Thèse - Pastoralisme et biodiversité
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Thèse - Pastoralisme et biodiversité
Pastoralisme et biodiversité : évaluation et acceptation de dispositifs répulsifs, alternatifs aux pesticides rémanents à large spectre, contre les ectoparasites. Repellents vs. pesticides: develop environmentally friendly devices to control vectors and ectoparasites in pastures. Directeur & correspondant : Pierre JAY-ROBERT 04 67 14 24 61 – 06 84 82 26 72 – [email protected] Équipe d’accueil : Écologie des arthropodes & changements globaux, CEFE UMR 5175. Spécialité : Écologie, parasitologie, entomologie, pastoralisme, agronomie. Encadrement : Le(a) doctorant(e) sera encadré(e) par Pierre JAY-ROBERT (MC hdr, écologue spécialiste des Scarabéidés coprophages) en collaboration avec Gérard DUVALLET (Pr émérite, entomologiste médical, spécialiste des Diptères hématophages). Le comité de thèse comptera également des compétences vétérinaires. Sujet : 1) Contexte : Les activités agropastorales des siècles passés sont en grande partie à l'origine de la structuration actuelle de la biodiversité terrestre de la région méditerranéenne (diversité sauvage & domestique aux différentes échelles de perception) [1]. Cette biodiversité se caractérise en particulier par une richesse remarquable des biotopes asylvatiques, une grande diversité d’organismes hétérothermes, un endémisme important et de forts contrastes topologiques. La façade méditerranéenne constitue un remarquable réservoir de biodiversité pour l’Union Européenne et figure parmi les régions les plus intéressantes, que l’on considère le nombre de taxa ou leur originalité biogéographique [2]. Aujourd’hui, le pâturage extensif est l’un des principaux outils de gestion agri-environnementale utilisés pour préserver la diversité des écosystèmes de la moyenne montagne méditerranéenne en limitant l’expansion des espèces ligneuses consécutive à la déprise rurale. Dans ces régions accidentées, le pastoralisme est l'ultime valorisation agricole possible d’écosystèmes rendus peu productifs par la sécheresse estivale. Ce faisant, l’activité d’élevage conserve localement une importance significative dans la vie sociale des massifs. Depuis quelques décennies, l’activité d’élevage est en proie à de fortes difficultés économiques consécutives à l’ouverture des marchés à la concurrence internationale. Parallèlement, et pour satisfaire aux exigences du commerce, les contraintes réglementaires et sanitaires se sont accrues. Enfin, suite à la 1 multiplication des échanges et aux changements climatiques en cours, les animaux se trouvent confrontés à de nouvelles pathologies, et en particulier à ce que l’on qualifie de « maladies vectorielles émergentes » [3]. Ces maladies, dues à des agents pathogènes transmis par des arthropodes vecteurs présents dans l’environnement, donnent lieu à des politiques de lutte basées largement sur l’utilisation de molécules neurotoxiques rémanentes à large spectre de la famille des pyréthrinoïdes. L’application de ces produits pour réduire les populations de vecteurs présente un risque environnemental bien identifié car les molécules actives sont à la fois éliminées par voie fécale [4] et disséminées dans l’environnement par simple contact [5]. En outre, certaines formulations donnent lieu, non pas à des applications cutanées (« pour-on »), mais à des vaporisations. Il a été établi que l’utilisation des pyréthrinoïdes comme antiparasitaires externes était toxique pour la faune coprophage chargée d’assurer le recyclage des excréments [6]. On peut craindre également que la dissémination de ces molécules à des doses sublétales affecte les populations de nombreux autres organismes non cibles (faune aquatique, pollinisateurs…). Ce risque environnemental a été jusqu’à présent, et pour différentes raisons, largement sous-estimé [7]. Aujourd’hui cependant, à la suite de l’épidémie de fièvre catarrhale ovine qui a touché notre pays, une prise de conscience émerge. Les responsables d’espaces naturels réglementés au titre de la protection de l’environnement (réserves naturelles et parcs nationaux), en particulier, se trouvent confrontés à une incompatibilité de fait entre leur mission de protection de l’environnement et certaines modalités d’application de la réglementation sanitaire. Il est donc nécessaire de rechercher des procédés alternatifs qui permettent de concilier contraintes réglementaires et fonctionnement des écosystèmes. Deux voies, non exclusives, sont envisageables. La première consiste à intégrer, dans les procédures d’autorisation des biocides, des tests d’écotoxicité exigeants. Pour les produits particulièrement toxiques, cette approche réglementaire est efficace. Cependant, le fonctionnement des écosystèmes conduit à une concentration progressive des produits le long des réseaux trophiques et à la mise en contact, sinon des produits eux-mêmes, du moins de leurs métabolites. Dans ces conditions, il est extrêmement difficile d’évaluer les conséquences de l’usage d’un produit sur le long terme et en tenant compte de l’hétérogénéité des paramètres écologiques (conditions bioclimatiques, comportements des animaux, possible potentialisation des molécules…) [8]. Considérant ces difficultés, la seconde voie consiste à choisir de s’affranchir des biocides en mettant en place une logique d’évitement fondée à la fois sur une connaissance étroite de la relation hôte-vecteur potentiel et sur l’usage de dispositifs répulsifs. Cette logique a un double avantage : elle préserve l’environnement et est moins exposée à l’apparition de résistance. Elle est donc « doublement durable ». Alors qu’elle fait partie des mesures permettant la protection des populations humaines (préconisations, produits disponibles…), cette approche n’a pas encore été développée de façon opérationnelle pour la protection des troupeaux, alors même que plusieurs molécules prometteuses ont été identifiées [9, 10, 11, 12]. On peut y voir plusieurs rai2 sons, d’ordre à la fois psychologique (l’idée qu’un produit qui tue est plus efficace qu’un produit qui repousse…), économique (la disponibilité des produits est tributaire de logiques commerciales…) et technique. Ce dernier point, qui nous intéresse ici, est évidemment déterminant. À l’heure actuelle, les produits répulsifs identifiés souffrent, en particulier, d’une faible rémanence. Celle-ci est d’autant plus mal perçue que l’évolution des pratiques agricoles au cours des dernières décennies a conduit à privilégier l’utilisation de produits rémanents voire systémiques. 2) Problématique et objectifs : L’objectif du travail sera donc d’évaluer les possibilités de remédier à la faible rémanence de la répulsion chimique par une meilleure compréhension des mécanismes de médiation à la fois chimique et comportementale qui déterminent l’écologie des relations entre les animaux d’élevage et les diptères hématophages. Comprendre les mécanismes de médiation chimique Tout d’abord il convient d’étudier précisément les modes d’action des produits (selon la molécule, la concentration, la galénique…) et leur perception par les insectes (stades physiologiques, comportements induits…). La compréhension précise de ces processus de communication chimique doit s’appuyer sur des études expérimentales de laboratoire (analyse des produits, séparation des composants, électroantennographie…) et sur des études en conditions naturelles (permettant en particulier d’intégrer l’interaction du produit avec la physiologie de l’animal à protéger). Cette approche est d’autant plus importante qu’une même molécule peut avoir des effets extrêmement différents selon sa concentration (effet insecticide ou insectifuge, effet répulsif ou attractif…). Comprendre la dynamique d’exposition des troupeaux Parallèlement, la caractérisation de la dynamique d’exposition des troupeaux aux organismes hématophages doit permettre d’optimiser l’usage des produits. Si cette dynamique peut être relativement simple à déterminer pour des arthropodes non volants liés à un habitat (tiques, puces…), pour les diptères, la question est plus délicate et doit prendre en compte conjointement l’écologie des insectes (période de vol, habitats…) et le comportement des troupeaux. Cette caractérisation doit reposer sur une étude de terrain permettant d’identifier les espèces actives, leur rythme d’activité et la vulnérabilité du bétail (facteurs de risque). In fine, il s’agira d’évaluer la capacité que pourraient avoir les modalités de conduite des animaux à constituer un facteur de prévention efficace. Modèle biologique et cadre de l’étude Pour être représentatifs et valorisables, ces travaux doivent s’appuyer sur des modèles écologiques suffisamment généraux et sur une forte intégration avec la filière professionnelle. Nous proposons donc de centrer notre travail sur le diptère Muscidae Stomoxys calcitrans (insecte cosmopolite vecteur potentiel d’un nombre important de pathogènes ; matériel biologique étudié 3 depuis plusieurs années par notre équipe [b, d]) et de conduire le travail expérimental de terrain dans le département des Pyrénées Orientales où notre équipe a mis en place une étroite collaboration avec le Groupement de Défense Sanitaire, représentant la filière d’élevage, et la Fédération des Réserves Naturelles Catalanes, en charge de la gestion conservatoire de vastes estives pâturées (travaux en cours, en association avec le Conseil Général des Pyrénées Orientales). Des développements plus ponctuels seront possibles avec, pour ce qui concerne le matériel biologique, d’autres Muscidae hématophages voire des Tabanidae et, en ce qui concerne les acteurs professionnels, la Fédération Régionale des G.D.S. de la région P.A.C.A. avec laquelle notre équipe a engagé plusieurs collaborations. Nous pourrons ainsi travailler dans les territoires de la moyenne et haute montagne méditerranéenne où se croisent les enjeux sanitaires et environnementaux les plus aigus. Développements L’enjeu ultime de l’étude sera de conceptualiser la méthodologie et les résultats obtenus pour des espèces et un environnement particuliers afin d’élaborer un cadre de travail transposable à des situations différentes et d’identifier ainsi les conditions qui doivent permettre de rendre opérationnelle cette logique d’évitement. En effet, tout conduit à penser que la mise en œuvre de cette nouvelle approche ne pourra se faire sans un certain investissement et une appropriation des enjeux par les acteurs de la filière (éleveurs, bergers-vachers, prescripteurs…). Enfin, des collaborations seront recherchées avec les entreprises du secteur pour les sensibiliser et anticiper d’éventuels développements industriels. Profil recherché: Le(a) candidat(e) pourra avoir des compétences zootechniques (vétérinaire ou agronome) et une formation en parasitologie et/ou une expérience en écologie chimique. Le tout sera complété par une première expérience de recherche en écologie (Master 2 recherche). De bonnes aptitudes au travail en moyenne montagne seront nécessaires. Domaine : agro-écologie, gestion intégrée du parasitisme, innovation Expérience de l’équipe d’accueil : L’équipe d’accueil compte quatre enseignants-chercheurs dont les compétences complémentaires doivent garantir la réussite du projet : - P. Jay-Robert, MC hdr, encadrant principal, étudie l’écologie des peuplements de Scarabéidés coprophages. G. Duvallet, Pr émérite, entomologiste médical spécialiste des diptères hématophages travaille depuis quelques années à la mise au point de dispositifs de lutte contre les vecteurs au moyen de produits non rémanents. 4 - J.P. Lumaret, Pr, spécialiste des Scarabéidés, est l’un des premiers à avoir identifié le risque environnemental lié à l’usage de certains produits utilisés comme antiparasitaires internes des animaux d’élevage. M. Bertrand, MC hdr, acarologue, à la fois systématicien et spécialiste des relations hôte-parasite. Le(a) doctorant(e) pourra ainsi s’appuyer : 1) sur les compétences développées au sein de notre équipe de recherche « écologie des arthropodes & changements globaux » : écologie des diptères hématophages, fonctionnalité des systèmes écologiques, parasitisme, écotoxicologie. 2) sur les ressources de notre unité « Centre d’écologie fonctionnelle & évolutive » UMR 5175 : plateforme technique d’écologie chimique et expertise scientifique afférente. 3) sur une collaboration en cours avec la société Fulltec (Fulltec AG, CHZug et sa filiale française), spécialisée dans la production d’extraits d’huiles essentielles. 4) sur un partenariat étroit avec les Fédérations Régionales de Groupements de Défense Sanitaire des régions Languedoc-Roussillon et Provence Alpes Côte d’Azur, ainsi qu’avec la Fédération des Réserves Naturelles des Pyrénées Orientales et le Conseil Général des Pyrénées Orientales, partenaire financier du GDS-66 et de la FRNC. Financements associés : Le projet bénéficiera d’une convention établie entre l’équipe d’accueil et la Fédération des Réserves Naturelles Catalanes. Des financements complémentaires régionaux et nationaux (ANR Systerra) seront recherchés. Thèses encadrées récemment sur des sujets connexes : [a] F. Errouissi (2003) Université Montpellier 3 (Dir. J.P. Lumaret) Effets des anthelminthiques sur les insectes coprophages. Conséquences environnementales [b] J. Gilles (2005) Université de la Réunion (Dir. G. Duvallet) Dynamique et génétique des populations d'insectes vecteurs - Les stomoxes, Stomoxys calcitrans et Stomoxys niger niger dans les élevages bovins réunionnais [c] J. Niogret (2007) Université Montpellier 3 (Dir. J.P. Lumaret & M. Bertrand) Interactions multipolaires entre coléoptères, acariens et diptères : stratégies de dispersion pour l’exploitation d’une ressource trophique éphémère [d] J.F. Mavoungou (2007) Université Montpellier 3 (Dir. G. Duvallet) Écologie et rôle vecteur des stomoxes (Diptera, Muscidae) au Gabon Références citées : 5 [1] Blondel J. & Aronson J. (1999) Biology and Wildlife of the Mediterranean Region, Oxford University Press. [2] Myers N. et al. (2000) Biodiversity hotspots for conservation priorities, Nature, 403, 853-858. [3] Duvallet G. (2010) Insectes & santé animale : état des lieux et problèmes d’actualité. In Pastoralisme & Entomofaune, 72-82 (Dir. J.P. Lumaret), Association Française de Pastoralisme. [4] Virlouvet et al. (2006) Faecal elimination of cypermethrin by cows after pour-on administration: determining concentrations and measuring the impact on dung beetles. Toxicological & Environmental Chemistry, 88(3), 489–499. [5] Gassner B et al. (1997) Topical application of synthetic pyrethroids to cattle as a source of persistent environmental contamination. J. Environ. Sci. Health, B32, 729–739. [6] Wardhaugh K. (2005) Insecticidal activity of synthetic pyrethroids, organophosphates, insect growth regulators, and other livestock parasiticides: an Australian perspective. Environmental Toxicology and Chemistry, 24 (4), 789-796. [7] Virlouvet G. (2005) Effets des antiparasitaires sur les insectes coprophages. Le Point Vétérinaire, 255, 42-45. [8] Römbke J. et al. (2010) Effects of the parasiticide ivermectin on the structure and function of dung and soil invertebrate communities in the field (Madrid, Spain). Applied Soil Ecology, 45, 284-292. [9] Trigg J.K. (1996) Evaluation of a eucalyptus-based repellent against Culicoides impunctatus (diptera: ceratopogonidae) in Scotland. Journal of the American Mosquito Control Association, 12(1), n°2, 329-330. [10] Carroll S.P. & Loye J. (2006) PMD, a registered botanical mosquito repellent with DEET like efficacy. Journal of the American Mosquito Control Association, 22(3), 507-514. [11] Carroll S.P. & Loye J. (2006) Field test of a lemon Eucalyptus repellent against Leptoconops biting midges. Journal of the American Mosquito Control Association, 22(3), 483-485. [12] Logan J.G. & Birkett M. (2007) Semiochemicals for biting fly control: their identification and exploitation. Pest Management Science, 63, 647–657. 6