analyse etranges étrangers

Transcription

analyse etranges étrangers
HDA : Comparaison de deux visions opposées de l’étranger.
A. Analyse de la chanson « Nenufar » : repérage et classement
thématique des éléments discriminants vis-à-vis de l’étranger.
B. « Etranges étrangers » de Jacques Prévert
Nature du texte :
C’est une poésie car c’est un texte composé de strophes, comportant
elles-mêmes des vers et une absence totale de ponctuation si ce n’est le
point final (écarts avec la prose).
Poème faisant partie du recueil Grand Bal de Printemps, publié en 1951.
Jacques Prévert, poète et dialoguiste, anarchiste.
I.
1)
Une vision positive de l’Etranger
Dernière strophe :
a) « vous êtes de la ville » : Prévert les intègre.
b) « Vous êtes de sa vie » : les étrangers font partie du quotidien /
sans eux la ville ne pourrait exister (rôle essentiel des étrangers)
c) anaphore « vous êtes de » : insistance autour de la définition en
positif de l’étranger : on le définit par ce qu’il est et non pas par ce qu’il
n’a pas.
d) anaphore de « même si » : concession qui limite la définition en
positif.
e) mal / mourez : gradation qui souligne les conditions de vie terribles
des étrangers.
f) la paronomase ville / vie /vivez est un pôle positif qui vient s’opposer
à « mourez », qui constitue une chute pathétique au poème.
2)
termes valorisants
Paix, beauté : « doux, soleils, innocents, jolis »
Jeunesse : « petits, adolescents, enfants »
Arts : « musiciens, jongleurs »
Les étrangers sont perçus dans leur jeunesse, dans leur âme d’artiste,
associés à la paix et à la beauté.
3)
titre/ refrain : « étranges étrangers »
étymologie d’ « étrange » : vient du latin « extraneus » = du dehors,
extérieur / qui n’est pas de la famille, du pays.
En français : mot qui a évolué
- d’abord sens latin = étranger
- ensuite sens = hors du commun, extraordinaire
- puis sens de « bizarre ».
CL : Prévert joue sur la polysémie (plusieurs sens) du mot. L’étranger est
hors du commun, extraordinaire tout en étant du dehors, de l’extérieur.
Force du poète : Prévert reprend avec l’adjectif « étranges » le cliché
xénophobe typique de la société française contemporaine de Prévert (la
France des années 50) et en même temps le fait exploser grâce à la
polysémie.
II.
Une vision polémique qui dénonce le rejet xénophobe.
1)
énonciation :
2)
Le poète s’adresse aux étrangers par des apostrophes.
Tout le long du poème, Prévert décline les différentes origines d’étrangers
pour montrer la diversité et l’aspect massif tout en soulignant l’attitude
xénophobe de la France des années 50 qui désigne ces hommes par leur
statut d’étranger.
Et à la dernière strophe Prévert utilise le pronom personnel « vous »
globalisateur, désignant l’ensemble des étrangers. Il les intègre en même
temps dans la ville.
Le poète souligne donc l’union de ces hommes autour d’une même
difficulté à vivre en France.
3)
dénonciation de l’exploitation économique :
a) Evocation de tous les quartiers ouvriers de Paris
- La Chapelle / saint Ouen / Aubervilliers : endroits industriels.
- Javel : usines Citroën
- Porte d’Italie : fonderies, forges
- Marais … : secteur textile
b) Main d’œuvre exploitée et méprisée :
-
embauchés débauchés : jeu sur les mots (seul le préfixe change),
rapidité du vers qui correspond à la rapidité du licenciement,
asyndète ( mots juxtaposés sans ponctuation ni mot de liaison)
renforce la rapidité du licenciement.
-
Manœuvres désoeuvrés : même asyndète qui souligne le paradoxe
du chômage avec en plus la paronomase manœuvre/ désoeuvrés.
-
Brûleurs / ébouillanteurs : éboueurs et tanneurs ; des métiers très
durs et donc réservés à la main d’œuvre étrangère.
-
Brûleurs et ébouillanteurs sont liés à la chaleur mais à une chaleur
qui cause une disparition. Et viennent s’opposer à « soleils
adolescents » : car avec l’adjectif épithète « adolescents », les
soleils sont du côté de la vie qui commence.
4)
Exploitation coloniale et militaire
a)
cobayes des colonies : animalisation des étrangers par l’Etat
(Prévert dénonce ce fait)
esclaves noirs de Fréjus : anachronisme (télescopage de deux
périodes historiques différentes)
Fréjus : camp militaire où étaient parquées les troupes
coloniales.
Esclaves noirs : tirailleurs sénégalais.
« esclaves » car souvent enrôlés de force, peu payés, mis en
première ligne (cf 1ère GM)
b)
« disciplinaires » / discipline = doivent suivre les ordres ,pas de
liberté.
« ne venez….que » : phrase restrictive, qui souligne le fait que
les tirailleurs ne sortent que pour le 14 juillet. Perte totale de la
liberté + ironie : l’Etat français célèbre sa liberté en privant les
étrangers de la leur.
« la liberté des autres » : étrangers privés de liberté ne peuvent
plus que défendre celle des autres.
Antithèses : villages / locaux disciplinaires
Oiseaux de vos forêts / vieille boîte de cigares et fil de fer.
Opposition nature heureuse / univers carcéral, restreint et non
naturel.
c)
Indochine : bombes incendiaires : références à la guerre
d’Indochine (1946-1954)
+ traîtrise de l’Etat français avec l’image des couteaux dans le dos.
Conclusion :
Registre polémique : Prévert veut dénoncer L’Etat français et le
racisme.
En même temps il fait l’éloge des étrangers et assure leur intégration
dans son poème.
Ce poème fait partie de la poésie engagée.
(engagement : volonté de défendre une cause, un principe, une valeur)
Ce texte a été étudié dans le cadre d’une séquence sur l’œuvre complète
« Cannibale » de Didier Daenickx.