1974 - Lumière de René Guénon - Texte
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1974 - Lumière de René Guénon - Texte
Lumière de René Guénon Conférence de Jean Phaure - 29 novembre 1974 - Institut d’Herméneutique N.B. Les notes et les Annexes sont de Charles Ridoux 1 - René Guénon <quote>Nous pouvons dire que si tous les hommes comprenaient vraiment le monde moderne, celui-ci cesserait aussitôt d’exister, car son existence, comme celle de l’ignorance et de tout ce qui est limitation, est purement négative : il n’est que par la négation de la vérité traditionnelle et supra-humaine. René Guénon, La Crise du monde moderne. </quote> Parler de René Guénon en 1974, dans un cercle d’études traditionnelles, est quelque chose de presque banal ; mais si j’avais fait cette conférence il y a vingt ans, le titre même en aurait semblé étonnant et la salle aurait été presque vide. En effet, René Guénon n’a commencé à être connu qu’après sa mort au Caire le 7 janvier 1951. Il faut dire qu’une certaine conspiration du silence - qui sévit encore aujourd’hui à l’égard de son œuvre - est d’autant plus explicable qu’il était de son vivant un être secret, ennemi de toute publicité, et surtout parce que l’ensemble de ses écrits était en contradiction absolue avec toutes les idées reçues de notre Occident moderne. Vingt-quatre ans après sa mort, Guénon dérange, gêne, scandalise l’intelligentsia douillettement attachée aux illusions du transformisme, du Progrès, de l’Égalité et de la prééminence planétaire de la race blanche. Certains, aujourd’hui, qui n’ont pourtant pas la « tête métaphysique », reconnaissent, sous la pression accélérée des événements, que son analye de la Crise du monde moderne, par exemple, publiée dès 1927, était prophétique. Aujourd’hui, malgré le « silence » officiel, René Guénon a, en quelque sorte, « passé le seuil », car publications, thèses, colloques fleurissent autour de son œuvre. En fait, celle-ci est en train de former dans l’invisible la véritable élite occidentale, celle qui a pris conscience de l’évolution suicidaire de notre civilisation, élite à laquelle il incombera de reconstruire lorsque nous serons sortis de cette première tribulation de l’Apocalypse dans laquelle nous entrons en 1974. La première fonction de l’œuvre guénonienne est justement d’expliciter de façon transcendante les mécanismes cyclologiques de cette involution et de restituer dans leur pure lumière métaphysique les enseignements salvateurs des religions aujourd’hui décadentes ou apostates. Ce n’est pas sans émotion, après tant de conférences imprégnées de la pensée guénonienne et la parution de mon livre de synthèse sur le Cycle de l’Humanité adamique1 - dans lequel la pensée de Guénon est centrale - que j’ose consacrer aujourd’hui cette causerie à celui que je pourrais appeler mon maître - j’emploie ici une minuscule, car le seul Maître avec une majuscule ne peut être pour tout chrétien que le Verbe incarné en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Et si je peux me permettre une dernière confidence, je témoignerai d’un fait qui est de nature à étonner ceux qui n’ont pas bien compris l’œuvre de René Guénon. En effet, c’est son œuvre qui a refait de moi un catholique, il y a vingt-cinq ans2. Et je ne suis pas le seul, puisque nous pouvons lire, dans le n° 3 de la revue Les Cahiers de l’Homme-Esprit (4e trimestre 1974), ces lignes signées d’Yves Millet3 : <quote>Oui, je l’atteste, des hommes - des femmes aussi - venus de l’athéisme ont demandé le baptême et sont restés pratiquants jusqu’à ce jour parce qu’ils ont vu dans pareille démarche la conclusion à laquelle les amenait Guénon (…). Quelle que soit la position précise des guénoniens catholiques à l’égard de tous ces problèmes difficiles, tous sont redevables à Guénon d’une compréhension de leur propre religion qu’il leur eût été impossible d’espérer sans la lecture de cette œuvre irremplaçable. Guénon a eu le mérite immense et rarement apprécié à sa juste valeur d’arracher à l’occultisme sous toutes ses formes, pour les rendre au catholicisme, nombre d’individualités qui n’étaient allées vers ces faux bergers qu’en désespoir de cause, parce qu’ils n’avaient pas compris que leur religion véhiculait des symboles profonds, déformés dans l’imagerie occultiste et masqués dans 2 l’enseignement religieux : la Chute, la Rédemption, la Résurrection, le Communion des Saints… et la Croix. Guénon a montré ce que pouvait et devait être une civilisation chrétienne intégrale et par sa rigueur et la précision de l’instrument dialectique qu’il avait forgé il a fourni aux catholiques des armes très efficaces à la fois contre les divagations, séduisantes pour d’autres, de l’évolutionnisme teilhardien et contre le fixisme théologique d’un néo-thomisme buté. (…) Et il a montré - et ce n’est pas peu de choses à notre époque malgré les dangers réels que cela peut présenter aussi - que les doctrines orientales (le Soi vedantin, les Cycles, le non-agir taoïste) n’étaient pas incompatibles avec le catholicisme. </quote> On ne saurait mieux dire d’un métaphysicien auquel on a si souvent - et parfois si hargneusement - reproché de s’être fait musulman, ou plus exactement - car la nuance est d’importance - adepte de l’ésotérisme soufi. De même, quelques lignes plus loin, Yves Millet fait justice du reproche fait à Guénon d’avoir méconnu la dimension charismatique du catholicisme : <quote>Si Guénon n’emploie presque jamais le mot de « Charité » et en tout cas jamais lorsqu’il s’agit d’énoncer une précondition de la réalisation par la Connaissance, il est toutefois capital de montrer que ce que ses adversaires appellent son « système » suppose absolument la chose bien que le mot n’y soit pas. (…) On peut du reste inférer des propos tenus par Guénon qu’un candidat à l’initiation n’a quelque chance de pouvoir commencer en cette vie un processus de réalisation qu’à la condition d’avoir épuisé toutes les ressources de l’exotérisme et notamment, s’il est catholique, il se doit d’avoir dépassé de BEAUCOUP le minimum de charité requis pour être sauvé…</quote> Parler de René Guénon, c’est évoquer tous les chemins de la Connaissance dans leur foisonnante diversité autant que dans leur transcendante unité. Aussi ai-je paradoxalement choisi comme cadre de l’exposé succinct de son œuvre en grande partie intemporelle le Fleuve même de cette vie de Lumière : déroulement auquel on pourrait prêter comme exergue ces lignes de cet autre géant de la pensée traditionnelle que fut Joseph de Maistre : <quote>La vraie religion a bien plus de 18 siècles. Elle NAQUIT le JOUR que NAQUIRENT les JOURS4.</quote> Car c’est bien avant toutes choses l’Unité Transcendante des Religions - pour emprunter un titre à son disciple Frithjof Schuon - que René Guénon est venu providentiellement rappeler à l’Occident en notre XXe siècle. L’ascendance de René Guénon est entièrement circonscrite dans les provinces de l’Anjou, du Poitou et de la Touraine. Son père, saumurois, Jean-Baptiste Guénon, devenu architecte, épouse à 52 ans, en 1882, Anne-Léontine Jolly, née près de Blois. Le jeune ménage se fixe à Blois au Faubourg de Vienne, sur la rive gauche de la Loire, en cette ville marquée par la royauté française, par l’étymologie de son nom qui signifie à la fois « loup » et « lumière ». Selon certaines prophéties relatives au Grand Monarque, ce prince à venir devrait, dit-on, être nommé le « Roi de Blois ». 2 - Thème de René Guénon par Jean Phaure C’est donc à Blois, dans une maison de la rue Croix-Bossée, que naquit le lundi 15 novembre 1886 René-Jean-Marie-Joseph Guénon, et l’enfant est baptisé à domicile le 4 janvier 1887. Sans faire ici une étude astrologique qui sortirait du cadre de cette conférence, notons la probabilité d’un Ascendant Gémeaux qui met l’accent sur la vivacité intellectuelle de l’enfant, vivacité renforcée par deux trigones avec Jupiter et Uranus en Balance. L’importance d’Uranus, qui représente l’intuition spirituelle, c’est-à-dire « l’intellect » en langage guénonien, est renforcée par un trigone au Milieu du Ciel en Verseau. Le Soleil trône en Scorpion, comme Vénus au milieu de la Maison VI, donc acuité de l’intelligence et du sens critique, mais aussi sensibilité douloureuse et santé fragile. Mars et Mercure en Sagittaire marquent le combattant de l’esprit. Mais c’est surtout le caractère « saturnien » (le retrait en soi, la sévérité, la sagesse) qui apparaît dans le fait que les cuspides des Maisons VIII et IX (respectivement l’initiation et la philosophie) sont en Capricorne avec Saturne en Cancer au trigone du 3 Soleil et de Vénus et au sextile de Neptune en Taureau. Les aspects de tension ne manquent pas opposition Mercure-Pluton, carré Lune-Uranus, carré Saturne-Jupiter - qui expliquent les luttes, les déchirements et les combats contre les « idées reçues ». La santé de l’enfant se révèle aussitôt fragile. Quand il a sept ans, son père installe sa famille sur la rive droite, entre la rue de Foix et le quai du même nom dans cette maison qui devait être plus tard pour lui le « lieu privilégié ». Sa tante, Mme Duru, institutrice, commence à l’instruire à domicile. A douze ans, il entre dans un établissement religieux qui servait aussi de petit séminaire dans la partie haute de la ville de Blois. En janvier 1901, René Guénon, qui a alors quatorze ans, entre en rhétorique au Collège Augustin-Thierry et s’y montre aussi excellent élève que dans l’établissement précédent malgré une santé toujours précaire. Concours général, Prix de la Société des Sciences et Lettres de Blois. Bachelier en juillet 1903 avec la mention « assez bien », il entre en mathématiques élémentaires en 1904 et reçoit la plus haute récompense du Collège : la médaille offerte par l’Association des Anciens élèves. Son professeur de philosophie, Leclères, le note ainsi : « Excellent élève dont le zèle pour la philosophie est d’autant plus méritoire qu’il est plus désintéressé ». Jugement perspicace et prophétique, car toute la vie de Guénon représente un sacrifice personnel au bénéfice de l’Esprit et au détriment des postes et salaires auxquels il aurait pu prétendre. 3 - Hôtel Chenizot En octobre 1904, René Guénon, qui va avoir dix-huit ans, vient à Paris au collège Rollin comme élève de mathématiques spéciales, mais sa santé devenue encore plus médiocre l’empêche de suivre de nombreux cours, d’autant plus que l’ambiance agitée et irréligieuse du Quartier Latin lui déplaît fort. Aussi abandonne-t-il ses études universitaires pour s’installer dans l’île Saint-Louis, au 51 de la rue Saint-Louis-en-l’Isle, dans un petit appartement du magnifique hôtel Chenizot5 (hélas bien déchu comme la plupart des hôtels classiques non démolis encore à cette époque dans Paris). Cet hôtel bâti en 1730, fut au siècle dernier le siège de l’Archevêché de Paris. C’est à droite en entrant, au 3e étage, que René Guénon va vivre et travailler pendant vingt-cinq ans. Il commence alors un patient pèlerinage auprès de ceux qui, de-ci de-là et avec des bonheurs divers, se consacraient à l’ésotérisme ou à l’occultisme. C’est peut-être une rencontre providentielle qui a mis Guénon sur cette voie, rencontre dont il a reçu ordre de cacher la nature. Toujours est-il qu’il commence une vaste enquête auprès de ceux qui, à l’époque, essayaient maladroitement et pas toujours de façon désintéressée, d’obéir à l’injonction cyclique qui est de remettre en lumière les enseignements traditionnels oubliés ou déformés en notre fin des Temps. Dans ce voyage « initiatique », il prendra souvent le rôle de nettoyeur des Écuries d’Augias comme Hercule, et beaucoup ne lui pardonneront pas d’avoir crevé mainte baudruche ! Cela commence par une entreprise assez sympathique sous bien des aspects : « l’École Supérieure des Sciences Hermétiques » que dirige le docteur Gérard Encausse, plus connu sous le nom de Papus, et qui siège 13 rue Séguier. Les professeurs en sont Papus6, Barlet7, Phaneg8 et Sédir9. Guénon se fait admettre dans l’Ordre martiniste fondé par Papus dans la filiation vraie ou supposée de Martinès de Pasqually10 et de Louis-Claude de Saint-Martin11, organisation qui se veut « une Chevalerie chrétienne respectant la liberté intellectuelle et morale de tous ses membres et donnant à ceux-ci une instruction élevée sur le Symbolisme, l’Illuminisme et leurs adaptations ». Guénon reçoit de Phaneg le « troisième degré » de Supérieur Inconnu et se trouve nommé délégué de l’Ordre pour le Loir-et-Cher. Parallèlement, il se fait recevoir dans deux obédiences maçonniques : le « Rite Ancien et primitif de Memphis-Misraïm12 » et le « Rite Espagnol13 ». Mais, au Congrès spiritualiste et maçonnique de 1908, Salle des Sociétés savantes, Guénon se retire, choqué par une phrase prononcée par Papus lors du discours d’ouverture : <quote>Les sociétés futures seront transformées par la certitude de deux vérités fondamentales du spiritualisme : la survivance et la réincarnation14.</quote> 4 A ce Congrès, Guénon avait rencontré Fabre des Essarts, dit Synésius15, patriarche de l’Église Gnostique16, qui lui demande d’entrer dans cette organisation. Il y entra sous le nom de Palingénius, dont la première partie du mot signifie en grec « qui renaît », ce qui correspond à une traduction de son prénom. De cette quête à travers les « chapelles occultistes » de son époque qu’il connaissait donc de l’intérieur, Guénon devait tirer une bonne part de son œuvre critique. Dès 1909, dans La Gnose, organe de l’Église Gnostique, voici ce qu’il écrit dans un article intitulé « La Gnose et les Écoles spiritualistes » : <quote>Il est impossible d’associer des doctrines aussi dissemblables que le sont toutes celles que l’on range sous le nom de spiritualisme : de tels éléments ne pourront jamais constituer un édifice stable. Le tort de la plupart de ces doctrine soi-disant spiritualistes c’est de n’être que du matérialisme transposé sur un autre plan et de vouloir appliquer au domaine de l’esprit les méthodes que la science ordinaire emploie pour étudier le monde hylique. Ces méthodes expérimentales ne feront jamais connaître autre chose que de simples phénomènes sur lesquels il est impossible d’édifier une théorie métaphysique quelconque, car un principe universel ne peut s’inférer de faits particuliers. D’ailleurs, la prétention d’acquérir la connaissance du monde spirituel par des moyens matériels est évidemment absurde ; cette connaissance, c’est en nous-mêmes seulement que nous pouvons en trouver les principes et non pas dans des sujets extérieurs17.</quote> A vingt-trois ans, Guénon apparaît déjà en possession de sa doctrine autant que de sa maîtrise. Au début de 1908, Guénon s’est aussi intéressé de près à la fondation d’un « Ordre du Temple » par certains membres de l’Ordre Martiniste, mais il est exclu de celui-ci ainsi que des obédiences maçonniques dont il faisait partie. Puis, poursuivant son enquête dans les milieux occultistes, il entre à la Loge Thébah, relevant de la Grande Loge de France (Rite Écossais Ancien et Accepté), où il devait demeurer jusqu’en 1914, car la Première Guerre mondiale mit les loges en sommeil. Plus tard, dans le n° de juin 1937 des Etudes Traditionnelles, il portera le jugement suivant : <quote>La Maçonnerie a subi une dégénérescence ; le début de cette dégénérescence, c’est la transformation de la Maçonnerie opérative en Maçonnerie spéculative, mais on ne peut parler ici de discontinuité ; même s’il y eut schisme, la filiation n’est pas interrompue pour cela et demeure malgré tout. L’incompréhension de ses adhérents et même de ses dirigeants n’altère en rien la valeur propre des rites et des symboles dont elle demeure la dépositaire. </quote> C’est probablement dans « l’Église Gnostique » où il portait le grade d’ « évêque » que GuénonPalingénius rencontra en 1909 deux personnages très importants : Léon Champrenaud18 et Albert de Pouvourville19. Le premier avait entre autres prérogatives celui d’être le secrétaire-adjoint de l’Ordre Martiniste et rédacteur en chef de L’Initiation, et à cette époque il se tournait de plus en plus vers les doctrines orientales. Il devait entrer dans l’Islam sous le nom d’Abdul Haq, « le Serviteur de la Vérité ». Le comte de Pouvourville avait été militaire, puis administrateur au Tonkin et avait reçu l’initiation taoïste sous le nom de « Matgioi », ce qui signifie « Œil du jour »,, soit le Soleil en chinois. Tous deux avaient fondé en 1904 La Voie, revue mensuelle de Haute Science, qui avait duré jusqu’en 1907, et où furent publiées d’abord les œuvres maîtresses de Matgioi, La Voie Métaphysique et La Voie rationnelle, base de toute connaissance traditionnelle en notre temps. En 1909, René Guénon, avec quelques transfuges de l’Ordre du Temple disparu, fonda « La Gnose » à laquelle j’ai fait allusion plus haut, laquelle se voulait d’abord l’organe officiel de « l’Église gnostique universelle », puis, à partir du n° 4, cette revue se consacra particulièrement aux doctrines orientales, grâce à l’appui de Champrenaud et de Pouvourville. C’est dans cette revue que parut le premier texte publié de Guénon, « Le Démiurge », qui prouve d’emblée une connaissance profonde de la métaphysique hindoue. Puis suivront la première rédaction d’une grande partie du Symbolisme de la Croix, puis la partie essentielle de L’Homme et son devenir selon le Vêdanta, et les Principes du Calcul Infinitésimal, ainsi que des articles sur la Franc-Maçonnerie qui, aujourd’hui, ont été presque tous réunis en ouvrages posthumes. 5 Dans le deuxième numéro de La Gnose, faisant suite aux critiques des doctrines soi-disant spiritualistes et en fait scientistes citées plus haut, Guénon ajoute le commentaire suivant : <quote>La Gnose devait donc écarter toutes ces doctrines et ne s’appuyer que sur la Tradition orthodoxe contenue dans les Livres sacrés de tous les peuples. Tradition qui, en réalité, est partout la même, malgré les formes diverses qu’elle revêt pour s’adapter à chaque race et à chaque époque. Mais ici encore, il faut avoir bien soin de distinguer cette Tradition véritable de toutes les interprétations erronées et de tous les commentaires fantaisistes qui en ont été donnés de nos jours par une foule d’écoles plus ou moins occultistes, lesquelles, malheureusement, ont voulu parler trop souvent de ce qu’elles ignoraient20.</quote> Bien que René Guénon ait toujours été très discret - et on le comprend - sur ces circonstances, il apparaît que c’est en 1908 ou 1909 au plus tard (il avait vingt-deux ans) qu’il reçut une triple initiation orientale, à la fois hindouiste, taoïste et islamique. Je résumerai ceci en citant ces lignes extraites d’un article d’André Préau21 publié en avril 1934 dans la revue indienne Jyakarnata sous le titre « Connaissance orientale et recherche occidentale », texte qui fut soumis avant parution à l’approbation de Guénon : <quote>Cet auteur [René Guénon] présente le cas très rare d’un écrivain s’exprimant dans une langue occidentale et dont la connaissance des idées orientales a été directe, c’est-à-dire essentiellement due à des maîtres orientaux ; c’est en effet à l’enseignement oral d’Orientaux que M. René Guénon doit la connaissance qu’il possède des doctrines de l’Inde, de l’ésotérisme islamique et du Taoïsme, aussi bien que celle des langues sanscrite et arabe, et ce trait le distingue suffisamment des orientalistes européens ou américains qui, sans doute, ont parfois travaillé avec les Asiatiques, mais sans leur demander autre chose qu’une aide destinée à faciliter un travail restant principalement livresque et conçu suivant les méthodes de l’éducation occidentale22.</quote> On sait en effet qu’entre 23 et 26 ans René Guénon reçut son initiation hindouiste par des maîtres de l’école Vêdanta adwaita ; son initiation taoïste par Tong Sang Luat23, par ailleurs « maître » de Matgioi, et enfin son initiation au soufisme d’Abdul-Hâdi24 (Suédois, de son vrai nom John Gustav Agelli), né en 1869 et qui collabora à La Gnose comme expert d’Ibn Arabi et de la littérature mystique de l’Islam. C’est en 1912, à l’âge de 26 ans, alors qu’il entre dans l’ésotérisme de l’Islam sous le nom d’Abdel Wahed Yahia, c’est-à-dire « Serviteur de l’Unique », que René Guénon se marie avec une jeune tourangelle, institutrice catholique, Berthe Loury, prouvant par ces deux actes qui engageaient sa vie tout entière qu’il survolait définitivement les frontières humaines et contingentes entre les différents ésotérismes religieux, lesquels sont des adaptations temporelles de l’Unique Vérité. C’est également à cette époque que s’intensifie le combat de Guénon, combat que l’on pourrait appeler « maçonnique », et qui prit un double aspect : d’abord faire litière des supercheries et impostures de Léo Taxil25 et de ses suiveurs, et ensuite combattre les Maçons contemporains infidèles à leur vocation initiatique par leur politique anti-traditionnelle et leur modernisme. En ce qui concerne l’accusation faite à la Maçonnerie d’être une organisation luciférienne, Paul Chacornac26, dans son beau livre La Vie simple de René Guénon, résume l’attitude de Guénon : <quote>Il acquit la certitude qu’il y avait de par le monde des groupes qui s’efforçaient consciemment de jeter le discrédit sur tout ce qui subsiste d’organisations traditionnelles, qu’elles soient de caractère religieux ou de caractère initiatique ; que ces groupes pouvaient sans doute avoir des agents dans la Maçonnerie, comme dans tout autre milieu, sans qu’on puisse pour autant assimiler la Maçonnerie à une organisation subversive. </quote> Voilà une remarque qui va loin et qui recoupe toutes les analyses faites par Guénon dans ses livres que l’on pourrait appeler « eschatologiques », alors qu’il voit notre monde de la Fin envahi par les « Légions de Gog et Magog » et par la grande subversion antéchristique. 6 La santé déficiente de René Guénon le fait réformer à la guerre de 1914 (il l’avait déjà été en 1906, lors du Conseil de révision). Petit rentier, pratiquement sans revenus, il entre dans l’enseignement libre en 1915-1916 au Collège de Saint-Germain-en-Laye. Sa mère meurt à Blois en 1917. En septembre de la même année, il est nommé professeur de philosophie en Algérie, à Sétif, où il part avec sa femme et sa tante, Mme Duru, et où il se perfectionne en langue arabe. En 1918, il revient à Blois, dans la demeure familiale de la rue de Foix, et il est nommé professeur de philosophie au collège Augustin Thierry où il avait été dix-sept ans plus tôt élève de rhétorique et de philosophie. Un de ses élèves racontera plus tard que lorsque ses jeunes auditeurs étaient las d’écrire le cours dicté, il leur suffisait le plus souvent de lancer leur maître sur un sujet de philosophie orientale pour que leur cours prît un aspect plus vivant. En 1919, René Guénon et sa femme reviennent à Paris, car il a quitté définitivement l’enseignement pour se consacrer entièrement à son œuvre. Ils habitent à nouveau leur petit appartement de l’hôtel Chenizot, 51 rue Saint-Louis-en-L’Isle, avec une petite-nièce de quatre ans que son oncle chérit comme sa propre fille. Sa femme l’aida activement dans ses travaux en relisant attentivement ses manuscrits. Et c’est en 1921 que paraît le premier livre de Guénon27 chez Marcel Rivière, dont d’ailleurs les 150 premières pages constituent en fait une introduction à la Tradition en général. En cette même année 1921 paraît chez Desclée le second livre de René Guénon, Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion28, où il développe un point particulièrement important de la dernière partie de l’Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues relative aux interprétations occidentales fallacieuses de ces doctrines. C’est l’histoire de la société fondée par la fameuse Mme Blavatsky29, et Guénon en dénonce les impostures et les ridicules avec une alacrité presque joyeuse. Chemin faisant, il donne également des lumières sur d’autres organisations occidentales à prétentions initiatiques (Hermetic Brotherwood of Luxor30, Societas Rosicruciana in Anglia31, Golden Dawn32, Anthroposophie de Rudolf Steiner33, Église vieille catholique34, Maçonnerie du Droit Humain35). Il poursuit le même travail de nettoyage en 1923 avec L’Erreur spirite, chez Marcel Rivière, où l’apport historique et critique est complété par de substantiels exposés doctrinaux sur des questions métaphysiques et cosmologiques et sur le monde subtil. Particulièrement importants dans ce livre sont les chapitres suivants : l’explication des phénomènes, immortalité et survivance, les représentations de la survie, la communication avec les morts, la réincarnation, la question du Satanisme. Que de chercheurs encore embourbés de nos jours dans cette confusion fondamentale entre psychique et spirituel auraient intérêt à méditer ce livre ! Après avoir été bibliothécaire du Centre d’études néerlandaises de l’Université de Paris, René Guénon, à qui les maigres droits d’auteur de ses ouvrages ne permettaient pas de vivre, donne, à partir de 1924, des leçons particulières et des leçons de philosophie au Cours Saint-Louis, où sa nièce fait ses études. Ce cours est situé au premier étage d’une maison de la rue de Bretonvilliers, dépendance du magnifique hôtel de Bretonvilliers36 élevé au début du XVIIe siècle par Jean Androuet du Cerceau et stupidement démoli au siècle dernier par le préfet Rambuteau. En 1924, un colloque organisé par Frédéric Lefèvre37, rédacteur en chef des Nouvelles Littéraires, réunit René Guénon, René Grousset38, Jacques Maritain39 et Ferdinand Ossendowski40, ancien haut fonctionnaire du régime tsariste qui, ayant dû fuir à travers la Mongolie, recueillit près du « Toit du monde », des témoignages directs de la tradition de l’Agartha ; il venait de publier chez Plon Bêtes, hommes et dieux. René Guénon, alors dans la pleine maîtrise de ses idées, réplique à Grousset et Maritain qui lui manifestent leur incompréhension, voire leur hostilité à l’encontre de l’Orient : <quote>Ne jugez donc pas ces choses avec les catégories occidentales. Il y a là-bas une sagesse profonde que l’Occident ne sait pas apercevoir. Pourquoi parlez-vous d’opposition ? C’est plutôt alliance et entente qu’il faudrait dire. L’Orient nous apporte une vérité qui peut s’accorder avec la vérité des plus hautes traditions occidentales, la tradition aristotélicienne et la tradition catholique. </quote> 7 Réflexions qui, dans ce qui est en fait un dialogue de sourds, restent sans réponses mais qui trouvent un prolongement substantiel dans Orient et Occident que René Guénon publiera la même année. Dans cet ouvrage, il commence par poser la condition première pour que s’opère un rapprochement : c’est que l’Occident abandonne les idéologies modernes et antitraditionnelles telles que les idoles du « Progrès », de la « Science » et de l’ « Égalité ». <quote>L’évolutionnisme est devenu un véritable dogme officiel, on enseigne comme une loi qu’il est interdit de discuter ce qui n’est en réalité que la plus gratuite et la plus mal fondée de toutes les hypothèses ; à plus forte raison en est-il ainsi de la conception du progrès humain qui n’apparaît plus là-dedans que comme un simple cas particulier. Le préjugé chimérique de l’Égalité va à l’encontre des faits les mieux établis dans l’ordre intellectuel aussi bien que dans l’ordre physique ; c’est la négation de toute hiérarchie naturelle et c’est l’abaissement de toute connaissance au niveau de l’entendement borné du vulgaire. Quoi que certains puissent en dire, la constitution d’une élite quelconque est inconciliable avec l’idéal démocratique. </quote> Et enfin, ces lignes qui, cinquante ans plus tard, prennent aujourd’hui une résonance tragique : <quote>Certains commencent d’ailleurs à sentir plus ou moins confusément que les choses ne peuvent continuer à aller indéfiniment dans le même sens, et même à parler, comme d’une possibilité, d’une faillite de la civilisation occidentale. Les Occidentaux, malgré la haute opinion qu’ils ont d’eux-mêmes et de leur civilisation, sentent bien que leur domination sur le reste du monde est loin d’être assurée d’une manière définitive, qu’elle peut être à la merci d’événements qu’il leur est impossible de prévoir et à plus forte raison d’empêcher. Seulement, ce qu’ils ne veulent pas voir, c’est que la cause principale des dangers qui les menacent réside dans le caractère même de la civilisation européenne : tout ce qui ne s’appuie que sur l’ordre matériel, comme c’est le cas, ne saurait avoir qu’une réussite passagère ; le changement, qui est la loi de ce domaine essentiellement instable, peut avoir les pires conséquences à tous égards, et cela avec une rapidité d’autant plus foudroyante que la vitesse acquise est plus grande ; l’excès même du progrès matériel risque fort d’aboutir à quelque cataclysme. Que l’on songe à l’incessant perfectionnement des moyens de destruction, au rôle de plus en plus considérable qu’ils jouent dans les guerres modernes, aux perspectives peu rassurantes que certaines inventions ouvrent pour l’avenir et l’on ne sera guère tenté de nier une telle possibilité. Du reste, les machines qui sont expressément destinées à tuer ne sont pas les seules dangereuses. Au point où les choses en sont arrivé dès maintenant, il n’est pas besoin de beaucoup d’imagination pour se représenter l’Occident finissant par se détruire lui-même, soit dans une guerre gigantesque dont la dernière ne donne encore qu’une faible idée, soit par les effets imprévus de quelque produit qui, manipulé maladroitement, serait capable de faire sauter non plus une usine ou une ville mais tout un continent. </quote> Dans la deuxième partie d’Orient et Occident, dont on voit la lucidité prophétique dans le paragraphe cité, Guénon envisage les possibilités de rapprochement avec l’Orient, mais qui ne saurait être réalisé en Occident que par la restauration métaphysique de sa Tradition qui est le Christianisme ce que Guénon ne cessera de répéter dans tout le reste de son œuvre. Remarquons à ce sujet que plus de la moitié de l’œuvre de cet homme que d’aucuns vont accuser de « trahison » à l’encontre de l’Occident est consacrée à la restauration de la Tradition occidentale ! Si l’accueil de ce livre fut très divers, certains catholiques traditionnalistes particulièrement intelligents lui firent fête, comme Léon Daudet dans l’Action française du 15 juillet 1924 : <quote>Un ouvrage critique d’une exceptionnelle pénétration où abondent les horizons nouveaux. Par des voies différentes, j’étais arrivé à une conclusion analogue dans l’examen du stupide XIXe siècle. L’Occident est menacé, plus du dedans, je veut dire par sa débilité mentale, que du dehors, où cependant la situation n’est pas si sûre. </quote> 8 C’est à cette époque que René Guénon fit la connaissance du grand archéologue et métaphysicien catholique Louis Charbonneau-Lassay41, qui accomplissait un travail de bénédictin dans sa demeure de Loudun, travail qui devait aboutir au magnifique Bestiaire du Christ, un des plus grands livres du siècle. Charbonneau-Lassay introduisit Guénon dans la revue Regnabit, où ce dernier écrivit de nombreux articles sur le symbolisme chrétien dans la perspective d’aider les catholiques à pénétrer le sens profond de leur tradition. Hélas, l’hostilité de certains milieux néo-scolastiques oblige Guénon à cesser cette collaboration. Il est permis de rêver avec amertume à toutes les études guénoniennes sur l’ésotérisme chrétien dont ces « élèves » obscurantistes nous ont privé. En 1926, René Guénon commença à collaborer à la revue Le Voile d’Isis, dirigée par Paul Chacornac, et qui avait pour but d’étudier la tradition ésotérique et les divers mouvements de spiritualisme ancien et moderne. Grâce à l’amitié de l’excellent Gonzague Truc42, écrivain catholique et directeur littéraire des Éditions Bossard, Guénon publie chez cet éditeur un de ses livres majeurs, L’Homme et son devenir selon le Vêdanta. Alain Daniélou raconta qu’ayant présenté ce livre à des pandits orthodoxes, ceux-ci lui répondirent qu’en Occident seul Guénon avait compris le véritable sens des doctrines hindoues. En 1925, parut chez l’éditeur Bosse L’Ésotérisme de Dante, où Guénon montre que la Divine Comédie retrace dans ses trois chants un processus de réalisation spirituelle et initiatique et atteste la connaissance chez Dante des sciences traditionnelles inconnues des Occidentaux d’aujourd’hui, comme la science des Nombres, l’Astrologie sacrée ainsi que la science des Cycles cosmiques. Le 17 décembre de cette même année, Guénon donna à la Sorbonne la seule conférence qu’il ait jamais prononcée. Le texte en fut publié en 1939 par Chacornac sous le titre « La Métaphysique orientale » : court exposé d’une rare densité. En 1927, parut un des ouvrages les plus étonnants de Guénon, chez Chacornac : Le Roi du Monde, qui est né, si j’ose dire, du choc Guénon-Ossendowski et de ses révélations sur l’Agartha, ce pays caché et inaccessible où réside le « Roi du Monde » (qu’il ne faut pas confondre avec le « Prince de ce Monde », qui est Satan) - Manu ou régisseur de notre cycle d’humanité. <quote>Du témoignage concordant de toutes les traditions, une conclusion se dégage très nettement, c’est l’affirmation qu’il existe une « terre sainte » par excellence, prototype de toutes les autres « terres saintes », centre spirituel auquel tous les autres centres sont subordonnés. </quote> A ceci, Guénon ajoute que l’Agartha est devenue invisible et inaccessible, il y a six mille ans, lorsque l’Humanité actuelle était entrée dans son Quatrième Âge, le Kali-Yuga ou Âge de Fer, et qu’elle redeviendrait visible à la fin de cette même période. Après avoir rappelé qu’une des plus grandes mystiques de tous les temps, Anne-Catherine Emmerich43, avait surnaturellement voyagé dans, Guénon précise mystérieusement pour justifier l’opportunité de son livre : <quote>Dans les circonstances au milieu desquelles nous vivons présentement, les événements se déroulent avec une telle rapidité que beaucoup de choses dont les raisons n’apparaissaient pas encore immédiatement pourraient bien trouver, et plus tôt qu’on ne serait tenté de le croire, des applications assez imprévues sinon tout à fait imprévisibles44.</quote> Et il cite Joseph de Maistre (extrait du onzième entretien des Soirées de Saint-Pétersbourg) : <quote>Il faut nous tenir prêts pour un événement immense dans l’ordre du divin, vers lequel nous marchons avec une vitesse accélérée qui doit frapper tous les observateurs. Des oracles redoutables annoncent déjà que les temps sont arrivés. </quote> En cette même année 1927, paraît aux Éditions Bossard un des plus importants ouvrages de Guénon, tout au moins un de ceux qui ont pour nos contemporains inquiets de voir la civilisation 9 blanche courir à l’abîme, le plus d’importance immédiate ; il s’agit de La Crise du monde moderne, qui prolonge Orient et Occident, car ce livre expose en particulier pour la première fois de façon claire la doctrine des Cycles cosmiques. Je n’insiste pas sur ce point, car j’en ai beaucoup parlé lors de mes précédentes conférences à l’Institut d’Herméneutique45. Ce livre est donc par son immédiate portée sur le lecteur actuel, à mettre entre les mains de ceux qui sont « en quête de la Tradition ». Voici de cette époque le témoignage de M. François Bonjean46, qui réunissait chez lui, boulevard Pasteur, autour de Guénon, un groupe de personnes parmi lesquelles des Orientaux : <quote>Polyglotte averti, il connaissait le latin, le grec, l’hébreu ainsi que l’anglais, l’allemand, le russe et le polonais. De cette façon, il pouvait aisément répondre à n’importe lequel de ses interlocuteurs dans leurs langues respectives. </quote> De la même époque, Jean Reyor garde un souvenir ému : <quote>Les années, l’éloignement, n’ont pu affaiblir le souvenir de sa bonté, de sa bienveillance, de sa délicatesse, du soin qu’il mettait à effacer les distances entre lui et nous. </quote> C’était aussi le temps où des idéologies foncièrement opposées allaient pour un temps s’intéresser à l’œuvre guénonienne : les surréalistes, qui étaient en fait des « sous-réalistes », et qui, bien vite, allaient s’enfuir - André Breton en tête - de ce monde fantastique où décidément on parlait beaucoup trop de Dieu. Quant aux milieux de droite, du moins ceux de Daudet, Gonzague Truc et Bainville (cités par Guénon dans Orient et Occident), ainsi que Massis et plus encore Maurras, ils lui témoignèrent vigoureusement leur opposition, mais comme l’a écrit Paul Sérant dans son Guénon paru en 1953 à la Colombe : <quote>Il [Guénon] restait tout aussi inaccessible à l’appel des partisans de la révolte qu’à ceux des partisans de la réaction. </quote> L’épouse de René Guénon mourut au début de 1928. Paul Chacornac mit Le Voile d’Isis à son entière disposition, bien que Guénon ait insisté pour n’occuper aucune fonction honorifique et pour n’être considéré que comme un simple rédacteur. A partir de 1936, la revue prendra le titre qu’elle porte encore aujourd’hui, Les Etudes Traditionnelles47. En 1929 (il a 43 ans), Guénon écrivit un livre d’actualité après la condamnation de l’Action Française par le Saint Office. Désireux, comme toujours, d’élever tout débat au niveau des principes, il publia chez Vrin Autorité spirituelle et pouvoir temporel, complément indispensable d’Orient et Occident et de La Crise du monde moderne. Entre autres choses, Guénon rappelle la prédominance de la caste sacerdotale sur la caste royale dans toute civilisation traditionnelle - le sacre des empereurs et des rois en Occident étant la preuve de l’autorité reconnue au sacerdoce par le pouvoir temporel. Et quand le pouvoir royal prétend à la suprématie ou revendique une indépendance totale, comme par exemple dans la Querelle des Investitures, les démêlés de Philippe le Bel avec la Papauté ou dans le Gallicanisme, la civilisation glisse vers le chaos moderne. Parallèlement, Guénon publia chez Chacornac un bref mais dense ouvrage sur Saint Bernard, dans lequel il montre comment, dans une société traditionnelle, un contemplatif peut arriver à devenir l’arbitre de la Chrétienté. C’est en mars 1930 (il a 43 ans) que s’opéra le grand tournant de sa vie48. Une riche veuve américaine, Mme Dina49 qui avait décidé de monter une maison d’éditions pour éditer l’ensemble de son œuvre, l’emmena en Égypte pour rechercher, faire copier et traduire des traités d’ésotérisme islamique. Guénon avait dit à ses amis qu’il partait pour trois mois, en fait il y devait rester jusqu’à sa mort, vingt ans plus tard. Son ami Gonzague Truc a interprété ainsi son exil : <quote>Guénon ressentait les oppositions hargneuses, les effets des sourdes manœuvres et gardait mille inquiétudes sur l’œuvre qu’il poursuivait et la façon de la poursuivre, redoublant de scrupule dans la recherche et la documentation, se débattant parmi les difficultés 10 matérielles de l’édition. Il était atteint dans son domestique, perdant sa femme, séparé de sa nièce. La profondeur du coup peut se mesurer à ses suites. La blessure le poussait à quelque retraite lointaine, et ce furent là les causes déterminantes de son départ50.</quote> A cela, il faut ajouter un découragement certain devant l’insuccès des efforts qu’il avait déployés pour réveiller, ressourcer les familles spirituelles de l’Occident, en particulier l’Église catholique et la Franc-Maçonnerie. D’autre part, étant rattaché à l’ésotérisme soufi, connaissant parfaitement l’arabe, le rattachement à la communauté islamique était pour lui tout naturel. Au Caire, René Guénon devint le Sheikh Abdel Wahed Yahia et incarna l’esprit de pauvreté en vivant l’existence la plus modeste ; cependant, il garda des liens épistolaires avec la France et continua à se tenir informé de la vie de l’ésotérisme occidental. C’est du Caire que Guénon envoya le bon à tirer de ses deux ouvrages publiés chez Véga, Le Symbolisme de la Croix et Les états multiples de l’Être, le premier en 1931 et le second en 1932. Ces deux livres prolongent en quelque sorte L’Homme et son devenir selon le Vêdanta ou ouvrent des perspectives sur toutes les formes traditionnelles. En ces années, Guénon rédigea directement en arabe des articles pour des revues égyptiennes et poursuivit son inlassable correspondance. Dans la mosquée où il allait prier à l’aube, il fit la connaissance du Sheikh Mohammad Ibrahim dont il épousa la fille en juillet 1934 et chez lequel il habita. En juin 1935, il donna congé de son appartement de l’Île Saint-Louis et des amis lui expédièrent ses livres et papiers. En 1937, il s’installa dans la banlieue du Caire, « dans un lieu où l’on n’entend aucun bruit et où on ne risque pas d’être dérangé sans cesse par les uns et par les autres ». De sa maison, dans le faubourg de Doki, on apercevait les pyramides au-dessus de la ligne sombre des palmiers. Sur le mur de son bureau, on pouvait lire la phrase suivante : « Qu’est-ce que la victoire, sinon celle qui vient de Dieu ? ». Le Seconde Guerre mondiale interrompit les relations épistolaires et la parution de ses articles dans les Etudes Traditionnelles, mais l’œuvre continua de cheminer en silence. A Paris, en 1941, parut un livre de Luc Benoist51, Art du monde, dans lequel on pouvait lire ces lignes enthousiastes : <quote>J’ouvris par hasard un livre signé du nom inconnu de René Guénon. Je sentis aux premières pages qu’il m’apporterait ce que je cherchais. Il fut le messager du bonheur. J’avais compris, et pour certains, comprendre c’est le bonheur. Tout ce que mon intuition n’avait fait que supposer dans un violent et solitaire effort, tout ce qui ne m’était apparu que dans la logique du possible avec le vague et la défiance du rêve, tout cela m’était dévoilé d’un coup, autour de moi et en moi, comme le plus tangible, le plus cohérent, le plus comblé des spectacles de la nature. Je jouissais du calme de l’intelligence satisfaite à qui s’ouvre la voie désirée d’un nouveau développement possible. Bien entendu, l’effet de cette lecture m’était en grande partie personnel. Comme au grimpeur harassé avant d’avoir atteint le sommet, une aide m’avait été nécessaire. Plus peut-être : la révélation d’un monde52.</quote> C’est en octobre 1943 et de Fez que sont datées les pages célèbres du Journal d’André Gide où celui-ci évoqua l’impression que lui fit l’œuvre de René Guénon, qu’un Français islamisé, Si Abdallah, lui avait mis avec respect entre les mains : <quote>Si Abdallah, converti à l’Islam et sanscritisant, me fit lire les livres de René Guénon. Que serait-il advenu de moi si j’avais rencontré ceux-ci au temps de ma jeunesse ? A présent, il est trop tard, les jeux sont faits, rien ne va plus53.</quote> Henri Bosco, dans le numéro spécial consacré à Gide en 1951, devait également évoquer la réaction de l’auteur des Nourritures terrestres, car il en avait été témoin à Fez : <quote>La conversation s’étant quelque peu échauffée, il s’écria soudain : « Si Guénon a raison, eh bien ! toute mon œuvre tombe… » (…) Enfin, ému, il avoua la raison de son inquiétude : « Je n’ai rien, absolument rien à objecter à ce que Guénon a écrit : c’est irréfutable ». </quote> 11 Et Bosco, au début de son article, écrivait : <quote>Ma femme et moi, nous possédions déjà une bonne connaissance de toute l’œuvre écrite de Guénon que j’admirais et cette admiration est restée intacte : j’ai trouvé dans son œuvre de nouvelles raisons de croire, catholiquement54.</quote> En 1949, Jean Paulhan55 décida de créer aux Éditions Gallimard une collection « Tradition ». Ce fut Guénon qui l’inaugura avec son nouvel ouvrage écrit pendant la guerre, Le Règne de la Quantité et les Signes des Temps, aujourd’hui rééditée, ainsi que La Crise du monde moderne, dans la collection de poche « Idées », ce qui montre quelle audience l’œuvre guénonienne a su prendre malgré les oppositions. Dès l’avant-propos, René Guénon constate que « les événements n’ont confirmé que trop complètement, et surtout trop rapidement », les perspectives exposées auparavant dans la Crise du monde moderne : <quote> (…) il ne suffit pas de dénoncer les erreurs (…) ; si utile que cela puisse être, il est encore plus intéressant et plus instructif de les expliquer, c’est-à-dire de rechercher comment et pourquoi elles se sont produites (…)56.</quote> Guénon complète ensuite les analyses précédentes en plongeant plus avant dans des données d’ordre métaphysique et cosmologique. Les chapitres qui ouvrent l’ouvrage sont d’une densité et d’une originalité incomparables : « Qualité et Quantité, Materia signata quantitate, Mesure et Manifestation, Quantité spatiale et espace qualifié, les déterminations qualitatives du temps, le principe d’individuation. On ne peut également qu’être frappé par l’exposé des modifications du milieu humain et cosmique depuis les origines jusqu’à la fin du Cycle adamique. C’est la plus remarquable étude sur la Fin des Temps que l’on ait écrite dans les « Temps modernes ». En même temps que cette collection, « Tradition » réédite La Crise du monde moderne et publie Les Règles du Calcul infinitésimal, ouvrage dans lequel Guénon montre que les mathématiciens modernes semblent en être arrivés à ignorer ce qu’est véritablement le nombre. En particulier, il établit la distinction rigoureuse entre l’infini et l’indéfini, notion si généralement méconnue. En 1946 (il a soixante ans), les Éditions Traditionnelles éditent les Aperçus sur l’Initiation, où Guénon établit de façon définitive ce qui distingue la véritable initiation de ses contrefaçons. Il y définit l’initiation comme la transmission par des rites appropriés d’une influence spirituelle destinée à permettre à l’être qui est actuellement dans l’état humain d’atteindre l’état spirituel que diverses traditions désignent comme l’état édénique, puis de s’élever aux états supérieurs de l’Être et enfin d’obtenir ce qu’on peut appeler la délivrance ou état d’identité suprême. Au passage, Guénon rappelle que, seuls en Occident, la Maçonnerie, le Compagnonnage ainsi que certains groupements ésotériques chrétiens subsistant dans le secret depuis le Moyen Age pouvaient revendiquer « une origine traditionnelle authentique et une transmission initiatique réelle ». Et comment ne pas évoquer ici, dans l’ordre de l’ésotérisme chrétien, ce Hiéron de Paray-le-Monial57l aujourd’hui disparu du fait de l’hostilité des fonctionnaires de l’Église romaine, ou soigneusement occulté ? Toujours en 1946, Gallimard publie La Grande Triade, où Guénon se réfère surtout à la tradition taoïste pour mener à bien un exposé de doctrine cosmologique et métaphysique basé sur le ternaire envisagé dans les « Trois Mondes », dont la Tétraktys pythagoricienne, le symbolisme de la Croix chrétienne et de la Croix ansée ainsi que le dogme catholique de la Sainte-Trinité sont des applications traditionnelles. Autour de l’œuvre guénonienne, des ouvrages participant de la même attitude traditionnelle commencèrent à fleurir - car à partir de Guénon cette épithète a pris sa pleine acception métaphysique. C’est ainsi que parurent Hindouisme et Bouddhisme d’Ananda Coomaraswamy58, et surtout les ouvrages de Frithjof Schuon59, parmi lesquels De l’Unité transcendante des religions qui sortit en 1948. Et déjà, l’influence guénonienne transparaît dans bien des œuvres dites littéraires comme celles de Drieu-la-Rochelle, de René Barjavel ou d’Albert Paraz. 12 René Guénon eut trois enfants de sa seconde épouse : la première était née au Caire en 1944 (Khadija), la seconde, Leila, en 1947. Après ces deux naissances, René Guénon écrivit au Ministère de l’Intérieur de l’Égypte la lettre suivante : <quote>Excellence, Je ne me plains de rien. L’Égypte que j’ai choisie comme patrie m’a bien accueilli et n’a jamais cherché à m’expulser de ma demeure. Néanmoins, chaque fois que je considère mes deux filles, je désire qu’elles soient égyptiennes de famille - en fait et en droit. A cause d’elles et d’une digne épouse, j’ai estimé devoir vous soumettre cette requête concernant la demande par moi présentée dans le but d’obtenir la nationalité égyptienne. Veuillez agréer…</quote> et au bas de cette lettre rédigée en arabe, il fit figurer en français la phrase suivante : « Les livres dont je suis l’auteur sont signés René Guénon ». Son fils Ahmed, qui ressemble étonnamment à son père, naquit en 1949. René Guénon, malgré sa santé fragile et bien qu’il ne fît rien pour que l’on découvre son adresse, recevait toujours les visiteurs avec affabilité. A l’un d’eux, journaliste belge, qui lui annonçait que, grâce à la fréquentation de son œuvre il avait retrouvé la voie du vrai catholicisme, Guénon répondit qu’il en était très heureux. Coomaraswamy et Marco Pallis60 lui rendirent visite. Un de ses visiteurs nous a laissé cet émouvant tableau : <quote>Je me trouvai en face d’un homme frêle, très mince - maigre comme une harpe, aurait dit Saadi - très blond, aux yeux très bleus, vêtu de la façon la plus simple d’une galabieh et chaussé de babouches, extrêmement affable quoique silencieux, si transparent qu’il semblait bien avoir gagné l’autre bord et que je regardais de temps en temps à nos pieds pour voir si le fleuve noir ne passait point entre eux61.</quote> Au début de novembre 1950, ses trois enfants tombèrent malades, ce à quoi sa propre santé ne résista pas : empoisonnement du sang, ulcérations à la jambe droite. Fin décembre, il pouvait à peine parler. Au matin du 7 janvier 1951, il déclara avec peine qu’il se sentait bien et qu’il attendait la mort. A sa femme, il dit qu’il désirait que son cabinet de travail soit maintenu tel quel avec ses meubles et, qu’invisible, il continuerait à y être présent. Vers 22 heures, il prononça « El Nafass Khalaas », c’està-dire « l’âme s’en va ». Il mourut à 23 heures en prononçant la nom d’Allah. Le Dr Katz, qui l’avait soigné avec dévouement, déclara après sa mort qu’il ne savait au juste de quoi il était mort, aucun organe n’était particulièrement atteint « si ce n’est que l’âme est mystérieusement partie ». Ainsi s’acheva sur la Terre ce fleuve de lumière que fut la vie de René Guénon, et vingt-cinq ans après commence la destinée d’une œuvre qui chemine en silence, en apportant aux quêteurs de Vérité de jour en jour plus nombreux une Lumière transcendante qui est celle de la Tradition primordiale. [/En la Sainte-Catherine - 25 novembre 1974/] [/Jean Phaure/] ANNEXE - THEME DE RENE GUENON 4 - René Guénon - Thème natal Une première remarque : René Guénon appartient à la génération de la conjonction NeptunePluton (ici en orbe de 6°) de 1892, qui marque, tous les cinq siècles, un changement dans la « figure du monde », une transformation en profondeur de la civilisation. La conjonction précédente, de 1399, marquait la fin du Moyen Age « classique » et l’entrée dans l’ère moderne, avec commençant par le Quattrocento italien, qui précédait les grandes ruptures de la Réforme et de la Renaissance au XVIe siècle - entrée dans la phase finale du Kali Yuga. 13 On pourrait ainsi inclure l’activité de René Guénon dans le même cadre que nous avons brossé, dans un article antérieur, à propos de J.R.R. Tolkien, né le 3 janvier 1892 : <quote>Cela le situe d’emblée dans le cadre d’une génération appelée à introduire dans le monde l’esprit d’une époque radicalement nouvelle, en rupture avec le climat intellectuel et spirituel dominant durant toute la phase descendante du grand cycle NE-PL précédent, soit de l’opposition de 1646 à la conjonction de 1892, période qui correspond à la suprématie d’une rationalité mécanique et d’une conception assez étroite de la raison humaine coupée de ses racines transcendantes vivifiantes - paradigme naturellement très schématique et diversement coloré à l’époque de l’Age classique, au temps des Lumières ou à l’ère du positivisme triomphant. Le nouveau cycle NE-PL qui s’étendra jusqu’en 2385 et qui atteindra son apogée lors de l’opposition de 2139, commence de façon fracassante par un bouleversement des conceptions relatives à l’ordre physique du monde (théorie de la relativité d’Einstein, physique quantique), mais aussi de celles qui touchent à l’intériorité de l’homme (psychanalyse freudienne et psychologie des profondeurs de Carl-Gustav Jung), ou encore à la place de l’homme dans l’univers physique (lente prise de conscience de l’historicité d’un univers dont on postulait jusqu’alors l’éternité) ou dans son rapport à l’imaginaire (intérêt renouvelé pour les mythologies et les langues anciennes) ainsi qu’à la religion (sens renouvelé d’une Tradition primordiale présente, sous diverses formes, dans toutes les grandes religions de l’humanité). Si les éléments clés de ce cycle ébranlent les conceptions anciennes dès le moment de la conjonction, c’est durant les phases ultérieures du cycle qu’ils vont se manifester dans le monde, en particulier lorsqu’ils bénéficieront de l’appui d’un sextile ou d’un trigone. C’est précisément le cas durant une grande partie du XXe siècle ainsi qu’au début du XXIe siècle, puisque le sextile évolutif est en orbe grosso modo de 1940 à 2020 (avec quelques retours à la phase du septile, soit de l’aspect de 51°30) : c’est alors une période qui favorise l’expansion à travers le monde des graines qui ont été semées au temps de la conjonction et qui permet également un mûrissement de théories qui ont pu se présenter, au premier abord, sous une forme quelque peu fracassante et provocatrice62.</quote> Dans le thème de René Guénon, cette conjonction se situe dans la Maison XII, sous la double maîtrise de Vénus (conjointe au Soleil) et de Mercure en Sagittaire : l’activité intellectuelle et l’étude des religions passent par l’écrit, par les abondantes publications et les nombreuses correspondances avec ceux qu’attire son enseignement relatif à la Tradition primordiale ; la touche vénusienne apporte la dimension de « compassion » qu’implique une existence tout entière vouée à l’éclaircissement des esprits dans la phase la plus sombre de la fin de cycle. La position en M. XII de la conjonction Neptune-Pluton signe l’aspect caché, secret, ésotérique de son œuvre. 5 - René Guénon - Axes planétaires Parmi les axes planétaires du thème, nous retiendrons d’abord ceux qui impliquent le Milieu du Ciel : avec l’axe Soleil/Vénus, on note une touche de sentiment d’amour, de prospérité et de contentement dans ses œuvres, ce que confirme l’axe Mars/Jupiter. Un deuxième axe, autour de Lune/Saturne, est évocateur de solitude, de repli, de tendance à garder ses distances. Outre l’indication de veuvage soudain, l’implication d’Uranus comporte le risque de perturbations et de séparations surprenantes. Mais l’implication de Jupiter dans le même axe signe le bonheur et la prospérité par la séparation du public. Tous ces éléments cadrent parfaitement avec l’exil volontaire de René Guénon en Égypte. Enfin, Uranus dans l’axe Mars/Saturne, évoque lui aussi des séparations soudaines, ainsi qu’une mort soudaine. 6 - René Guénon - Hadès et Kronos Si l’on ajoute au tableau les Transneptuniennes, on remarquera surtout l’étroite imbrication d’Hadès (au MC) et de Kronos (à 8° Bélier) avec le reste du thème. 14 Le lien Hadès/Kronos rattache la fonction de René Guénon à un moment particulier de ce long cycle dont nous avons observé qu’il accompagne la fin du Kali-Yuga à partir de la quadruplice Uranus-Pluton-Hadès-Kronos de 1710, puis lors de la Révolution française (sous une opposition Uranus-Pluton), et dont la future conjonction en 2030 pourrait accompagner un moment crucial. On peut également noter l’imbrication des deux axes Soleil/Lune et Uranus/Hadès à 17 des signes Mutables, sur le Mercure Maître d’Ascendant de René Guénon. On y lit une grande tension nerveuse, le risque d’inimitiés, de séparation soudaines, d’exposition à des influences nuisibles à la santé. 7 - René Guénon - Le grand tournant Dans la vie de René Guénon, le grand tournant a lieu en mars 1930, lorsqu’il quitte définitivement l’Europe pour aller s’installer en Égypte. A cette période, Uranus vient de transiter l’axe Hadès/Admetos (à 8° Bélier, position de Kronos natal), en opposition à Uranus natal - le tout au relais du Soleil natal (à 23° Scorpion). L’axe Hadès/Admetos peut dénoter beaucoup de pessimisme, une profonde tristesse, mais aussi le lien avec la plus haute antiquité, avec le passé lointain : de la fenêtre de sa demeure au Caire, René Guénon voyait se dresser les Pyramides… L’implication d’Uranus dans cet axe marque un événement grave, une pauvreté impromptue, et est même l’indice d’une sorte d’ensevelissement. L’installation durable en Égypte n’était pas, à l’origine, dans les projets de René Guénon ; elle fut le fruit des circonstances, et d’abord de la défection de Mme Dina, qui lui retira le soutien qu’elle lui avait promis. L’implication du Soleil dans le tableau est lui aussi indicateur de restrictions, d’atmosphère déprimante, de manques de toutes sortes. 8 - René Guénon - Thème du décès - 7 janvier 1951 - 23h - Le Caire Le thème du décès de René Guénon, survenu au Caire le dimanche 7 janvier 1951, présente deux figures dont la première avec Saturne à l’Ascendant et Mercure au Fond du Ciel, reliées à Mars, Uranus et Pluton (ce dernier dans l’axe Saturne/Uranus) ; et dont la seconde s’articule autour d’une Nouvelle Lune à 17° Capricorne, au relais d’un sesqui-carré Jupiter-Neptune et dans l’axe Mercure/Vénus. Le carré Mercure-Saturne tombe sur le Mars natal à 0° Capricorne, en M. VII (la Porte des dieux). La lunaison à 17° Capricorne active les deux axes du natal Lune/Saturne (17° Cancer) et Jupiter/Uranus (17° Balance). Pluton (à 19° Lion dans l’axe Saturne/Uranus) tombe au carré de la Vénus natale à 19° Scorpion (dans l’axe Mars/Uranus). De 2015 à 2017, le carré UranusPluton en transit activera la zone de la Lunaison de ce thème. [/Charles Ridoux/] [/Amfroipret, le 2 novembre 2012/] 1 PHAURE Jean, Le Cycle de l’humanité adamique. Introduction à l’étude de la Cyclologie traditionnelle et de la Fin des Temps, Dervy, 1977. 2 Soit en 1949, alors que Jean Phaure était âgé de 23 ans. C’est de cette année que date donc sa rencontre avec l’œuvre de René Guénon. 3 Yves Millet fut, dans les années 1950, un de ceux qui, aux côtés de Jean Reyor (Marcel Clavelle) défendirent dans la revue Etudes Traditionnelles les positions de René Guénon relatives à un « ésotérisme chrétien ». Yves Millet avait aussi traduit de l’allemand des textes de Jacob Boehme. Il enseignait le tchèque à l’École nationale des Langues orientales vivantes. 4 MAISTRE Joseph (de), Mémoire au duc de Brunschvicg. 5 Jean Phaure écrit Chenizeau. 6 Gérard Encausse, dit Papus (1865-1916) est le cofondateur, avec Augustin Chaboseau, de l’Ordre Martiniste. Ayant rompu en 1890 avec la Société Théosophique de Mme Blavatsky, il fut marqué par la pensée de Louis-Claude de Saint-Martin. Il fonde en 1888 la revue L’Initiation et crée en 1891 l’Ordre Martiniste. En 1905, il fut appelé par le Tsar Nicolas II à Tsarskoïe-Selo pour conseiller le souverain confronté à de graves troubles sociaux. 7 Charles Barlet est le nom de plume d’Albert Faucheux (1838-1921). Un des premiers membres de la branche française de la Société Théosophique, il la quitte en même temps que Papus. A la mort de Stanislas de Guaïta, en 1897, il devint le GrandMaître de l’Ordre kabbalistique de la Rose-Croix. Il fut aussi membre de la Hermetic Brotherhood of Luxor (HB of L), 15 fondée à Londres par Max Théon. Durant un temps, il fut « évêque » de l’Église gnostique fondée par Jules Doinel en 1890. Il collabora, entre autres, à la revue L’Initiation et à La Science Astrale, consacrée à l’étude pratique de l’astrologie. 8 Phaneg, de son vrai nom Georges Descormiers (1867-1945), pourvu d’un fort don de voyance fut lié à Papus, mais surtout au maître Philippe de Lyon. Dans les revues L’Initiation et Le Voile d’Isis, il traite des divers aspects de l’envoûtement. 9 Paul Sédir, de son vrai nom Yvon Le Loup (1871-1926), se lia dans sa jeunesse d’amitié avec Papus et avec Stanislas de Guaïta. Il rompit en 1909 avec toutes les sociétés secrètes pour se consacrer uniquement à la voie mystique chrétienne. 10 Joachim Martinès de Pasqually (1727-1774) est considéré par René Guénon comme l’un des derniers représentants d’un ésotérisme occidental en voie d’extinction. Il fonde en 1761 l’ordre des Élus Coëns. 11 Louis-Claude de Saint-Martin, dit le Philosophe Inconnu (1743-1803), membre des Élus Coëns, fut marqué par la théosophie de Jacob Boehme, dont il concilie les enseignements avec ceux de Martinès de Pasqually. 12 Le rite de Memphis-Misraïm appartient à la famille des Rites maçonniques égyptiens, d’inspiration mystique et hermétique. La première loge française de Misraïm (qui signifie « Égypte » en hébreu) remonte à 1815. Le Rite de Memphis est né en 1838 d’une scission du rite de Misraïm. Papus constitue une loge de Memphis-Misraïm. Le rite sera réformé sous la maîtrise de Robert Ambelain (de 1960 à 1985). 13 René Guénon fut reçu dans la Loge symbolique Humanidad du Rite national espagnol dont le vénérable était Charles Détré dit Teder. 14 Épisode rapporté par Paul Chacornac dans La vie simple de René Guénon, paris, Editions traditionnelles, 1958, p. 33. 15 Léonce Fabre des Essarts (1848-1917), admirateur de Victor Hugo, de Jean-Jacques Rousseau et de Robespierre, adhère à l’Église gnostique créée par Jules Doisnel et est sacré évêque de Bordeaux sous le nom de Synésius. Il crée en 1909 la revue La Gnose dont il confie la direction à René Guénon. 16 L’Église Gnostique, constituée par Jules Doisnel, fut dirigée ensuite par Fabre des Essarts (Synésius). C’est dans ce cadre que René Guénon fit la rencontre de Léon Champrenaud (alias Théophane) et d’Albert de Pouvourville (alias Simon). 17 Article paru dans La Gnose de décembre 1909 à novembre 1911 et repris dans le volume des Mélanges de René Guénon, pp. 176-212. 18 Léon Champrenaud (1870-1925), après avoir été proche de Papus, se dirigea vers les doctrines orientales et entra en islam sous le nom d’Abdul-Haq (le « Serviteur de la Vérité »). 19 Albert de Pouvourville (1862-1939) a accompli plusieurs missions en Indochine où il s’est familiarisé avec les traditions extrême-orientales. Initié taoïste sous le nom de Matgioi, il est sacré évêque de l’Église gnostique par Fabre des Essarts et fait la connaissance de René Guénon lors du Congrès spiritualiste et maçonnique de 1908. Après la Grande Guerre, il servit de conseiller au maréchal Lyautey au Maroc et consacra les dernières années de sa vie à la rédaction de romans populaires patriotiques. Ses deux œuvres majeures sont La voie métaphysique (1905) et La voie rationnelle (1907). 20 GUENON René, Mélanges, Gallimard, 1976, p. 178. 21 André Préau (1893-1976) entre en contact avec le milieu des Etudes traditionnelles à la fin des années vingt et est reçu dans l’Islam par l’intermédiaire de Frithjof Schuon. Collaborateur des Etudes traditionnelles de 1930 à 1950. 22 PREAU André, « Connaissance orientale et recherche occidentale », Jayakarmataka Mysore, 1934. Une vingtaine d’années plus tard, André Préau écarte tout à fait l’hypothèse d’un contact initiatique privilégié et attribue le succès de l’œuvre aux seules qualités de René Guénon - position qui entraîna la fin de sa collaboration aux Etudes traditionnelles. Il écrit dans « René Guénon : son temps et son œuvre », France-Asie, t. 8, 1953, pp. 1173 : La valeur et le succès de l’œuvre nous paraissent dus en tout premier lieu, sinon entièrement, aux qualités personnelles de l’auteur : pouvoir de compréhension et d’assimilation, talent et volonté. » 23 Paul Chacornac rapporte que le fils du tong-sang Luat séjourna en France un certain temps et avance que « Guénon, même du côté taoïste, reçut plus que n’avait reçu Albert de Pouvourville » (CHACORNAC Paul, La Vie simple de René Guénon, Éditions Traditionnelles, 1958, p. 43). 24 Ivan Aguéli (1869-1917), né John Gustaf Agelii et connu également sous le nom de Sheikh Abdul-Hâdi, est un peintre et penseur traditionaliste suédois converti à l’Islam. Influencé par la pensée d’Ibn Arabi, c’est lui qui, vers 1910, a initié René Guénon au soufisme et a éveillé son intérêt pour l’Islam. 25 Antoine Jogand-Pagès, dit Léo Taxil (1854-1907) est un écrivain anticlérical et antimaçon, auteur en d’un canular célèbre, où il mêle personnages réels et personnages de fiction ; il fait part lui-même de sa mystification devant un auditoire stupéfait en 1897. 26 Paul Chacornac (1884-1964), directeur de la principale maison d’édition de l’occultisme parisien, et directeur dans les années 1930 de la Revue astrologique dont André Boudineau était le rédacteur en chef. On lui doit une biographie du comte de Saint-Germain ainsi que son livre La Vie simple de René Guénon (1957). 27 Introduction générale à l’étude des doctrines hindoues, 1921. 28 GUENON René, Le Théosophisme, histoire d’une pseudo-religion, Éditions Traditionnelles, 1921. 29 Helena Petrovna von Hahn, connue sous le nom d’Helena Blavatsky (1831-1891) est un des membres fondateurs de la Société théosophique, fondée à New York le 17 novembre 1875, avec le colonel Olcott comme président. Ses deux principaux ouvrages sont Isis dévoilée (1877) et La Doctrine secrète (1888). 30 The Hermetic Brotherhood of Luxor (H.B. of L.) est une organisation occulte devenue publique fin 1884, mais qui aurait commencé son activité en 1870. Le premier Grand Maître en fut Max Théon, qui entretint des rapports cordiaux avec la Société théosophique. 31 La Societas Rosicruciana in Anglia est un ordre maçonnique ésotérique fondé par Robert Wentworth Little en 1865. 32 L’Hermetic Order of the Golden Dawn (Ordre Hermétique de l’Aube Dorée) est une société secrète anglaise fondée à Londres par William Wynn Westcott en 1888, qui se disloqua suite à des conflits internes de 1900 à 1905. Parmi les membres de la Golden Dawn on trouve notamment les noms du poète William Butler Yeats, d’Aleister Crowley, des écrivains Arthur Machen et Henry Rider Haggard (et peut-être l’écrivain irlandais Bram Stoker). 16 33 Rudolf Steiner (1861-1925) est le fondateur de l’anthroposophie, qui vise à restaurer le lien entre l’homme et les mondes spirituels. Membre de la Société théosophique en 1902, il devient dirigeant du rite de Memphis-Misraïm en Allemagne en 1907. En 1912, il se sépare de la Société théosophique et fonde la Société anthroposophique. 34 L’Église vieille-catholique regroupe, depuis 1870, des fidèles qui refusent le dogme de l’infaillibilité pontificale et la juridiction universelle de l’évêque de Rome. 35 Obédience maçonnique créée à la fin du XIXe siècle, qui admet l’accession des femmes à l’initiation. 36 L’ancien hôtel de Bretonvilliers, magnifique palais avec jardins et terrasses sis sur le quai d’Anjou, avait été édifié pour un financier du temps de Louis XIII, secrétaire au Conseil du Roi. Il fut détruit en 1874 pour l’édification du Pont de Sully et le percement du Boulevard Henri IV. 37 Frédéric Lefèvre (1889-1949) est un romancier, essayiste et critique, qui participa avec Maurice Martin du Gard à la fondation des Nouvelles Littéraires, dont il sera le rédacteur en chef de 1922 à 1949. 38 René Grousset (1885-1952) est un historien spécialiste de l’Asie, auteur d’un ouvrage de référence sur l’histoire des Croisades. Il fut conservateur au Musée Guimet et secrétaire du Journal Asiatique. 39 Jacques Maritain (1882-1973) est une figure importante du thomisme au XXe siècle. Après une phase anti-moderniste, où il était proche de l’Action française (il participe en 1920 à la fondation de la Revue universelle avec Henri Massis et Jacques Bainville), il finit par accepter la démocratie et la laïcité, position qu’il exprime dans Humanisme intégral (1936). Dès 1921, Maritain était hostile à la pensée de René Guénon et c’est suite à des machinations venues de l’entourage de Maritain que Guénon dut cesser sa collaboration à Regnabit. 40 Ferdinand Ossendowski (1876-1945), professeur de physique et de chimie, bon connaisseur de l’Asie et de la Sibérie, se rallie après la Révolution d’Octobre aux Blancs de l’amiral Koltchak, puis devient le conseiller du baron Von UngernSternberg. Il raconte son épopée dans Bêtes, Hommes et Dieux, dont René Guénon pensa qu’il révélait la réalité de l’Agartha, mais dont des critiques plus récents (Louis de Maistre, Jean-Pierre Laurant) ont souligné le caractère d’affabulation et de plagiat. 41 Louis Charbonneau-Lassay (1871-1946), iconographe et hermétiste chrétien, collabore à la revue Regnabit et fait la connaissance de René Guénon en 1925. Charbonneau-Lassay aurait eu des relations étroites avec deux authentiques organisations chrétiennes fondées au XVe siècle, l’ « Estoile Internelle » et la « Fraternité du Divin Paraclet ». Son œuvre majeure est le Bestiaire du Christ (paru en 1940 chez Desclée de Brouwer, réédité en 2006 par Albin Michel). 42 Gonzague Truc (1877-1972), critique, essayiste et biographe, proche de l’Action française a produit une œuvre abondante fortement marquée par l’influence de Charles Maurras et du néo-classicisme. 43 Les visions d’Anne-Catherine Emmerich (1774-1824), béatifiée en 2004 par le pape Jean-Paul II, ont été recueillies par le poète Clemens Brentano, entre 1816 et 1824. 44 GUENON René, Le Roi du Monde, Gallimard, 1958, p. 97. 45 Les lundis de l’Institut d’Herméneutique organisaient, durant les années 1972-1973, des conférences qui se tenaient rue Las-Cases, animées par Paul Bazan. 46 François Bonjean (1884-1963), romancier, collabora de 1923 à 1930 à la revue Europe, où il était considéré, du fait de ses voyages, comme le principal témoin du monde musulman. Il s’installa définitivement au Maroc après la Seconde Guerre mondiale. 47 Revue française créée par René Guénon, succédant au Voile d’Isis et paraissant chez Chacornac de 1936 à 1992. 48 Durant la phase de l’opposition dans le cycle uranien. cf. en Annexe le thème de cette période. 49 Veuve d’un ingénieur égyptien, Mme Dina était Canadienne de naissance ; elle avait hérité une fortune considérable de son père, important homme d’affaires dans les chemins de fer, ainsi que de son mari, également riche, décédé à son retour des Indes. René Guénon fit connaissance de Mme Dina à la librairie Chacornac, et ils passèrent quelque temps dans une propriété qu’elle possédait à Cruzeilles, en Haute-Savoie. Ils avaient le projet de fonder une maison d’édition Véga, destinée à publier une série de traductions de textes originaux provenant de diverses religions afin d’illustrer le thème de la Tradition primordiale. Peu après l’arrivée de Guénon en Égypte, Mme Dina, retournée en France, épousa Ernest Britt, membre d’un cercle occultiste hostile à Guénon. De ce fait, les projets de maison d’édition s’évanouirent. 50 Truc Gonzague, « Souvenirs et perspectives sur René Guénon », Etudes Traditionnelles, n° 293-294-295, n° spécial « René Guénon, 1951, p. 335. 51 Luc Benoist (1893-1980), conservateur de musée et historien de l’art, fut profondément marqué, à partir de 1928, par la lecture des ouvrages de René Guénon. Il devint un collaborateur régulier des Etudes Traditionnelles. 52 Propos que pourrait signer Charles Ridoux… 53 GIDE André, Journal 1939-1949 Souvenirs, Gallimard, 1954, p. 254 (Fès, 1943). 54 BOSCO Henri, France-Asie, t. 8, 1952, p. 1267. 55 Jean Paulhan (1884-1968), écrivain, critique et éditeur, anima la NRF (Nouvelle Revue Française) de 1925 à 1940 et de 1953 à 1968. 56 Guénon René, Le Règne de la quantité et les signes des temps, Gallimard, 1945, « Collection Idées », p. 8. 57 Le Hiéron du Val d’Or est un courant de l’ésotérisme chrétien né de la rencontre, en 1873, du P. jésuite Victor Drevon et du baron de Sarachaga (1840-1918) autour de la dévotion au Sacré-Cœur. Le Hiéron subsista jusqu’en 1926 et eut une audience internationale. Paul Le Cour, le fondateur d’Atlantis en 1926, en revendiqua la succession. 58 Ananda Kentish Coomaraswamy (1877-1947), historien de l’art qui contribua à la découverte de la culture indienne par le monde occidental, se lia d’amitié avec René Guénon, aux yeux duquel il contribua à réhabiliter le Bouddhisme originel. Son livre Hindouisme et Bouddhisme date de 1949. 59 Frithjof Schuon (1907-1998) découvre l’œuvre de Guénon à l’âge de seize ans et s’engage dans une quête spirituelle qui le mènera vers l’Islam. Il est initié en 1933 à Mostaganem par le Sheikh El-Alawi. A partir de 1959, Schuon entretient des rapports privilégiés avec des Peaux-Rouges et il s’installe en 1980 à Bloomington, dans l’Indiana. 17 60 Marco Pallis (1895-1989), alpiniste, mystique et auteur britannique, fut un spécialiste de la religion et de la culture du Tibet, qu’il visita pour la première fois en 1923. 61 REMOND Georges, « Aimer un être, c’est lui dire : tu ne mourras pas », L’Égypte nouvelle, Le Caire, 1er février 1952. 62 Ridoux Charles, « Autour du thème de Tolkien ». Sur le site : http://ridoux.fr/spip/spip.php?article67 .