Une approche repensée du mécanisme de « stocks et flux » pour
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Une approche repensée du mécanisme de « stocks et flux » pour
1 Une approche repensée du mécanisme de « stocks et flux » pour distribuer les incitations financières de la REDD aux différents pays (Réflexions rédigées à l'attention des pays de la COMIFAC) Andrea Cattaneo The Woods Hole Research Center Contact pour le papier‐ [email protected] Prog. Afrique ‐ Nadine Laporte [email protected] PROJET ‐ 14 janvier 2009 La réduction des gaz à effet de serre produits par le déboisement et la destruction de la forêt s'est imposée comme une option cruciale dans l'arsenal des politiques sur l'atténuation du changement climatique. Chemin faisant, le débat s’est déplacé de la question de savoir s'il fallait poursuivre la REDD à une interrogation sur les moyens de la mettre en oeuvre, et sur les difficultés que cela impliquait. Le financement des initiatives liées à la forêt – qu'il s'agisse de passer par un mécanisme de marché, un fonds ou une combinaison des deux – et ce qu'il convient de financer font partie des questions débattues. Cet article se propose d'affiner l'approche soumise collectivement par le Woods Hole Research Center (WHRC) et l'Institut Amazonien pour la Recherche environnementale (IPAM) à l'UNFCC en août 2008 (Cattaneo, 2008). Le principal changement est que les dividendes sont désormais prélevés grâce à une retenue sur le paiement des réductions d'émissions, et que la contrainte globale qui s'appliquait auparavant sur l'approche des stocks et flux pour garantir l' "additionnalité" a été assouplie sans pertes de généralité. Un simple exemple est présenté pour voir comment fonctionnerait l'approche des stocks et flux à différents niveaux de retenue pour une réduction donnée des émissions. Cette approche reste applicable, que le système de REDD adopté repose sur le marché ou qu'il soit basé sur des fonds. Sa prémisse est que la manne de recettes destinées à offrir des incitations positives proviendrait de la valeur au prix courant des réductions en carbone d'un pays par rapport à un seuil de référence basé sur les plus fortes émissions enregistrées, dit seuil "historique" (soit par l'intermédiaire d'un marché soit d'un fonds international, ou d'une combinaison des deux). Une retenue des recettes générées par les réductions d'émissions est mise de côté pour verser des dividendes aux stocks de carbone sur pied. Ceci reflète le fait que le carbone stocké est un actif qui devrait rapporter au fil du temps (en dividendes) et que le CO2 qui s'échappe du stock dans l'atmosphère doit être considéré comme une dépréciation de l'actif, tandis que les flux de carbone qui sont absorbés par le stock peuvent être considérés comme un investissement. Par conséquent, dans le mécanisme des stocks et flux, les pays perçoivent une compensation à la fois pour réduire les émissions (ce qui évite la dépréciation physique du stock de carbone) et, grâce à des dividendes, pour entretenir les stocks qui existent. Si un pays dépasse son taux d'émissions historique, les dividendes qu'il touche se trouveront ramenés par le coût total au prix international du carbone (de manière à éviter toute réduction de dividendes pour les autres pays). Par construction, ce mécanisme fait en sorte que la somme des recettes distribuées aux pays soit égale au total des recettes perçues de sources internationales pour la réduction mondiale des émissions découlant de la déforestation. Si ces coûts dépassent les recettes en dividendes du pays, le pays ne touche rien et la somme est alors mise à son débit et reportée pour être déduite des recettes subséquentes. Une possibilité, comme cela a déjà été proposé par certains pays, serait que les pays mettent de côté des points afin de couvrir les éventuels débits ultérieurs. 2 Encart 1. Comment calculer les fonds de REDD d'un pays d'après le mécanisme des stocks et flux ÉTAPE1 : Dans l'approche des stocks et flux, la première décision à prendre est de savoir à quelle hauteur indemniser le déboisement évité et combien distribuer en dividendes. Une façon de représenter cette décision est de déterminer le prix des émissions évitées (PEE) comme étant le prix du carbone (PC) moins un taux de retenue, r, à mettre de côté pour alimenter un fonds de dividendes. La prémisse étant qu'un pays qui fournit le service d'une déforestation évitée doit être dédommagé au moins pour la perte de chance des activités auxquelles il a renoncé et pour tous les frais de transaction liés à l'administration et à la mise en application du programme de déforestation évitée. Les recettes générées par l'évitement d'émissions découlant de la déforestation liés à des émissions historiques se calcule comme suit : Recettes des émissions évitées = PEE * (Émissions historiques du pays – Emiss. Pays) ÉTAPE 2 : Les fonds récoltés grâce à la retenue de dividendes sont distribués sous forme de dividendes (DIV) par unité de stock de carbone. Le dividende s'obtient comme le rapport du fonds de dividendes divisé par le total des stocks de carbone de tous les pays participants. ÉTAPE 3 : Selon le stock de carbone d'un pays, i (Ci), les recettes REDD total pour le pays i sont alors : Revenu total = Recette des émissions évitées + DIV*C Un exemple simple Nous allons à présent étudier un exemple dans lequel nous supposerons que cinq pays participent à un mécanisme de stocks et flux REDD, comme proposé ici. Les pays sont choisis en fonction de leurs caractéristiques en termes de stock de carbone forestier et leur taux de déforestation de façon à couvrir un échantillon représentatif de types de pays. Nous limitons l'exemple à cinq pays pour simplifier les choses, sans perte de généralité. Figure 1. Stocks de carbone: taille relative Tableau 1. Stock de carbone forestier et émissions de CO2 des participants Stock de carbone forestier (Mill. tC) 58794 Taux d'émissions (Mill. tCO2) Déforest. Taux (%) Part de carbone forestier 1183 0,55 0,550 22378 246 0,30 0,209 12214 ‐767 ‐1,70 0,114 Indonésie 8800 597 1,85 0,082 Papouasie‐ Nouvelle‐ Guinée Total 4785 88 0,50 0,045 Chine Brésil Brésil Rep. Dem. du Congo RD du Congo Chine PNG Indonési e 106971 1347 1,000 Source : Strassburg et al. (2008) Les pays du tableau 1 sont indiqués dans l'ordre décroissant en termes de stock de carbone forestier. On remarquera la différence qualitative entre les pays, le Brésil ayant le stock le plus important et les émissions les plus élevées, l'Indonésie venant à la seconde place pour les émissions mais ayant une base de stock bien inférieure (ce qui suppose un 3 taux de déforestation plus élevé). À l'autre extrémité, il y a la Chine, qui possède un stock de carbone forestier considérable mais pas d'émissions liées à la déforestation (et qui en fait reboise). La République démocratique du Congo, qui arrive au deuxième rang pour le stock de carbone forestier, a un taux de déforestation relativement faible (0,3%) tandis que la Papouasie‐Nouvelle‐Guinée a un taux de déforestation intermédiaire (0,5%). Sur le tableau 2, nous présentons les résultats en termes des rémunérations qui seraient distribuées à l'aide du mécanisme de stocks et flux si chaque pays participant réduisait ses émissions liées à la déforestation de 50%. On suppose pour cela que le prix du point carbone CO2 est de 15$/t CO2 et nous présentons les résultats pour deux issues de négociations différentes en termes de la retenue sur le prix du carbone servant à financer le versement de dividendes : 15% et 30%. Tableau 2. Paiements à supposer que les pays participants réduisent leur déforestation de 47%. Nous supposons que le prix d'un point de carbone est de 15 $/t CO2. Retenue sur le prix du carbone pour financer le paiement des stocks Retenue = 15% Milliard de $ Rémunérations Dividendes pour émissions évitées Retenue = 30% Total Milliard de $ Rémunérations Dividendes pour émissions évitées Total Brésil 7,14 1,24 8,37 5,88 2,47 8,35 Rep. Dem. du Congo Indonésie 1,48 3,60 0,47 0,19 1,95 3,79 1,22 2,97 0,94 0,37 2,16 3,34 Papouasie‐ Nouvelle‐Guinée Chine 0,53 0,00 0,10 0,26 0,63 0,26 0,44 0,00 0,20 0,51 0,64 0,51 12,75 2,25 15,00 10,50 4,50 15,00 Total (1) Note : dans cet exemple, nous supposons que le reboisement ne donne pas lieu à compensation en tant qu'émissions évitées, par conséquent la Chine ne perçoit aucune rémunération pour émissions évitées. Pourtant, cette approche est bien compatible avec une compensation pour reboisement. Les résultats indiquent que les pays dont le taux de déforestation tournent autour de la moyenne (0,45%‐0,55%), comme le Brésil et la PNG, ne sont pas très affectés (globalement) par le prix payé pour les émissions évitées après retenue (PEE). La raison est qu'ils disposent d'un “portefeuille équilibré” entre les recettes réalisées sur les émissions évitées et celles provenant des dividendes. Dans ces cas, un (PEE) plus faible (plus élevé) est contrebalancé par le versement de dividendes plus élevés (plus faibles). Ce résultat nécessite que tous les pays participants aient des taux comparables de réduction de leur déforestation. En revanche, la participation à la REDD pour un pays comme la Chine, qui n'a pas d’émissions liées à la déforestation, dépend entièrement des recettes générées par les dividendes. À l'autre extrémité, mais tout aussi affecté par le PEE, il y a des pays à forte déforestation comme l'Indonésie. Par conséquent, pour ces deux types de pays, le prix négocié des émissions évitées a un impact considérable sur les recettes globales que le pays percevra d'un programme de REDD. 4 Qu'y a t’il dans un seuil de référence d'émissions ? La pièce maîtresse dans la conception d'un système d'incitations positives de REDD est de déterminer le seuil de référence d'émissions d'un pays. La plupart des mécanismes d'attribution de points de REDD proposés reposent sur la différence entre le seuil de référence et les émissions effectives d'un pays (Santilli et al., 2005 ; da Fonseca et al. 2007; Mollicone et al., 2007; Strassburg et al., 2009). Ces points peuvent soit être vendus sur le marché du carbone soit être achetés grâce à un fonds, à un prix donné (PC). Le seuil de référence peut remplir plusieurs objectifs : 1° s'il est fixé au‐ dessus du niveau historique d'émissions d'un pays, il permet une augmentation des émissions tout en continuant à percevoir des incitations, tandis que 2° si le seuil est fixé en dessous des émissions historiques d'un pays, les incitations positives ne sont offertes qu'après qu'une réduction des émissions ait eu lieu sans compensation. Dans le premier cas, le seuil le plus élevé sert à créer en direction de pays à faible déforestation une incitation à réduire les fuites de CO2, parce que si un pays dépasse son niveau d'émissions historique, il perd proportionnellement une partie de ces paiements incitatifs. Au lieu de cela, dans le second cas, en fixant un seuil de référence bas, on tente effectivement d'acheter des réductions d'émissions à un prix moyen plus faible que la valeur du marché, parce qu'une partie des réductions d'émissions n'est pas compensé financièrement. Cela peut être problématique dans les négociations internationales parce que certains pays n'accepteraient pas de n'être dédommagés que pour une partie de leurs efforts. Étant donné que la participation des pays à la REDD sera volontaire, la conception des incitations doit prendre en compte à la fois l'objectif environnemental à atteindre et la manière de distribuer les rémunérations destinées à encourager une large participation. 1 Mais essayer de faire les deux en retenant pour seul paramètre le seuil de référence peut être difficile car implicitement, il y a deux visées : atteindre un objectif environnemental dans les pays participants et faire en sorte que la participation soit la plus large possible. L'approche des stocks et flux fait appel à deux instruments (le seuil de référence et le niveau de retenu) pour poursuivre ces deux objectifs. Les seuils de référence des pays sont fixés sur les émissions enregistrées par les pays (ou "historique"), de façon à ce que tous les pays émetteurs reçoivent une incitation positive immédiate à réduire les émissions. L'autre paramètre est le taux de retenue par rapport au prix du carbone, qui génère les fonds à distribuer sous forme de dividendes. Ce dernier est par conséquent un paramètre de distribution de rémunération qui constitue une incitation pour les pays à conserver leur stock forestier, même ceux qui actuellement n'émettent pas. Les dividendes perçus basés sur la taille du stock carbone d'un pays peuvent aussi être considérés comme des fonds proportionnés à l'effort nécessaire pour éviter les fuites de CO2 intra pays. Après tout, une REDD au niveau national “résout” les fuites intra pays, dans le sens où elle les escamote comme une question comptable, mais elle ne dispensera pas les pays ayant des stocks importants de trouver des solutions à ce problème à l'intérieur de leurs frontières. À des fins de comparaison par rapport à d'autres analyses, on peut représenter l'approche des stocks et flux comme si elle ne reposait que sur un seuil de référence. Essentiellement, à partir de quel niveau l'incitation à réduire les émissions porte‐t‐elle ses fruits ? Dans le mécanisme des stocks et flux, chaque pays se comporte comme s'il avait un seuil égal aux émissions historiques plus la quantité d'émissions supplémentaires qu'il faudrait pour épuiser le paiement de dividendes. La seconde composante est présente parce que si un pays dépasse son seuil d'émissions historique, alors le paiement des stocks diminue d'autant. Cette incitation agit jusqu'au point où la valeur des émissions excédentaires dépasse la valeur des paiements pour le stock. La valeur du seuil “supplémentaire” exprimée en termes de pourcentage du taux d'émission par rapport au stock d'un pays sera la même pour tous les pays. 1 Si la participation n'était pas volontaire, un système de "cap and trade" (de plafonnement et d'échange) serait alors l'approche toute trouvée, là où l'objectif environnemental global est fixe et l'attribution de permis de polluer (qui équivaut à la détermination du seuil de référence) ne serait qu'une simple question de distribution, sans effet sur l'environnement. 5 Seuil « additionnel » (taux d’émissions en %) Motivation : $ / tCO2 Figure 1. Le seuil de permis “supplémentaire” qui s'ajoute aux émissions historiques résultant du paiement du stock augmente avec des prix du carbone plus élevés. Les résultats correspondent à une retenue de 10% et de 20% sur le prix du carbone. Source : OSIRIS v1.1. Un aspect intéressant de l'approche des stocks et flux est que le seuil efficace augmente au fur et à mesure qu'augmente le prix du carbone (Figure 1). Ainsi par exemple, même si un pays n'a pas d'émissions historiques, il aura un permis par rapport au seuil de 0,28% de son stock émis si le prix du carbone est de 5 $ /t CO2 et la retenue pour payer les dividendes sera de 20% de ce prix. Et ce même pays aurait un seuil de 0,39% si le prix payé pour le carbone était de 10 $ /t CO2. Cela signifie qu'au fur et à mesure que les prix augmentent, de même que les rémunérations versées pour réduire les émissions, l'approche des stocks et flux redistribue une partie de ces augmentations de rémunération aux pays à faibles émissions dont le carbone est sur pied. Les autres propositions qui existent agissent en déterminant le seuil et par conséquent il y a moins de souplesse dans la redistribution des rémunérations. L'approche des stocks et flux, en utilisant comme seuil les émissions historiques puis en distribuant les dividendes sur la base du stock (ce qui peut être réinterprété comme le fait de fournir un permis à référence variable "supplémentaire") est plus souple que des approches reposant exclusivement sur un seuil fixe. Conclusions L'approche des stocks et flux proposée ici a l'avantage d'apporter des incitations intuitives et d'avoir une justification économique claire. Elle distingue les incitations à la réduction du taux de déforestation actuelle et celles portant sur la conservation du stock de carbone existant (ce qui évite les fuites). Le mécanisme fonctionne en négociant un taux de retenue sur le prix courant pour la réduction des émissions de carbone, et les fonds récoltés grâce à la retenue sont redistribués sous forme de dividende par tonne de stock de carbone sur pied afin d'éviter les fuites. Pour tous les pays, toutes les réductions d'émissions en rapport avec les taux historiques sont compensés, ce qui n'est pas forcément le cas des autres propositions qui tentent de réduire les fuites uniquement en fixant un seuil de référence. L'approche des stocks et flux offre une incitation positive à conserver ou à consolider les stocks de carbone terrestre et elle est compatible avec n'importe quels développements éventuels orientés vers une comptabilisation intégrale du carbone. Par ailleurs, elle introduit des incitations transparentes de conservation des forêts en liant explicitement le versement de dividendes au stock de carbone. 6 References Ashton, R., et al., 2008. How to include terrestrial carbon in developing nations in the overall climate change solution. The Terrestrial Carbon Group. Cattaneo, A. (2008). A stock‐flow mechanism to reduce emissions from deforestation. Submission by The Woods Hole Research Center and the Instituto de Paesquisa Ambiental da Amazônia to the United Nations Framework Convention on Climate Change regarding “Workshop on policy approaches and positive incentives on issues relating to reducing emissions from deforestation and forest degradation in developing countries”, September 2008. Available at: http://unfccc.int/resource/docs/2008/smsn/ngo/040.pdf da Fonseca, G.A.B., C.M. Rodriguez, G. Midgley, J. Busch, L. Hannah, and R.A. Mittermeier (2007). No forest left behind. Public Library of Science Biology 5(8):e216. Mollicone, Danilo; Achard, Frédéric; Federici, Sandro; Eva, Hugh; Grassi, Giacomo; Belward, Alan; Raes, Frank; Seufert, Günther; Stibig, Hans‐Jürgen; Matteucci, Giorgio; Schulze, Ernst‐Detlef (2007) An incentive mechanism for reducing emissions from conversion of intact and non‐intact forests. Climatic Change, Volume 83, Number 4, August 2007 , pp. 477‐ 493(17). OSIRIS v1.1 (2009), Software developed by: Busch, J., B. Strassburg, A. Cattaneo, R. Lubowski, R. Ashton, A. Bruner, D. Rice, F. Boltz. Open Source Impacts of REDD Incentives Spreadsheet (OSIRIS v1.1). Collaborative Modelling Initiative on REDD Economics. January 2009. Downloadable at: http://www.conservation.org/discover/science/conferences/Pages/un_cop_14_poznan.aspx Santilli, M., Moutinho, P., Schwartzman, S., Nepstad, D., Curran, L. & Nobre, C. (2005). Tropical deforestation and Kyoto Protocol. Climatic Change, 71(3): 267–276 Strassburg, B., K. Turner, B. Fisher, R. Schaeffer, and A. Lovett. (2009) “REDD: The Combined Incentives Mechanism”, Global Environmental Change.