu'un nouveau thème se fait jour : une vision du monde négative. Emploi du pluriel dans "les épouvantables malheurs" v. 23. Les habitants du monde st désignés avec des termes faisant référence à la violence et qui riment entre eux : "légionnaires" v.25, "tortionnaires" v.26 "reîtres" v.29. Le thème de la guerre apparaît ds les derniers vers : Prévert la dénonce ainsi que cx qui emploient la force pour obtenir le pv et devenir "les maîtres de ce monde " v. 27-28. On reconnaît donc ici l’engagement du poète. • Le travail sur la langue et l'ironie du poète : le second vers opère un détournement de la prière. Le "Restez-y" situe le texte dans la parodie (qui imite un genre ou un style pour s'en moquer. Grossit ou souligne les procédés ; se différencie du pastiche, qui imite aussi, ms pas pour se moquer). Le mélange des niveaux de langue, (soutenu ds la prière, et familier, vulgaire au v.32, crée un décalage inattendu. Le poète joue avec le langage notamment dans les rapprochements entre les différentes merveilles du monde. De +, il juxtapose des termes présentant les mêmes sonorités (3), par ex. aux vers 28 et 29 "maîtres/prêtres/traîtres/reîtres" et crée alors un effet de surprise. • Un semblant de prière : le sujet du poème est grave. Et le début du texte annonce une certaine solennité ; pour preuve le titre "Pater Noster" et le premier vers emprunté à cette prière chrétienne. L'allusion à la chrétienté apparaît aussi dans l'allusion à la Trinité au vers 7 et aux prêtres v28. Mais rapidement le lecteur s'aperçoit d'une remise en question de la religion. La Trinité est comparée aux merveilles terrestres. Les hommes d'église sont assimilés dans un seul vers à des mots qui connotent la violence : "maîtres" et "traîtres" et sont ainsi dépréciés. C'est aussi avec ironie que le poète oppose le monde céleste au monde terrestre dans les vers 1 à 3. • Les détails du monde : le monde est détaillé avec ses élts naturels "son Océan Pacifique" v.12, ses constructions humaines "sa grande muraille" v.9, ses inventions, sources de bonheur, comme le cinéma : mystères de NY v.5 ou encore les sucreries "bêtises de Cambrai" v.11. Aucun ordre dans cette énumération. Enfin une comparaison de ce monde avec "une jolie fille nue qui n'ose se montrer". Nudité : connotation de l'idée de faiblesse, d'innocence ? • L'organisation du texte : on le répète, aucun ordre particulier. Ainsi "Morlaix" rime avec "Cambrai". En apparence pas de justification dans le choix de ces rapprochements. Pourtant si l'on y regarde de + près, principe d'association d'idées dans le déroulement de tous ces élts. Rapprochement humoristique entre l'"Océan" v.12 : étendue, exotisme ≠ "deux bassins des Tuileries" = thème commun, celui de l'eau. CONCLUSION Une image paradoxale, originale du monde exprimée avec une distance ironique, fantaisiste de la part de Prévert. Rapprochement avec Diop : mondes de contrastes. Diop oppose le monde européen, formé de mensonges et de mépris, au monde africain. Prévert présente 2 aspects du monde : les merveilles de la terre s'opposant aux habitants caractérisés par leur violence. QUESTIONS POSSIBLES sur le texte à l'oral o Quels reproches Prévert adresse-t-il à ses contemporains ? o Que dénonce ce poème ? o Comment ce poème joue-t-il avec le langage ? o Montrez que ce poème constitue une parodie de prière. PLAN PROPOSE DANS LE MANUEL Une image paradoxale du monde La distance ironique