Pissos de l`Antiquité à la fin de l`Ancien Régime

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Pissos de l`Antiquité à la fin de l`Ancien Régime
PISSOS
PRÉHISTOIRE ET ANTIQUITÉ
« On le sait, l'Aquitaine et la Novempopulanie sont comme la moelle de toutes les Gaules. Elles
possèdent la mamelle de toute fécondité ; et, ce qu'on aime parfois mieux encore, celle du plaisir,
de la beauté, de la volupté. Toute cette région est si merveilleusement entrelacée de vignes,
fleurie de prés, émaillée de cultures, garnie de fruits, charmée par ses bois, rafraîchie par ses
fontaines, sillonnée de fleuves ou hérissée de moissons, que les maîtres ou les détenteurs de ce sol
semblent posséder moins une portion de la terre qu'une image du paradis ».
Salvien de Marseille, moine de Lérins, né à Trèves vers 390, mort à Marseille après 484.
Pissos se niche au cœur de ce pays idyllique, dans une région qui possède une
forte identité, comme le remarquent déjà César au Ier siècle avant J.-C. et
Strabon à l’aube du premier millénaire.
Au nord du pays des Tarbelli, aux confins du pays des Vasates, s’étend le territoire du futur
bourg de Pissos.
Gallos ab Aquitanis Garumna flumen dividit. La rivière Garonne sépare les Gaulois des
Aquitains.
(César, Commentaires sur la Guerre des Gaules, Livre I, 1).
Les Aquitains diffèrent des peuples d’origine gauloise (…) par la langue qu’ils parlent et
ressemblent bien davantage aux Ibères. Ils ont pour limite le cours de la Garonne et
occupent le territoire sis entre ce fleuve et les monts Pyrénées.
(Strabon, Géographie, IV, 21)
Carte de Cassini (fin XVIIIe siècle) http://cassini.ehess.fr/cassini/fr/html/1_navigation.php
Carte de Belleyme (fin XVIIIe). Zoom sur Pissos et ses quartiers. (Photo B. Boyrie-Fénié)
Jusqu’à la loi de 1857 relative à l'assainissement et de mise en culture des
Landes de Gascogne, les paysages entourant le bourg de Pissos ne changent pas
fondamentalement ; la carte de Cassini rend bien compte du contexte naturel qui
a servi de cadre aux premières paroisses implantées, dès l’Antiquité, dans le
bassin de l’Eyre. Aux vastes interfluves marécageux, domaine de la lande,
s’opposent des vallons boisés en tête desquels s’installent les premières
agglomérations.
Cadastre napoléonien en ligne
http://archivesenligne.landes.org/arkotheque/consult_fonds/fonds_seriel_resu_rech.php?ref_f
onds=1
Plus d’info sur la Préhistoire et l’Antiquité
Aux temps géologiques, les variations du niveau océanique permettent la
formation du vaste plateau landais, essentiellement composé de dépôts éoliens
sablonneux.
http://www.cap-sciences.net/aquitaine_sortie_des_eaux/default.html
Aux temps historiques, les nombreuses rivières qui le drainent, charrient les
sables vers la côte alors très échancrée. Les courants et les marées les rabattent
vers les terres et les vents d’ouest créent le dispositif dunaire. Ces accumulations
font obstacle à l’écoulement des cours d’eau : ainsi se forment peu à peu les
étangs littoraux au bord desquels se fixent, dès le premier millénaire avant J.-C.,
de petits centres, comme Losa (Sanguinet), animés notamment par la production
de poix, reliés entre eux par une route reprise par l’administration romaine.
http://tessonnades.blogspot.fr/2014_03_01_archive.html
La voie romaine Bordeaux-Dax, vue par photographie à infrarouge, au nord de Sanguinet.
(Photo Centre de Recherches et d’Etudes Scientifiques de Sanguinet).
Les premières communautés
Dans l’arrière-pays mal drainé, à la même époque, de petites communautés
s’organisent le long des cours d’eau ou en tête de vallon, préfigurant le réseau
paroissial qui se met en place au Moyen Âge. Mais, de la genèse de cette
structure, on n’a, hélas, que peu de traces en raison de l’indigence des
documents avant le XIIIe siècle. On sait cependant, grâce à la toponymie et à de
récentes découvertes archéologiques, que le bassin de l’Eyre est occupé à haute
époque ; en témoigne, par exemple, la nécropole de l’âge du Fer mise au jour à
Biganon en 1986.
Une urne funéraire de l’âge du Fer (800 avant J.-C.), pourvue de son couvercle, trouvée dans la
vallée de l’Eyre, en Gironde. (Photo D.R.)
Mais, à Pissos même, aucune trace tangible ne permet à ce jour d’affirmer que
l’origine du peuplement remonte à une strate antérieure au Moyen Âge, malgré
une légende tenace qui rapporte qu’un village ancien aurait existé, dans des
temps très reculés, entre le bourg et Liposthey.
Certains, en assez grand nombre, prétendent que le centre de
l’agglomération, le bourg, était situé entre Liposthey et le bourg actuel en
un lieu appelé encore aujourd’hui Citran. Cette opinion est fondée sur une
soi-disant tradition, sur des fouilles qui y ont été faites, et des ruines qu’on
y voit encore.
Quelques notes pour servir à la monographie de la paroisse de Pissos, 1888.
De fait, on a exhumé, en 1851, sur cette Lande de Citran, un aureus de Trajan
venant compléter un petit trésor monétaire trouvé au même endroit quelques
années plus tôt, composé de 8 pièces en or, « des médailles romaines du HautEmpire » (Ier-IIe siècles) ; une découverte intéressante quand on sait que le lieu
semble encore habité au XVIIe siècle, le premier cadastre de Pissos, daté de
1672, mentionnant que « Pierre et Jeanne Duvigneau tiennent deux maisons,
padouengs, jardin, terre, pinada, bois et lanne au tenant lieu appelé Sitran »
(ADG, C 2419).
S’il n’égale pas en importance le trésor d’Abos
(Pyrénées-Atlantiques), le petit pécule trouvé dans la lande de Citran date de la même époque.
Sans conforter ou démentir la légende, cette découverte autorise cependant à
s’interroger sur le lien entre la présence de ces monnaies et la localisation de la
station routière de Telonum portée sur l’Itinéraire d’Antonin, daté du IIIe siècle.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Itin%C3%A9raire_d%27Antonin
Le réseau routier antique réel (trait continu) et supposé (pointillés) dans les Landes (d'après J.P. Bost). En italique, les stations connues par les textes, en rouge les chefs-lieux de cités.
Si cette halte sur la grande voie romaine reliant Dax à Bordeaux se trouve bien à
hauteur de Liposthey, comme semble l’indiquer la distance en lieues la séparant
des deux grandes agglomérations, l’histoire de Pissos, liée à celle de Liposthey
jusqu’en 1860, commencerait à l’aube du premier millénaire quand l’empereur
Auguste fait ouvrir ce nouveau chemin.
L’empereurAuguste (63av. J.-C.-14 ap. J-C.)
La « voie romaine » passant à l’extrémité occidentale de la commune ne serait
cependant pas la seule trace d’occupation antique dans le secteur mais, si l’on
présume l’existence d’un « camp romain » sur la commune, on n’en a
malheureusement trouvé aucune trace à ce jour pas plus que celles du
« château » (un castrum ?) qui se serait élevé dans le quartier de Testarrouman.
Mais pour évasives que soient ces mentions, récurrentes chez les auteurs du
XIXe siècle, elles n’en sont certainement pas moins intéressantes. Les
prospections archéologiques futures pourraient donc révéler des surprises.
Un castrum, un castrum ? Oui, mais où l’établir ? Sur rive droite ou sur rive gauche de
l’Eyre ?
L’Aquitaine des « Neuf peuples » ou Novempopulanie
En 56 avant J.-C., Crassus, lieutenant de César, conquiert l’Aquitaine. Du côté
du bassin de l’Eyre, vivent, en aval, l’antique peuplade des Boiates et plus en
amont, les Vasates, voisins de la puissante tribu des Tarbelli, tous de langue
aquitanique.
En 273, les troubles qui perturbent la Gaule n’empêchent pas tous ces peuples
d’entre Garonne et Pyrénées d’envoyer à Rome une ambassade conduite par un
magistrat d’Aquae (Dax), Verus, pour demander à l’empereur de former à eux
seuls une nouvelle province bien distincte du reste de l’empire. C’est un succès.
L’inscription d’Hasparren (Pyrénées-Atlantiques) découverte dans les fondations de l'autel de
l'église en 1660. Verus remercie le génie du canton.
"Flamen item /du(u)mvir qu(a)estor/ pagiq(ue) magister/Verus ad August/um legato
mu/nere functus/
pro novem opt/inuit populis se/ iungere Gallos/ Urbe redux ge/nio pagi hanc/ dedicat
aram"
« Flamine, duumvir, questeur et magister du canton, Verus ayant accompli la mission qui lui
avait été confiée auprès de l'empereur, obtint pour les Neufs peuples qu'ils se séparent des
Gaulois ; à son retour de Rome il dédie cet autel au génie du canton »
Cette « province des Neuf Peuples », sillonnée par de belles voies rectilignes,
compte, en réalité, une douzaine de peuples. C’est l’Aquitaine primitive du sud
de la Garonne, appelée le plus souvent Novempopulanie jusqu’à sa disparition
au début du VIIe siècle.
Les principales villes et bourgs des bassins de l’Eyre et de l’Adour: Boios (Lamothe), Losa
(Sanguinet), Salomacum (Mons, dans la paroisse de Belin), Tellonum (Liposthey ?), Segosa
(Saint-Paul-en-Born), Aquae tarbellicae (Dax), Atur (Aire) et Lapurdum (Bayonne).
Du côté de Pissos, situé au nord du pays des Tarbelli, et dans tout le moyen
versant de l’Eyre, quelques communautés, qui produisent déjà dans de petits
établissements artisanaux du brai et du goudron à partir de la résine, vivent
autour de lagunes pourvoyeuses de poissons et d’anguilles. Exploitant également
le minerai de fer contenu dans la garluche (garluisha ou grès ferrugineux présent
dans le sous-sol de la Grande-Lande), tirant parti des nombreuses loupes d’argile
de ce secteur, elles préfigurent ce que sera l’occupation du sol dans un périmètre
géographique où le couvert forestier recule déjà, suite aux premiers
défrichements.
Production de brai dans l’Antiquité. Vestiges d’un four, daté du Ier siècle après J.-C., trouvé non
loin de Pissos. (Photo D. Vignaud)
Une lagune dans laquelle s’affairent de jeunes pêcheurs d’anguilles. Ces étendues d’eau jouent
un rôle primordial dans la fixation des premiers habitats. (Cliché Félix Arnaudin)
LE HAUT MOYEN ÂGE
« Peu de périodes sont aussi obscures que celle qui vit disparaître l’Empire romain en
Occident et s’édifier sur ses ruines une série de royaumes fondés sur des peuples
germaniques. Nous lui devons, avec le nom même de notre pays, quelques-uns des traits
les plus durables de sa physionomie politique…Le semis de nos villages ruraux, prenant
la place des villae gallo-romaines, et la formation de ces circonscriptions régionales si
fortement ancrées dans la conscience populaire, comme l’Alsace ou la Bourgogne,
remontent aussi, pour l’essentiel, à cette période-clé ».
Georges Duby, in L’économie rurale et la vie des campagnes dans l’Occident médiéval, Paris,
Aubier, 1962, 2 volumes.
L’histoire de Pissos et de sa région se façonne effectivement durant le haut
Moyen Âge, à l’époque mérovingienne et carolingienne, lorsque se dessinent les
contours des « pays » qui constituent notre territoire. Cernée par le pays de Born
et le Marensin à l’ouest, le Brassenx au sud, le Marsan et les Petites Landes à
l’est, pays historiques, la Grande Lande est plutôt un pays perçu.
On l’appelait Grande-Lande parce-que c’était la partie de la Lande sur laquelle les
villages s’éloignaient le plus. (Félix Arnaudin, in Grandes notes, Œuvres complètes, tome
VII)
Que semblan estar, au hons, suu bòrn de la lana, un gart de grans chancaires estacats còt e còt a la
tela deu temps. « Ils semblent être, au fond, au bord de la lande, un groupe de grands échassiers
attachés côte à côte à la toile du ciel ».(Cliché Félix Arnaudin)
« Autrefois, sur un point situé dans cette immense lande de Traouqueloungue (Pissos), disait-on,
le vide était tel qu’on pouvait pivoter sur ses talons sans rien apercevoir sur tout le pourtour de
l’horizon que la terre et le plein ciel nus ».
Plus d’info sur le haut Moyen Âge
Le duché de Gascogne
Les Vascons http://fr.wikipedia.org/wiki/Vascons sont mentionnés dès la fin du
VIe siècle. Venus du nord-ouest de la péninsule ibérique, ils sont apparentés aux
Aquitains installés de ce côté des Pyrénées depuis des temps immémoriaux et
parlent des dialectes très proches issus du proto-basque. La Grande-Lande se
retrouve sous leur domination effective jusqu’à la fin du duché de Gascogne,
créé en 602 par les Mérovingiens pour tenter de les soumettre mais qui a, en fait,
une vie quasi autonome, voire indépendante.
Les limites du duché de Gascogne (en noir) et les limites linguistiques du gascon (en rouge). Carte
Philippe Lartigue.
Le nom de Novempopulanie disparaît définitivement en 626, remplacé par celui
de Wasconia-Guasconia mais la Grande Lande fait toujours partie, de facto ou
de jure, de ce duché pendant la période mérovingienne (431-751) et demeure
ensuite, à l’occasion des différents partages de l’époque carolingienne, dans le
giron de cette Gascogne historique dont elle constitue en quelque sorte le cœur.
Les ducs de Gascogne sont souvent d’ascendance vasconne et le dernier d’entre
eux, Sanche V Guillaume, élevé à la cour de Navarre, reconnaît son oncle, le roi
de Pampelune Sanche III Garcés, dit le Grand, comme suzerain. Mais le comte
de Poitiers Guillaume VI, ou Guillaume VIII duc d’Aquitaine, s’empare de la
Vasconie citérieure ou Gascogne, en 1063, réduisant à néant la possibilité de
pérenniser une Grande Vasconie réunissant tous les pays unis par une même
culture entre Ebre et Garonne autour du royaume de Navarre.
Pierre tombale de Sanche III Garcés au musée de León.
À partir de cette époque, Basques et Gascons se retrouvent dans l’orbite du
royaume de France. Cette période du duché de Gascogne fut aussi celle durant
laquelle les Vasco-Aquitains abandonnent progressivement leur langue pour
adopter le roman gascon, langue néo latine parlée par ceux qu’on appellerait
aujourd’hui - pour faire bref - des Basques devenus Gascons. D’ailleurs, on ne
différencie Basques et Gascons qu’à partir du XIe siècle, date de la romanisation
quasi-totale de la Gascogne.
Au début du second millénaire, le territoire de Pissos appartient au duché de Vasconie
La langue
Les Aquitains ou Proto-Basques sont clairement distingués des Gaulois par les
Romains. En effet ils parlent une autre langue, ont d’autres coutumes et une
apparence physique distincte de celle des Celtes. César d’ailleurs fait, dans La
guerre des Gaules, une remarque qui ne laisse aucun doute sur le particularisme
des Aquitains : Gallos ab Aquitanis Garumna flumen dividit, « La Garonne
sépare les Aquitains des Gaulois ». De fait, ces Aquitains sont
vraisemblablement les ancêtres communs des Basques et des Gascons
d’aujourd’hui, parlant des dialectes qui semblent être à la fois le substrat du
roman gascon et l’ancêtre direct du basque ou euskara contemporain.
La langue des Aquitains régresse progressivement à partir de la conquête
romaine jusqu’au début du Moyen Âge mais il est vraisemblable que le secteur
faiblement peuplé de la Lande, dans lequel se situe Pissos, fut bilingue
roman/aquitain jusqu’au VIIème siècle.
Le processus de romanisation aboutit ensuite à la formation d’une langue
romane qui possède un fort substrat vasco-aquitain en termes de lexique, de
phonétique et parfois même de syntaxe. La trace la plus visible de cet héritage
peut s’observer dans la fréquence des noms de lieux terminés en -os (Bernos,
Caudos, Guillos, Mézos, Pissos etc.).
La langue parlée à Pissos depuis les débuts du premier millénaire est donc le
gascon, et plus précisément le gascon « noir » dont la caractéristique principale
est la propension à prononcer certaines voyelles de manière plus arrondie.
(D’après les récents travaux de Philippe Lartigue)
http://p126.phpnet.org/aurendezvousdeslangues/
Ce site, mis en ligne par Cap Sciences, à Bordeaux, présente, à travers 120 vidéos, textes et documents, les
langues parlées en Aquitaine : basque, occitan (gascon, languedocien et limousin), poitevin-saintongeais et
français. Vous y rencontrerez les plus grands spécialistes, des écrivains, des poètes, des gens de la terre qui
pérennisent cet immense patrimoine. Chaque vidéo, doublée dans une version française, permet
d’entendre la diversité de cet héritage tout en en comprenant la teneur.
Détail pratique : ouvrir la porte du café et monter à l’étage (flèche orange) consacré à ce thème organisé
en 3 parties (histoire de la langue, toponymie et langue vivante aujourd’hui).
http://fr.wikipedia.org/wiki/Gascon
Dessin Christian Lamaison. (Michel Grosclaude, Lo gascon lèu e plan)
« Ceux-là, je les connais tous ! Il y a Pédebosc, Lacarrère, Lahitète et Bordenave ».
Directement dérivée du latin, mais empreinte d’un fort substrat aquitanique,
notre langue appartient au vaste ensemble occitan qui couvre 32 départements
français, quelques vallées des Alpes italiennes et le val d’Aran dans les Pyrénées
où le gascon est aujourd’hui langue officielle avec le catalan et le castillan.
Au Moyen Âge, dans toute l’aire de langue d’oc, les trobadors chantent
l’amour, la fina amor.
www.trobar-aquitaine.org/
Langue véhiculaire mais aussi administrative jusqu’à l’ordonnance de VillersCotterêts du 10 août 1539, c’est la langue naturelle, vecteur de la culture de
notre territoire, celle qui a donné tous nos noms de familles et qui a servi à
désigner les lieux, le français ne s’imposant vraiment qu’au XXe siècle, dans
l’Entre-deux-guerres.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ordonnance_de_Villers-Cotter%C3%AAts
Carte de France représentant les quatre grands ensembles romans (dialectes français et occitans, corse et
catalan), une langue celtique (breton), deux langues germaniques (alsacien et francique) et une langue préindo-européenne (basque) : le patrimoine linguistique le plus riche d’Europe.
Dessin Christian Lamaison. (Michel Grosclaude, Lo gascon lèu e plan)
« Si vous pouvez soigner les deux, nous n’aurons pas besoin de faire venir le vétérinaire ».
Michel de Montaigne, partagé entre langue d’oc et langue d’oïl.
Alors que Malherbe (1555-1628) cherche à « dégasconniser la cour de tout
langage venu du Pays d’Adioussias », Michel de Montaigne (1533-1592)
regrette de ne pas bien maîtriser le gascon : « Il y a bien au dessus de nous,
vers les montaignes, un gascon pur que je trouve singulièrement beau,
sec, bref, signifiant, et, à la vérité, un langage masle et militaire plus
qu’aucun autre que j’entende, autant nerveux et puissant et pertinent,
comme le français est gracieux, délicat et abondant…
…C’est aux paroles à servir et à suivre et que le gascon y aille, si le
français n’y peut aller ! ». (Essais, I)
http://bibliotheque.bordeaux.fr/on-en-parle/post/le-gascon--une-langue-charge-dhistoire
Troubadours des temps modernes, le groupe Nadau transmet notre langue en
chansons.
L’Encantada symbolise, dans les fêtes, l’attachement des Landais à leur
culture : un chant d’amour pour une femme et un pays.
www.youtube.com/watch?v=65FvKaKSxwg
AU MOYEN ÂGE, PISSOS VIT PENDANT TROIS
SIÈCLES À L’HEURE ANGLAISE
Même si la fondation d’une première communauté paroissiale à Pissos remonte
- comme cela est probable - à une époque que l’on peut situer entre les VIIe et
IXe siècles, on ne commence à percevoir des traces tangibles d’un habitat
structuré qu’au XIIe siècle. Avec l’église d’abord, dédiée à saint Pierre, entourée
de son cimetière et d’un groupe de maisons concentrées autour d’un carrefour.
L’ancienne église Saint-Pierre de Pissos (Cliché Félix Arnaudin)
Voici ce qu’en dit le curé dans une monographie écrite en 1888 :
« Remontant très probablement au XIIe ou au XIIIe siècle, l’église de Pissos est faite
de morceaux. D’après toutes les probabilités, le sanctuaire, la nef principale et une
partie du bas-côté du midi formaient avec le clocher l’église primitive…C’est en
1856 ou 1857 que Mr Lebraut, alors curé de Pissos, fit agrandir l’église…Une porte
fut pratiquée à la même époque dans le mur du bas-côté du midi.
L’ouvrier qui pratiqua l’ouverture y trouva des pierres plus ou moins calcinées.
Faut-il en conclure que l’église avait été brûlée du temps des guerres de religion ?
L’affirmative serait d’autant plus plausible que, tandis que la voûte du sanctuaire
est en pierre, la voûte de ce qui reste de l’église ancienne est purement et simplement
un plafond cintré ».
Si l’on n’a aucune assurance que le bourg de Pissos ait pu souffrir des ravages
causés par les troupes protestantes de Montgomery au XVIe siècle dans la
région, la présence d’un lieu de culte sous le vocable de Saint-Pierre rend
certaine l’existence d’une paroisse déjà bien organisée, relevant du diocèse de
Bazas, dès le XIIe siècle.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rhef_03009505_1973_num_59_162_1485
Un vase de terre cuite contenant des monnaies anciennes a d’ailleurs été mis au
jour dans la commune en 1875. Une pièce, provenant de ce trésor, est un denier
en argent frappé à Morlaàs vers la fin du XIIe siècle, sous le comte Centulle IV.
Morlaàs, en Béarn, bat monnaie au château de la Hourquie depuis le IXe siècle ; le sol morlan a
cours dans tout le midi de la France pendant le Moyen Âge et jusqu’en 1690 où l’atelier
monétaire est transféré à Pau. Une monnaie de ce type a été trouvée à Pissos en 1875.
Plus d’info sur Pissos à l’heure anglaise
Pissos dans son cadre administratif
Un village anglais pendant trois siècles
L’histoire de notre village participe de l’histoire de l’Aquitaine liée, à partir de
1154, à celle de l’Angleterre. En effet, la duchesse d’Aquitaine, Aliénor
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ali%C3%A9nor_d%27, fille de Guillaume X et
d’Aénor de Chatellerault, petite fille du grand troubadour Guilhèm de Poitiers
http://fr.wikipedia.org/wiki/Guillaume_IX_de_Poitiers, se marie en secondes
noces à Henri Plantagenêt, futur héritier de la couronne d’Angleterre. De ce fait,
entre 1154 et 1453, Pissos et toute la Gascogne sont administrés par des roisducs qui entretiennent une correspondance étroite avec les grandes familles
gasconnes. C’est ainsi qu’en 1274, Bernard-Aiz IV, sire d’Albret, rend
hommage à Édouard Ier d’Angleterre pour l’affar de Pissos ; il fait ensuite don
à son fils Amanieu VII, en 1289, de la Haute justice de Pissos.
Amanieu appartient à cette famille de barons dont le berceau se situe à Labrit et
qui devait s’élever, en quelques siècles, jusqu’à la royauté avec l’avènement sur
le trône de France de l’un de ses descendants, Henri IV.
Durant la longue lutte qui oppose le roi de France et le roi d’Angleterre, duc
d’Aquitaine, les Albret changent maintes fois de camp au gré des opportunités
mais la vie quotidienne suit son cours dans notre communauté villageoise,
essentiellement concentrée dans les quartiers.
Plan de la motte du château des Albret, à Labrit. (Photo Hervé Goulaze)
Les terres d’Albret au milieu du XIIIe siècle (extrait)
Carte de Jean-Bernard Marquette
Légende
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Limite de diocèse.
Limite de seigneurie
Seigneurie.
Chef-lieu de seigneurie appartenant aux Albret.
Paroisse.
Lieu-dit.
Siège d’évêché
Abbaye.
Commanderie.
Hôpital.
Prieuré.
Château appartenant aux Albret.
Autre château.
Enceinte fortifiée.
Les parties hachurées correspondent aux seigneuries des Albret.
Un millefeuille administratif
Pissos et Liposthey, dépendent, bien sûr, du duché d’Aquitaine mais relèvent de
multiples centres de décision.
À la fin du XIIe siècle, à l’époque où l’on construit la première église, Pissos appartient à la
seigneurie des Albret et au vaste duché d’Aquitaine, possession du roi d’Angleterre. La
France est toujours loin d’être constituée, le domaine royal se limitant au bassin de Paris…
Du point de vue religieux, les paroisses se trouvent dans une enclave du diocèse
de Bazas, située à l’intérieur du diocèse de Dax.
Le mystère de l’enclave du diocèse de Bazas
La paroisse Sainte-Famille-des-Deux-Leyre appartient aujourd’hui, comme
toutes les paroisses landaises, à l’évêché d’Aire-et-Dax. Mais, il en est tout
autrement au Moyen Âge ; le futur département des Landes est alors divisé en
quatre grandes entités, plus ou moins héritières de l’organisation des pagi (pays)
antiques, et le territoire est partagé entre les évêchés d’Aire, de Dax, de Bazas et
de Bordeaux, anciens fiefs respectifs des Aturenses, des Tarbelli, des Vasates et
des Bituriges vivisci 1. C’est ainsi que Pissos et Richet, par exemple, relèvent, à
cette époque, de deux diocèses différents.
C’est au concile d’Agde, en 506, qu’apparaît pour la première fois le siège
d’Aire et le nom de son évêque Marcellus, qui porte le titre d’episcopus
Vicojuliensis, et le territoire qu’il « surveille » (sens du verbe grec episcopein)
est l’héritier de la civitas aturensium des Romains.
Jusqu’au Concordat de 1801, ce diocèse, traversé par l’Adour (Atura), conserve
globalement ses limites. Il confine à l’ouest avec le diocèse de Dax ; au sud,
avec le diocèse de Lescar (ancien chef-lieu de cité des Beneharni) ; à l’est, avec
le diocèse d’Auch, héritier du domaine des Ausci ; et au nord, avec le diocèse de
Bazas, qui se prolonge par une étrange enclave 2 englobant les paroisses du
Muret, Liposthey, Pissos, Saugnac et Moustey (archiprêtré de Bernos).
De leur côté, Ychoux, Biganon, Mano, Belhade, Argelouse, Sore et Richet
relèvent de Dax tandis que Luxey et Callen constituent les limites orientales du
vaste diocèse de Bazas. Sur la côte, tout le pays de Born dépend de Bordeaux
dans l’archiprêtré « de Buch et de Born » réunis au XIIIe siècle.
Si le mystère de cette enclave septentrionale, résolument tournée vers Bazas,
demeure 3, la carte diocésaine est aujourd’hui simplifiée depuis le transfert du
siège épiscopal d’Aire à Dax, le 31 mars 1933, entraînant de facto la disparition
des anciens pays d’Aguais et d’Airais, encore cités dans les vieilles
encyclopédies.
1 Nom d’anciennes tribus qui occupaient notre territoire dans l’Antiquité.
2 Bruzat (Raymonde), « A propos d'une enclave du diocèse de Bazas : limites anciennes et vieux
chemins dans la moyenne Leyre », dans Bulletin de la Société de Borda, n° 387, 1982.
3 L’appartenance de Richet et Moustey à deux diocèses différents est d’autant plus étonnante que,
dans une reconnaissance de fief de 1279, il est question de Freyssenet « de Mosters », soit Richet « de
Moustey ».
L’enclave du diocèse de Bazas dans le diocèse de Dax. Extrait de La Lande et l’homme, PNRLG.
L’imbroglio des sénéchaussées
Judiciairement, Pissos et Liposthey font partie de la sénéchaussée de Dax
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8441722g/f1.zoom, qui constitue une
subdivision de la sénéchaussée des Lannes, mais relèvent du parlement de
Bordeaux. Cette sénéchaussée des Lannes avait été créée en 1255 par division
de la sénéchaussée de Guyenne et érigée en circonscription particulière par
Charles VII, en 1454, un an après que les dernières positions gasconnes furent
passées à la France.
En 1494, exactement 41 ans après la défaite de Castillon-sur-Dordogne livrant
les ultimes fiefs anglo-gascons – dont Pissos – aux Français, Alain d’Albret est
contraint de vendre Sore et Pissos.
La sénéchaussée secondaire de Dax, composée de 73 paroisses, comprend alors
la vicomté de Belhade à laquelle se rattache Pissos. Mais, en 1566, la
sénéchaussée des Lannes est amputée des terres appartenant aux Albret.
Cette année-là, en effet, Jeanne d’Albret établit la sénéchaussée d’Albret au
siège de Tartas qui comprend l’Albret érigé en duché-pairie par lettres patentes
d’Henri II (le 20 avril 1550) et qui s’étend d’Argelouse à Liposthey, Ychoux,
Escource, Rions, Pontonx, Bégaar, Saint-Yaguen, Yzos, Labrit, Sabres,
Trensacq, Cassen, Sore, Pissos, avec la baronnie de Seignanx, le pays de Gosse,
la Maremne, le Marensin et le Born.
C’est la sénéchaussée la plus vaste ; elle compte 125 paroisses et s’étend de
Bayonne à Sanguinet. Le duc de Bouillon, devenu duc d’Albret depuis 1651, par
suite de l’échange de la principauté de Sedan et de Raucourt avec Louis XIV, a
la haute justice dans plus de 50 de ces paroisses.
Les sénéchaussées de notre région ressortissent au parlement de Bordeaux établi
par Louis XI en 1462. Les peines infligées le plus ordinairement dans les
affaires criminelles sont le bannissement hors de leurs limites, les verges, les
galères avec la marque par le fer rouge, la pendaison et la roue.
Aucune archive, à ce jour, ne nous permet de dire si un habitant de Pissos fut
jamais soumis à cette ignominie mais on peut rappeler qu’en Gascogne le
supplice de la roue était accompagné de chansons dont la plus célèbre est Jan
petit que dança…que l’on fait passer aujourd’hui pour une chanson enfantine…
http://www.dailymotion.com/video/xusjp5_aurost-ta-joan-petit-nadau-histoirede-jean-petit-le-croquant_music
Sur le plan administratif, les sénéchaussées sont sous la coupe du subdélégué de
Bazas. En effet, au XVIe siècle, la juridiction d’Albret est soustraite à Dax pour
participer à la constitution de la sénéchaussée de Tartas. Pissos et Liposthey, à
l’extrême nord dece territoire, font encore partie de l’élection de Condom et du
bureau de Bazas. Enfin, du point de vue fiscal, elles appartiennent à l’élection de
Condom et, du fait de leur position excentrée, elles sont parfois oubliées dans les
tournées d’inspection...
Avec les paroisses voisines, Pissos et Liposthey constituent donc une antenne
occidentale du Bazadais sur la grande route Bordeaux-Bayonne ; une route qui
est d’ailleurs considérée comme un lourd fardeau par les taillables de Liposthey
qui doivent assurer l’entretien du relais de poste auquel participent cependant, à
partir de 1720, les principaux habitants de Pissos, « tous gens fort riches et
accomodez ». À partir de 1716, elles reviennent à la généralité d’Auch, au siège
de Tartas, dans la sénéchaussée des Lannes…Un schéma fort compliqué dans
lequel finissent par se perdre les spécialistes de la question…
À la fin de l’Ancien Régime, Pissos relève de la sénéchaussée de Tartas.
Après une première proposition d’un découpage géométrique de la France par le
comité Sieyès-Thouret, la Constituante - qui veut simplifier les choses - décide
la création de quelque 83 « départements », au détriment de certaines provinces
qui fleurent trop l’Ancien Régime.
Pissos se retrouve donc désormais au nord du département des « Landes » qui
emprunte son nom au type de végétation dominant dans la partie septentrionale
du territoire recouverte par les sables du Quaternaire.
Léo Drouyn (1816-1896). Les grandes Landes. Eau-forte.
Le premier projet de découpage départemental proposé en 1789 divisait le département des
Landes en deux parties : au nord, un territoire qui englobait le pays de Buch ; au sud, une entité
regroupant les Chalosses et les petits pays de l’Adour avec le pays basque, séparé du Béarn qui
constituait à lui seul une autre circonscription. Un découpage plus respectueux de l’héritage
historique…
UN PEU D’ÉTYMOLOGIE
De la langue des Aquitains qui a servi à nommer les bourgs les plus anciens et
les rivières, nous ne possédons que des ruines. Transmise oralement, altérée par
la romanisation puis assimilée par cette dernière, elle se devine dans les
toponymes et hydronymes qui ne peuvent s’expliquer par le latin ou le roman.
Pissos et la rivière près de laquelle s’est établie la première communauté
appartiennent à cette catégorie. D’où la difficulté à établir avec certitude le sens
des noms qui nous sont les plus familiers. Cependant…
« On est aujourd’hui même de plus en plus incliné à accepter l’opinion qui veut
identifier l’ancienne langue aquitanique avec l’idiome parlé par les anciens Vascones,
ancêtres des Basques d’aujourd’hui. Parmi les plus sûrs témoignages qui parlent en
faveur d’une unité ethnique ou linguistique vasco-aquitaine on cite souvent certains
noms de personnes et nombreux sont les toponymes, en Gascogne, qui rappellent des
noms de personnes ou de divinités qui nous sont témoignés par les anciennes
inscriptions. Le nom du dieu Iluro (CIL, XIII, 154) survit ainsi dans le nom de la petite
ville d’Oloron.
À travers les dernières recherches conduites par M. Seguy et moi-même sur les noms de
lieux en -os, nous savons aujourd’hui que pour la formation des noms de lieux les tribus
aquitaines ont possédé un suffixe qui devait avoir la même valeur que le latin -anus et le
gaulois -acos.
C’est le suffixe -ossu qui apparaît dans les inscriptions aquitaines, attaché à des noms de
personnes ou de divinités…Dans mon travail paru dans la Revista de filologia española,
tome 36 (1952), j’ai pu analyser environ 200 noms de lieux en -os. Comme résultat, j’ai
pu établir qu’ils contiennent, presque dans leur totalité, comme radical un nom de
personne.
On remarquera que leur maximum de densité se trouve dans la plaine béarnaise au sud
de l’Adour, ensuite autour de Pau, entre Orthez et Bayonne, et dans l’arrondissement
d’Argelès…Au nord de l’Adour, la densité décroît sensiblement. Le littoral des Landes
connaît quelques exemples qui servent de trait d’union avec la Gironde : Biscarrosse,
Garrosse, Mézos, Pissos, Souprosse, Ygos…Ici, à l’ouest et au sud-est de Bordeaux, la
quantité des noms en -òs est, de nouveau, considérable…Leur densité atteint son point
culminant dans le Bazadais, ancien pays des Vasates (tribu aquitaine). Vers le nord, la
Garonne constitue une limite assez significative ».
Gerhard Rohlfs, Le Gascon, Études de philologie pyrénéenne, Max Niemeyer, Tübingen,
1977.
Plus d’info sur l’étymologie
C’est dans un document des Rôles gascons http://lascarbx.labex.ubordeaux.fr/Projets-de-recherche-en-cours/Avancement-des-projets-derecherche/Roles-gascons-en-ligne,i1270.html, daté du 24 avril 1289, que le nom
de Pissos apparaît pour la première fois, sous la forme Pissous
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k62758658/f453.image. Dans cet acte,
Édouard Ier, duc d’Aquitaine et roi d’Angleterre, fait don à Amanieu VII
d’Albret de la haute justice de Pissos, ainsi que des droits qu’il avait sur l’affar
(grande propriété d’un seul tenant) de Bordessoules, à Luxey, en remerciement
de l’aide qu’il lui a apportée pour résoudre un conflit avec le roi d’Aragon.
Comment donc interpréter ce nom que le grand philologue allemand, Gherard
Rohlfs http://fr.wikipedia.org/wiki/Gerhard_Rohlfs, spécialiste du gascon, a
classé dans la longue série des toponymes en -os caractéristiques du legs
aquitanique ? http://fr.wikipedia.org/wiki/Aquitanique. Pissos a-t-il vraiment
désigné une fondation antique que traduirait l’association du nom d’homme latin
Piccius associé au suffixe locatif précité ? L’absence de preuve archéologique
formelle in situ ne permet pas, pour l’instant, d’affirmer quoi que ce soit.
Le grand philologue allemand Gerhard Rohlfs, spécialiste du gascon,
qui a mis en évidence le substrat aquitanique de notre langue.
Notre réflexion doit rester guidée par la prudence et, de ce fait, nous conduire à
considérer l’histoire de Pissos à partir du second millénaire seulement même si
l’occupation du sol dans le secteur y est assurément bien antérieure, comme
l’attestent la découverte du four à goudron daté du Ier siècle, aux confins de
Trensacq et de Sabres, et la présence de toponymes voisins en -ac, témoins
assurés de créations remontant aux premiers siècles de notre ère ; comme le
laisse supposer aussi le nom du « quartier » de Daugnague, fréquemment
nommé Augnague dans les registres paroissiaux et anciens cadastres, procédant
du nom de personne romain Abinius associé au suffixe latin -aca (Cf. infra,
chapitre « Quartiers »).
http://p126.phpnet.org/aurendezvousdeslangues/
Leyre ou L’Eyre
Lucien Bonaparte, second frère de Napoléon Bonaparte, féru d’histoire et de
littérature, s’appuyant sur les notes de Ptolémée, géographe grec (90-168),
l’affirme :
« Le Sigman (Sigmanus), aujourd’hui appelé la Leyre, se jette dans le bassin d’Arcasson,
autrefois nommé Curianus Sinus, ou Golfe de Cure ».
Lucien Bonaparte, Charlemagne ou l’église délivrée : poëme épique en 24 chants. Vol. 1,
strophe 14, vers 2.
Mais cette assertion ne fait pas l’unanimité et d’aucuns remettent en question
l’identification de ce mystérieux Sigman avec l’Eyre.
Sigman (Σῐγµαν) a river in Gallia.
Ptolemy places the mouth of the Sigman between the Aturis (Adour) and the Garonne;
and between the Sigman and the Garonne he places Curianum Promontorium.
Marcianus (Peripl.), who has the name Signatius, gives two distances between the mouth
of the Adour and that of the Sigman, one of which is 500 and the other 450 stadia. We
cannot trust either the latitudes of Ptolemy or the distances of Marcian along this coast.
There is no river between the Adour and the Garonne that we can suppose to have been
marked down by the ancient coasting ships to the exclusion of the Leyre, which flows
into the Bassin d'Arcachon. But Gosselin supposes the Sigman to be the Mimisan, which
is about half-way between the Adour and the Bassin d'Arcachon.
Dictionary of Greek and Roman Geography, illustrated by numerous engravings on wood.
William Smith, LLD. London. Walton and Maberly, Upper Gower Street and Ivy Lane,
Paternoster Row; John Murray, Albemarle Street. 1854.
La polémique fait donc rage depuis longtemps. Sigman et Eyre ne font-ils
qu’un ? Faut-il dire Leyre ou Eyre ? L’auteur anglais du Dictionnaire de
Géographie grecque et romaine est effectivement moins catégorique que Lucien
Bonaparte, précisant qu’ « il n’y a pas de rivière entre l’Adour et la Garonne que
l’on puisse supposer avoir été fréquentée par les anciens caboteurs à l’exclusion
de l’Eyre qui se déverse dans le Bassin d’Arcachon. Mais Gosselin suppose que
le Sigman est le Mimisan, qui est à peu près à mi-chemin entre l’Adour et le
Bassin d’Arcachon ».
Remarques sibyllines : qui est Gosselin ? Où se trouve le Mimisan ? Autant de
données qui n’apportent aucune lumière à nos interrogations !
Occupée depuis le Mésolithique, le bassin versant de l’Eyre a accueilli des
populations qui parlaient une langue qui n’a rien à voir avec celles que nous
connaissons aujourd’hui en Europe, à l’exception du basque. Bien antérieure au
latin et à la vaste famille dite « indo-européenne » à laquelle appartient ce
dernier, elle a servi tout d’abord à désigner, comme ailleurs, les éléments
naturels. C’est ainsi que partout dans le monde, noms de rivières (hydronymes)
et noms de montagnes (odonymes) appartiennent aux strates les plus anciennes.
De ces langues primitives, qui fondent le socle de notre héritage, nous ne
connaissons que des bribes ; il est donc très difficile de déterminer le sens exact
des quelques vestiges qu’elles nous ont légués mais il est généralement admis
que, la plupart du temps, un nom de cours d’eau ou un nom de montagne
signifie tout simplement « montagne » ou « eau », avec quelques nuances que
l’on arrive à déterminer en opérant par comparaison et regroupements sur des
aires linguistiques assez vastes.
Certains ont donc voulu rapprocher Leyre et Loire (Liger en latin) et y ont vu
une évolution phonétique régulière suivant les règles de l’occitan gascon de ce
même étymon Liger. Cette hypothèse serait, à la rigueur, recevable si nous
n’avions de bons arguments pour dire que notre rivière s’appelle, dès les
origines, Eyre (Èira) comme en témoignent le lieu-dit Hourc d’Eyre, à
Moustey, qui signale la confluence (littéralement « fourche de la Leyre » comme
il y a un Hourcgave à la confluence des gaves réunis et de l’Adour, à SainteMarie-de-Gosse). Abondent également dans ce sens, les toponymes Oeyreluy et
Oeyregave, qui sont des redondances, et qui prouvent bien qu’il a existé un
terme générique èira, prélatin - voire pré-indo-européen – passé au roman, que
l’on retrouve en plein Bordeaux dans le Fossé des Eyres, à Podensac (Gironde)
dans le lieu-dit Les Eyres et, sous une forme diminutive, dans la Craste de
l’Eyron, en Médoc.
Nul besoin d’aller chercher d’autres exemples – qui existent – pour assurer que
Leyre est une forme comportant une agglutination de l’article - ou du moins une
consonne euphonique - en raison de la difficulté à prononcer le syntagme « à
Eyre (a Èira) ». Car, en gascon, les noms de cours d’eau ne sont pas précédés
d’article ; Pierre Perret chante-t-il ainsi : « Je suis de Castelsarrasin…et l’été
quand le soleil donne, j’allais me baigner à Garonne, et la mémé disait Mon Diu,
Pichon, te vas negar, fas atencion… ».
L’Eyre, à Pissos. (Photo D.R.)
Liposthey
Plus simple est l’histoire du nom de Liposthey (le h est une pure fantaisie
graphique) qui fait partie de Pissos jusqu’en 1861. Les occurrences anciennes
nous donnent affarium de lucposter en 1274 et locus de Licposter en 1310. De
ces mentions, on peut tirer plusieurs enseignements : d’une part, Liposthey est
bien un simple affar (grande propriété foncière) ou lieu (latin locus), une
antenne de Pissos sur le grand chemin qui mène vers la péninsule ibérique ;
d’autre part, il s’agit d’un ancien lieu boisé, un luc (latin lucus) dont le
déterminant renvoie au latin médiéval posterius que l’on peut traduire par « lieu
de prélèvement des taxes sur un site marchand ». (2. POSTERIUS, Qui loco publico, in
quem conveniunt mercatores et in quo eorum pecunia deponitur, vel etiam exigendis tributis
præpositus est. Pactum inter reg. Tunetan. et Pisan. ann. 1398. tom. 1. Cod. Ital. diplom. col. 1119).
De fait, le lieu fut réputé pendant des siècles pour ses foires et marchés si bien
qu’un ancien chemin reliant le site au bourg de Pissos est encore appelé sur le
cadastre du XVIIe siècle « Chemin du vieux marché ».
Coïncidence ou pas ? Le sens du toponyme médiéval reprend à peu de choses
près celui du nom de la station de Telonum située sur la voie romaine passant
dans le secteur de Citran. Lorsqu’on sait que le latin tardif telonum désigne un
tonlieu qui, en droit féodal, est un impôt prélevé pour l'étalage des marchandises
sur les marchés ou une taxe de circulation, force est de constater que nom
antique et nom médiéval se recoupent pour faire, depuis belle lurette, de
Licposter / Liposthey un lieu de péage…
La voie romaine qui passe
entre Pissos et Liposthey,
photographiée ici au sud de Labouheyre.
Son emprise est de 20 mètres !
Photo François Didierjean
Le travail réalisé par Guy Champagne rend compte
des liens étroits qui unissent Pissos et Liposthey.
VIE QUOTIDIENNE ET ÉCONOMIE SOUS L’ANCIEN
RÉGIME
Comme partout, le quotidien est rythmé dans la Grande Lande par les travaux
liés à l’économie agro-pastorale ancestrale. Dans les airiaux regroupés en
quartiers, on vit en autarcie ; à Pissos et dans tout le secteur, on est toujours
redevables du comte de Belhade qui tient un « livre terrier »
http://mcd.asso.free.fr/archives/ * contenant la description des biens fonciers
affiévés à des particuliers, dans le but de les assujettir à des impôts et à des
droits spécifiques. Rien ne change fondamentalement depuis le Moyen Âge
jusqu’à la loi de 1857 qui bouleverse mentalités et modes de vie.
*Les documents du terrier de Belhade concernant Pissos se déploient sur 93 pages :
PDF 8 à 11 inclus ; pages 241 à 334.
Les travaux et les jours. À Pissos, on vit au rythme des saisons et de la nature…
Plus d’info sur la vie quotidienne sous l’Ancien
Régime.
Pissos dans la seigneurie de Belhade
La seigneurie de Belhade est mentionnée dès le XIe siècle (Bernardus de
Baslade cité en 1079). On suppose que la famille tire son nom du lieu où
s’établit son château, solide construction de bois entourée de larges fossés
protégeant très certainement une motte dont les origines pourraient remonter à
l’Antiquité. http://fr.wikipedia.org/wiki/Ch%C3%A2teau_de_Belhade
Le château de Belhade dont le propriétaire était « Haut et puissant seigneur baron de Belhade et
de Moustey, Pissos, Ichoux, Seouze, Lugo et autres plasses habitant dans son chatteau noble
dudit Balhade ». (Photo B. Boyrie-Fénié)
Cette seigneurie fut un apanage des Albret avant d’être érigée en baronnie – la
plus ancienne des Landes – puis en comté (mention en 1271) appartenant à la
famille des Pontacq qui, en 1759, la cède à une famille de robe de Bordeaux, les
Lavie.
Mentionné Sanctus Vincentius de Esquasse dans le Livre rouge de Dax, le nom
de la paroisse qui se groupe autour de la petite église romane prend ensuite le
nom du château qui procède du gascon vath lada, « vallée large », par allusion à
la configuration du cours de l’Eyre qui coule en contrebas.
Texte du XIVe siècle, rédigé en gascon, évoquant des possessions en terre bordelaise du seigneur
de Belhade. (Photo DR)
Conoguda causa sia que P. Dartigas de la paropia Daydinas reconogo per sa bona volontat
per eth e per Arnaut Dartigas lo joen e per Arnaut Dartigas lo plus belh que ed e los deus
avandits venen e los hers devran vener e sens fondements segond los fors e las costumas de
Bordales de la dona Na Johana Damaubin filha qui fo heretera en sa
de Peys
Damaubin darrua Sent Jacme…
…qui fo de Bordeu et molher lo jorn que cesta carta fo feyta deu noble baron En Nandreu
senher de Balhada et de sos hers de son ordenh per aquet treus de bos et de landa en lo
loc……. que es ab totas sas apartenansas qui es au loc aperat Abelha [qui] sont entre lo bost
Ayquem Bidau deudit Peys e lo bost Fort Berlan dautre part et dura de lonc deu bost daudeyt
Ayquem Bidau de l’un cap jusque au bost Arnaut………. de Lafforest darreyre cap deuquau
avandeyt treus de bost et de landa ab totas sas apartenansas ayssi ed es dens los deitz
assignaments lavandeyt Peys Dartigas per ed et per los deus Arnaut Dartiga lo joen et per
Arnaut Dartiga lo belh prengo et recebo cest don de ladeyta dona………….dona en la
persona de Ayquem…………..et deudeyt Arremond de……………ab tres deneys sals
………………. et per 16 deneys de ladeyta moneda…………………………………………..
Ego Peir Ramon deu Sar clerc public
deudieyt
qui cesta carta enqueri et recebuy
et mon senhau
per bolontat et per comandament
escrivo.
Malgré le déchiffrage lacunaire d’un document altéré par le temps, il est aisé de reconnaître ici
une langue qui nous est familière.
Pour les habitants de Pissos, los Pissòs [lous pissos], le livre terrier tenu par le
seigneur de Belhade, est d’une importance capitale. Au XVIIe siècle, il constitue
un véritable document contractuel entre le seigneur et ses gens ; aujourd’hui, il
représente la source d’informations la plus importante concernant l’occupation
du sol, la nomenclature des tenures et celle des habitants de notre territoire à la
fin de l’Ancien Régime.
À sa lecture, les paysages anciens se dessinent, les êtres s’animent, on remonte
le temps…
Exemple : où l’on apprend l’origine du quartier de Menate.
Pissos 1671 : Exporle de Pol Lescommères dit Benatte
Scaichent tous presans et aduenir que aujourdhuy quinsieme du mois de may mil six
cens septente ung appres midy au bourq de Pissos Senechausee de Tartas au Compte de
Belhade maison de Jean Lapios par devant moy notaire royal soubsigné présans les
tesmoingz bas nommés a été personnellement constitué Pol Lascommères dit
Benatte, laboureur habitant de la presante parroisse et cartier de Sauboua lequel de son
bon gré et agreable volonté a confessé et recogneu tenir en fief par rente fonciere annuelle et
perpetuelle de Messire Jacques de Pontac Chevalier Conselher du roy en tous ces
conseilhs son procureur general et sa souveraine cour du parlement de Bourdeaux Compte de
Belhade Seigneur de Monplaisir et autres places, présentement absent mais Messire
Bernard Dulau juge de la présente paroisse et d’Ichoux habitant de Sore lequel en
conséquence du pouvoir a luy donné par ledit Seigneur pour la procuration du quatre du
courant retenue par moy cypresant et stipullant et pour ledict Seigneur acceptant. Scavoir est
la moytié d’une sixième partye de la courgeyre d’Estienne Lahontans, Arnaud
Lascoumères, Jean et Fort de Bedin toutes contenant trente neuf journals trois quarz douze
escats plus terre, pignadar et lamaing au Campet et au Cailhivet a Nouel confront du levant
terre des hoirs Benatte midy a la fieuzat de Sauboua couchant a la terre de Pierre pour
septantrion terre de Jandique de Lascoumères contenant huit journals ung cart plus terre au
pesse du Camin et a La Jaugueyre, a la pesse du Hour a Cassagnottes le tout a ung tenant
confrontant du levant terre des hoirs Benatte et septantrion terre desdits hoirs contenant trois
journals trois carz huit escats plus deux maisons, ung parc, fournière, terres, jardin, pignadar
et courgeyre a ung tenant au lieu appelé au Caplanne de Camlebrey, aux pins du Miey a
Leyre, au Laguiat et au Houdin nau que confronte du levant et midy terre de Pierre, pour
couchant au baquant du Seigneur, septantrion courgeyre d’Arnaud Lascoumères et des
hoirs de Benatte contenant cinquante journals plus pred au Laussat que confronte du levant
pour midy et couchant pred de Jean Lapios contenant trois carz douze escats plus ung parc et
la moytié de la courgeyre du Lamaing a l’Oustau de Nauset a partager entre Jean Lapios et
luy confrontant de toutes parts au baquant du Seigneur contenant ung journal et demy plus
bois a Hideau confrontant du levant terre de Jean Meule et midy terre d’Arnaud
Carmailhacq couchant et septantrion bois des hoirs Baleste contenant trois journals plus
pignadar au Tuc de Claveyre confrontant du levant a Leyre, midy pignadar des hoirs
Cleyzac, couchant pignadar de François Villaton et pignadar de Fort de Bedin contenant
quatre journals plus pignadar aux pins de Laborde que confronte du levant et midy
pignadar des hoirs Baleste et Pierre Bedin couchant chemin publicq allant de
Dauignague a Pissos septantrion pignadar dudit Villaton et Jean Labeyrie contenant sept
journals trois cartz plus pignadar au Gleyré confrontant du levant et septantrion pignadar
de la maison Dubrouqua midy pignadar des hoirs Lasalle couchant pignadar des hoirs
Baleste contenant treize journals et demy plus terre au Bergeron confrontant du levant midy,
couchant et septantrion lanne et terre desdits hoirs Baleste contenant deux journals plus
lanne au Moureau confrontant du levant midy, couchant et septantrion lanne et terre
desdits hoirs Baleste contenant ung journal ung cart dixhuit escats plus deux maisons, parcs,
jardins, terres, landes et bois a ung tenant appellé au Loc de Guilhem a Pelay, au Camp de
devant, a la Houdye et au Moureau confrontant du levant terre des Meule, Jeanne de
Romeffort et de Margueritte Dubruz, midy couchant et septantrion la fieusat du
Voysinage, Lanne de ladite Dubrun et terre desdits hoirs Baleste et au Chemin de service
et tout le bois le long du champ de ladite Dubrun contenant quarante ung journals ung cart
dixhuit escats plus pour la moytié dune douszième partye de la fieusat du Pas de la Houn
confrontant du levant pignadar de Ramond Laboual midy au rieu de Lauranso couchant au
chemin d’Escoursolle a Lagardere septantrion lanne d’Arnaud Carmailhac et terre dudit
Lescommères contenant vingt deux journals dixhuit escats plus pour la moytié dune sixième
partye de la fieusat de Sauboua puis le bourq jusques au bois de Pierre de Bedin
contenant dix journals. Reuenant toutes les susdites contenances a celle de deux cents
quatorze journaulx trois cartz quatorze escats suivant et conformément au terrier de
larpantement general que ledit Seigneur Compte et les habitants et lieutenants ont faict faire
de ladite compté lannée Mil Six Cent Soixante Neuf pour tous lesquels susdits biens luy et les
sujets de la presente paroisse et sera teneu ledit Lescoumères de payer audit seigneur Compte
de fief, cens, rente foncière, annuelle et perpétuelle cinq liures douze sols huit deniers
comprenant
la
mestangue…….et
six
sols
qu’il
est chargé payer a la descharge des hoirs Pierre Lasalle pour les biens qu’il y pocède
payables chasque jour et feste de Lanouel et sa recepte du presant bourq a comancer le
premier payement au jour et feste de Lanouel prochain et promet luy faire ces courbées qu’il
sera requis de la part dudit seigneur pour le service de son chasteau de ladite Compté et
mesmes a ces propres comptes et despans un charroy de bœuf annuellement a lune des villes
de Bourdeaux, Basas, Lateste, le Mon de Marsan ou Daqx….comme aussy promet ledit
Lescommères dit Benatte de payer audit seigneur Compte annuellement a chasque jour feste
de la Saint Jean Baptiste le droit derbage pour le bestail gros et menu quil nouryra scavoir
pour les bœufs et vaches de nourissage de leage de ung an ou au dessus a lexception du bestail
aratoire dux sols par teste et pour les brebis et moutons a raison de vingt sols par cent
annuellement et tant de leage de ung an et au dessus et a la mesme proportion pour les
troupeaux ou il ny aura pas ung cent conformément a la transaction passée entre ledict
seigneur Compte et les habitants tenantiers des paroisses dichoux, le Muret et presante, le
vingt sixieme mars Mil Six Cents Septante ung…
Liste des autres documents datés de 1671 : un éclairage sur la vie sociale de
l'époque et une mine de renseignements utiles sur l'histoire locale.
P
arroisse de Pissoz
-
Autre exporle de Pol Lescommères procédant au nom et comme
tuteur des enfants et biens de feu Pierre Lescommères son frère.
-
Exporle de Mathieu Dailheau et Pierre Meule.
Meule
-
La parroisse de Pissos. Recognoissance de Pierrot et Fortis
Balhadère,
Jandiques
Dubergey,
Dubergey,
Jean
Bimolleyre,
Arnaud
Balhades et Dominique Labadie comme ??? Dauignague.
-
Exporle de Pierrot Balhadère, Dominique Labadye au nom qu’il
procède Pierre Taris dict Pierricq et Jean Vimolleyre vieux.
vieux
-
Exporle de Pierre Balhadère fils de Pierrot.
-
Exporle de Bertrand Balhades dict Lahouilhey.
Lahouilhey
-
Exporle de Jean Dailheau dict Jean Bouey.
Bouey
-
Recognoissance de Pierre Dupuch dict Doumenjot.
Doumenjot
-
Exporle de Marye de Romefort veuve a feu Biscaye.
-
Exporle de Jean Gourgues fils d’autre Jean.
-
Exporle de Pierre, Bernard, Jean et Jeanne Duuignac frères et
sœurs.
-
Exporle de Peys Dailheau dict Peysot.
Peysot
-
Exporle de Jean de Bernède dict Lou Hilhot.
Hilhot
-
Exporle de Bertrand Lascommères dict Regaich.
Regaich
-
Exporle de Ramond Duberger.
Duberger
-
Exporle de Anthoine Vilaton
Vilaton.
ton
-
Exporle de Pierre de Manciet de Meule comme il procède et
Peyronne de Meule.
Meule
-
Exporle de Jeanne Balhades et Peyronne Dubergey veufves.
-
Exporle de Jean et Peys Duboscq frères.
-
Exporle de Jean Roumegoux dict Lou Gauché.
-
Recognoissance de Bertrand Laporte
Laporte tailheur.
tailheur
-
Exporle de Maître Jean Lapios greffier.
greffier
-
Exporle de Arnaud Carmailhac.
Carmailhac
-
Exporle de Anthoine Dupuchx dict Lou Gemey faisant tant pour
luy que pour ses hoirs Giscos.
Giscos
-
Recognoissance de Estienne Gourgues, Jeanne Dubern veufve a
feu Jean Gourgues.
-
Exporle de Jaiques Dubroust.
Dubroust
-
Exporle pour Jean Dubroust tant en son propre que comme
tuteur de Janticq Lapios son mineur.
-
Exporle de Jean Lapios dict de Bouricq tant en son propre que
comme mary et conjoint de Catherine Balhades sa famme.
-
Exporle de Bertrand Lapios marchant dict de Bouricq.
Bouricq
-
Exporle de Jandiques Lascommères laboureur faisant tant pour
luy que pour Pierre de……son beau père.
-
Exporle de Jean Labriq procédant tant en son propre que comme
frère de Jeanne et autre Jeanne Labriq ses sœurs.
-
Exporle de Blayse Vimolleyre, Pierre Jean Courèges et Jean
Lahouilhau
laboureurs
faisant
tant
pour
eux
dict
Lou
francq
que
pour
Berthoumive Laguefont.
Laguefont
-
Exporle de Mathieu du Bergé.
Bergé
-
Exporle
de
Bertrand
Dailheau
Pailhard
procédant tant pour son propre que comme mary de Jeanne de
Roumefort.
-
Exporle de Bertrand Dupuchx dict Bertranot.
Bertranot
-
Exporle de Pierre du Bosq tixier de Nauset.
-
Exporle de Jean Dartiailh pasteur dict de Sore.
Sore
-
Exporle de Jean Carmailhac sacristain.
sacristain
-
Exporle de Jean
Jean Lahousse tailheur.
tailheur
-
Exporle de Jean et Blaise Castaignède,
Castaignède oncle et nepueu.
-
Recognoissance pour Bertoumive Lascoumères vefve a feu Jean
Dupin.
-
Exporle de Pierre Dailheau dict Lacrotte ayant procédé a icelle
comme tuteur des enfants et biens de feu Jean Dubern vivant
tailheur.
tailheur
-
Exporle de Maître Jean Dupuchx notaire royal et lieutenant du
juge de Pissos.
Pissos
-
Exporle de Pierre Duberger dict Lamiraud comme mary de
Jeanne Brouqueyre.
-
Exporle de Jean Labeyrie marchant.
marchant
-
Exporle de Fort de Bedin procédant tant en son propre que pour
Jean et Estienne de Bedin frères.
-
Exporle de Arnaud Lascomères dict Montcau.
Montcau
-
Exporle de Jean de Lassus aprantis forgeron.
forgeron
-
Exporle pour Jean Pol Dubern sieur de Teste Roumant
-
Autre exporle de Bertrand Lapios dict de Bouriq
-
Recognoissance de Pierre Duuignau dict Perrin
-
Exporle de Maître Pierre de Gente notaire royal et procureur
d’office des juridictions de Pissoz et Ychoux
-
Exporle de Eymée Vacher vefve a feu Jean Claizac Maître
Maître
chirurgien au nom qu’elle procède
-
Exporle de Pierre de Bedin dict Lagouardère
-
Exporle de Pierre Dailheau dict La Crotte
-
Exporle de Jean Sainthourens tailheur dabits
-
Exporle de Guilhem Clarens dict Laussalléz
-
Exporle de Estienne Lahontan ez qualittés quil procède
-
Exporle de Arnaud, Jean et Mathieu Meule frères d’une part et
Pierre de Bedin dict Lagardère comme tuteur de Marye Lapios
famme de Pierre de Bedin Jeunne
-
Exporle de Léonard Laboual, Ramond Jandiq, Jean et Peys de
Taris
-
Exporle de Estienne de Lahontan
Esporle : droit de lods, d’investiture, dû par le vassal en cas de vente, pour obtenir
l’approbation du seigneur.
Outre qu’ils nous fournissent la liste des noms des anciennes familles de Pissos
qui nous sont encore familiers, ces « exporles » sont riches d’enseignements.
Sans même entrer dans le détail de leur contenu, l’index nous donne des
indications sur les métiers et fonctions des personnes concernées (tailleur
d’habits, apprenti forgeron, maître chirurgien, notaire royal, aulhèir, boèir,
« berger », « bouvier »…), sur leur provenance (dict de Sore, dict Lausssalés,
c'est-à-dire « de la vallée d’Ossau »…) et leur personnalité (dict Regaich, c’està-dire « revêche », Lou Francq Pailhard…).
La transcription intégrale de ces actes précieux sera effectuée dans les mois et les années à venir pour permettre
d’appréhender la vie au quotidien à Pissos et de comprendre les coutumes liées à notre territoire.
Les cagots ou gahets.
Cagot, ou gahet en gascon, sont les noms donnés, au Moyen Âge, à des
populations affaiblies par la consanguinité, présentant certains caractères
héréditaires. Mis au ban de la société, ils ne se mêlent guère au reste de la
population. Ceux dont parlent les chroniques sont vraisemblablement atteints
d’une forme de crétinisme, peut-être aussi d’une forme de lèpre atténuée.
Ne pouvant avoir de contact avec les denrées alimentaires ou tout produit
comestible, ils se spécialisent dans les métiers du bois et l’on affirme, en Béarn,
que les plus belles charpentes - comme celle de la nouvelle église de Monein
érigée au XVe siècle - furent réalisées par des cagots.
Une communauté de ces parias vit à Moustey comme l’attestent le nom de lieu
Puts deus Gahets, « puits des Cagots », et la porte basse latérale, aujourd’hui
murée, située dans le mur sud de l’église Saint-Martin. Mais, si l’on en croit les
archives paroissiales, Pissos avait aussi ses cagots…
Le troisième juillet 1691 en l’esglise parroissiale de Saint-Pierre de Pissos, mariage de
Sébastien Bilhan, fameux cocard, natif de Saucats, et de Marie Lapoussade, illustre
cocarde, native de Barsac…Fait en présence de leurs parents et amis cocards.
Signé Campaigne curé.
La porte des cagots de l’église de Moustey.
Source des cagots à Saint-Léger-de-Balson.
(Photo B. Boyrie-Fénié)
(Phto DR)
Bénitier réservé aux cagots dans une église des Pyrénées. (Photo DR)
http://nezumi.dumousseau.free.fr/cagots.htm
Une espérance de vie qui ne dépasse pas 45 ans
Si la vie des cagots n’est pas enviable, la précarité est le lot de tous, cultivateurs
ou simples brassiers et métayers, voire mossurs (« messieurs »), qui
appartiennent à des classes sociales plus élevées. L’espérance de vie est basse et
la mortalité infantile très forte (un enfant sur deux meurt avant l’âge de 5 ans).
Les familles « recomposées » existent déjà du fait de la nécessité pour un veuf
de se remarier au plus tôt quand l’épouse - chose courante - meurt en couches et
des suites de celles-ci.
Voici ce que rapportent les registres paroissiaux de Pissos en 1684-1685.
Baptême au bourg de Jean Labadie
Le quatorzième du mois de decembre 1684 a esté baptisé Jean de Labadie, fils légitime à
Joseph de Labadie sergent royal et Jeanne Cleysac, parrain Jean de Tachoires, marraine
Jeanne de Laboual, presents sieur Joseph Sarran maître cyrurgien, Pierre Cleysac postulant,
Fortis Dubourdieu et Paul Dupuch, Germain Fartouat, Blaize Dupuch qui ont signé.
Campaigne curé.
Mortuaire au bourg. Jeane de Cleysac, fame de Labadie le sergent royal
Le premier jour mois et an que dessus (1685) fust inhumée dans le cimetière de léglize
Saint-Pierre de Pissos Jeanne de Cleysac âagée de quarante-deux ans ou environ, après
avoir receu les sacrements nécessaires au salut de son âme es presences de Jean de Balhadère
et les subsdits Dupuch et Rispal qui ont signé avec moy.
Campaigne curé
Petit mortuaire au bourg
Le dix-neuf du susdit mois de janvier 1685 a esté enseveli dans le cimetière de leglise
Saint-Pierre de Pissos un enfant d’un mois de Joseph Labadie sergent royal par moy.
Campaigne curé
Le même jour, baptême de Pierre Mondenx en présence de Joseph Labadie sergent royal.
Mariage au bourg
Le vingtième du mois de février 1685 après la proclamation des bans et annonces du futur
mariage entre le sieur Joseph de Labadie sergent royal et Jeanne de Boyrie au prône de
la messe……et en outre apres avoir receu leur mutuel consantement par parolle des presents.
Et en outre accompagnés de leurs plus proches parents et amis communs les ay
solennellement conjoints en mariage en présence de Pierre Mondanx hoste du present lieu,
Fortis Dubourdieu et Paul Dupuch clerc, Blaize Dupuch qui ont signé avec ledit Labadie et
moy.
Campaigne curé
Mortuaire au bourg
Le 6 may 1686 a esté inhumée dans le cimetière de l’église Saint-Pierre de Pissos Jeanne
Boyrie âagée de 54 ans ou environ, après avoir receu les sacrements…
Campaigne curé
Une période bien éprouvante pour Jean de Labadie qui perd sa femme, l’enfant
qu’elle vient de lui donner 20 jours plus tard, se remarie le mois suivant et perd
sa seconde femme, le tout en l’espace d’un semestre …
Mais ceux qui avaient résisté à tout pouvaient aussi vivre très longtemps !
Mortuaire. Le vieux mettayer Morin d’Arramond d’Escoursole. Pro Deo.
Le trente du susdit mois et an que dessus (1685) fust inhumé dans le cimetière de Pissos
Anthoine de Laué âagé de 93 ans ou environ apres avoir receu les sacrements nécessaires es
presence des soubsignés Dubourdieu, Dupuch. Campaigne curé
Mortuaire
Le quinzième du susdit mois et an que dessus (1685) fut inhumé dans le cimetiere de leglize
Saint-Pierre de Pissos Pierre ???? thuiler au Pouquet, âagé de cent ans ou environ après
avoir receu les sacrements necessaires es presence des soubsignés et moy.
Rispal
Dupuch
Campaigne curé
Mais quand on n’avait pas de statut social et que l’on ne vivait pas longtemps,
on n’avait pas toujours droit à la plus élémentaire des reconnaissances.
Exemple dans notre communauté où tout le monde se connaît.
Petit mortuaire au Broca. Un enfant de Lissandre
Le même jour mois et an que dessus (1685) a esté inhumé dans le cimetière de l’église
Saint-Pierre de Pissos un enfant de Lissandre. Par moy.
Campaigne curé
Petit mortuaire Augnague
Le quinzième du susdit mois et an que dessus (1685) a esté inhumé un enfant d’un moy
ou environ du mettayer de la vefve de Pierrot. Par moy.
Campaigne curé
Droit de cuissage
Dans ses Notices historiques (Extrait de l’annuaire des Landes, 1871), Henri
Tartière, alors directeur des Archives départementales, rapporte un épisode
véhiculé encore par la tradition orale, à Pissos, dans les années 1980.
Au XVIIe siècle, Gilles de Babiault était seigneur et baron de Belhade, Pissos, Ychoux,
Moustey, Sore et Lugo. C’est à l’un des membres de cette famille, dont le château était au
hameau de Gentieu, que la tradition constante attribue l’aventure suivante dont il est difficile
de préciser la date.
« Le baron s’était arrogé de fait, comme beaucoup de ses pairs, le droit odieux du seigneur et
il en usait, paraît-il, plus qu’il n’aurait convenu aux habitants, tout grossiers et ignorants qu’ils
fussent. Un jour, le prêtre venait de marier deux couples ; l’une des épousées était d’une
beauté remarquable et le sire de Babiault en était tombé amoureux ; il résolut de faire valoir
son prétendu droit, sans songer que l’exercice de cette suprême iniquité pût amener de
terribles représailles. À la sortie de l’église, les mariés le trouvèrent en dehors du cimetière
accompagné d’un robuste valet, tous deux à cheval. Sur un signe, le valet saisit l’une des
épousées, le seigneur s’empara de sa proie qu’il plaça en croupe et ils s’éloignèrent au petit
trot. Les deux mariés, excités par les rires des assistants et outrés de cet affront public,
coururent chez eux et, après s’être armés de vieux fusils, allèrent se cacher dans un petit ravin
près duquel devaient passer les ravisseurs, auprès d’un châtaignier qu’on montre encore
aujourd’hui.
Le baron arrivait à ce moment ; un coup de feu l’étendit raide mort, un second coup atteignit
le cheval du valet. Cet animal vigoureusement éperonné par son cavalier fit un bond
prodigieux et, franchissant un large fossé, alla s’abattre sur un terrain labouré qui, depuis ce
moment, a toujours porté et porte encore le nom de Pèce dou chivaou (Pèça deu chibau) ».
Légende ou réalité ? Là encore, l’histoire doit reposer sur des faits réels, peutêtre altérés dans la transmission. Le nom du quartier de Gentieu, du gascon
gentiu, « noble » (issu du latin gentilis), assure en tout cas que la demeure du
malotru se trouvait bien au couchant du bourg, non loin du ruisseau du Brau.
Plat des captifs
Du XVIe au XVIIIe siècle, les Aquitains, comme tous les habitants des côtes
méditerranéennes et du littoral atlantique, sont victimes des Barbaresques.
Arraisonnant bateaux de pêche et de commerce, ces corsaires prennent en otage
leurs futurs esclaves qu’ils viennent enlever, lors de raids audacieux, jusque sur
les côtes landaises. Une razzia est ainsi opérée à Capbreton en 1613.
Si les marchands fortunés s’acquittent de leur rançon sur le navire arraisonné, le
rachat des prisonniers menés en terre barbaresque se révèle plus délicat. C’est
ainsi que certains ordres religieux s’organisent dans les paroisses côtières mais
également à l’intérieur des terres, instituant des quêtes spéciales à cet effet. Lors
de la messe dominicale, circule le « plat » ou la « coupe des captifs » qui reçoit
l’obole des paroissiens touchés par le sort de ces malheureux. Dans les archives
de l’ordre de la Merci, on retrouve ainsi, au milieu de documents intéressant 30
paroisses, un bordereau attestant, en 1680, la souscription d’un certain Léonard
de Laboual marguillier, de Pissos.
À Pissos, on est solidaire avec ceux de Maremne et du Marensin, victimes de rapts des
Barbaresques. Malheureusement, malgré les dispositions prises par l’Église, tous les otages ne
reviennent pas au pays… (Photo B. Boyrie-Fénié)
Enlèvement de jeunes esclaves sur les côtes de France par les Barbaresques. Tableau anonyme.
La Révolution à Pissos
Les événements qui ont bouleversé et ensanglanté la nation entre 1789 et 1793
ne semblent pas avoir perturbé outre mesure le quotidien des habitants de Pissos
et de la contrée.
On sait que Bertrand Castaignède, de Commensacq, est représentant des Landes
pour la sénéchaussée de Tartas aux États généraux (5 mai 1789 - 30 septembre
1791) et défend les intérêts de notre territoire. Mais textes et tradition sont
ensuite bien discrets sur la façon dont furent vécus ces événements dans la
Grande Lande.
Tout au plus croit-on savoir que la fin du régime féodal fut fêtée par les
habitants de Pissos et des futures « communes » alentour par…une mise en
perce de tonneaux au château de Belhade…
Légende ou réalité ? Dans tous les cas, la transition entre l’Ancien Régime et la
première République n’a pas été marquée par la violence sur les bords de
l’Eyre…
http://www.archives.landes.fr/index.php?id=337
On aurait fêté comme il se doit, dans les caves du château de Belhade, l’ère nouvelle qui s’ouvre
en 1789… (Photo DR)

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