Commentaire historique - Archives de la Vendée

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Commentaire historique - Archives de la Vendée
Site Internet des Archives départementales de la Vendée, http://archives.vendee.fr/
Document commenté (juin 2005)
Que rapporter d’Italie au XVIIe siècle ?
Don de reliques à l’église Saint-Hilaire de Foussais
Minute notariale passée devant Maître Jean Fèvre, notaire à Fontenay-le-Comte, 24
décembre 1672
Les minutes notariales de Fontenay-le-Comte antérieures à 1700 sont en ligne sur le site des
Archives départementales de la Vendée (http://www.archinoe.net/cg85/minute.php).
L’acte présenté ici fait partie des minutes de l’année 1672 de Jean Fèvre (cote : 3 E 37 F,
vues : 371-372/378).
Commentaire
Nous sommes à Fontenay-le-Comte, à la veille de Noël de l’an 1672, dans la demeure
du sieur de Grimouard. C’est là que loge, nous dit-on, Henry Picard, sieur de La Touche,
depuis son retour d’un voyage en Italie. Plus qu’un voyage, tel qu’on peut l’entendre
aujourd’hui, il s’agit certainement, et plus précisément, d’un pèlerinage dans les sanctuaires
italiens les plus vénérés d’alors. Ceux de Rome, à coup sûr, où les pèlerins viennent prier aux
tombeaux des apôtres et des martyrs. Mais pourquoi pas aussi celui de Notre-Dame de
Lorette, dans la région des Marches où, selon la tradition, la maison de la Vierge à Nazareth,
la Santa Casa, avait été miraculeusement transportée en 1295 par des anges ?
Mais revenons à Fontenay, puisque c’est là que se passe la scène, et imaginons-la.
Dans une pièce, autour d’une table, peut-être à proximité d’un oratoire, ont pris place, sans
compter les notaires, quatre personnes : le sieur de La Touche, Pierre Simon Dreux, Jacques
Bisson et Théodore Guillot. Ces trois derniers sont des habitants de Foussais venus tout
spécialement à Fontenay.
Pierre Simon Dreux est dit prieur curé primitif. Il n’est pas inutile ici de signaler que le
prieuré Saint-Hilaire de Foussais dépendait de l’abbaye bénédictine de Bourgueil, aujourd’hui
en Indre-et-Loire. Mais il y avait sans doute bien longtemps déjà, que les moines avaient
quitté les lieux. Le prieuré n’était plus qu’un bénéfice ecclésiastique, c’est-à-dire un bien
d’Église attribué à un clerc, en l’occurrence Pierre Simon Dreux, pour qui c’était une source
de revenu. Ce dernier était également curé primitif, et donc considéré comme la personne à
qui la paroisse avait été conférée en titre, celle en tout cas qui en percevait les revenus, tels
que la dîme, sans aucune obligation spirituelle.
Jacques Bisson est, quant à lui, curé vicaire perpétuel. Le vicaire est habituellement le
remplaçant ou l’auxiliaire du curé. Mais ici ses fonctions sont celles d’un curé. Il a reçu par
délégation la charge pastorale de Saint-Hilaire de Foussais qu’il exerce seul. Ajoutons que le
titre de curé perpétuel vient de la stabilité que le concile de Trente avait voulu donner à la
charge, afin d’éviter les inconvénients de mutations trop fréquentes. De tout ceci, il faut en
conclure que le prieuré de Foussais était en réalité une église paroissiale, sous la dénomination
assez fréquente de « prieuré-cure », à ne pas confondre avec les « prieurés réguliers » devenus
bien rares, où résidaient des moines.
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Site Internet des Archives départementales de la Vendée, http://archives.vendee.fr/
Document commenté (juin 2005)
Enfin Théodore Guillot, sergent royal de son métier, est un laïc dont la présence est
due à deux autres qualités. Il est en effet désigné comme syndic et fabriqueur. Ainsi était-il à
la fois membre élu de l’assemblée des habitants et de celle de la paroisse. La première
assemblée administrait, sous le contrôle du seigneur, les affaires de la communauté des
habitants (sur les cultures, la pâture des troupeaux, éventuellement l’école…), la seconde,
aussi appelée conseil de fabrique, gérait les biens et les revenus de la paroisse. On peut donc
dire que nous avons là en présence le clergé de Foussais et un représentant des paroissiens en
la personne du fabriqueur.
Mais quel est l’objet de leur visite ? Pour le savoir, le mieux est de suivre leurs regards
qui se portaient sur le centre de la table. Là trônait un reliquaire. On le découvre avec eux :
« une boeste couverte et doublée de taffetas cramoisy, liée en croix d’un ruban feuille morte,
scellée du seau dudit seigneur vice gérant sur les neüds de ladite croix dessus et dessous ».
Voilà pour l’extérieur. Et à l’intérieur ? On y conserve les reliques de deux martyrs : saint
Benoît et saint Candide. Mais que de saints martyrs ont pu porter le même nom, me direzvous ! Dans ces conditions, il est bien difficile de les identifier précisément, et plus encore
d’en raconter l’histoire, d’ailleurs l’acte notarié n’en dit rien de plus. On peut toutefois
fortement penser qu’il s’agit de martyrs de Rome ayant vécu aux premiers temps du
christianisme.
C’est le sieur de La Touche qui a ramené d’Italie ces reliques que le vice gérant,
vicaire pontifical, lui a délivrées au nom du pape Clément X. De retour en Bas-Poitou, il les a
présentées à l’évêque de La Rochelle dont relevait Fontenay-le-Comte. Mgr Laval de BoisDauphin a alors procédé à l’ouverture du reliquaire, puis en a dressé le procès-verbal. Le
Saint-Siège avait effectivement confié à la surveillance des évêques le soin de régler, dans
leurs diocèses respectifs, la discipline des reliques. Pendant leurs visites pastorales, ils
s’attachaient à les examiner avec soin ainsi qu’à vérifier les dispositions prises pour leur
conservation. Mais venons-en à l’objet principal de l’acte présenté ici. Ces reliques, le sieur
de La Touche en fait don à l’église de Foussais. Quelles sont donc ses motivations ? L’acte ne
parle que de « pure bonne vollonté et gratiffication » envers ladite église. Plus loin, il est aussi
question de favoriser « la dévotion des fidelles ». Il est certain qu’un lien personnel devait
toutefois attacher le sieur de La Touche à Saint-Hilaire de Foussais.
On le sait, le culte des reliques remonte aux premiers siècles du christianisme, puis il a
connu un développement particulièrement intense au Moyen Age. Certes, au XVIIe siècle, il
n’a plus la même vigueur, mais il n’en demeure pas moins un élément, parmi d’autres, de la
pastorale et de la piété d’alors. Le don du sieur de La Touche est bien là pour nous le rappeler.
Le XVIIe siècle religieux est en grande partie issu de l’œuvre de réforme catholique définie
par le concile de Trente (1545-1563). Et celui-ci avait accordé une place importante aux saints
intercesseurs. Le culte des reliques en était la manifestation, d’où la réalisation de très
nombreux reliquaires. Certains relevaient de l’exubérance de l’art baroque, d’autres, comme
celui qui nous occupe ici, étaient plus modestes.
Pour finir pourquoi ne pas imaginer nos trois habitants de Foussais, le prieur, le vicaire
et le fabriqueur, sur le chemin du retour avec leur précieux trésor ? Et attendus, à leur arrivée,
par les paroissiens qui s’apprêtaient alors à célébrer la fête de Noël ?
Juliette Grison
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