XIV° CONGRES AMIK – BORDEAUX 28 et 29 Septembre 2012 Les
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XIV° CONGRES AMIK – BORDEAUX 28 et 29 Septembre 2012 Les
XIV° CONGRES AMIK – BORDEAUX 28 et 29 Septembre 2012 Les conférences LE MÉZIÈRISTE FACE AUX VERTIGES HELENE BENON M.K. Mézièriste – CARIGNAN DE BORDEAUX Le parcours théorique d'un patient souffrant de vertiges est d'aller consulter son médecin traitant qui l'enverra au besoin vers un ORL, un neurologue ou un autre spécialiste. Ce dernier lui prescrira si nécessaire des séances de rééducation vestibulaire. Pourtant dans nos cabinets, nous avons tous eu un jour un patient qui se plaint d'avoir la tête qui tourne, des pertes d'équilibre ou encore de chuter. Que faire face à cette plainte? Il nous faut prendre en compte la plainte de notre patient parce que nous sommes dans notre rôle d'écoute mais aussi parce qu'il existe des vertiges graves à ne pas manquer et bien sûr parce que nous pouvons peut‐être soulager notre patient. Alors, que peut faire le mézièriste face aux vertiges ? Tout d'abord, nous pouvons essayer de trouver l'étiologie des vertiges dont parle notre patient. A partir de notre bilan, nous pourrons choisir notre conduite à tenir : conseiller une consultation avec un spécialiste mais aussi modifier notre prise en charge dans le cadre de nos séances selon la méthode Mézières. I. Bilan : recherche étiologie des vertiges A. Anamnèse L'anamnèse peut se diviser en quatre parties : les symptômes contemporains aux vertiges, le moment d'apparition des vertiges, la description des crises et les antécédents en lien avec les vertiges (1). Anamnèse vertiges Symptômes contemporains aux vertiges Maux de tête Nausées Impression de chaleur Points devant les yeux Accouphènes Chute Déviation latérale lors de la marche Vertige de Ménière Hypotension orthostatique Ménière, neurinome de l'acoustique Ménière, neurinome de l'acoustique Moment d'apparition du vertige Le jour La nuit Debout Couché Mouvement cervical VPPB VPPB Insuffisance vertébrobasilaire (IVB) Les crises Fréquence Durée Depuis quand ? Comment les éviter ? Le ressenti après la crise Entre les crises (perte audition, pb stabilité) unique : névrite vestibulaire, labyrinthite virale - à répétition : Ménière, VPPB, IVB Plénitude : vertige de Ménière Neurinome de l'acoustique Antécédents Traumatisme Tension artérielle Pathologie neurologique Tabac, alcool, toxicomanie Phobies Décollement de la rétine Fracture du rocher SEP, hémiplégie, Parkinson Contre indication manœuvre libératoire VPPB Toutes ces réponses ajoutées les unes aux autres permettent de nous aiguiller vers une étiologie plutôt qu'une autre. (figure 1) B. Manœuvre de Dix et Hallpike La manœuvre de Dix et Hallpike peut nous permettre de confirmer notre hypothèse d'étiologie. Mais il faut noter qu'elle a pour objectif de déclencher des vertiges qui peuvent être plus ou moins violent, pouvant être associés à des vomissements (prévoir une bassine est prudent!). Autrement dit, faire une telle manœuvre peut impliquer de devoir interrompre notre séance. Pour faire cette manœuvre le patient et le thérapeute s'assoient de part et d'autre de la table. On oriente la tête du patient avec une rotation de 45° en restant toujours infradouloureux. Ensuite, on allonge le patient la tête en dehors de la table en soutenant la tête avec l'avant‐bras surtout dans le cas de cervicalgies associées (photo 1). Il faut maintenir la position au moins 30 secondes. Lorsqu'un vertige est déclenché le patient a souvent le réflexe de fermer les yeux. Il faut donc maintenir un œil ouvert avec la main de libre pour observer le nystagmus. Dans un troisième temps, on rassoit le patient toujours la tête tournée à 45°. On teste l'oreille interne du côté de la rotation, c'est à dire du côté du sol en position allongée. Il nous faut donc recommencer de l'autre côté pour tester l'autre oreille interne. Dans cette manœuvre, on cherche à provoquer un nystagmus. « Un nystagmus est un mouvement d'oscillation involontaire et saccadé du globe oculaire... Un exemple de nystagmus physiologique est le mouvement des yeux d'une personne assise dans un train et regardant le paysage extérieur défiler à vive allure. Ses yeux essaieront de suivre certains détails tout en se recalant fréquemment au centre de son champ de vision. » (2). « L'œil se dirige lentement vers une direction puis revient brutalement à sa position d'origine. La direction du nystagmus est définie comme étant celle du déplacement rapide. » Le type de nystagmus, son moment d'apparition et sa durée vont être des éléments important du diagnostic. Dans le cadre d'un vertige paroxystique positionnel bénin (VPPB) du canal postérieur droit à l'allongement du patient, on obtient, après un temps de latence de 10 secondes, un nystagmus horizonto‐rotatoire géotropique c'est à dire vers le sol (figure 2, première ligne). Ce nystagmus est associé à un vertige et s'arrête au bout de 30 secondes. En revenant à la position assise, la tête toujours tournée à 45°, au bout de 30 secondes environ, un nouveau nystagmus horizonto‐rotatoire mais de sens inverse se produit. Il dure aussi 30 secondes. En testant l'autre côté, aucun nystagmus ou vertige ne survient. On peut craindre une tumeur cérébrale si on obtient à l'allongement un nystagmus horizonto‐rotatoire géotropique instantané associé à des vomissements suivi d'un nystagmus vertical lors des retours en position assise (figure2-ligne2). Dans ce cas de figure, il est souhaitable de renvoyer ce patient vers son médecin traitant afin qu'il prescrive au plus vite un scanner ou une IRM pour confirmer ce diagnostic. Si notre patient présente un vertige de Ménière, il présentera à l'allongement, après un temps de latence de 45 secondes, un nystagmus battant d'un côté vers le sol et de l'autre vers le plafond (figure 2 ligne 3). En position assise aucun nystagmus n'est présent. Par contre, le vertige déclenché durera généralement 2 à 3 heures. Ces patients craindront donc tout particulièrement ce test. Il est à noté que ce résultat peut correspondre aussi à une labyrinthite virale ou une névrite vestibulaire. Le diagnostic différentiel se fait grâce à l'anamnèse faite précédemment. En effet, pour le vertige de Ménière, seront présents des acouphènes souvent décrites comme une impression de coquillage sur l'oreille, des vomissements. Le vertige durera plusieurs heures et une sensation d'épuisement sera décrite après le vertige. C. Autres tests imples D'autres tests plus simples et n'induisant généralement pas des réactions aussi violentes sont possibles. Nous pouvons, tout simplement, commencer par la palpation des muscles cervicaux afin d'évaluer les tensions musculaires notamment des muscles trapèzes. Ensuite, nous pouvons tester la convergence oculaire. Nous demandons à notre patient de regarder notre doigt puis nous rapprochons celui ci de l'espace entre les deux yeux afin de le faire loucher. Si nous obtenons une petite divergence entre les deux yeux, cela sera une indication pour associer un travail d'oculomotricité dans nos traitements. Si la divergence est importante, il est préférable de conseiller à notre patient de consulter un orthoptiste. Le test de l'artère vertébrale s'effectue avec une hyperextension cervicale et une rotation de la tête du côté opposé (photo2). On teste l'artère mise en tension. S'il provoque des nausées, transpirations, pâleur ou syncope, il faut conseiller de voir son médecin traitant pour faire un échodoppler afin de vérifier le passage du flux sanguin dans cette artère. Pour le test de Fukuda, on fait faire 50 pas sur place au patient, les yeux fermés et les bras tendus. Ce test est significatif si on obtient une rotation de plus de 45°. Le côté vers lequel tourne le patient indique l'oreille atteinte. Pour la Marche en étoile ou test de Babinski‐Weil, on demande au patient de faire une alternance de 5 pas en avant et en arrière yeux fermés. Dans ce test aussi, il tourne autour de l'oreille atteinte. Tous ces éléments, mis bout à bout, nous permettent d'avoir une idée de l'étiologie du vertige. Il ne faut pas hésiter à demander à notre patient de consulter un ORL si nécessaire ou d'autres spécialistes car le diagnostic certain d'un vertige est très difficile à obtenir. II. Aperçu de la rééducation vestibulaire Parmi les masseurs‐kinésithérapeutes, certains se sont spécialisés en rééducation vestibulaire. Ils sont donc formés spécifiquement à ce type de pathologies. A. Manoeuvre libératoire du VPPB Ils connaissent tout d'abord des manœuvres libératoires dans le cadre des VPPB. Voici la description d'une manœuvre libératoire d'un VPPB du canal semi‐circulaire postérieur qui est le plus fréquent. Le thérapeute place le sujet en décubitus latéral du côté atteint. Ainsi il déclenche un premier vertige. Une fois que ce premier vertige a cessé, le patient tourne la tête le regard vers le plafond (photo 3). Il devra garder cette rotation de la tête jusqu'à la fin de la manœuvre. Le masseur‐kinésithérapeute, d'un mouvement énergique, va faire basculer le patient vers le décubitus latéral opposé (photo 4). Le choc de l'épaule sur la table permet de décoller les otolithes. Si la manœuvre est bien réalisée, le patient arrive le regard sur la table et un second vertige est déclenché. Il est nécessaire de laisser notre patient en décubitus latéral pendant 3 minutes. Lorsque notre sujet s'assoit, un troisième vertige peut apparaître ensuite, il a souvent l'impression d'être dans du coton. Après avoir informé notre patient que cette sensation dure généralement 24 heures, on lui conseille d'éviter des mouvements brusques cervicaux et de dormir avec 2 oreillers pendant 2 nuits. Elle ne pourra pas être reproduite avant une semaine car il faut laisser le temps à la phagocytose des otolithes. Cette manœuvre étant très efficace si elle est pratiquée à bon escient, le plus souvent il n'est pas nécessaire de la réaliser plus de 2 ou 3 fois. Au delà de 5, il faut remettre en question le diagnostic. Il existe une contre‐indication à cette manœuvre : un décollement de la rétine de moins de 2 mois. Il faut aussi être prudent dans le cadre de cervicalgies car cette manœuvre peut être traumatisante pour le rachis cervical. On peut aussi la réaliser en partant de la position assise mais le résultat en est amoindri. On peut aussi observer des séquelles d'une manœuvre traumatisante en effectuant la manœuvre de Dix et Hallpike. Dans ce cas, du côté opposé au VPPB traité, un nystagmus instantané horizonto‐rotatoire géotropique apparaît et ne s'arrête qu'en position assise après 45 secondes à une minute. (figure 3). Séquelles d’une manœuvre traumatisante traitées pour VPPB droit B. Matériel Grand nombre de masseur‐kinésithérapeutes spécialisés dans la rééducation vestibulaire utilisent un matériel très spécifique (3). Le fauteuil de rééducation vestibulaire (photo5) est motorisé ce qui permet de faire tourner le patient à Vitesse constante prédéfinie. Il est couplé à des lunettes (photo 6) et relié à un ordinateur afin d'obtenir une vidéonystagmographie. Cette dernière permet d'indiquer l'amplitude des nystagmus et leur nombre. Un appareil optocinétique (photo7) fait défiler des lumières, ce qui permet de travailler les vertiges liés à la discordance de la vue et de l'oreille interne. Alors que peut faire le Mézièriste face aux vertiges sans cet équipement ? III. La méthode Mézières et les vertiges Tout d'abord, il ne faut pas oublier qu'un vertige peut être violent et peut empêcher de continuer la séance. Toute la difficulté des exercices proposés sera dans le dosage. Dans nos séances, nous pouvons proposer des mises en tensions spécifiques. A. Proprioception Le travail de proprioception commence dès que l'on diminue le polygone de sustentation. Par conséquent, en demandant de joindre les pieds en position debout ou en décollant le dos du mur, on commence déjà un travail de proprioception. Il nous est aussi possible d'utiliser des plateaux, des mousses ou des plots gonflables lors de nos postures assises, debout ou quadrupédique. B. Cervical Un travail plus spécifiquement cervical est intéressant surtout dans le cadre de cervicalgies associées et/ou de tensions cervicales. Néanmoins, il faut se méfier car la région cervicale est très réactive surtout lorsque des vertiges sont présents. Il faut donc manipuler cette région avec précaution et parcimonie. En effet, lorsque l'on voit un patient arriver avec une hypercyphose dorsale et une projection antérieure de la tête, il ne faut pas céder à la tentation d'enlever tous les coussins nécessaires sous la tête en décubitus dorsal car le patient risque de se plaindre d'avoir des vertiges déclenchés ou accentués par cette séance. Il faudra rechercher cet objectif au bout de plusieurs séances. La théorie du pincement du nerf pneumogastrique au niveau cervical pouvant expliquer le lien entre les vertiges et cette région est controversée dans le milieu médical. D'après ces spécialistes, ce serait plutôt les vertiges qui induiraient des tensions cervicales. Néanmoins, dans ma clientèle, j'ai soigné par un traitement uniquement cervical certains patients souffrant de vertiges et ne présentant que des signes de tensions musculaires cervicales et les vertiges ont cessé... Nous pouvons étirer, avec nos techniques habituelles, les muscles trapèzes, scalènes et sternocléidomastoïdiens. Mais, il ne faut pas oublier le travail de la région antérieure du cou. Cette région peut se travailler en mobilisant doucement l'os hyoïde, le cartilage thyroïde, en réalisant des massages notamment des muscles hyoïdiens. On peut demander une mobilisation active de l'ATM dans ses 3 mouvements : l'ouverture et la fermeture, la diduction (translation), la propulsion et la rétropulsion de la mandibule. Ensuite, une prise de conscience de l'interaction de ses mouvements avec la posture cervicale ou la mobilité scapulaire peut aider à relâcher des tensions. Par exemple, en posture assise bras au carré, on peut demander une propulsion de la mandibule. Le même type de travail peut être effectué avec la langue. (4) C. Oculomotricité Le travail d'oculomotricité est particulièrement conseillé si on a détecté un problème lors du test de convergence ou bien sûr s'il provoque une gêne, une compensation du maintien corporel ou encore un vertige. Un premier exercice s'effectue la tête fixe. On demande au patient de suivre le doigt du thérapeute de droite à gauche ou de bas en haut. L'inverse peut se faire c'est à dire on peut demander de regarder un point fixe et de tourner la tête. Le troisième exercice consiste à déplacer le doigt du thérapeute à l'inverse du mouvement de tête. Cette technique peut s'incorporer dans nos postures (photo 8 et 9). D. Vestibulospinal Faire un travail vestibulospinal peut commencer simplement en faisant fermer les yeux à notre patient, en position assise ou debout. Plus spécifiquement, on peut faire marcher notre patient les yeux ouvert ou yeux fermés, en demandant une rotation de la tête ou des mouvements de flexion/extension cervicale. E. Diaphragme (nausées) La libération du diaphragme par un travail d'inspiration et d'expiration peut aider à diminuer les nausées. On peut aussi masser autour du sphincter d'Oddi. En effet, ce sphincter ferme l'ampoule de Vater dans laquelle se déverse la bile provenant de la vésicule biliaire et du canal hépatique (5). L'engorgement de cette ampoule peut provoquer des nausées. En traçant une ligne entre l'ombilic et les côtes inférieures, on situe ce sphincter au 1/3 inférieur. On peut pratiquer des vibrations ou de petits massages circulaires. Le massage du point de Murphy (figure6) correspondant à la vésicule biliaire peut aussi aider à diminuer les nausées de notre patient (6). F. Globalité Notre travail lors de séances selon la méthode Mézières s'inscrit dans la globalité et ainsi permet de redonner un meilleur équilibre à l'ensemble du corps. Françoise Mézières disait « Ce n'est jamais là où il y a une déformation ou une douleur qu'il faut travailler. La plainte du patient est toujours une conséquence d'autre chose.» Ainsi, il ne faut pas toujours se précipiter à un travail spécifique des vertiges surtout lorsqu'ils sont violents car avec une approche globale on peut réussir à apporter une amélioration des symptômes. En conclusion Il ne faut pas oublier qu'un vertige n'est pas anodin. En tant que professionnel de santé, nous avons un rôle de dépistage et de réorientation de nos patients vers le médecin traitant ou un spécialiste. Face aux vertiges, le Mézièriste n'est pas démuni. Il peut intégrer un travail spécifique aux vertiges dans la globalité de sa prise en charge. Il est vrai qu'il sera plus aisé d'agir lorsque le patient aura consulté préalablement un ORL et que tous les diagnostics à risque seront écartés. Néanmoins, il ne s'agit pas de suppléer la rééducation vestibulaire mais d'apporter une aide complémentaire à nos patients vertigineux pour qui les techniques classiques ne permettent pas l'amélioration des symptômes. Bibliographie 1‐ Rééducation des vertiges d'origine périphérique de Jean‐Luc Sagniez éditions Sully et formation «rééducation des vertiges » par Jean‐Luc Sagniez organisée par la Maison de la Thérapie Manuelle (MTM) 2‐ site internet Wikipédia: http://fr.wikipedia.org/wiki/Nystagmus 3‐ Site internet Framiral : http://www.framiral.fr/fr/accueil.php 4‐ Stage de Perfectionnement « Articulation Temporo‐Mandibulaire et sphère Oro‐faciale » par Anne‐Marie Paquette et Jean‐Pierre Roux organisé par Association Méziériste Internationnale de Kinésithérapie (AMIK) 5‐ Site internet John Hopkins medecine gastroenterology & hepatology http://www.hopkins‐gi.org/GDL_Disease.aspx?CurrentUDV=31&GDL_Cat_ID=BB532D8A‐ 43CB‐416C‐9FD2‐A07AC6426961&GDL_Disease_ID=7AB086B0‐AB01‐446E‐B011‐ 2E67CAFEF96D 6‐ Site internet de l'Université Paul Sabatier Faculté de médecine Toulouse‐Purpan http://www.anat‐jg.com/PeritoineIntra/App.Digest.Schema/vbilmur.gif