Cette semaine, entre autres…

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Cette semaine, entre autres…
UNHPC
Union Nationale
Hospitalière Privée
de Cancérologie
www.unhpc.org
"Le HCAAM estime
que c’est autour de
l’amélioration de la
qualité des
« parcours » de soins
[…] que […] se situe
aujourd’hui un
des gisements décisifs
de qualité soignante
et d’efficacité
économique
de notre
système de santé"
Cette
Cette semaine,
semaine, entre
entre autres…
autres…
La chronique de l'UNHPC 13/23
Mardi 11 juin 2013
La tarification au parcours des soins
en cancérologie
Haut conseil pour l'avenir de
l'assurance maladie
Mots types : Plan Cancer 3 - Allocation de ressources Parcours du patient - T2A
Auteur :
G. Parmentier
Abonnement / désabonnement : [email protected]
A
ussi souvent que possible, cette Chronique s'est fait l'écho des contributions aux travaux préparatoires
du 3e Plan Cancer confiés par le Président de la République au Pr. Jean-Paul Vernant.
Lors de l'audition que le Pr Vernant a accordée à l'UNHPC, ce dernier nous a demandé une note sur le sujet
d'une éventuelle allocation de ressources au parcours de soins.
Cette contribution, difficile et très technique sur un sujet très peu défriché, même s'il est un sujet d'avenir, a
été rédigée rapidement et n'a pas pu être soumise aux instances de l'UNHPC ou de ses partenaires. Ses limites sont donc importantes. Il nous a cependant paru utile de la communiquer ici en intégralité.
En cancérologie,
le secteur libéral
premier acteur
des missions
du service public
L'UNHPC est membre de la
, du
Conseil National de Cancérologie
et de la Plateforme commune de la cancérologie libérale et hospitalière privée
UNHPC
Union Nationale Hospitalière
Privée de Cancérologie
Syndicat National
des Radiothérapeutes
Oncologues
Syndicat Français
des Oncologues Médicaux
Société Française de
Cancérologie Privée
Coordination
et pluridisciplinarité
au service des patients
atteints du cancer
UNHPC
Union Nationale
Hospitalière Privée
de Cancérologie
Monsieur le Professeur Jean-Paul Vernant
Institut national du cancer
Transmis par mail à [email protected]
Siège
81 rue de Monceau
75008 PARIS
Mardi 11 juin 2013
Monsieur le Professeur,
Lors de notre audition, vous m'avez demandé une note sur l'hypothèse d'une allocation de ressources au parcours de soins en cancérologie.
Vous connaissez nos prises de positions positives sur ce sujet et la proposition souvent faite
par notre Président, le Dr Bernard Couderc, d'une expérimentation sur deux ou trois cancers
d'organe type sein ou côlon.
L'UNHPC est
membre de la
de la
du
Je vous avais pourtant fait part de ma réticence à rédiger une telle note compte tenu du caractère très complexe et très technique d'un sujet dont nous sommes nombreux à voir l'intérêt
mais dont la mise en œuvre n'a encore jamais été envisagée sérieusement en France. A ce
stade, et dans le cadre de la préparation du nouveau Plan Cancer, il me semblait plus productif
d'organiser une réflexion collective afin de mieux cerner le sujet, les positions de chacun, et de
mieux évaluer les conditions d'élaboration d'une proposition un peu construite.
Vous avez cependant pensé qu'une contribution écrite vous serait utile. Vous trouverez ci-joint
la note que je vous propose. Elle se situe dans la droite ligne des orientations traditionnelles de
l'UNHPC et des propositions de son Président. Pourtant, ses conditions d'élaboration font
qu'elle n'a pu être soumise ni à nos instances ni à celles de nos organisations partenaires. Je
vous remercie donc de la considérer comme telle.
et de la
Plateforme
commune
de la cancérologie
libérale et
hospitalière privée
Comme vous le savez, cette question fait débat au sein des Fédérations d'établissements, de la
nôtre, la FHP, comme des autres. Par ailleurs le Président Couderc est aussi Président du Conseil National de Cancérologie. Il a essayé d'initier ce débat au sein des organisations qui le
composent. A ce jour le CNC n'a pas pu aller bien loin et plusieurs de ses composantes trouvent le débat encore un peu prématuré. Ceci étant, les positions de l'UNHPC sont claires et je
vous confirme ici notre disponibilité pour tous travaux que vous jugeriez utiles sur le sujet.
UNHPC
En restant à votre disposition et en espérant vous avoir été utile par la rédaction de cette note,
je vous prie de croire, Monsieur le Professeur, à l'expression de mes sentiments les meilleurs et
de mes vœux les plus chaleureux pour la réussite de votre mission.
Union Nationale Hospitalière
Privée de Cancérologie
Syndicat National
des Radiothérapeutes
Oncologues
G. Parmentier
Secrétaire National
Syndicat Français
des Oncologues Médicaux
Société Française de
Cancérologie Privée
Président : Dr. B. Couderc
39 rue des Pyrénées
65380 AZEREIX
Tel : 06 89 10 86 64
E-mail : [email protected]
Secrétaire National : M. G. Parmentier
4 rue du Château
95300 PONTOISE
Tel : 01 30 32 43 11
ou Portable : 06 07 40 32 57
E-mail : [email protected]
Déléguée : Mme V. Dovergne
1 résidence les Châteaux
95450 ABLEIGES
Tel/Fax : 01 30 27 92 77
ou Portable : 06 87 42 63 50
E-mail : [email protected]
UNHPC
Union Nationale
Hospitalière Privée
de Cancérologie
Siège
81 rue de Monceau
75008 PARIS
Prise en charge des patients
atteints de cancer
et allocation de ressources
au parcours de soins
dans le système de santé
Mardi 11 juin 2013
Sur les 30 dernières années, tous les pays développés se sont mis au système d'allocation de ressources dit du
paiement prospectif à l'activité. De plus en plus nombreux sont les pays qui réfléchissent à l'adaptation de ces
systèmes à l'évolution des patients (vieillissement, montée en charge des maladies chroniques…), et des modes
de prise en charge qui consistent de plus en plus en une série d'épisodes de soins souvent protocolés. L'absolue
nécessité de maintenir des dépenses de santé à un niveau acceptable, celle corrélative de trouver des gisements
de productivité, le constat que les interfaces entre les séquences, les épisodes de soins sont le siège ou la cause,
coûteuse, de redondances et de défauts parfois graves touchant à la qualité et à la continuité des soins ont conduit à la réflexion sur un système plus intégré de paiement à l'activité de type forfait prospectif basé sur les parcours de soins.
En France, le Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) en a fait une priorité. Il part du constat des nécessités d'amélioration du système de santé. Il ne va pas jusqu'à la description concrète du système
d'allocation qu'il appelle de ses vœux. Ce n'est sans doute d'ailleurs pas son rôle. De son côté, Madame Marisol
Touraine, Ministre en charge de la santé, souhaite une réforme de la T2A qui réponde aux besoins nouveaux du
système de santé. L'approche "parcours" y a toute sa place y compris dans sa dimension territoriale.
Le cancer n'est pas une maladie chronique, mais beaucoup de ses caractéristiques poussent à penser qu'une allocation au parcours de soins serait, en cancérologie aussi, génératrice d'efficience et de qualité.
La préparation du 3e Plan Cancer Présidentiel est l'occasion de réfléchir aux conditions d'une telle mise en œuvre.
En fait, si la perspective est claire, ses modalités concrètes de mise en place n'ont encore jamais été explorées
en France. Si, pour de multiples raisons, le contexte général rend cette réforme difficile, les principes structurant l'organisation de la cancérologie sont, eux, favorables à cette approche. Au-delà des difficultés techniques,
il reste qu'une telle réforme est fondamentalement restructurante et qu'en économie administrée, les restructurations sont un problème difficile.
En matière d'organisation des systèmes de santé, nécessité ne fait pas loi. La nécessité d'aller plus loin sur le sujet d'une allocation au parcours ne fait pourtant pas de doute. Il faut donc pousser aux études, mais aussi et surtout mettre en place un dispositif opérationnel de type "projet", spécifique, et soutenu par une vision politique
aussi claire que déterminée et durable dans le temps. Dans ce cadre il serait regrettable que la cancérologie ne
soit pas concernée. Elle pourrait être un des acteurs de cette réforme. Le 3e Plan Cancer pourrait en faire un de
ses enjeux. Avancer sur ce terrain en cancérologie ne pourra pourtant se faire que dans le cadre d'un projet plus
général touchant aussi les personnes âgées et les maladies chroniques.
Cette note, bien que longue, reste succincte sur le sujet et propose une première approche sous forme de problématique. Rédigée à la demande du Pr Vernant, chargé par le Président de la République de préparer le 3e Plan
Cancer, elle se veut contribution aux premières réflexions sur le sujet.
Rédigée par le Secrétaire national de l'UNHPC, elle est dans le droit fil des options défendues par l'UNHPC et
des propositions d'une expérimentation au parcours de soins faite par son président, le Dr Bernard Couderc, sur
des cancers d'organes dits standards, touchant au sein ou au côlon par exemple. Ses conditions d'élaboration rapides n'en font pas pour autant une proposition engageant l'UNHPC et ses composantes ou ses partenaires. Elle
se veut néanmoins une contribution positive à une réflexion que l'UNHPC souhaite, dès que possible, voir devenir collective.
Secrétaire National
4 rue du Château
95300 PONTOISE
Tel : 01 30 32 43 11
ou Portable : 06 07 40 32 57
E-mail : [email protected]
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Prise en charge des patients
atteints de cancer
et allocation de ressources
au parcours de soins
dans le système de santé
UNHPC
Union Nationale
Hospitalière Privée
de Cancérologie
I-
D'où vient l'idée et qu'apporterait-elle ?
II -
Pour les professionnels, un contexte général
qui ne fait pas du paiement au parcours une nécessité
5
..........................................................................................................................................................
7
.....................................................................................................................
III - Le contexte de l'organisation de la cancérologie est favorable
à l'approche "parcours" car la coordination y est une nécessité ...........................................................................................11
IV - En cancérologie, en France, y a-t-il eu des projets ou des tentatives allant
dans le sens d'un paiement au parcours ? ....................................................................................................................................................14
- Les honoraires versés pour chimiothérapie
- La tarification à l'épisode de soins en cancérologie
V-
En dehors de la cancérologie, y a-t-il des expériences françaises
qui peuvent aider sur notre sujet ? .....................................................................................................................................................................16
- La prise en charge des accidents du travail.
- L'expérience du Centre cardiothoracique de Monaco
- Les études de coût en chirurgie ambulatoire
VI - Les objectifs multiples et complémentaires du système d'allocation de ressources ........................................18
VII - Comment mettre en place un tel projet ? ...................................................................................................................................................20
-
Le choix d'une réforme fortement restructurante
La mise en place d'une dynamique de projet
La question des choix organisationnels
Quelles sont les spécificités du cancer et de la cancérologie ?
La question du partage des ressources est une question centrale.
La question de l'international.
Le parcours du patient est la dernière mode en cours dans le système de santé en France. Tout est et doit
être "parcours" comme tout est et doit être "audacieux" et "innovant". Il s'agit en fait de beaucoup plus
qu'une mode. L'idée commence à se faire jour qu'il y a là une piste de réforme de la T2A(1). En France, le
contexte est surprenant et paradoxal. Ce sont en effet souvent les mêmes qui critiquent la T2A et qui poussent à la tarification au parcours qui en est pourtant la prolongation naturelle(2). Depuis quelques mois la
T2A fait en effet l'objet de toutes les critiques. Il s'agit pourtant d'une avancée considérable pour les établissements de santé, publics en particulier. Au lieu d'être payés pour ce qu'ils sont, avec la T2A ils sont
payés pour ce qu'ils font. C'est bien le signe du passage d'une activité d'accompagnement social à une activité de production organisée et évaluée. Tout professionnel de santé devrait donc se réjouir de cette reconnaissance. Les modalités peuvent par contre faire l'objet de discussion. Au total la T2A a remis l'hôpital en
selle, elle a stimulé tous les acteurs, elle a permis une concurrence par comparaison, elle a permis d'élaborer une base de données permettant de connaître enfin ce que font les établissements de santé, elle a mis
(1)
(2)
T2A : Tarification à l’activité
"… il est certain que la qualité d'une prise en charge s'examine à l'issue de l'ensemble des soins nécessaires à une réhabilitation totale ou, le cas échéant, partielle, mais en tout cas stabilisée et non à l'issue du seul épisode hospitalier. Sans doute faudra-t-il aller vers une forme de financement prenant en compte la totalité du parcours, dans une vision transversale des diverses prestations qui doivent se succéder. Les initiateurs de cette réforme qu'est la T2A le pensaient déjà."
Préface du docteur Martine Aoustin, ancienne directrice de la mission T2A, au livre de Roland Cash - Tarification à l'activité
dans les établissments de santé de court séjour - Mécanismes, stratégie et perspectives - Editions Infodium - 2013 - p. 8
Compte tenu de la situation française, malgré ses difficultés de tous ordres, l'évolution vers une tarification au séjour permettrait de sortir par le haut des critiques de la T2A. Tout le monde sauverait l'honneur. Les critiques de la T2A y verraient la
preuve qu'ils avaient raison et qu'il fallait réformer le système. Les soutiens de la T2A y verraient la suite logique de leurs longue et difficile aventure.
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plus d'équité dans le système. Il ne s'agit donc pas de revenir en arrière mais de savoir comment faire progresser encore le système de paiement à l'activité sur la base de forfaits prospectifs (déterminés à
l'avance).
C'est dans ce cadre que l'hypothèse d'un paiement au parcours prend corps. Elle est bien une des modalités
possible du paiement à l'activité. La réflexion sur le futur Plan Cancer présidentiel n'échappe pas, elle non
plus, à la réflexion sur le "parcours". C'est heureux car beaucoup parmi les acteurs de la cancérologie, pensent que c'est une voie d'avenir. C'est dans ce cadre que le Pr Vernant, chargé par le Président de la République de préparer le futur Plan nous a demandé une note sur ce que pourrait être un système d'allocation
de ressources basé sur le parcours du patient en cancérologie. Disons-le tout de suite, l'UNHPC n'a pas
plus de légitimité ou de compétence que d'autres pour défricher ce sujet. Ceci explique notre premier réflexe qui a été de décliner cette offre de contribution. Le paiement au parcours est dans tous les discours,
mais à ce jour il n'y a rien de disponible en France sur les voies et moyens de sa mise en œuvre. Rien de
pratique, rien de concret. Pas même les bases d'une expérimentation. A notre connaissance, personne ne
s'y est encore penché sérieusement. Pas même le nouveau Comité de réforme de la tarification hospitalière
(CORETAH). Le sujet est à la fois très complexe et très technique. Or il faut arriver à un système d'allocation de ressources simple. Le travail préalable ne peut donc être issu que d'un travail de confrontation. Le
Pr Vernant a insisté et nous prenons donc le risque de faire paraître cette note qui ne peut être qu'une note
première de problématique, de cadrage très général de la question.
Concrètement en France, l'idée d'un paiement au parcours consisterait à élargir la base du diptyque GHMGHS(3) fondé sur le simple "séjour" hospitalier réputé homogène à un "parcours" réputé lui aussi homogène. Les mêmes questions se poseraient : quelles frontières mettre au parcours ? Que sortir du forfait au
parcours pour être payé sur des bases différentes (comme le sont les molécules onéreuses, les urgences, la
recherche, les soins palliatifs…) ? A quel niveau payer le parcours (à la moyenne, à la médiane, sur la base
de la bonne pratique…) ? Faut-il privilégier une approche "prix" ou une approche "coût" ? Sur quelle base
fixer le tarif ou le prix (à partir du coût estimé sur la base d'une comptabilité analytique réputée significative, par des ajustements sur l'historique, sur la base d'appel d'offres, en déléguant la fonction achat, au vu
des prix pratiqués dans des pays comparables…) ? En tenant compte des incitatifs justifiés par les priorités
de santé publique ? En tenant compte de la qualité (bonus) ou des manques de qualité (malus) ou en laissant le contrôle et la régulation de la qualité à d'autres dispositifs ?…
Nous n'en sommes pas là. Nous n'aborderons donc pas ces questions. Nous en resterons aux questions préalables. Pourquoi réfléchir à un paiement au parcours ? L'exercice de la cancérologie s'y prête-t-il ? L'expérience française nous y prépare-t-elle ? Il faudrait forcément passer par une période expérimentale.
Quelles en seraient les conditions qui pourraient être reprises dans le futur Plan Cancer ?
(3)
GHM : Groupe homogène de malades
GHS : Groupe homogène de séjours
6 / 25
-ID'où vient l'idée et qu'apporterait-elle ?
L'évolution du système de santé nous met en face de nouveaux défis. Le vieillissement de la population, le
développement des maladies chroniques, l'obligation de trouver des gisements de productivité et de développer l'efficience(4), la montée en charge de la dimension organisation dans le développement de la qualité
et de la sécurité des soins, l'attention croissante à la gestion des délais de prise en charge et donc celle de la
gestion des flux, la coordination d'acteurs toujours plus nombreux compte tenu de leur spécialisation et de
modes de prise en charge toujours plus diversifiés… C'est dans ce cadre que l'idée du parcours apparaît
comme objet central de la cohérence. Si on fait le tour des expériences et des propositions dans les autres
pays développés, on constate que deux motifs principaux poussent à payer les acteurs selon un forfait au
parcours(5) : l'idée que cela permettra de générer des économies ; l'idée que cela permettra une meilleure
prise en charge des recommandations de bonne pratique. Les principaux auteurs rajoutent que cela devrait
fluidifier et sécuriser le parcours des patients.
En France l'idée est venue principalement du Haut conseil pour l'avenir de l'assurance maladie
(HCAAM)(6). Depuis 2004 il creuse ce sillon. Il le fait surtout en partant de la nécessité d'améliorer la prise
en charge des personnes âgées et des personnes atteintes de maladies chroniques(7). "La qualité du soin ne
peut alors s’apprécier que de manière globale, comme la qualité du « parcours » de soins de la personne
malade, appréhendé dans sa totalité". Les rapports du HCAAM constituent ce qu'il y a de plus élaboré en
France sur le sujet. Mais ils se contentent de souligner l'importance du sujet et la nécessité de le creuser.
Or cette approche pose des questions nombreuses, techniquement et institutionnellement difficiles. Elles
sont d'ordre médical, juridique, organisationnel, institutionnel, financier, assurantiel, de trésorerie, de règles de répartition et de partage des ressources allouées aux différents acteurs, de définition du champ des
responsabilités, d'information, d'évaluation, de contrôle, comportemental(8)… Comme pour toute innovation, l'effet de mode risque de tuer l'idée. La création de postes d'infirmières de coordination en cancérologie est une illustration, non que l'idée ou la fonction soit inutile, en particulier dans les très gros établissements, mais ce n'est pas le sujet. Payer une infirmière de coordination c'est subventionner un poste de travail, ce n'est pas payer au séjour. Par contre le pragmatisme pousse certains à procéder par étapes en dégageant, lorsque cela est possible et significatif, des "épisodes de soins" qui sont autant de composantes d'un
parcours cohérent. Par définition le parcours ou l'épisode supposent plusieurs acteurs dans le temps et dans
l'espace, il vont au-delà du séjour. Tout ce qu'on nomme "parcours" aujourd’hui au sein d'un même éta(4)
(5)
(6)
(7)
(8)
"Le HCAAM estime que des politiques visant à assurer des parcours de soins efficients, favorisant un recours rationnel aux
différents segments du système de soins, en fonction d’une gradation des prises en charge, permettraient de modérer sensiblement la progression des dépenses, notamment hospitalières."
HCAAM, note "Vieillissement, longévité et assurance maladie", page 44
Cf. par exemple les actes du colloque organisé en octobre dernier par l'IOM sur le thème : "Delivering Affordable Cancer
Care in the 21st Century". Plusieurs réflexions tournent autour du paiement au parcours ou à l'épisode de soins.
Ex, p. 56 : "Delivery System and Reimbursement Changes : Participants discussed several strategies that aim to better align
financial incentives and overcome current challenges to delivering affordable, quality cancer care. These strategies include
capitation, bundled/episode-related payments, accountable care organizations and shared savings, medical homes, and the
application of cost-effectiveness thresholds and value-based or performance-based care."
Erin Balogh, Margie Patlak, and Sharyl J. Nass, Rapporteurs - Delivering Affordable Cancer Care in the 21st Century: Workshop Summary - National Cancer Policy Forum; Board on Health Care Services - Institute of Medicine (IOM) - ISBN 978-0309-26944-5
Téléchargeable sur : http://www.nap.edu/catalog.php?record_id=18273
Notons aussi que le projet d'un paiement à l'épisode fait partie de l'Affordable care act, dit "réforme Obama".
Cf. par exemple Robert E. Mechanic, M.B.A. - Opportunities and Challenges for Episode-Based - Perspective - The New England Journal of Medicine - N engl j med 365;9 nejm.org september 1, 2011
La conclusion de cet article est la suivante : "Given the urgent need for financial incentives to improve the quality and efficiency of care, such support for advancing episode-based payment would be a worthwhile investment." On croirait lier l'extrait d'un rapport du HCAAM !
On se reportera plus particulièrement à l'avis adopté le 22 mars 2012 et à la synthèse des rapports publiée elle aussi en
mars 2012
Cf. : Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie - Avenir de l’assurance maladie : les options du HCAAM - Avis adopté à l’unanimité lors de la séance du 22 mars 2012
Cf. : Synthèse thématique des rapports publiés par le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie depuis 2004 - Document établi sous la responsabilité du secrétariat général du HCAAM - mars 2012
Tous les rapports du HCAAM sont disponibles sur : http://www.securite-sociale.fr/L-actualite-du-HCAAM
HCAAM - Avis adopté le 22 mars 2012 déjà cité, p. 14
"… le cadre de pensée de la régulation financière des dépenses de santé a évolué : l’idée que la régulation doit être essentiellement pensée sur le mode collectif en pesant sur les agrégats financiers est progressivement remplacée par la conviction que
la régulation doit viser davantage l’efficience de la dépense. Or la mesure de l’efficience passe par une meilleure compréhension des déterminants de la dépense afin de pouvoir peser davantage sur les comportements."
HCAAM - rapport annuel pour 2009 - p. 71
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blissement, les plus gros en particulier, est une diversion, une récupération édulcorante et réductrice, une
création de chasseurs de primes opportunistes, un effet de mode destructeur. Le paiement au séjour est une
innovation au sens Schumpeterien du terme, elle change les comportements. Son utilité sera niée par les
"spécialistes" ou ils demanderont à être subventionnés pour des succédanés. Lorsque la pression sera trop
forte, les exigences d'une organisation au parcours ne seront pas respectées et on "constatera" alors que "ça
ne marche pas". L'organisation du parcours est le préalable à la tarification au parcours, même si le tarif au
parcours est un incitatif fort à son organisation(9)… Là est la difficulté et là est l'espoir en termes d'accroissement de la qualité et de la productivité (10) : il faudra rester sur le concept de parcours vrai. L'épisode a la
vertu d'être plus simple. Il peut être considéré comme une première approche du parcours s'il ne se réduit
pas au séjour, surtout s'il constitue un ensemble cohérent au sein d'un parcours plus long, en articulant plusieurs acteurs et en se déroulant sur plusieurs séquences.
Nous sommes ici en cancérologie. Plusieurs de ses acteurs, dont l'UNHPC, souhaitent s'insérer dans la démarche. Pourquoi ? Parce que la prise en charge des malades du cancer s'assimile de plus en plus à celle
d'un long parcours. Cela marque tellement les esprits qu'on entend souvent dire que le cancer devient une
maladie chronique, ce qui est pour le moins discutable. Dépistage, anatomo-cyto-pathologie, génomique,
chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, hématologie, hormonothérapie, séances, séjours, soins de support, soins palliatifs, dimension sociale, pris en charge en établissement, en hospitalisation ou en ambulatoire, à domicile, exigence de concertation pluridisciplinaire, protocolisation d'un grand nombre de prises
en charge(11), importance des inclusions dans les essais cliniques, organisation en réseau, soins de suite,
surveillance, intervention de nombreux spécialistes, rôle du médecin traitant, gestion des phases d'urgence,
articulation des phases et des modes de prise en charge, transmission et accessibilité des informations, recours, continuité des soins et de la surveillance… tout cela est constitutif du long et douloureux parcours
des patients malades du cancer. Eux le vivent comme un tout et souhaiteraient que cela soit organisé
comme tel. La question d'une tarification au parcours doit donc se poser en cancérologie aussi. Celle,
pragmatique, de ses épisodes significatifs, aussi. Mais les contours, la définition, les caractéristiques, l'évaluation des parcours en cancérologie justifient une approche spécifique qui ne peut être assimilée à celle
de la prise en charge des personnes âgées ou des maladies chroniques. On commence à voir quelques propositions allant dans ce sens dans la littérature internationale(12). Le troisième Plan Cancer Présidentiel
pourrait donc utilement être l'occasion et le moteur de la définition et de l'organisation d'une approche de
(9)
(10)
(11)
(12)
"Cette médecine de parcours tout au long de la vie doit reposer sur de nouveaux modes d'organisation, plus coopératifs entre
médecins, entre professionnels de santé, avec l'hôpital, davantage de disciplines qui seront mobilisées, avec un mode d'organisation plus ouvert."
François Hollande, Président de la République - Discours au Congrès de la Mutualité française - Nice - 20 octobre 2012
"Les deux défis, soignant et financier, se rejoignent ainsi sur la question du « parcours » de soins."
Ou encore : "Le HCAAM estime que c’est autour de l’amélioration de la qualité des « parcours » de soins, en portant prioritairement l’attention aux situations complexes pour lesquelles il y a le plus d’évidences de non-qualité, que – sans renoncer,
évidemment, aux exigences prioritaires de bonnes pratiques et d’efficience pour chaque étape particulière – se situe aujourd’hui un des gisements décisifs de qualité soignante et d’efficacité économique de notre système de santé, concept pour
lequel on utilise souvent le terme « d’efficience ».
C’est sur ce terrain de l’efficience des parcours de soins que viennent exactement se superposer le défi soignant de la prise en
charge des malades chroniques et le défi économique d’optimisation de la dépense de santé. C’est donc sur ce terrain que
l’on peut, aujourd’hui, le mieux œuvrer à la défense des principes fondateurs de l’assurance maladie."
HCAAM - Avis adopté le 22 mars 2012 déjà cité, p. 15
"… la logique du « parcours » devrait inciter à garantir prioritairement l’opposabilité tarifaire dans les formes d’exercice
pluri-professionnel et dans les protocoles soignants qui assurent une qualité optimale du « parcours » de soins. Avec les deux
questions complémentaires de la rémunération attractive des professionnels de santé et d’une forme d’opposabilité des recommandations de bonne pratique".
HCAAM - Avis adopté le 22 mars 2012 déjà cité, p. 29
Citons par exemple Peter B. Bach, Joshua N. Mirkin and Jason J. Luke - Episode-Based Payment For Cancer Care: A Proposed Pilot For Medicare - Health Affairs, 30, no.3 (2011):500-509 - doi: 10.1377/hlthaff.2010.0752
Cf. : http://content.healthaffairs.org/content/30/3/500.full.html
La conclusion de leur article est claire alors que leur choix d'aborder la question pour les cancers du poumon métastatiques
n'avait rien d'évident. Nous la citons en entier.
"En prenant le cas des cancers métastatiques du poumon nous avons proposé une approche du paiement des fournisseurs de
soins basé un épisode de soins et nous avons décrit la manière dont ce mode d'allocation de ressources pourrait être testé par
Medicaid. Si l'expérimentation est positive, les mêmes principes pourraient être étendus à d'autres domaines de la cancérologie. En effet, des possibilités tout aussi claires existent afin de pousser à un achat forfaitaire, au respect des recommandations
fondées sur des preuves et pour exercer une pression à la baisse des prix. Il s'agirait d'intégrer au forfait l'évaluation précoce
des patients ayant reçu un diagnostic de cancer, le suivi des patients traités, y compris la surveillance d'une éventuelle récidive, la radiothérapie et le coût potentiel des soins prodigués aux patients hospitalisés pour des complications liées au traitement.
Nous croyons que notre proposition pourrait fort bien servir de starting-block pour une réforme radicale de l'allocation de
ressources en cancérologie. De même, nous considérons qu'elle ne nuira financièrement ni aux patients ni aux fournisseurs de
soins si elle est mise en œuvre avec les contrôles qualité et les contrôles financiers que nous proposons. Néanmoins, nous insistons sur la nécessité d'une évaluation scientifique rigoureuse permettant d'évaluer les avantages et les inconvénients de
cette approche avant d'envisager la généralisation de sa mise en œuvre."
8 / 25
paiement au parcours de soins en cancérologie.
9 / 25
- IIPour les professionnels,
un contexte général
qui ne fait pas du paiement au parcours
une nécessité
Nous ne venons pas de nulle part. Notre histoire est à la fois longue et courte. Longue, car il y a des siècles
que nos sociétés se sont dotées de systèmes hospitaliers. Courte parce que nos systèmes de sécurité sociale
ne sont généralisés que depuis la guerre et surtout parce que la médecine curative n'est guère plus ancienne.
Le passage d'une activité charitable d'accompagnement à une activité professionnelle de prestations risquées mais efficaces n'est pas encore totalement assimilé par la culture professionnelle, où souvent il se réduit à un métier conçu comme produisant uniquement une série d'actes techniques spécialisés.
Hors un budget militaire spécifique (les Invalides), l'Etat ne se sentant de devoirs que vis-à-vis des anciens
combattants, l'hôpital a longtemps dépendu de la charité (l'Hôtel-Dieu) et donc des Eglises. Ce modèle
marque encore les esprits. On l'a encore vu dans plusieurs pétitions lors de la dernière campagne électorale
présidentielle. La noblesse de nos métiers et le dévouement des professionnels justifieraient que l'argent
soit donné sans droit de regard sur son usage réputé bon.
Pourtant, dès 1983, les difficultés de financement par la Nation ont débouché sur un blocage de l'hôpital
public qui a conduit au budget global conçu pour ne durer qu'un an. Il dura près de 25 ans ce qui suffit à
faire passer dans les esprits ses effets pervers pour des données de nature : il serait normal d'être payé indépendamment de ce que l'on fait. Du coup tout était fait pour ne pas développer ce qui devait advenir dès
1984 : la tarification et la facturation à l'activité ainsi que la comptabilité analytique. En 1991, les mêmes
difficultés amènent à un accord historique concernant le secteur privé(13) : l'Etat s'engage à passer à la tarification à l'activité dans l'année, à accréditer les établissements, à permettre le développement de l'innovation que constitue la chirurgie ambulatoire et à mettre en place une enveloppe globale au niveau du pays
(et non pas des établissements) afin de pouvoir développer une concurrence fictive (par comparaison). Ses
effets furent immenses puisque le PMSI a été sauvé, ce qui a permis l'instauration de la T2A, plus de dix
ans après et de nombreux reports, sous prétexte d'expérimentations, en fait dès qu'il y eut volonté politique. Autre point marquant, le chaînage des séjours, exigé par le privé(14), a finalement été mis au point puis
étendu, le secteur hospitalier privé a été restructuré, l'ANAES(15) a été créée, l'accréditation de tous les hôpitaux a pu démarrer sur les mêmes bases, ce qui fut une vraie révolution, l'ensemble des établissements a
été mis sous enveloppe nationale avec la création de l'ONDAM en lieu et place de la néfaste mais parfois
confortable dotation globale.
Le PMSI et la T2A traduisaient en outre une mue culturelle immense et qui n'est pas tout à fait terminée.
La médecine hospitalière devenait capable de définir des "produits" à peu près homogènes et donc de rendre compte de son activité tout en respectant l'anonymat du patient. La singularité du patient et le colloque
singulier restent parmi les fondamentaux mais la prestation, le "produit" dont le patient bénéficie est codifié et donc les mesures, les évaluations, les comparaisons, deviennent possibles.
L'ensemble des hospitaliers, structurés mentalement par l'effort prospectif du diagnostic (anticiper ce qui
va advenir) apprend aussi à se retourner vers le passé pour se dire à eux-mêmes ce qui a été fait. On passe
de la tension intellectuelle permettant la "prescription" à la tension intellectuelle du bilan économique de
sortie : qu'est-ce qui a été dépensé, et, au final, selon quelle hiérarchie d'objectifs ? La porte s'ouvre sur
l'évaluation en termes de "résultats médicaux". Cette nécessité d'un regard vers l'arrière a mis très longtemps à être comprise par des professionnels concentrés et formés à ne regarder que vers l'avant. Long(13)
(14)
(15)
Cf. le Protocole d’accord du 4 avril 1991, protocle signé entre le Ministre de la santé (à l'époque, Ministre des Affaires sociales et de la Solidarité), Claude Evin et l'UHP (Union Hospitalière Privée)
A l'époque la critique dont faisaient l'objet les établissements privés était qu'ils soignaient mal et que les hôpitaux étaient très
souvent obligés de reprendre les patients pour réparer les dégâts du privé. C'est une loi historique de notre période : les motifs
de critique du privé se déplacent régulièrement sur des arguments improuvables. A chaque fois que le système d'information
se met en place pour y répondre, c'est en fait la totalité du système hospitalier qui progresse. Ainsi, dans les années 90 le privé
exigeait le "chaînage" des informations liées au PMSI afin de savoir tout ce qu'on avait fait à un patient particulier mais sans
jamais pouvoir retrouver l'identité de ce patient afin que ses droits à l'anonymat soient respectés. Le but, bien oublié maintenant, était de prouver que le taux de "reprise" n'était pas celui qui était affirmé sans preuve. Ce fut un long et rude chantier.
Les "expérimentations" PMSI du secteur privé ont finalement prouvé que cela était possible. Aujourd’hui l'ensemble des séjours sont normalement "chaînés" et nous disposons donc d'un outil d'évaluation et de santé publique très puissant. Il commence tout juste à produire ses effets : la critique des pratiques du privé s'étant déplacée, cet outil est encore très sous-utilisé.
Il deviendra vite indispensable en cas de travail sur le "parcours".
ANAES : Agence nationale d’accréditation et d'évaluation en santé
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temps, beaucoup ont été sincèrement convaincus que "ça ne pouvait pas marcher", que "ça ne servait à
rien", "qu'en tout cas, ce n'était pas leur boulot". Pour les salariés, les effets délétères du budget global
ajoutaient encore aux difficultés. Même les libéraux, pourtant habitués à facturer leurs honoraires, eurent
du mal à comprendre tant le saut culturel était grand. La CSMF(16) a joué là un rôle décisif lorsque Serge
Larüe-Charlus a convaincu ses pairs que "remplir son RSS faisait partie de l'acte". Il fut rapidement rejoint
pas le Collège National des Chirurgiens Français représenté par Raymond Gatelmand et qui avait un
temps été tenté par le boycott. Ils ont permis la parution du décret officialisant cette conception moderne
de la médecine.
Cette histoire est prégnante. Le mythe du "tout T2A", le débat sur la prétendue nécessité de baisser la part
rémunérée à l'activité pour augmenter la part des subventions montrent la confusion des esprits. Pour
beaucoup, encore aujourd'hui, et même à des postes éminents, la médecine moderne, dans une République
laïque, devrait être payée comme on paye les Eglises : pour son rôle social, pour la fonction d'accompagnement dont elle se charge, pour la confiance qu'on lui accorde. La médecine moderne, curative et risquée, ne pourrait être payée sur la base de la quantité, de la qualité et des délais de fourniture de ses prestations comme le serait une vulgaire activité de production…
La nouveauté de l'approche "produit".
Se greffe là-dessus un autre débat qui n'est pas spécifique à la médecine mais qu'elle a abordé très tard.
C'est celui de l'approche "produit". Le médecin comme le barbier se faisaient payer "avec tact et mesure"
pour ce qu'ils avaient fait. Il y avait des "épisodes", mais pas ou peu de "parcours". Lorsque les dépenses
de santé ont été socialisées, le paiement à l'acte fut donc instauré comme une évidence. Dans les secteurs
de production de biens et de services, petit à petit, l'industrialisation a permis à tous de passer du "sur mesure" à la "confection", au "produit" largement standard. Les deux traditions industrielles de la production
"à la commande" ou "à la série" sont appelées chez nous "à l'acte" ou "au forfait". Le sujet recouvre en fait
une question fondamentale, celle de la dynamique induite par le mode de rémunération auprès du producteur. Les deux approches peuvent être aussi dynamisantes, ce n'est donc pas ce qui les distingue ici. Par
contre l'approche forfait se distingue de l'approche par accumulation des détails, des composantes de la
prestation(17). La Sécurité Sociale défend depuis toujours l'approche par individualisation des composantes
de la prestation. C'est la philosophie de la CCAM(18) comme ça l'était de la NGAP(19). Là aussi nous sommes en face d'habitudes culturelles profondément ancrées où les libéraux rejoignent les salariés publics :
"dès que je lève le petit doigt, je dois être payé pour, sinon il y a injustice et il n'y a pas de raison que je
fasse…" L'approche forfait reste dans la logique qui veut qu'on soit payé pour ce que l'on a fait. Elle reste
au fond une sorte de paiement à l'acte si l'on considère que l'acte est le fait de fournir un "produit" type
GHM. Elle en a les vertus et les limites. Mais surtout elle redonne de la liberté et de l'initiative aux professionnels. Le "tout compris" leur rend une possibilité d'innover. Le produit est acheté, pas la manière de
faire ni ses composantes. Les professionnels retrouvent une possibilité d'action, d'organisation, d'innovation. Plus le forfait est large, plus il génère de possibilités d'initiatives. Cette qualité intrinsèque est bien
sûr fondamentale sur notre sujet, le paiement au parcours. La logique du paiement au parcours n'est en effet qu'une prolongation du mouvement qui nous a amenés à passer de la composante du soin au séjour. Le
parcours n'est autre que l'extension du séjour (GHM-GHS) à ce qui le prépare et à ce qui le prolonge pour
former un tout, une prestation, un produit. Sur ce qui le prolonge on pourrait comparer cette tentative à ce
qu'ont connu les autres secteurs productifs lorsqu'ils se sont mis à vendre "service après vente compris"…
La médecine n'a pas connu le débat long et violent entre artisanat et salariat.
Venant de la précarité et de la "pauvreté" des activités, dépendant de la charité, le salariat n'a pas été considéré chez nous comme intrinsèquement aliénant, ni comme le produit d'un système d'exploitation de personnes. Au contraire, il a souvent été considéré comme libérateur. Aujourd’hui encore beaucoup d'infirmières proclament qu'elles ne sont pas des "nonnes". Notre histoire, en cela, diffère aussi de celle des autres secteurs productifs. Rappelons qu'il a fallu attendre les dernières années du siècle dernier pour que la
CGT abroge l'article de ses statuts qui prévoyait l'abolition du salariat comme objectif majeur de l'action
syndicale tant il symbolisait, il y a quelques années encore, l'exploitation et l'aliénation des travailleurs.
Le paiement à l'acte, confondu avec l'accumulation du paiement des composantes de la prise en charge,
(16)
(17)
(18)
(19)
CSMF : Confédération des syndicats médicaux français
Le HCAAM précise : "L’attention portée à la qualité d’un « parcours » suppose de passer d’une médecine pensée comme une
succession d’actes ponctuels et indépendants à une médecine qu’on peut appeler de « parcours »"
Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie - Avenir de l’assurance maladie : les options du HCAAM - Avis adopté à
l’unanimité lors de la séance du 22 mars 2012 - p. 16
CCAM : Classification commune des actes médicaux
Il y a quelques exceptions. Citons par exemple le traditionnel suivi post-interventionnel sur 15 jours qui est compris depuis la
NGAP dans le prix de l'acte chirurgical ou, plus récemment, la rémunération forfaitaire par acte pour le suivi des personnes
âgées (5 €/consultation)… Il y a aussi des exceptions dans de nombreux discours, mais peu de réalisations. Il y a aussi des
échecs retentissants en contradiction avec ces discours. Nous évoquerons plus loin le triste dossier de la réforme du K15-K30
en chimiothérapie.
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était cohérent avec l'approche artisanale de la médecine. L'évolution de la médecine vers une production
interdisciplinaire à risque où la fonction organisation prend autant de place que la compétence pousse à accélérer le passage de "l'acte composante" à "l'acte produit". Le retard dans cette évolution a un effet pervers, elle tend à faire disparaître l'approche "médecin entrepreneur" chez les libéraux au profit d'une notion
de médecin technicien prestataire d'actes techniques qui n'aura bientôt plus de raison de ne pas être salarié.
Le passage de "l'acte produit GHM" à "l'acte produit parcours", au contraire, remet la fonction entrepreneuriale au cœur du soin.
La réforme est difficile car elle n'apparaît pas comme condition de survie professionnelle mais comme
contrainte externe.
Toutes ces évolutions sembleraient logiques, normales à tout observateur non averti de notre histoire de
notre culture. Il n'en est rien. Elles sont difficiles. Elles le sont car notre culture ne nous y prépare pas. Elles le sont car nous sommes "administrés" et n'avons donc pas conscience que nos activités peuvent disparaître. Beaucoup d'observateurs avertis considèrent qu'une des raisons de notre difficulté à évoluer vient du
fait que, majoritairement, nous ne nous savons pas professionnellement mortels. A l'inverse lorsqu'on se
sait mortel professionnellement on se bouge pour survivre. Seules les cliniques et leur personnel se savent
professionnellement mortels. Les hôpitaux publics et les médecins libéraux n'ont pas cette notion pourtant
universelle dans tous les autres secteurs d'activité. Les hôpitaux confondent "coopération" et restructuration pour mieux y échapper. Beaucoup de médecins libéraux ne comprennent pas que leur avenir professionnel dépend de la bonne santé de leur établissement puisque leur salle d'attente est pleine… La conséquence est claire : nécessité ne fait pas loi chez nous. Le plus souvent les réformes sont donc ressenties,
non comme une nécessité permettant la survie de son emploi, mais comme un effort consenti pour satisfaire aux besoins ou aux désirs de la Tutelle. On comprend donc que la diligence dans leur mise en œuvre
ne soit pas toujours à la hauteur des enjeux ! Du côté du privé, le profit reste pour beaucoup le signe d'un
mal absolu alors que partout ailleurs on sait bien, qu'au-delà de la simple assiette d'un impôt, il est la condition de la pérennisation et du développement de l'activité concernée. De même la majorité des représentants des Tutelles ne fait pas la distinction entre capitalisme métier et fonds spéculatifs, ils assimilent la recherche du résultat d'exploitation à la création de la valeur pour la revente. Tout est mis dans un même sac
qui finira par coûter très cher à la nation. Bref, la réforme est difficile car elle n'est pas vécue comme une
nécessité de survie, la coopération avec l'autre est difficile car l'autre est un étranger pervers, la concurrence est vécue comme un commerce alors que la captation des patients au sein d'une filière ne l'est pas.
C'est un signe fort que de constater que le ministère de la santé est le seul ministère technique qui n'utilise
pas le droit coopératif, mais au contraire s'en méfie, alors même qu'il fait un usage très intensif du mot
"coopération".
L'absence de fonction de direction constitue un autre frein.
Plus on étend le "produit", plus les acteurs sont nombreux, plus il faut coordonner. La fonction de direction est donc elle aussi au cœur du sujet. La question est délicate car elle a pris un caractère politique alors
qu'elle est technique. Faut-il un patron ? Bien sûr que oui. Mais la tradition de beaucoup d'entre nous assimile l'impératif déontologique d'indépendance médicale non au devoir de privilégier l'intérêt du patient
mais au privilège de faire ce qu'on veut, individuellement. Pas de patron donc, ou à la rigueur des "comités" de défense corporatistes. Le but n'est pas l'œuvre commune, la survie de son travail. Le but est la défense de son autonomie. Puisque le privé et son profit sont le mal, on proclame en France que l'hôpital
n'est pas une entreprise au moment même où beaucoup de pays s'interrogent sur le fait que le patient est
moins bien traité que s'il était le client d'une entreprise, que l'organisation du travail et que les conditions
de travail des personnels sont moins bonnes que si elles étaient celles des personnels des entreprises(20).
Mais on ne voit pas comment rémunérer un parcours de soin si on n'a pas en face de soi un interlocuteur
qui réponde de l'ensemble des acteurs, un véritable directeur, garant et animateur de l'ensemble.
Les réticences vis-à-vis de l'évaluation en termes de résultats
Ce dernier frein est culturel. Si l'on revient une fois de plus aux fondamentaux, la médecine n'est ni un
commerce ni une administration. Le paiement à l'acte-détail-composante pousse au protocole, à la norme
de bonne pratique, dans le détail, à l'administration. Le paiement au forfait suppose un minimum d'homogénéité. La protocolisation y est donc un préalable, mais il pousse à l'évaluation sur résultat. Structures et
procédures perdent de l'importance si on évalue un parcours… Comme pour tout produit, le résultat se
(20)
Il faudrait citer ici, entre autres, beaucoup d'expériences anglaises. Un livre récent de l'Institute of Medicine (IOM) américain
en fait un argument central.
Mark Smith, Robert Saunders, Leigh Stuckhardt, J. Michael McGinnis, Editors - Best Care at Lower Cost: The Path to Continuously Learning Health Care in America - Committee on the Learning Health Care System in America - Institute of Medicine (IOM) - 2012 - ISBN 978-0-309-26073-2 - 450 pages - http://www.nap.edu/catalog.php?record_id=13444
"En matière de soins, les progrès récents permettent de traiter avec succès de nombreuses maladies qui étaient mortelles il y a
moins d'une génération. Pourtant, notre système de santé génère une croissance des coûts insoutenables et ses résultats sont
loin de son potentiel. Penchons-nous sur quelques objectifs pour le système santé américain et demandons-nous comment ils
pourraient être atteints en adoptant des pratiques déjà en usage dans d'autres industries."
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juge en termes de prix-qualité-délai. Or cette culture de l'évaluation sur résultat nous est encore largement
étrangère. Beaucoup la disent encore impossible, le résultat étant assimilé à la guérison, voire à la vie éternelle. Que ce soit du côté de l'Etat ou de la Sécurité Sociale, nous n'avons pas non plus de tradition d'acheteur intelligent qui remplit sa fonction d'achat en contrôlant que le prix, la qualité et le délai de fourniture
correspondent bien à un cahier des charges contractuel entre le prestataire et l'acheteur.
Avec ce rappel rapide de notre environnement on ne s'éloigne pas du sujet : une réforme de l'ampleur de
celle que serait le paiement au séjour ne peut se faire que si l'on connaît les personnes à qui elle s'adresse
et si on connaît le terrain où il faut l'implanter. Il faut aussi qu'elle soit comprise comme une nécessité,
comme une condition de l'amélioration de nos pratiques et de nos exercices professionnels. Au total, à un
moment où la T2A n'est pas encore totalement assimilée, l'idée d'un paiement au parcours, qui n'en est que
sa prolongation logique, va donc se heurter à deux dangers majeurs. Soit cela va susciter des freins puissants qu'il faudra anticiper et contrer, soit cela va déboucher sur des mesures édulcorantes dont on voit
déjà les prémices : réduction du parcours à une spécialité alors qu'il faut du transversal, réduction à un service hospitalier alors qu'il faut articuler les différents intervenants qu'ils soient en ville ou à l'hôpital,
quelle que soit leur origine statutaire ; réduction à une fonction infirmière de coordination alors qu'il s'agit
d'une fonction de direction et d'organisation… Dans le premier cas on verra les chasseurs de prime régner
en maître, dans le second le multicouche réglementaire s'épaissir encore, au gré des "bonnes idées" et des
"expérimentations".
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- III Le contexte de l'organisation de la cancérologie
est favorable à l'approche "parcours"
car la coordination y est une nécessité
La coordination est au cœur de l'organisation du parcours. En cancérologie, elle fait l'objet d'une attention
soutenue car elle est un impératif de bonne pratique. Cet impératif s'est depuis longtemps traduit dans des
organisations adaptées.
La concertation pluridisciplinaire y a maintenant force de loi. Elle est organisée au travers des RCP(21).
La fonction qualité fait l'objet d'une organisation formalisée spécifique en cancérologie, les 3C(22).
Les réseaux ne sont pas nés en cancérologie, mais la cancérologie a été active en ce domaine.
De façon plus générale, de grands débats ont eu lieu au début des années 2000(23). Ils ont abouti à des principes d'organisations clairs(24).
L'organisation de la coordination est consubstantielle à l'exercice de la cancérologie. La cancérologie
compte parmi les activités qui ont voulu et obtenu la reconnaissance par la loi des "réseaux de santé"(25).
Ce fut un progrès immense, même si plusieurs questions importantes n'ont jamais été résolues. Citons en
particulier la question du droit. Il n'y a toujours pas, à ce jour, de statuts adaptés à la coopération de personnes physiques et de personnes morales, de statut privé et public, libéraux et salariés. La tentative des
"réseaux coopératifs de santé" insérée dans la Loi Kouchner(26) sur les droits des patients, pourtant votée à
l'unanimité par les deux chambres, a été aussitôt rayée par l'Administration qui a utilisé le support d'une
ordonnance(27). Les GCS(28), dont la réglementation changeante porte la marque du non-choix entre une pratique coopérative et une pratique aspirante visant à consolider un des acteurs, ne comblent pas ce manque.
Autre illustration, les réseaux de santé "soignent", comme les médecins, mais les conséquences juridiques
en termes de régime de responsabilité des professionnels concernés n'ont jamais été tirées. Les Présidents
des réseaux de santé sont, de ce fait, dans une situation plus que précaire qui, hors inconscience ou option
de militantisme fort, devrait être intolérable. L'adaptation du champ de la responsabilité médicale à la pratique d'une médecine concertée n'a pas non plus été faite. Peut-on durablement fonder une organisation de
production sur l'inconscience ou le seul militantisme ? Enfin, justement, les réseaux de santé sont payés
(21)
(22)
(23)
(24)
(25)
(26)
(27)
(28)
RCP : Réunion de concertation pluridisciplinaire
3C : Centre de coordination en cancérologie
On trouvera trace de ces débats, notamment dans la plaquette éditée par l'UNHPC "Réseaux et organisation de la cancérologie" - Recueil de textes relatifs aux réseaux et à l'organisation de la cancérologie : Réglementation, Plan Cancer, Rapport Bergerot, Définitions, Schémas, Tableaux, Propositions, Textes récents… - Février 2005 - 200 pages
"L’organisation des soins en cancérologie sera désormais construite sur la base :
- d’un régime d’autorisation spécifique à l’activité de traitement du cancer
- d’une graduation simplifiée des structures de soins en cancérologie, distinguant des sites de cancérologie traitant les patients et des établissements associés aux prises en charge
- de la création de structures de coordination au sein des établissements ou au sein des sites de cancérologie
- de la nécessité d’un travail en réseau
- d’une organisation de l’offre de soins de recours au sein du pôle régional de cancérologie."
Circulaire N° DHOS/SDO/2005/101 du 22 février 2005 relative à l'organisation des soins en cancérologie.
Article L 6321-1 du Code de la santé publique modifié par l'ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 - art. 11 et 17 JORF 6 septembre 2003
Les réseaux de santé ont pour objet de favoriser l'accès aux soins, la coordination, la continuité ou l'interdisciplinarité des
prises en charge sanitaires, notamment de celles qui sont spécifiques à certaines populations, pathologies ou activités sanitaires. Ils assurent une prise en charge adaptée aux besoins de la personne tant sur le plan de l'éducation à la santé, de la prévention, du diagnostic que des soins. Ils peuvent participer à des actions de santé publique. Ils procèdent à des actions d'évaluation afin de garantir la qualité de leurs services et prestations.
Ils sont constitués entre les professionnels de santé libéraux, les médecins du travail, des établissements de santé, des groupements de coopération sanitaire, des centres de santé, des institutions sociales ou médico-sociales et des organisations à vocation sanitaire ou sociale, ainsi qu'avec des représentants des usagers.
Les réseaux de santé qui satisfont à des critères de qualité ainsi qu'à des conditions d'organisation, de fonctionnement et
d'évaluation fixés par décret peuvent bénéficier de subventions de l'Etat, dans la limite des crédits inscrits à cet effet chaque
année dans la loi de finances, de subventions des collectivités territoriales ou de l'assurance maladie ainsi que de financements des régimes obligatoires de base d'assurance maladie pris en compte dans l'objectif national de dépenses d'assurance
maladie visé au 4° du I de l'article LO 111-3 du code de la sécurité sociale.
Loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dite loi Kouchner
Ordonnance n° 2003-850 du 4 septembre 2003 qui a revu la rédaction de l'article L 6321-2 pour, en fait, supprimer les "réseaux coopératifs de santé" créés pourtant de façon bien prudente par la loi "Kouchner" (Loi 2002-303 2002-03-04 art. 50 I,
III, art. 84 I JORF 5 mars 2002). Selon les responsables de la DHOS de l'époque, les "réseaux coopératifs de santé" allaient
"vider les CHU" !… Ils avaient pourtant obtenu au dernier moment que l'amendement gouvernemental soit édulcoré en réservant les "réseaux coopératifs de santé" aux seuls médecins libéraux et cliniques, ce qui était une contradiction absolue.
GCS : Groupement de coopération sanitaire
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sur la base de subventions et non selon leur activité de soins. Le biais est significatif. Si l'on doit payer au
parcours, les réseaux de santé constituent logiquement la première pierre d'attente. Il reste que les réseaux
de santé existent et qu'ils sont une forme inachevée mais claire de prise en charge du parcours du patient
en cancérologie.
Fallait-il des réseaux pyramidaux ? En cancérologie, après d'âpres débats, les tenants du non l'ont emporté(29). Avec eux les réseaux en grappe, "biologiques", coopératifs et non hiérarchisés. Les conséquences organisationnelles sont importantes et sont une des conditions de la confiance nécessaire à l'organisation formalisée du parcours.
L'organisation de la cancérologie doit-elle être graduée ? Il y a eu hésitation sur ce sujet aussi. La circulaire du 24 mars 1998 relative à l’organisation des soins en cancérologie le prévoyait. Après de nombreux
débats, la DHOS(30) et la majorité des professionnels de la cancérologie ont tranché pour l'abandon de la
"gradation", pour les mêmes raisons que pour les réseaux pyramidaux. Ce choix trouve sa traduction dans
la circulaire portant organisation de la cancérologie parue en 2005 et toujours en vigueur. La seule trace de
"gradation" qui demeure en cancérologie est celle qui distingue les établissements autorisés des établissements associés. La notion de "recours" auprès des acteurs du "pôle" n'implique pas de hiérarchisation des
rapports mais une répartition des rôles(31).
Les réseaux de santé sont-ils les seuls réseaux utiles en cancérologie ? La réponse, là aussi, a été non(32). La
cancérologie a aussi besoin d'une organisation en réseaux qui ne soignent pas, mais qui assurent des missions de services auprès des acteurs : choix, adaptation aux spécificités régionales et diffusion des standards et recommandations, détermination et mise en œuvre de systèmes d'évaluation communs, coordination régionale des 3C(33), organisation et coordination des inclusions dans la recherche clinique… Cela a
débouché sur un autre type de réseaux. Des réseaux qui sont, en fait, des sociétés de service mutualisées.
Ce sont les RRC(34). L'adhésion aux RRC est, elle aussi, devenue un critère préalable à l'autorisation
d'exercer la cancérologie.
Last but not least, une fois les options thérapeutiques décidées en colloque singulier entre le patient et son
médecin, les établissements autorisés en cancérologie doivent s'assurer que le patient a bien reçu, compris
et accepté son PPS(35). On peut considérer ici que ce PPS formalise son "parcours" de soins, au minimum
sur un ou plusieurs de ses "épisodes".
Concertation préalable pour déterminer les choix thérapeutiques, formalisation de programmes personnalisés de soins, organisation des acteurs et définition des rôles, prise en charge des patients au travers de réseaux de santé, animation et évaluation des organisations assurées de façon coordonnée par des réseaux régionaux… On le constate, l'organisation du parcours de soins est très avancée en cancérologie. Ajoutons à
cela que la cancérologie fait partie des activités de soins relativement bien protocolées, au moins pour les
cancers dits "standards" les plus courants. Pourtant, l'allocation de ressource ne se fait pas, en France, en
(29)
(30)
(31)
(32)
(33)
(34)
(35)
D'où la notion de réseaux “en grappe” qui a finalement prévalu. Il n'y a, chez eux, ni graduation ni hiérarchisation. Cela n'empêche pas la spécialisation. Chacun sait ce que fait l'autre, ses compétences spécifiques. Il peut s'adresser directement à lui,
sans intermédiaire, sans étape préalable. L'organisation qui préside à ce type de réseau est dite “coopérative”. Ce type de réseau formalise la “coordination des acteurs de santé tout au long du parcours du patient”.
DHOS : Direction de l'hospitalisation et de l'organisation des soins - Ministère de la santé - devenue depuis DGOS : Direction
générale de l'offre de soins
"Articulation entre le réseau régional et le pôle régional
Les établissements et les sites membres du pôle régional de cancérologie ont logiquement, par leur activité, leurs ressources
en terme de recours et leurs compétences propres, un rôle incon- tournable dans le fonctionnement et l’animation du réseau
régional de cancérologie.
Ils font partie du réseau régional au même titre que les autres établissements participant dans la région à la prise en charge
des patients atteints de cancer.
Le pôle régional ne constitue donc pas la tête du réseau régional de cancérologie. Il s’agit de deux organisations complémentaires dont les champs d’actions méritent d’être formalisés.
Chaque région, en fonction de ses spécificités locales, déclinera le mode organisationnel le plus adapté."
Circulaire N° DHOS/SDO/2005/101 du 22 février 2005 relative à l'organisation des soins en cancérologie.
"L’organisation en réseau de la cancérologie répond à des objectifs qui se déclinent :
1. au niveau du territoire de santé : la mission du réseau est d’assurer la coordination de la prise en charge du patient ; elle
s’exerce dans le cadre de la définition des réseaux de santé.
2. au niveau de la région : la mission du réseau est d’harmoniser la qualité des prises en charge, de participer à l’évaluation
du dispositif et d’assurer une fonction de suivi épidémiologique."
Circulaire N° DHOS/SDO/2005/101 du 22 février 2005 relative à l'organisation des soins en cancérologie.
3C : Centre de coordination en cancérologie - "La création de structures de coordination au niveau des établissements de santé et des sites de cancérologie […] si les modes d’organisation sont laissés au choix des établissements, la réalisation pérenne
de ces missions s’impose à chacun d’entre eux."
Circulaire N° DHOS/SDO/2005/101 du 22 février 2005 relative à l'organisation des soins en cancérologie.
RRC : Réseau régional de cancérologie
"Un programme personnalisé de soins (PPS) est remis au patient."
Circulaire N° DHOS/SDO/2005/101 du 22 février 2005 relative à l'organisation des soins en cancérologie.
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cancérologie, au parcours de soins. On peut donc considérer que le chantier est largement avancé, mais
qu'il n'est pas terminé. La forme pourra différer, elle le fera, le modèle se diversifier, mais l’allocation de
ressource à l'organisation du parcours patient mis en place en cancérologie peut logiquement être comprise
comme un aboutissement, logique sinon nécessaire, de l'évolution définie et mise en place depuis 15 ans.
Que manque-t-il ?
Nous l'avons vu. Les outils juridiques sont encore limités et insuffisamment adaptés. Le droit de la responsabilité n'est pas non plus adapté. Surtout, il manque la vision et la volonté. Les réseaux ont été à la mode.
La mode est maintenant de les critiquer. Enfin, la question du financement se pose. Il y a une contradiction
dans le financement des réseaux de santé : de nouveau ils sont payés non pour ce qu'ils font ("soigner"),
mais pour ce qu'ils sont. Puisque ce qu'ils font - soigner - est déjà fait par d'autres qui sont payés pour cela,
ils sont en fait mis dans une situation intenable. Pour autant on voit bien que payer les réseaux pour ce
qu'ils font ne pourrait se faire que sur la base du parcours pris en charge et que cela serait une révolution.
Les oppositions, les incrédulités(36), le changement de paradigme sont tels que personne à ce jour n'a véritablement pris les moyens d'étudier les voies et moyens à emprunter pour aller jusqu'au bout de la logique.
La vision et la volonté manquant, les critiques et les initiatives fleurissent. La machine à produire des surcouches réglementaires et des modes successives tourne à plein.
Quelle est la situation actuelle ?
Les acteurs chargés officiellement de "coordination" se multiplient à l'infini(37). Pourtant, malgré les limites
que nous avons évoquées, les réseaux restent encore à ce jour les mieux armés juridiquement. Mais ils
sont passés de mode. Il est de bon ton de les critiquer et cela crée des ravages. Leurs budgets sont restreints. Ils sont fusionnés, ce qui est parfois une bonne chose, mais fait que l'investissement humain est
une fois de plus tourné sur la réforme de l'organisation interne plus que sur le service rendu. Les acteurs
sont à nouveau découragés, car sans vision claire de leur avenir.
Au total, concernant l'hypothèse d'une allocation de ressource au parcours du patient en cancérologie, on
peut considérer que plusieurs des préalables sont acquis. L'activité est souvent très protocolée. Parmi celles qu'on peut imaginer, les réseaux de santé sont une forme déjà relativement mûre de prise en charge du
parcours, en tous les cas leur expérience est précieuse. La pratique et les organisations favorisent toutes
l'approche "parcours". La recherche de plus de qualité et d'efficience y pousse. Les bases sont donc souvent là, au moins sous forme des préalables requis. Pourtant le chantier reste immense.
(36)
(37)
"Même lorsque les analyses fondamentales sont largement consensuelles, il reste des choix à faire qui peuvent opposer les
points de vue."
HCAAM - Avis adopté 22 mars 2012 déjà cité, p. 27
Pour avoir une idée de la multiplication de concepts et des organisations dévolues aux mêmes fonctions, cf. par exemple l'introduction - Position du problème, état des lieux pour les réseaux de santé - à la session "Coordination ville-hôpital : que faire
aujourd'hui ?" faite par Gérard Mick - Union Nationale des Réseaux de Santé, Maison des Réseaux de Santé Isère - Coordination Ville-Hôpital : Que se passe t-il ? - 3° Congrès National des Réseaux de cancérologie - Toulouse 4-5 octobre 2012
Présentation téléchargeable sur : http://oncomip.org/fr/espace-professionnel/congres-national-reseaux-cancerologie/sessionsplenieres/coordination-ville-hopital.html
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- IV En cancérologie, en France,
y a-t-il eu des projets ou des tentatives
allant dans le sens d'un paiement au parcours ?
La réponse est oui, si on réduit le "parcours" à "l'épisode" de soins.
Les honoraires versés pour chimiothérapie
La première tentative est celle du projet de réforme du K15 qui date du tout début des années 2000. Le sujet est clair : l'oncologie médicale est payée selon un système aussi aberrant que pervers puisque l'oncologue est payé pour un acte qu'il ne fait pas : l'acte infirmier de l'administration. Au départ, l'idée développée
conjointement par l'UNHPC, le syndicat spécialisé (le SFOM(38)), mais aussi le SNRO(39), les sociétés savantes concernées (la FFOM(40), la FCLH(41)…) et l'Assurance-maladie était :
-
de payer l'oncologue pour l'acte intellectuel qu'il produit et donc pour sa qualification et non pour l'acte
infirmier qu'il ne fait pas ;
-
de réaménager le système à coût constant pour l'Assurance-maladie(42) ;
-
de trouver un système incitatif aux bonnes pratiques : il avait été choisi de payer l'oncologue nettement
plus cher s'il y avait trace au dossier médical d'un passage en RCP (ce choix avait été fait bien avant la
circulaire portant organisation de la cancérologie de 2005 et avant les Plans Cancer présidentiels !…) ;
-
de rompre la relation entre le choix du traitement, le mode de prise en charge et le revenu du médecin :
le choix avait été fait d'un paiement au forfait pour une durée de l'ordre d'un mois quel que soit le
mode de prise en charge. La durée choisie correspondait à la périodicité moyenne des cycles de traitement. Cela permettait de restituer au médecin son indépendance. Ses honoraires étaient les mêmes que
la prise en charge se fasse en hospitalisation classique, en ambulatoire ou à domicile. Cela gommait
l'incitatif pervers à multiplier les consultations et/ou les séances ;
-
de clarifier les textes au sujet de la présence du médecin pendant la réalisation de la chimiothérapie :
un forfait minime était versé pour honorer la présence d'un médecin dans la structure, présence permettant un recours en cas de problème.
Ce système d'allocation de ressources a-t-il fait l'objet de consensus ? Oui, auprès de toutes les organisations représentatives comme des Caisses d'Assurance-maladie et des services de l'Etat. Plusieurs Ministres
s'en sont félicités.
Ce système d'allocation couvrait-il tout le sujet ? : oui, à une exception, celle d'un incitatif au développement des inclusions dans les essais cliniques. Plusieurs des auteurs du projet, dont l'UNHPC avaient plaidé
pour une prise en compte, sous forme de bonification, du taux d'inclusion des patients dans les essais cliques. La CNAM n'y était pas prête. De notre point de vue il y avait là un incitatif nécessaire autant qu'un
versement équitable (la charge de travail et la qualification d'un médecin qui inclut sont supérieures à celle
d'un médecin qui n'inclut pas…).
Ce système d'allocation de ressources consensuel a-t-il été mis en place ? Non. Le Plan Cancer 2003-2007
a pourtant repris l'intégralité du projet(43) tel que l'avait rédigé la CNAM(44). Plusieurs Ministres ont relancé
le projet, jusqu'à ces dernières années mais sans aucun effet. L'INCa a souvent été sollicité afin d'appuyer
dans le sens de la mise en place de ce que prévoyait le Plan Cancer. En vain : comme au sujet de la demande d'interdiction des dépassements d'honoraires en cancérologie, le Président Maraninchi a plusieurs
(38)
(39)
(40)
(41)
(42)
(43)
(44)
SFOM : Syndicat français des oncologues médicaux
SNRO : Syndicat national des radiothérapeutes-oncologues
FFOM : Fédération française des oncologues médicaux
FCLH : Fédération de la cancérologie libérale et hospitalière
Comme le précisait la note citée ci-dessous, "Ces prestations nouvelles seraient financées, à enveloppe constante, par redistribution des honoraires actuellement payés au titre des actes de la NGAP valorisés K 15 ou K 20 et des consultations d’élaboration des protocoles de traitement. Il y aurait donc neutralité financière de la mesure."
Mesure 51 du Plan Cancer 2003-2007 : "Moderniser la cotation de certains actes médicaux ou soignants, lorsqu’elle est inadaptée, afin de favoriser les meilleures pratiques."
Action 1 : "Améliorer, dans le cadre de la mise en place de la CCAM, la cotation de certains actes de cancérologie libérale :
• faire évoluer l’acte de surveillance d’une chimiothérapie vers un acte intellectuel de supervision d’un protocole de chimiothérapie, dont le tarif devra être incitatif à la pratique pluridisciplinaire ; […]"
La dernière version formalisée du projet est la note signée du Dr Michèle Brami (ENSM) ayant pour objet "Nomenclature de
chimiothérapie ambulatoire" et adressée à Monsieur Daniel Lenoir, Directeur de la CNAMTS en date du 15 août 2012. Cette
note a largement été diffusée et rediffusée depuis.
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fois affirmé qu'il n'était "pas là pour défendre des intérêts corporatistes". C'était la seule opposition déclarée à une mesure qui pourtant ne coûtait rien à la collectivité et développait les bonnes pratiques. Rien n'y
fit, même pas la perspective des effets pervers à craindre à la suite de quelques procès sur le système du
K15.
Quelles conclusions tirer de cette expérience malheureuse ? Ce n'est pas parce qu'une réforme est bonne,
consensuelle et souhaitable qu'elle passe. Ce n'est pas parce qu'une telle réforme ne coûte rien qu'elle
passe. On peut même constater le contraire : ce sont les réformes qui coûtent le plus cher qui sont en général privilégiées, au moins dans les premiers Plans Cancer. La mode des discours récurrents sur le nécessaire développement des forfaits n'y fait rien, même pour un projet qui ne coûte rien, qui est nécessaire et
qui est consensuel. Il est vrai que les effectifs médicaux concernés sont considérés comme faibles(45). Il
faut donc une volonté politique forte accompagnée des moyens nécessaires pour faire passer un projet
dans la réalité concrète.
Cette approche forfaitaire pour les honoraires de chimiothérapie est-elle toujours d'actualité ? Oui. Les
K15-K30 sont toujours en vigueur avec tous leurs effets pervers.
Est-elle dans notre sujet ? Oui, il s'agit bien d'un paiement à l'épisode de soins, ou, comme on semble dire
maintenant, au "segment de parcours".
Les professionnels y sont-ils toujours favorables ? Oui, le CNC a essayé de relancer le sujet en cherchant
un appui du côté de la HAS durant l'été 2012. En réponse, cette dernière a cependant rappelé qu'elle
n'avait pas de légitimité sur le sujet.
Le projet pourrait donc utilement être repris…
La tarification à l'épisode de soins en cancérologie
Lors des travaux de la Mission sur la tarification à la pathologie initiée au tout début des années 2000 par
Martine Aubry et dirigée successivement par Rémy Dhuicque puis Bernard Marrot(46), certains groupes de
travail avaient longuement évoqué l'idée d'une tarification à la pathologie basée sur l'intégralité d'un épisode de soins. Un homme poussait beaucoup au travail sur cette idée, Laurent Borella. Il représentait les
Centre anticancéreux dont il était alors adjoint à la Déléguée Générale, chargé de la gestion financière. Hélas, sans doute trop en avance sur son temps, il s'est heurté soit à une opposition farouche soit à une incrédulité telle qu'il n'a pratiquement jamais pu embrayer sur un travail sérieux et encore moins sur une "expérimentation". Du coup il n'y a guerre de trace de ces travaux. Nous nous devions pourtant de les mentionner ici.
(45)
(46)
Les spécialités concernées sont nombreuses : oncologues médicaux, oncologues radiothérapeutes, spécialistes d'organe…
Mais les effectifs peuvent être considérés comme faibles ou peu influents au regard des Tutelles
Cf. le Rapport d’étape de la Mission d’expérimentation : B. Marrot, H. Gilardi, "Expérimentation d’une tarification à la pathologie des établissements de santé", avril 2002.
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-VEn dehors de la cancérologie,
y a-t-il des expériences françaises
qui peuvent aider sur notre sujet ?
Oui, bien sûr. Nous en évoquerons quelques-unes, parmi d'autres.
Nous citerons ici l'expérience acquise de longue date par le système de prise en charge des accidents du
travail. Après la reconnaissance de la qualification d'accident de travail, le patient, muni de sa feuille de
soins, peut aller se faire délivrer des soins où et quand il le veut, jusqu'à consolidation. Tout médecin consulté porte les soins prodigués sur la feuille de soins et peut donc y prendre connaissance de tous ceux qui
l'ont précédé. Dans ce cadre, le patient est remboursé en intégralité.
L'expérience acquise en matière d'accident du travail peut donc contribuer à la réflexion. Le choix qui est
fait ici, c'est celui de confier au patient lui-même la gestion de son parcours de soins. Il est considéré
comme majeur. L'avantage c'est que sa liberté de choix est, à l'évidence, respectée. L'inconvénient sur une
pathologie compliquée comme le cancer, c'est qu'il aura du mal à évaluer ce qu'on lui propose et à déterminer ses choix. On pourrait imaginer dans ce cas, lorsque c'est possible, qu'on lui donne un protocole de
soins validé. Libre à lui, alors, de le faire réaliser où et par qui bon lui semble. Cette orientation permettrait aussi de limiter les dépenses d'un système potentiellement inflationniste. Il aurait liberté au sein de
l'enveloppe correspondant à son protocole. La question d’un reste à charge serait posée s'il dépasse l'enveloppe prévue, ainsi que cela se fait déjà dans certains pays. Un autre avantage du système, c'est qu'il s'affranchit des retards sur le dossier médical. Tout ce qui concerne l'accident du travail est consigné et tout
médecin intervenant dans la prise en charge a directement accès à l'intégralité du "dossier" ainsi constitué.
De plus, on a là une base de données potentielle assez fantastique pour procéder à des évaluations sur la
qualité des soins en termes de "résultats" et pour procéder à des enquêtes de santé publique. Par contre,
considérer le patient comme majeur et capable de s'orienter n'est pas encore dans la tradition française et
beaucoup de "sachants" feront valoir de surcroît que la gravité de la maladie cancéreuse amoindrit beaucoup les capacités du patient(47). Il n'empêche que ce "modèle" existe déjà en France et que beaucoup d'enseignements pourraient en être tirés.
Signalons aussi les expériences tout à fait intéressantes des forfaits y compris "service après vente" qu'a
mis en place de sa propre initiative le Centre Cardiothoracique de Monaco. Ce centre a maintenant près
de 15 ans de pratique et d'expérience sur des pathologies lourdes, en cardiologie tout particulièrement. Il
ne s'agit pas de cancer, mais on voit mal comment on pourrait se priver de l'expérience acquise par cette
équipe.
Enfin, sur un mode différent, signalons aussi les évaluations conduites depuis des années en matière de
chirurgie ambulatoire. Les opposants au développement de cette bonne pratique en chirurgie nourrissent
depuis toujours la suspicion d'un transfert de charge sur la ville ou sur d'autres structures. Depuis les études menées par la CRAM de Rennes au milieu des années 90, études qui prenaient en charge toutes les dépenses d'un même patient 15 jours avant et trois semaines après l'intervention chirurgicale, de nombreuses
autres études ont été menées en France. La plus importante reste bien sûr celle menée par l'Inter-régime(48).
Elles prouvent qu'il n'y pas de spécificité française : comme à l'étranger la chirurgie ambulatoire coûte
moins cher, avant, pendant et après l'intervention. De plus, elle occasionne des arrêts maladie plus courts
que la chirurgie traditionnelle. Les praticiens de la chirurgie ambulatoire savent que si le patient est jugé
"home readiness", apte à rentrer dans son lieu de vie habituel, c'est qu'il n'y a rien à lui faire "en ville". En
cas d'incident ou de suite opératoire nécessitant des soins, c'est bien sûr dans la structure qui l'a pris en
charge qu'il faut qu'il revienne ou dans une structure ayant passé convention avec cette dernière. Constatons pourtant que beaucoup, dans nos Tutelles, continuent à penser que la chirurgie ambulatoire doit se
fonder sur un développement des soins en ville et sur une coopération ville-hôpital renforcée… Au total,
retenons qu'avec ces études, qu'elles soient conçues pour freiner le développement de l'innovation organisationnelle que constitue la chirurgie ambulatoire ou pour répondre à ses détracteurs, on a un savoir faire
(47)
(48)
Le HCAAM prend pourtant une position générale claire : "La participation libre et active du malade à son « parcours » doit
être, chaque fois que possible, encouragée.
La place du malade comme acteur premier de toutes les décisions qui touchent à sa santé relève d’abord d’un impératif éthique.
Mais le HCAAM rappelle que l’implication active du malade est également un enjeu de qualité dans la prise en charge de son
« parcours » de soins."
Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie - Avenir de l’assurance maladie : les options du HCAAM - Avis adopté à
l’unanimité lors de la séance du 22 mars 2012 - p. 19
CNAMTS, CCMSA, CANAM - Dépenses de l'assurance maladie : étude comparative entre les prises en charge ambulatoire
et hospitalisation complète en 2001 - Programme National Inter-Régimes, Paris, octobre 2003
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précieux pour recueillir et évaluer de façon rigoureuse toutes les dépenses afférentes à un épisode de soins.
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- VI Les objectifs multiples et complémentaires
d'un système d'allocation de ressources
Quels sont les buts d'un bon système d'allocation de ressources au sein d'un système hospitalier ? Il doit
tout à la fois :
-
s'appliquer à un produit clairement défini, aux contours clairs, facilement distinguable
-
rémunérer correctement les acteurs et/ou leurs structures afin qu'ils puissent développer leurs activités
-
susciter l'émulation entre acteurs afin d'accroître l'efficience et de maximiser le rapport coût-efficacité
des prestations fournies
-
maximiser les résultats médicaux obtenus
-
faciliter l'accessibilité de tous à des soins homogènes en termes de qualité
-
concrétiser la mise en œuvre effective des principes de solidarité qui président au système
-
permettre satisfaction et autonomie du patient
-
développer la qualité de vie au travail et permettre l'indépendance (au sens déontologique) du médecin
et des professionnels de santé
-
disposer d'un suivi détaillé des flux financiers en relation avec les données de santé et l'identité des acteurs
-
disposer d'un système de suivi régulier afin de pouvoir être régulé
-
susciter le moins possible d'effets pervers, rendre ceux-ci repérables et contrôlables
-
permettre de vérifier l'équité des allocations et des conditions de la concurrence entre acteurs
-
permettre la diffusion rapide et évaluée des inventions et des innovations
-
rendre accessibles et compréhensibles par tous les choix et arbitrages dont ce système d'allocation résulte
-
être simple à comprendre, avoir suffisamment de lisibilité et de stabilité pour permettre aux acteurs de
bâtir leurs stratégies et d'adapter leurs actions
Vaste programme ! Sans oublier que la cohérence du tout ne peut être assurée si on ne dispose pas d'un
système d'information adapté, accessible et performant.(49) Sans oublier non plus le vaste et indispensable
chantier consistant à accroître, à simplifier et à faciliter considérablement la "fongibilité " des enveloppes !
Vouloir réformer le système d'allocation de ressources suppose qu'on veuille améliorer telle ou telle de ces
fonctions ou en rajouter. C'est le cas pour le paiement au parcours de soins ou à l'épisode de soins. Il faut
alors que les objectifs retenus ainsi que leurs critères d'évaluation soient bien définis. Dans le cas du parcours de soins l'objectif est aussi d'améliorer la fluidité du parcours du patient, donc de mieux gérer les
flux, les interfaces, la transmission entre acteurs et de simplifier leurs relations tant médicales qu'administratives ou financières. La dimension qualitative prend aussi plus d'importance dans la mesure où les allocations de ressources seront peu ou prou liées au respect de protocoles. Voilà donc autant d'objectifs complémentaires.
(49)
Dans son rapport annuel 2006 (p. 131), le HCAAM indiquait que le parcours de soins coordonnés "trouverait tout son sens"
avec le DMP, en ce qu’ils sont tous deux des outils d’une meilleure coordination des soins au service des malades.
Nous avons évoqué plus haut l'importance du chaînage des séjours hospitaliers. L'expérience acquise sur un dossier vieux de
20 ans permettra, il faut l'espérer, d'aller maintenant plus vite. En effet, comme le souligne le HCAAM, "… on ne peut pas appréhender de manière globale les « parcours » de soins sans disposer des outils statistiques capables d’en donner le reflet.
Pour cela, il faut pouvoir rattacher à une même personne, et suivre dans le temps, l’ensemble des paiements qu’elle a effectués, des prestations qui lui ont été délivrées et des remboursements qu’elle a reçus. Il faut également être en mesure de rapprocher toutes ces données des informations cliniques et sociales recueillies dans le cadre de la prise en charge soignante.
Or il n’existe pas encore de base de données permettant de connaître ce que représentent globalement, pour une même personne, les dépenses et les remboursements de soins de ville, de soins en établissement de santé et médico-sociaux et d’aide sociale à l’autonomie, ni de les rapprocher des éléments cliniques de la prise en charge soignante. Il n’est pas davantage possible de connaître et de suivre les dépenses de santé et leurs remboursements, non pas seulement pour chaque individu, mais
également par ménages."
HCAAM - Avis adopté 22 mars 2012 déjà cité, p. 24
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"Réformer" le système d'allocation d'un système de santé est donc une tâche aussi ardue que délicate. Tout
au long du processus de mise au point, chacun de ces items devra faire l'objet d'une évaluation. Si on veut
que la tarification au parcours porte ses fruits, il faut la concevoir non comme un additif aux systèmes d'allocation existants, une sorte de prime à la coordination, mais bien comme un système nouveau qui se substitue aux anciens systèmes et simplifie l'ensemble, lui donne sens. En cancérologie l'éventuel passage à
une tarification au séjour sera aussi complexe qu'ailleurs. Cette complexité, au sens de mise en cohérence
de plusieurs logiques d'acteurs, est certaine. Elle ne justifie pas l'immobilisme(50). Au contraire, il faut, pour
progresser, un dispositif qui soit capable de la prendre en charge.
(50)
"Il y a donc nécessité d’inventer des tarifications incitant à un travail soignant plus transversal entre l’hôpital, les soins de
ville et le médico-social, appuyé sur des formes d’exercice pluri-appartenantes et pluri-professionnelles.
C’est un chantier difficile et inédit, même si certaines innovations récentes de rémunérations « autres qu’à l’acte », encore limitées aux seuls soins de ville, s’inscrivent déjà dans cette direction.
Au total, et surtout si l’on y ajoute l’extrême complexité - parfois l’absence d’équité - du système de participation des assurés
à l’hôpital, les règles de remboursement, pourtant globalement généreuses, n’évitent pas certaines situations critiques.
Le HCAAM estime qu’il s’agit là d’un travail prioritaire."
HCAAM - Avis adopté 22 mars 2012 déjà cité, p. 17-18
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- VII Comment mettre en place un tel projet ?
L'expérience prouve, qu'en France, que pour une vraie réforme de cette ampleur et de cette complexité, il
faudra probablement au moins 20 ans. Complexité et durée probable ne doivent pourtant pas être un obstacle pour entreprendre avec diligence. Au contraire. Si le chantier n'est pas ouvert tout de suite, les perspectives seront encore plus longues. Elles peuvent aussi être plus courtes s’il y a conjonction d'une volonté
politique suffisamment longue et d'un dispositif opérationnel adéquat pour passer aux actes. Là encore
l'expérience de la T2A est pleine d'enseignements.
Sommes-nous en l'an 1983 de l'allocation de ressources au parcours ? Malgré de nombreux travaux et
d'aussi nombreuses expérimentations, il faudra alors attendre l'an 2034 pour un début de réalisation concrète. Rappelons que la volonté des initiateurs du PMSI et du directeur de la Direction des Hôpitaux de
l'époque, Jean de Kervasdoué, en particulier, était de passer à la facturation à la pathologie dès 1984. Rappelons aussi que, lors de la création de la Mission T2A, ses responsables, à leur arrivée en 2002, n'ont
trouvé pratiquement aucun dossier permettant de passer à la réalisation concrète du système d'allocation.
Les études, les rapports, les bilans d'expérimentation peuvent très bien déboucher sur autre chose que la
définition des voies et moyens pour passer à la réalisation concrète sur le terrain ! La Mission T2A dut en
conséquence repartir pratiquement à zéro en termes d'organisation concrète du système.
Sommes-nous en l'an 2002 de l'allocation de ressources au parcours ? Les premières réalisations concrètes,
sous condition d'un travail tout aussi intensif mais tourné prioritairement sur l'impératif de déboucher concrètement seraient alors pour 2015 et le plein essor pour 2016.
Nous ne sommes néanmoins pas dans le cas de la T2A. Plusieurs pays sont passés à la T2A en un an : il
suffisait pour cela d'adapter un outil existant. Ce n'est pas le cas avec le paiement au parcours. Il faut créer.
Il reste que volonté politique, choix des personnalités en charge du dossier et d'un dispositif adéquat sont
primordiaux. Avec un vrai pilote, un vrai dispositif et une volonté politique claire, le chantier, malgré sa
complexité, pourrait aller beaucoup plus vite qu'on ne le pense généralement.
Il faut donc :
-
une équipe projet, qui ne se consacre qu'à ce projet ;
-
un "patron" de bon niveau, ayant le sens de l'opérationnel et des réalisations concrètes ;
-
compte tenu de la multiplicité des interlocuteurs et de la puissance des institutions (services de l'Etat,
Sécurité Sociale, Agences, services sociaux, collectivités locales…) il faut que l'équipe projet soit de
type "mission ministérielle" ou "mission interministérielle" et qu'elle rende compte directement aux
Ministres concernés ;
-
un calendrier impératif qui montre une volonté d'aboutir. Ce calendrier comprendrait au départ au
moins trois étapes. Une première étape, très rapide, consisterait à faire l'état des lieux, des positions des
acteurs, des réalisations et des propositions internationales et la liste des arbitrages requis. La seconde
étape serait celle de l'élaboration d'une ou de quelques solutions organisationnelles alternatives avec
proposition d'expérimentation(s) précise(s) et financée(s). La troisième étape serait celle de la mise en
place officielle d'un ou de nouveaux modes d'allocation de ressources ;
-
au sein de cette équipe projet il faudrait un responsable pour chaque sous-projet (personnes âgées, maladies chroniques, cancer…).
Le choix des personnes est un facteur clé. Il faut au "Patron" une personnalité forte, capable de convaincre
les responsables politiques sans être uniquement politique, capable de trancher dans l'épaisseur de problèmes techniques, sans être uniquement technicien, ayant le goût de l'opérationnel, dotée d'un solide sens du
service public, convaincue que sur un dossier pareil il n'y a rien à perdre, rien à gagner en termes de carrière, mais que l'enjeu justifie un investissement personnel fort.
Faut-il que le patron de l'équipe soit considéré comme un spécialiste ? Cela n'est pas une obligation, l'expérience prouve que les chantiers de réforme progressent plus vite avec des personnalités qui ne sont pas
du sérail, pourvu qu'elles soient pourvues d'un solide sens du service public et une volonté farouche
d'aboutir à des réalisations concrètes. Cela est vrai aussi pour les sous-projets et, en particulier, pour la
cancérologie. Un cancérologue n'est pas a priori mieux placé pour mener à bien ce type de projet. Dans un
monde où les lobbies sont extrêmement puissants, quelqu'un qui n'est pas du sérail sera moins suspect de
manquement à l'équité entre acteurs et aura plus facilement le recul nécessaire pour accomplir sa mission
avec objectivité. Faut-il une personnalité de premier plan ? Pas forcément non plus, le soutien politique
dont elle bénéficiera est beaucoup plus important.
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Par contre, rien ne pourra se faire sans la maîtrise des systèmes d'information et une parfaite connaissance
des systèmes de rémunération et d'allocation de ressources. Sur ces sujets, la "mission" devra être dotée de
bons spécialistes de l'utilisation de ces bases et de ces systèmes.
Il faut bien noter le pouvoir très fortement restructurant d'une pareille réforme. On a là une difficulté majeure. Jusqu'à aujourd’hui le mot "coopération" a été instrumentalisé au Ministère de la santé pour servir
de succédané à une restructuration qu'on ne veut pas ou qu'on ne peut pas faire dans le secteur public. Le
paiement au parcours ne pourra pas ne pas être profondément restructurant. Politiquement il faut donc que
nos responsables politiques en soient bien conscients. Un système d'allocation de ressources au parcours
ne pourra pas ne pas avoir d'effet restructurant sur l'ensemble des acteurs. Or on sait la difficulté des politiques comme de tout système administré à "restructurer". Il y a là un point majeur. Les enjeux en termes de
qualité et d'efficience du système sont-ils suffisamment forts, suffisamment nécessaires pour répondre à la
crise majeure que vit notre pays et aux exigences de sa population pour prendre un tel "risque" ? Sans
doute en théorie. Il reste que ce choix est éminemment politique, qu'il est aussi difficile que risqué ou, diront certains, nécessaire. Il ne peut s'agir d'une posture, ou d'un effet de discours. Sinon l'investissement
sera long et coûteux, mais il ne débouchera pas et les effets pervers se multiplieront.
La volonté politique d'aboutir se mesurera à la capacité de tenir bon sur la question des restructurations et
à protéger l'équipe projet. Celle-ci n'a pas pour objet de restructurer. Elle a pour mission de mettre au point
un système d'allocation de ressources qui, de fait, est restructurant. Joindre ou laisser joindre les deux
questions mettrait forcément en péril le projet.
Certains assimilent le parcours à la "filière". Mais la filière est en fait aujourd'hui une captation commerciale du patient qu'on ne recède plus une fois qu'on lui a mis la main dessus. La déontologie n'y fait rien.
La qualité des soins ou le principe de libre choix du patient non plus. La question se posera sur les territoires qui ne sont pas dans des grandes conurbations. Le risque est alors dans la constitution de monopoles de
fait. Il faudra convaincre au plus haut niveau que le monopole est antinomique de la qualité et de l'efficience. Si le parcours est organisé et financé auprès de structures qui s'en chargent, quel que soit leur statut
d'origine ou dominant, il faudra veiller à ce que, nulle part, il n'y ait de monopole de fait.
En termes de restructuration toujours, le SSR est probablement un des enjeux. Ceci explique la frilosité
pour ne pas dire l'opposition de ce secteur sur la démarche. Tous les concepteurs d'un système d'allocation
de ressources au parcours le disent : un des buts est d'accroître l'efficience du système. En France il n'y a
plus guère de marge dans le secteur du MCO. Les regards se tournent donc vers le SRR qui, à bien des
points de vue, est une spécificité française. Les responsables du secteur SSR s'inquiètent donc. Il est vrai
qu'ils sont au cœur du sujet. Certains veulent être les chefs d'orchestre du "parcours". Cela ferait grincer
les dents de ceux qui pensent que, par nature, le MCO serait plus noble… Mais, au fond, pourquoi pas ?
Peu importe en fait. Ce qu'il faut c'est un chef d'orchestre. A la limite, peu importe son origine pourvu qu'il
ait les capacités de sa fonction. Et cela pose de nouveau la question de la structure, du type de structures et
d'organisations capables de mettre en œuvre un tel projet. Il demeure pourtant une fragilité du côté des responsables du secteur des SSR et elle devra être prise en compte.
Comment concevoir des organisations cohérentes découlant du choix de payer au parcours ? Il y a plusieurs solutions possibles. Par exemple :
-
il y a celle du gate keeper à l'anglaise. Cette solution n'est pas dans la tradition française. De plus les
généralistes n'y sont pas formés et ils n'ont pas les infrastructures nécessaires. Cette solution sera donc
difficile à mettre en place en France. Une analyse de fond en termes d'avantages - inconvénients - conditions de faisabilité devra pourtant être menée.
-
il y a la société de services, la "plate-forme de services". Soit elle organise le parcours du patient sur la
base de contrats qu'elle a négociés avec les différents intervenants. Soit elle le fait par délégation de tâches à ses adhérents. Dans les deux cas, il faut alors une société organisatrice du parcours qui reçoit les
financements et les redistribue aux acteurs. Dans les deux cas il faut un droit adapté. Dans le premier
cas il découlera du droit de la sous-traitance. Dans le second il découlera du droit coopératif.(51) Dans
les deux cas le chantier juridique est important. Il faudra soit adapter le droit soit créer du droit. Il faut
donc que l'équipe projet soit dotée de bons juristes, et, qui plus est, de juristes désireux et capables de
proposer des modifications juridiques ou des créations juridiques, ce qui est rare, les juristes préférant
en général interpréter le droit. Des sociétés de service de ce type devront-elles avoir la qualification
d'établissements de santé ? Probablement oui. Mais cela vaut examen, et on sait la DGOS très rétive à
la reconnaissance de nouveaux établissements de santé… Là aussi, il faudra, autant que faire se peut,
faire simple…
(51)
Détermination de l’activité de l’entreprise par l’activité des membres, capital bien de main morte, propriété durablement collective des résultats réinvestis, redistribution des résultats après constitution des réserves, rémunération selon les apports en
activité de chacun, détermination de l'apport en activité fait en Assemblée générale, démocratie des hommes ou des structures
mais pas du capital…
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il y a la société intégrée. Une structure nouvelle à caractère juridique d'établissement de santé et dont
les statuts pourront varier. Il y a matière à de vraies options stratégiques. C'est la solution que préféreront les établissements publics, mais c'est aussi la plus difficile pour eux car il faudra qu'ils intègrent
des partenaires de tous les secteurs d'intervention. Le privé aura la tâche plus facile et il peut saisir
l'opportunité de cette mutation pour sortir le MCO de ses impasses actuelles. La question pour les Tutelles sera de distinguer parmi les apporteurs de capitaux ceux qui seront d'origine spéculative des apporteurs de capitaux "métier". Les premiers verront là une bonne occasion de "créer de la valeur" pour
mieux et plus vite la revendre. Les seconds y verront une option stratégique pouvant pérenniser leur
activité dans le secteur. La France n'échappera pas au débat sur des structures du type HMO. La puissance de la Mutualité poussera à des organisations intégrées des systèmes de couverture et des organisations productrices de soins. Le débat actuel sur ses réseaux en est une illustration. Il y a là matière à
arbitrages important. D'un côté les conflits d'intérêts et la puissance des assurances et des mutuelles ;
de l'autre, une claire séparation des rôles. D'un côté, la confirmation de principes ayant présidé à la
création de notre système de soins ; de l'autre une réorientation vers un système dépendant plus des assurances, plus coûteux, mais qui dégage en partie l'Etat de ses responsabilités…
Dans tous les cas, aussi, la question du devenir des réseaux se pose. Quelle évolution ? Vers quel type de
société ? Avec ou sans accompagnement ? Ont-ils encore un rôle sur un territoire où une offre de "parcours" est reconnue et rémunérée ?
Dans tous les cas, sur le choix des montages possibles, le dossier juridique est épais. Il faudra éviter les
conflits d'intérêts. L'équipe projet devra être facilitatrice en collant à la réalité et en proposant des solutions juridiques et assurantielles (responsabilité civile) adaptées. En aucun cas elle ne devra prendre en
charge tel ou tel dossier, tel ou tel montage, tel ou tel conflit local. Les services de la DGOS devront les
assumer, y compris dans leur dimension politique. L'équipe projet est là pour régler les problèmes techniques de mise en place, pour procéder aux arbitrages nécessaires, pour dégager et obtenir ceux des arbitrages qui devront remonter à la décision politique, pas pour réguler les conflits locaux ou favoriser tel ou tel
montage. Ces derniers sont du ressort des acteurs locaux, de la DGOS ou des ARS.
Quelles sont les spécificités du cancer et de la cancérologie ?
On l'a vu, on ne peut traiter d'une allocation de ressources au parcours patient en cancérologie sans se mettre dans le cadre du projet plus large et qui part non du cancer mais des personnes âgées et des maladies
chroniques. Le sujet du cancer tout seul ne pourrait, par lui-même, justifier une pareille réforme. Par contre la cancérologie peut, sans aucun doute, compléter et consolider la perspective d'une telle réforme. De la
même façon, le cancer ne peut véritablement consolider cette réforme que si les circuits, les montages, les
arbitrages qui lui sont nécessaires, qui doivent répondre à sa spécificité, sont pris en compte. Dans les
DRG la perspective était de créer des groupes de produits iso-ressources. Il n'était donc pas indispensable
d'individualiser des couples GHM-GHS spécifiques. Il n'en est pas de même pour l'allocation de ressources au parcours. Il s'agit là de payer non seulement ce que recouvrent les GHM-GHS, mais aussi des flux
spécifiques, des gestions et des organisations de flux spécifiques. Ils sont spécifiques à la cancérologie et à
ses patients. Il faudra donc des réponses et des arbitrages adaptés. Au risque d'être limitatif, citons la question des frontières. Où commence et où finit le "parcours" ? Quelle est sa durée ? Quelles sont les activités
qu'il faut y intégrer ? Faut-il commencer par payer plusieurs épisodes - chirurgie, oncologie médicale, radiothérapie - en les articulant, en les intégrant dès le début ? Qu'est ce qui doit être payé "en sus" ? Les
molécules onéreuses ? Autre chose encore ? Comment, sur quels critères, selon quelles procédures et par
qui sera prise la décision d'inclure un patient au "parcours" ou pas ? Si l'insertion, la rémunération au parcours procure un surcroît de qualité à la prestation, comment faire pour ne pas en priver ceux qui n’y seront pas intégrés ? Compte tenu de l'intensité capitalistique des structures de soins (chirurgie, radiothérapie) comment échapper à la création de monopoles sur telle ou telle région ? Comment garantir un minimum de liberté de choix au patient ? Comment se pose la question du régime des autorisations ? Ces questions sont posées parmi d'autres, à titre illustratif. Leur énoncé suffit pourtant à prouver qu'il faudra prendre en charge les spécificités du cancer et qu'il faudra probablement, là aussi, proposer plusieurs modèles,
sans doute en expérimenter quelques-uns, prévoir une progressivité ?…
D'un point de vue institutionnel la cancérologie a aussi ses spécificités. Retenons-en deux qui valent choix
et arbitrages :
- la première est générale, mais elle n'a pas été sans conséquences sur les premiers Plans Cancer. On
connaît la difficulté et la mauvaise volonté qui rend le travail commun et partenarial très rare entre les
services du Ministère et les organismes de Sécurité Sociale. En cancérologie cela s'est traduit dans les
faits par l'exclusion des médecins libéraux des Plans Cancer pour toutes les mesures qui leur étaient
spécifiques. Il faudra que l'équipe projet ait les pouvoirs ou les appuis nécessaires pour obtenir un minimum de partenariat dans la mise au point de la réforme et un engagement fort dans sa mise en place.
La loi, ici, devrait y aider.
- la seconde tient au fait que la cancérologie est très structurée et bénéficie en plus d'une Agence d'Etat
spécifique. La question du rôle respectif de ces institutions se pose donc.
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L'INCa voudra-t-il, pourra-t-il avoir la neutralité nécessaire pour se voir déléguer telle ou telle partie
du dossier ? Pourra-t-il prendre délibérément une approche "patients" plus que "structures" ? Faut-il,
par souci d'unité, tout laisser au sein de l'équipe projet ? Faut-il déléguer à l'INCa une partie du dossier
ou l'associer comme organisme compétent pourvoyeur d'informations et d'études spécifiques ?
Faut-il fédérer les professionnels en instituant le CNC comme autre partenaire privilégié ? Faut-il distinguer selon qu'on est sur des problématiques parcours ou des problématiques plutôt "épisode" et,
dans ce cas, instituer des binômes société(s) savante(s) concernée(s) / CNC ?
Les réseaux de santé qui se consacrent à la cancérologie et aux soins palliatifs ainsi que les réseaux régionaux de cancérologie doivent avoir leur place dans la réflexion et leur expérience la nourrira. Leurs
organisations représentatives(52) devront donc être associées dès le départ au dispositif mis en place.
La question du partage des ressources est une question centrale.
Elle ne pose pas trop de problèmes dans le secteur public, ou avec des médecins salariés. Elle en pose avec
les médecins d'exercice libéral. Le passage à l'allocation de ressources au parcours de soins n'oblige pas à
un paiement unique forfaitaire redistribué ensuite y compris sous forme d'honoraires. Le choix avait été
fait ainsi, beaucoup le regrettent, lors de la mise en place de la T2A. Mais la complexité inhérente à la
multiplicité des acteurs et des organisations fédérées par le paiement forfaitaire au séjour milite fortement
en faveur de la présence des honoraires sur la facture globale. Quand on dit cela, on dit forcément aussi
que c'est l'organisation, la société qui reçoit ce forfait qui le redistribue. On aura donc deux cas de figures.
Soit cette redistribution se fait à l'euro l'euro selon la NGAP. Il faut alors prendre les mesures juridiques le
permettant. Elles sont indispensables ne serait-ce que pour rassurer les médecins concernés et éviter la requalification de leurs honoraires en salaires par l'URSSAF. Mais certains libéraux voudront aller plus loin
et, retrouvant le goût de l'entreprenariat, voudront peu ou prou participer au montage capitalistique de ce
qu'ils considéreront comme "leur" entreprise. Il s'agit de ceux qui pensent qu'un minimum de contrôle de
leur outil de travail est nécessaire pour garantir la qualité de leur exercice et des soins qu'ils prodiguent. Le
risque, ici, est celui de la requalification sous forme de partage d'honoraires. La solution, une fois de plus,
est à trouver du côté du droit coopératif(53). Là encore un travail de création et d'adaptation du droit est indispensable. Dans tous les cas, quelles que soient les solutions adoptées, il faut qu'elles soient multiples,
elles renouvelleront considérablement le paysage, mais elles peuvent aussi redonner à notre système de
santé un dynamisme et des perspectives dont il a fortement besoin.
La question de l'international.
C'est un drame pour l'Europe, c'est un drame pour notre pays que nous n'ayons pas su, pas voulu, prendre
les décisions et les mesures nécessaires pour que les systèmes de type PMSI ou "DRG" soient consolidables, comparables, agrégeables entre nos différents pays. Il est donc impératif de ne pas commettre les mêmes erreurs. Le contexte est certes différent. Il ne s'agit pas d'appliquer ou d'adapter des systèmes préexistants. Il s'agit de créer. Il n’empêche, il ne faudra pas se priver des concertations internationales indispensables. L'expérience acquise, les recherches entreprises dans tous les pays développés comparables devront nourrir les travaux. Des initiatives sont à prendre du côté de l'Europe, soit de façon bilatérale répétée, soit au niveau Européen lui-même, dans le cadre contraignant qui s'impose en matière de santé. Le sujet est intéressant pour l'Europe et cette dernière a financé nombre de projets de moindre importance mais
qui vont dans le même sens, en particulier ceux touchant aux indicateurs et à la santé publique. Une part
de financement par l'Europe des travaux confiés à l'équipe projet non seulement aurait du sens, mais nous
aiderait à établir là aussi des opérations fécondes pour l'avenir de ses systèmes de santé nationaux.
(52)
(53)
Pour ce qui est des réseaux régionaux, citons plus particulièrement l'ACORESCA - Association des coordonnateurs de réseaux de cancérologie - et la Conférence des présidents et des coordonnateurs des RRC
Rappelons que ce droit intéresse aussi le secteur public pour lequel il peut être une voie d'évolution, qu'il permet la présence
de patients que, récemment, il a permis la rentrée des collectivités locales au capital… Bref les exigences de nos métiers
comme de l'évolution de notre secteur font qu'il devra trouver sa place et que continuer à s'en priver nuirait gravement au développement des coopérations qui nous sont nécessaires. Notre spécificité est qu'il faut articuler dans des sociétés de production des producteurs indépendants, qui devront le rester et qui sont des personnalités juridiques et de statuts différents. Il nous
faut donc un droit souple, adapté et adaptable. Le droit coopératif nous est de ce point de vue indispensable. Le mot fait peur.
La réalité l'impose. L'Europe, qui le promeut, nous rappelle, si besoin était, qu'il est le seul droit qu'elle admet et qu'elle promeut dans le cadre de "coopérations" qu'elle veut non attentatoires au droit de la concurrence et à l'interdiction des "ententes".
Le paiement au parcours en fera un outil incontournable. Il faudra donc que l'équipe projet se dote des compétences requises
sur ce terrain encore vierge au Ministère de la santé.