La légende du chien noir
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La légende du chien noir
La légende du chien noir Une profonde vallée, creusée par l’Ourthe, s’étend entre Grandhan et Petit-Han, distants l’un de l’autre de 2 km. Au 15ème siècle, Guillaume du Marteau originaire de Laneuville sous Huy, vint établir sur la rive gauche de la rivière une forge et fonder le hameau qui porte son nom : Le Marteau. Il fit élever une digue pour retenir les eaux de la vallée et se ménager un vaste étang entre les deux villages mentionnés. Il avait ainsi une réserve d’eau pour alimenter sa force motrice aux époques de grande sécheresse. Cette vallée s’appelle encore aujourd’hui le vivier Guillaume, ou plus brièvement li vèvî Guem. L’endroit n’est pas trop rassurant, surtout la nuit. D’épaisses haies bordent le chemin encaissé au fond de la vallée environnée de collines qui coupent tout l’horizon. Bref, lieu sauvage, solitaire, propice aux revenants, aux êtres malfaisants. L’imagination populaire, par un reste encore vivant de superstition, créa au 19ème siècle la légende du chien noir du vèvî Guem. Si jamais vous aviez la malencontreuse idée de passer par là, sur le coup de minuit, vous connaîtriez par expérience cet être fantastique. Vous vous trouveriez tout à coup en présence d’un énorme dogue, au poil noir comme l’ébène, aux yeux flamboyants et courroucés, s’apprêtant, avec un rugissement de lion, à se lancer sur vous et vous dévorer chair et os. Beaucoup d’indigènes l’ont vu et n’ont dû leur salut qu’à une fuite précipitée à travers les broussailles. Le soir, à la « sise », avant que les enfants ne soient couchés, ceux-là qui l’ont vu, racontent avec un tremblement dans la voix et un frémissement de tout leur être les diverses péripéties de leur aventure et la prudente stratégie dont ils durent user pour échapper au monstre. Ainsi il n’est pas rare de voir certains braves se signer en plein jour à cet endroit mal famé. Et le peuple de conclure : la nuit est faste pour se reposer et non pour courir, par monts et par vaux, à sa perte. Gustave DE BRY Cette légende, publiée dans le Bulletin de l’Institut archéologique du Luxembourg n° 2 de 1926, est de l’abbé Gustave De Bry, qui était alors curé de Petit-Han. Il s’agit bien entendu d’un récit imaginaire exploitant le thème assez répandu du chien fantastique, mais son auteur a également pris quelque liberté avec l’histoire et la topographie pour que ces éléments cadrent mieux avec la légende. Ainsi, Guillaume du Marteau a vécu aux 16ème et 17ème siècles (grande époque de la métallurgie en Terre de Durbuy). Il était aubergiste, marqueur des bois et devint mayeur de Durbuy en 1613. S’il fonda une forge à l’endroit appelé Le Marteau (ou Lamorteau, par déformation ?) et habita la Ferme du Marteau, c’est donc sur le Ry de Somme que cet établissement métallurgique fonctionna, et non sur l’Ourthe. Le « vivier Guillaume », lui, se trouve en rive droite de l’Ourthe, entre Grandhan et Petit-Han, à une distance certaine de la Ferme et du hameau du Marteau. Cet étang ne devait donc pas avoir de rapport avec l’établissement métallurgique. Par ailleurs, entre Grandhan et Petit-Han, la vallée de l’Ourthe, qui rencontre des schistes friables, est assez large, dénuée en tout cas de « collines coupant tout horizon ». Si le lieu était hanté par des revenants, cela se saurait, et la Ville de Durbuy, surtout par les temps qui courent, aurait certainement créé un « impôt sur le revenant » ! Paru dans le trimestriel « Terre de Durbuy » n° 124 de juin 2013. L’abonnement annuel est fixé à 20 € à verser sur le compte IBAN : BE82 0682 2105 7468—BIC : GKCCBEBB de Terre de Durbuy asbl, Place Arsène Soreil 7, 6940 Wéris, avec la mention Abonnement 2015. Inventaire des anciens numéros consultable à l’adresse : http://www.weris-info.be/revue-terre-de-durbuy-inventaire.html On peut acquérir la collection complète (131 numéros) au prix de 300 €.