4B novak.indd

Transcription

4B novak.indd
Les querelles tchèques à propos de la “société civile” : entre Vaclav Havel et Vaclav Klaus
LES QUERELLES TCHÈQUES
À PROPOS DE LA “SOCIÉTÉ CIVILE” :
ENTRE VACLAV HAVEL ET VACLAV KLAUS
Miroslav NOVAK
LA SOCIÉTÉ CIVILE ET LE POUVOIR COMMUNISTE
Un des derniers ouvrages d’Ernest Gellner, Condition of Liberty. Civil Society and
Its Rivals1, achevé de façon symptomatique à Prague2, commence par la constatation
que l’idée de la société civile n’est devenue vivante dans de larges milieux que depuis
quelques décennies. Auparavant, elle ne pouvait intéresser que quelques historiens
de la pensée s’occupant des auteurs comme Locke ou Hegel. En particulier, dans la
Tchécoslovaquie communiste, les marxistes (officiels ou non) comparaient les rapports
entre la société civile et l’État politique chez Hegel et chez Marx.
Pourquoi donc ce terme de société civile, notamment depuis les années 1980,
est-il ainsi dépoussiéré ? Suivant Gellner, c’est que la situation à laquelle ce terme
est lié est devenue politiquement souhaitable, voire attirante. Dans de nombreuses
parties du monde, il manquait justement ce que décrit ce terme. L’absence de la réalité
désignée par ce concept a été particulièrement et vivement ressentie dans les régimes
se réclamant du marxisme-léninisme, affirme Gellner. Car ces régimes avaient eu de
fortes tendances totalitaires.
Cet effort du pouvoir communiste n’a heureusement pas pu entièrement aboutir,
de sorte que certains spécialistes du Centre-Est européen, notamment Miklos Molnar,
soulignent justement, et depuis longtemps, le rôle de la société civile par rapport à l’État
politique sous le communisme. D’après eux, la société civile était certes opprimée,
mutilée et étouffée par le pouvoir communiste, mais elle se maintenait quand même
et se manifestait chaque fois qu’une occasion se présentait, particulièrement par des
révoltes ouvrières. Le thème de la société civile dans les pays communistes apparaît
surtout après les événements polonais du début des années 1980. La résistance de la
• 49
Transitions 2001-2
société polonaise fut bien plus massive que la résistance, par exemple, de la société
tchèque.
Une société civile a-t-elle existé dans les pays communistes ? A-t-elle jamais existé
dans la Russie avant l’arrivée des bolcheviks au pouvoir ? A-t-elle été irréversiblement
détruite dans les pays de l’Europe du Centre-Est sous la domination soviétique ? Telles
sont les questions que se posait, dès le début des années 1980, Miklos Molnar3.
Bien que certains ouvrages, comme ceux d’Alain Besançon et de Martin Malia,
attribuent nettement plus d’importance à la société civile dans la Russie précommuniste
que ne le faisaient les travaux précédents, la question de la survivance de la société civile
se posait davantage à propos de certains pays de l’Europe sous la domination soviétique
qu’à propos de l’Union soviétique elle-même. Outre le fait que le démantèlement de
la société polonaise par exemple ne put être entreprise de manière aussi intensive et
aussi conséquente qu’en Russie, les facteurs “temps” et “mémoire collective” jouaient
aussi en faveur de l’Europe du Centre-Est qui de plus considéra le plus souvent le
communisme comme un modèle imposé de l’extérieur. Notons que la Tchécoslovaquie,
ou plus exactement les pays tchèques, faisait exception sur ce point, du moins avant
l’écrasement du Printemps de Prague par les armées du Pacte de Varsovie sous la
direction de l’Union soviétique en 1968.
La société civile n’était donc pas tout à fait morte en Europe du Centre-Est. Molnar
mit en évidence l’idée que “si la société civile subsiste et/ou resurgit dans les pays de
l’Europe de l’Est, ce phénomène s’explique autant par la continuité de son histoire,
une continuité en ligne brisée, que par la dynamique d’autodéfense qu’elle développe
pour faire face à la crise, cette crise normale permanente, dans laquelle le système
l’avait plongée4”.
Exceptée la sous-culture dissidente, représentée notamment par la Charte 77, le
concept de société civile n’apparaît toutefois comme un phénomène répandu dans
le discours public tchèque qu’après le changement politique de novembre 19895. Si
l’emploi du terme “société civile” par rapport au pouvoir communiste en place se
comprend aisément pour caractériser les relations entre “Eux” et “Nous”, quel sens
peut-il avoir après le retour de la démocratie ? La “société civile” fait pourtant partie
des termes qui sont le plus souvent objet de discussions et polémiques dans les pays
tchèques depuis l’implosion du régime communiste. Cet article a pour but de mettre
ces discussions dans un contexte plus large.
L’AFFRONTEMENT DE DEUX VISIONS DANS LA POLITIQUE TCHÈQUE
Voici d’abord comment deux auteurs tchèques caractérisent cette querelle : “À l’ère
actuelle, deux visions du fonctionnement de la société démocratique s’affrontent dans la
politique tchèque. L’une d’entre elles affirme que la démocratie doit être fondée sur la
compétition libre des partis politiques, ces derniers se partageant l’essentiel du pouvoir
de l’État, sur la base des résultats électoraux. Si donc diverses initiatives civiques (…)
désirent influencer le processus social, elles doivent se transformer en parti politique.
Dans le cas contraire, elles n’ont aucun mandat des électeurs et on ne sait pas pour qui
elles parlent au juste. La deuxième vision s’appuie sur l’hypothèse que la politique
n’est pas uniquement une compétition des partis politiques, mais qu’il s’agit de la
50 •
Les querelles tchèques à propos de la “société civile” : entre Vaclav Havel et Vaclav Klaus
gestion des affaires publiques dans le sens le plus vaste du terme. Le citoyen n’a pas
besoin de s’inscrire dans un parti politique lorsqu’il souhaite changer quelque chose
dans sa commune ou dans ses environs. Bref, dans le premier cas, la politique ne se
pratique que dans les parlements et dans les secrétariats des partis politiques, dans le
second cas mêmes les associations les plus diverses, les corporations (p. ex. les unions
professionnelles), mais également les Églises, peuvent exercer une influence bénéfique
sur les choses publiques – c’est alors une vision de la soi-disant société civile”6.
Si la question se posait uniquement de cette façon, presque tout le monde serait
d’accord avec la seconde vision. Mais la réalité est bien plus complexe. Les querelles
à propos de la société civile sont liées entre autres aux débats entre partisans du néocorporatisme et du pluralisme, entre élitistes et participationnistes, entre libéraux et
communautaristes… De plus, comme on le verra, l’impact de ces controverses se fait
sentir sur le processus du rétablissement de la démocratie dans les pays concernés.
VACLAV HAVEL VERSUS VACLAV KLAUS
Ces conflits portant sur la société civile peuvent être incarnés par deux figures
emblématiques de la vie politique tchèque : d’un côté Vaclav Havel, président de la
République (d’abord tchécoslovaque entre 1989 et 1993, ensuite tchèque entre 1993 et
2003), de l’autre Vaclav Klaus, président du Parti civique démocratique (ODS) de 1991
à 2002, ancien premier ministre tchèque de la période 1992-1997 mais aussi le seul
président du Forum civique. Si le début des années 1990 fut le théâtre des polémiques
les plus intenses, elles furent ravivées de nouveau depuis la fin de 1997, à la suite de la
chute du deuxième gouvernement Klaus. Le point de départ fut sans aucun doute donné
par le fameux discours du président Havel, prononcé le 9 décembre 1997, aux deux
chambres du Parlement tchèque. Voici un large extrait de ce discours retentissant :
“Lorsque je parle ici – et ce n’est de loin pas pour la première fois devant les membres
du Parlement – sur les associations sans but lucratif, sur la réforme de l’administration
publique et des choses semblables, je parle, comme vous le savez sans doute bien,
sur ce qu’on appelle la société civile, c’est-à-dire sur la société tout à fait ouverte à la
structuration et à la participation dans la vie publique des couleurs les plus diverses.
La société civile ainsi comprise a, pour l’essentiel, double sens. Primo, elle permet
à l’homme d’être lui-même dans toutes ses dimensions, y compris en tant qu’être social
qui souhaite par d’innombrables manières prendre part à la vie de la communauté
au sein de laquelle il vit. Secundo, elle agit comme une garantie réelle de la stabilité
politique, car plus sont développés tous les organismes, institutions et instruments de la
société civile, plus cette société est capable de résister aux tempêtes et renversements
politiques.
Ce n’est pas un hasard si le communisme a livré sa plus brutale attaque précisément
contre la société civile : il savait bien que son plus grand ennemi n’est pas tel ou tel
homme politique non communiste, mais une société ouverte qui se structure à partir du
bas en jouissant de tous les droits civils et qu’on ne peut, de ce fait, que difficilement
manipuler.
Notre pays se débat aujourd’hui, comme on le sait, dans une crise politique. Du
point de vue des conditions démocratiques, il s’agit d’un accident banal, à savoir d’une
• 51
Transitions 2001-2
démission du gouvernement. Le système démocratique prévoit évidemment de tels
accidents et les moyens de s’en sortir.
La même crise apparaît toutefois à beaucoup de monde presque comme une chute
du régime, voire comme la fin du monde. C’est à mon avis possible entre autres à
cause du fait que nous n’avons même pas réussi à créer des fondements de la société
civile vraiment développée, qui vit sous les plans les plus variés, et qui ne se sent par
conséquent pas dépendante pour son existence de tel ou tel gouvernement ou de tel
ou tel parti politique.
Si je reproche quelque chose à ceux qui démissionnent aujourd’hui, c’est bien plus
que de tel ou tel manquement; il s’agit de leur attitude, dans l’ensemble apathique, voire
hostile envers tout ce qui pourrait ressembler, ne serait-ce qu’un peu, à la société civile
ou envers ce qui pourrait préparer cette société civile. C’est justement cette attitude
apathique qui est, en dernière analyse, responsable du fait qu’un incident démocratique
aussi banal que l’est la chute d’un gouvernement apparaît presque comme un drame
antique et, dans une certaine mesure, il le devient vraiment : beaucoup de monde a
l’impression bien compréhensible d’assister à la faillite d’une conception de l’État,
d’une certaine vision du monde, d’un ensemble d’idéaux”7.
VACLAV KLAUS VERSUS VACLAV HAVEL
Ce discours “dramatique” de Vaclav Havel a provoqué, on s’en doute, bien des
critiques, y compris de la part de celui qui était particulièrement visé par le président
tchèque, à savoir le premier ministre démissionnaire Vaclav Klaus. Ce dernier rappelle
en 2000 qu’il mène “depuis dix ans déjà” avec Vaclav Havel une polémique sur la
différence fondamentale entre la démocratie parlementaire normale (“standard”) et la
“politique non politique”8. Voici quelques extraits de textes polémiques de V. Klaus :
“Ce sont des paroles de quelqu’un [V. Havel, note de l’auteur] qui veut artificiellement
et par force greffer sur la grande société à caractère anonyme une démocratie civique
directe, non médiatisée, capable de fonctionner relativement bien dans une petite société
qu’on peut embrasser d’un coup d’oeil et qui n’est pas anonyme. C’est une ambition
fondamentalement erronée; les libéraux de tous les temps et de tous les pays le savent.
Les penseurs étatistes, soi-disant progressistes, ne le savaient pas : ils souhaitaient au
lieu (…) de la société libre une société éclairée (il faut ajouter : éclairée par eux)” 9.
Pour ce qui est du terme “société civile”, Klaus note entre autres : “Ils aiment parler
de la société civile. Il me semble toutefois que de leurs hauteurs, ils n’ont pas vu que la
grande majorité de nos citoyens (…) participe de façon intense à la vie civique. Grâce à
cela une société <civile> authentique naît véritablement; elle vit par sa propre vie, qui
est toutefois sans intérêt pour nos personnalités exceptionnelles, car elle est fondée sur
un travail ennuyeux, patient, loin des mass médias. (…) Pourquoi ces gens-là rédigent
de tels appels au lieu d’avoir le courage d’aller sur le marché avec leur propre peau,
par exemple sur une liste d’un parti politique existant ou de leur propre parti ? (…)
Est-ce une incapacité de supporter les conséquences d’une défaite éventuelle dans les
élections ? (…) Je suis persuadé qu’il s’agit surtout d’une ignorance délibérée et de
l’incompréhension des principes élémentaires du système politique démocratique. Il
s’agit de la vieille-nouvelle tentative de la politique non politique, qui repose sur la
52 •
Les querelles tchèques à propos de la “société civile” : entre Vaclav Havel et Vaclav Klaus
méfiance à l’égard des électeurs et de leur intelligence” 10.
Voici, plus particulièrement, ce que reproche Klaus à Havel11 : “Peut-on être
aussi longtemps et aussi ostensiblement au-dessus de la politique, des politiciens et
des partis ? Peut-on continuer dans l’aversion, exprimée depuis longtemps, vis-à-vis
des mécanismes démocratiques normaux (“standard”), vis-à-vis des résultats des
compétitions électorales et du pluralisme politique ? Peut-on maintenir une attitude
d’un commentateur et d’un mentor en quelque sorte extérieur, en dépit de l’engagement
de dix ans dans la fonction politique suprême ? Peut-on employer le mot <politiciens>
exclusivement avec le pronom <eux> ?”12.
Dans sa communication appelée “La troisième voie et son erreur fatale”, prononcée
à Vancouver le 30 août 199913, lors d’une session de la Société Montpelerin dont il
est membre, Klaus note : “[La troisième voie] existe dans bien des pays, mais on ne
trouvera probablement pas de meilleur exemple que celui que représente la politique
non politique de Vaclav Havel, imposée dans notre pays durant toute la décennie
post-communiste. Elle est fondée sur une forte méfiance envers la démocratie libérale
classique, envers les partis politiques et envers la démocratie représentative. À
contrario, elle est également fondée sur une forte foi dans la démocratie directe, dans
le rôle dirigeant des élites intellectuelles et dans la capacité de ces dernières à instaurer
une <civilisation de la paix et de l’amour> sans complications liées aux mécanismes
ordinaires (standard) tellement typiques du vingtième siècle et de <l’ère de la politique>
qu’elles souhaitent dépasser”.
LES MYTHES ENTOURANT LE PRÉSIDENT MASARYK, LES MYTHES ENTOURANT LE
PRÉSIDENT HAVEL
Paradoxalement, la meilleure manière de clore ce choix des extraits significatifs
montrant l’attitude de Vaclav Klaus envers Vaclav Havel est de citer le curieux discours
de l’ex-premier ministre tchèque prononcé à une conférence internationale sur T.
G. Masaryk, premier président de la République tchécoslovaque. Cette conférence
scientifique s’est tenue le 2 mars 2000 au château de Prague (siège du chef de l’État
tchèque). La communication de Klaus s’appelait “Masaryk et son image dans la société
tchèque actuelle” 14.
L’ancien premier ministre tchèque y décrit et dénonce les six “mythes”15 diffusés
à propos du président Masaryk et il aperçoit (sans le dire expressément) que la plupart
de ces mythes s’appliquent également au président Havel. L’analogie entre les mythes
qui entourent les deux chefs d’État est d’autant plus évidente que vers la fin de son
intervention, Klaus considère comme problématique – pas pour Masaryk mais pour
notre époque – que ces mythes soient “délibérément maintenus et cultivés” et qu’on
leur attribue, de façon tout à fait instrumentale, une valeur positive. On professe ainsi,
selon Klaus, un monde sans idéologie, on sous-estime le rôle des partis politiques et
le problème national, on tente de se montrer davantage devant l’étranger que dans son
propre pays, on adopte des attitudes élitistes, etc.
D’après Klaus, Masaryk est resté, durant sa vie entière, socialiste et il avait eu des
problèmes à reconnaître le principe du marché libre. D’un côté, son activité politique
passait d’abord par l’appartenance aux divers partis politiques qu’il représentait comme
député sous la monarchie austro-hongroise. De l’autre côté, une fois devenu chef de
• 53
Transitions 2001-2
l’État tchécoslovaque, il plaçait les partis politiques et le parlementarisme assez bas,
contribuant ainsi délibérément à créer un système où les décisions essentielles se
prenaient dans le cercle de ses fidèles, à savoir au “château” [le château de Prague,
siège des présidents tchécoslovaques et plus tard tchèques, note de l’auteur]16.
Par ailleurs, toujours suivant l’ex-premier ministre tchèque, Masaryk aurait compensé
sa position d’un politicien de province d’abord et celle d’un politicien d’un petit État
ensuite par des “visions et conceptions européennes et mondiales, normativement
orientées, en quoi il fut puissamment soutenu dans son pays par une partie des mass
médias, ainsi que par certains écrivains et journalistes influents”. Hélas, estime Klaus,
le premier chef de l’État tchécoslovaque n’a probablement pas pu contribuer, de façon
significative, à l’histoire européenne et mondiale, d’autant plus que ses conceptions
n’arrivaient à rencontrer ni les sciences sociales “standard” ni les courants dominants
en Europe, ni les intérêts de divers pays. “À cause de cela, nous n’avons pas, de fait,
défendu nos intérêts nationaux et nous nous sommes contentés de théoriser, ce que
nous faisons d’ailleurs jusqu’à aujourd’hui”17.
LA POLITIQUE NON POLITIQUE
Pour bien comprendre les polémiques entre les deux hommes politiques tchèques,
quelques remarques s’imposent. La première concerne la “politique non politique”
(éventuellement “antipolitique”). On découvre ce terme déjà chez le premier président
tchécoslovaque, T. G. Masaryk. Ce dernier écrivait notamment : “J’ai toujours été pour
une politique culturelle; comme je disais, j’ai été pour une démocratie véritable. La
politique étroitement politique, la politique parlementaire ne me suffisait pas. Je parlais
de la politique non politique”18. Chez Havel, ce terme désigne l’idée selon laquelle, dans
le monde contemporain, les intentions de la vie, la morale et le “monde naturel” entrent
en conflit avec “l’auto-mouvement du système” technique. De ce fait, ces éléments
deviennent “politiques” à leur façon.
D’une manière générale, la politique devient non politique lorsque les instances
supra-politiques, telles que la culture, la survie de la nation, la religion ou la morale
prennent le dessus. Ceci n’est toutefois acceptable que lors des périodes de crises.
Car une fois ces crises passées, vient le temps de la politique ordinaire, normale ou
“standard”, pour parler comme Klaus. Ceux qui persistent à promouvoir la politique
non politique (ou antipolitique) dans des périodes “normales”, confondent ainsi, comme
le remarque fort justement le philosophe tchèque Vaclav Belohradsky19, le conflit entre
le gouvernement et l’opposition avec le conflit à propos du “régime”, et par là, ils
déstabilisent le système politique démocratique.
La politique non politique n’est donc légitime que quand c’est le régime luimême qui change. La politique subit alors la pression des principes supra-politiques,
notamment de la culture et de ses représentants, à savoir les intellectuels qui, au cours
de ces périodes de crise, remplacent la politique et les politiciens. Les paroles de Vaclav
Havel selon lesquelles “la vérité et l’amour ont vaincu le mensonge et la haine” ont
bien exprimé l’esprit de la politique non politique.
LA CRISE DE LA DÉMOCRATIE OCCIDENTALE ET LE SYSTÈME “POST-DÉMOCRATIQUE”
SELON HAVEL
54 •
Les querelles tchèques à propos de la “société civile” : entre Vaclav Havel et Vaclav Klaus
Pour ce qui est du “parlementarisme traditionnel avec le spectrum habituel des
grands partis politiques”, il pourrait certes servir de “solution transitoire” selon Havel,
mais il ne faut pas s’attacher “à la démocratie parlementaire traditionnelle comme à un
idéal et se complaire dans l’illusion que seule cette forme‚ qui a fait ses preuves, peut
durablement assurer à l’homme une situation digne et autonome”20.
S’appuyant sur Martin Heidegger, Havel parle de la “crise de la démocratie”, et
il poursuit : “Vraiment rien n’indique que la démocratie occidentale, c’est-à-dire la
démocratie parlementaire traditionnelle, puisse ouvrir une issue profonde. On pourrait
même dire que plus il y a [dans la démocratie occidentale, note de l’auteur] de la place
par rapport à notre monde [communisme <normalisé> de la période brejnevienne,
désigné aussi par Havel comme <post-totalitaire>, note de l’auteur] pour les intentions
véritables de la vie, mieux elle cache cette crise à l’homme, et plus profondément elle
immerge l’homme dans cette crise.
En vérité, il ne paraît pas que les démocraties parlementaires traditionnelles
puissent offrir une voie permettant d’affronter dans le fond <l’automouvement> de
la civilisation technique et de la société de consommation industrielle; elles aussi [les
démocraties parlementaires traditionnelles, note de l’auteur] sont à sa remorque et se
sentent devant lui déconcertées, impuissantes; seule la manière dont elles manipulent
l’homme est infiniment plus subtile et plus sophistiquée que la manière brutale du
système post-totalitaire [c’est-à-dire brejnevienne, note de l’auteur].
Tout cet ensemble statique des partis de masses, sentant le moisi, prolixes dans leurs
conceptions, agissant en politique de façon aussi instrumentale, dominés par les appareils
professionnels et déliant le citoyen de toute responsabilité personnelle concrète; toutes
ces structures complexes manipulant en cachette, foyers de la cumulation du capital;
tout ce diktat omniprésent de la consommation, de la production, de la publicité, du
commerce, de la culture de consommation (…) on peut difficilement considérer tout
cela comme une perspective pour que l’homme se retrouve lui-même”21.
Si les “démocraties parlementaires traditionnelles” ne peuvent pas offrir une
vraie perspective, quel est ce “système post-démocratique” que Havel appelle de ses
voeux ? “Les organisations naissant d’une manière ad hoc, animées d’une ardeur pour
un but concret et disparaissant une fois l’objectif atteint, valent mieux qu’un ensemble
d’organisations formalisées”22. En fait, Havel s’imagine que son expérience, de surcroît
idéalisée23, au sein de la Charte 77 sous un régime communiste est pertinente pour le
monde entier24. Les politologues diraient que Havel préfère les mouvements politiques
monothématiques, voire les “initiatives civiques”, aux systèmes de partis. Or, il ne
suffit pas d’articuler les intérêts, il faut les agréger, et c’est là que les partis deviennent
indispensables.
L’attitude négative vis-à-vis des partis politiques est une constante pour Havel depuis
son engagement au sein de la Charte 77. On peut citer une conférence de presse du 19
décembre 1989, peu avant son élection, lorsqu’il était interrogé en tant que candidat
au poste de chef de l’État :
“Cette question (...) me donne la possibilité de confesser l’idéal personnel que j’ai
essayé d’esquisser dans mes divers textes à l’époque où j’étais un simple dissident
(...). À mon avis, les personnalités devraient à l’avenir jouer un rôle de plus en plus
• 55
Transitions 2001-2
grand, alors que les partis politiques devraient au contraire jouer un rôle de moins en
moins important. Personnellement, je pense que les partis politiques devraient n’être
qu’une sorte de clubs dans lesquels les personnalités politiques naissent, se profilent,
se présentent, mais les partis politiques ne devraient pas directement participer au
pouvoir parce que cela mène à une sorte d’anonymisation du pouvoir. Le seul salut
possible pour cette civilisation consiste, à mon avis, à libérer l’homme (la personne,
la personnalité humaine concrète) de la manipulation de toutes les méga-structures
inventées par l’homme moderne et qui aujourd’hui le détruisent”25.
Dès 1978, celui qui ne fut alors qu’un dramaturge dissident, s’exprime on ne peut
plus clairement : “Si j’ai pensé encore en 1968 que notre problème serait résolu par la
création d’un parti d’opposition à qui on permettrait de concourir publiquement avec
le parti jusqu’alors gouvernant, maintenant je sais depuis longtemps que ce ne sera pas
si facile et qu’aucun parti d’opposition en lui-même, ni aucune nouvelle loi électorale
en elle-même, ne pourront garantir que la société ne sera à nouveau violée”26.
D’UN L’ÉLITISME À L’AUTRE
Venons-en à l’élitisme. On peut difficilement contester le bien-fondé de cette
accusation contre le président Havel. Cependant qu’en est-il de Klaus lui-même ? Si
l’on analyse attentivement la vision de la politique de l’ex-premier ministre tchèque, on
s’aperçoit qu’elle part, pour l’essentiel, de la théorie schumpeterienne de la démocratie,
esquissée par le grand économiste autrichien dans son ouvrage Capitalism, socialism
and democracy de 194227.
Voici comment Joseph A. Schumpeter comprend sa “théorie non classique” de
la démocratie et en particulier le rôle du peuple : “… nous admettons désormais que
le rôle du peuple consiste à accoucher d’un gouvernement ou, alternativement, d’un
organisme intermédiaire qui, à son tour, accouchera d’un pouvoir exécutif national,
c’est-à-dire d’un gouvernement. Et nous en arrivons à notre définition : la méthode
démocratique est le système institutionnel, aboutissant à des décisions politiques, dans
lequel des individus acquièrent le pouvoir de statuer sur ces décisions à l’issue d’une
lutte concurrentielle portant sur les votes du peuple”28. Le rôle du “peuple” est ici vu de
façon “réaliste” : “Les électeurs situés à l’extérieur du Parlement doivent respecter la
division du travail entre eux-mêmes et les politiciens qu’ils élisent. Ils ne doivent pas
leur retirer trop facilement leur confiance dans l’intervalle des élections et ils doivent
comprendre que, une fois qu’ils ont élu un individu, l’action politique devient son
affaire et non pas la leur”29.
Schumpeter estime que sa nouvelle théorie non classique de la démocratie constitue
“un grand progrès” par rapport à la théorie classique. D’abord, la volonté et les intérêts
du peuple, auxquels la doctrine classique met l’accent, peuvent être invoqués, voire
servis aussi par des gouvernements autocratiques. En revanche, avec la nouvelle théorie
de la démocratie, nous sommes désormais munis d’un “critérium raisonnablement
sûr” pour distinguer les gouvernements démocratiques des autres, disposant ainsi d’un
“procédé opératoire dont la présence ou l’absence est facile à vérifier dans la plupart
des cas”.30 Par exemple la monarchie parlementaire britannique satisfait aux critères de
la méthode démocratique, ce qui n’est pas le cas d’une monarchie “constitutionnelle”.
56 •
Les querelles tchèques à propos de la “société civile” : entre Vaclav Havel et Vaclav Klaus
Ensuite, la nouvelle théorie schumpeterienne tient suffisamment compte du rôle capital
du commandement, de la direction (leadership), en quoi elle est beaucoup plus réaliste
que la conception classique. On pourrait résumer cette nouvelle théorie en disant quelle
tient dans le concept de compétition (ou concurrence) pour la direction politique.
Si l’on peut définir la nouvelle conception par l’existence de la compétition pour
la direction politique, on attribue par là un rôle essentiel aux partis politiques. “Un
parti n’est pas, comme voudrait nous faire croire la doctrine classique (ou Edmond
Burke), un groupe de personnes qui se proposent de promouvoir l’intérêt public <en
appliquant un certain principe sur lequel ils sont tombés d’accord>. (...) Un parti est un
groupe dont les membres se proposent d’agir de concert dans la lutte concurrentielle
pour le pouvoir politique. S’il n’en allait pas ainsi, il serait impossible que des partis
différents adoptent exactement ou presque exactement le même programme - pourtant
ceci advient, comme nul ne l’ignore”31.
Un point dans la théorie non classique de la démocratie chez Schumpeter mérite
une attention particulière : “... définissant la fonction essentielle du corps électoral
comme étant d’accoucher d’un gouvernement (directement ou par le truchement d’un
corps intermédiaire), je lui ai implicitement reconnu également la fonction consistant
à révoquer un gouvernement. La première fonction équivaut simplement à accepter
un chef ou une équipe de chefs, la seconde revient simplement à leur retirer cette
acceptation. Cette définition fait donc état d’un élément qui a peut-être échappé à
l’attention du lecteur. Celui-ci peut, en effet, avoir pensé que le corps électoral, non
seulement met en selle le gouvernement, mais encore le contrôle. Comme, cependant,
en régle générale les électeurs ne contrôlent en aucune façon leurs chefs politiques,
sinon en refusant de les renommer (ou de réélire les majorités parlementaires qui les
soutiennent), il paraît convenable de ramener la conception que nous nous faisons de
ce contrôle aux deux moyens - nomination [investiture] et révocation [destitution]
- indiqués dans notre définition” 32.
D’après Schumpeter, les citoyens, une fois les élections terminées, devraient
s’abstenir de vouloir tout le temps infléchir la politique conduite par les représentants qu’ils
ont choisi. C’est ce que l’économiste de Harvard appelle “auto-contrôle démocratique”.
Il se préoccupe donc surtout de comment limiter l’influence des citoyens moyens (qui
ne sont pas, selon lui, suffisamment compétents et sont sujets aux influences extrarationnelles) pour pouvoir laisser tranquillement gouverner une élite. On comprend que
la théorie de la démocratie de Schumpeter est le plus souvent taxée d’élitiste33.
Or, telle est sans doute aussi la conception de Klaus, sauf que dans sa rhétorique,
il parle de l’intelligence des citoyens. Cette intelligence des citoyens ne va pas, en fait,
au-delà du choix de ses représentants qu’ils devraient laisser ensuite travailler sans
les déranger, une fois qu’ils les ont élus. Bref, si Havel est élitiste, Klaus l’est aussi,
d’une autre manière.
CONCLUSION
Les discussions tchèques à propos de la société civile ne sont pas tout à fait originales34,
mais à cause de l’importance de leurs protagonistes principaux, elles méritent une
attention particulière. Si Ernest Gellner considère le concept de “société civile” comme
supérieur à celui de la “démocratie”35, le plus grand politologue allemand actuel, Klaus
• 57
Transitions 2001-2
von Beyme - qui s’intéresse vivement à la “transition” en Europe du Centre-Est36 – tient
la société civile pour la “dernière idéologie de la vieille intelligentsia”37.
Comme on la vu, les représentants de la “société civile” s’opposent souvent aux
représentants de la “société politique”, pour parler comme Juan J. Linz et Alfred Stepan.
Le danger que représentent les protagonistes de la société civile pour le rétablissement
de la démocratie libérale est clair : leurs préférences normatives et leurs styles
d’organisation, correspondant aux besoins des groupes dissidents comme la Charte 77,
ne conviennent pas à la politique normale (ou à la “société politique”) d’une démocratie
libérale. Ainsi, comme le remarquent, par exemple, Linz et Stepan38, les protagonistes
de la société civile regardent avec antipathie morale le “conflit interne” ou la “division”
au sein des forces démocratiques. La “routine institutionnelle”, tellement décriée par
des gens comme Havel, fait pourtant partie de la pratique politique normale dans les
démocraties consolidées. Pour ce qui est des partis politiques, incarnation de tout ce que
Havel déteste, ils sont une composante essentielle de la démocratie consolidée, et leur
objectif est précisément d’agréger et représenter les “divisions” entre les démocrates.
Il est particulièrement absurde d’opposer les partis à la société civile. Les partis,
comme le souligne en premier lieu Maurice Duverger39, ne sont même pas, à proprement
parler, des “institutions” politiques; ils ont émergé (et ils surgissent jusqu’à présent) de
façon spontanée, et c’est pourquoi il vaut mieux les caractériser comme “organisations”
politiques. Dans les anciennes constitutions, les partis n’étaient même pas mentionnés…
Ces “partis de masses, sentant le moisi, prolixes dans leurs conceptions, agissant en
politique de façon aussi instrumentale, dominés par les appareils professionnels et
déliant le citoyen de toute responsabilité personnelle concrète” (V. Havel) correspondent
assez mal à la réalité des dernières décennies du vingtième siècle où on remarque
plutôt le “dégel” des systèmes de partis et de leurs clivages. Bien des intellectuels
(dissidents pour la plupart) jouèrent à coup sûr un rôle néfaste dans le processus de
rétablissement de la démocratie représentative, en essayant notamment de maintenir
le plus longtemps possible de larges mouvements politiques comme le Forum civique
dans les pays tchèques40. Bon nombre d’anciens dissidents qui ont fait leurs preuves
durant les dernières décennies des régimes communistes, ont d’ailleurs mal négocié le
virage du retour à la démocratie et ils ont échoué dans de nouvelles conditions41.
Tout cela ne nous devrait toutefois pas faire oublier que la société civile vigoureuse
est fort utile pour une démocratie, à condition de ne pas se présenter comme son
<alternative>, mais comme son complément naturel. Elle peut ainsi entre autres aider
à faire démarrer le processus de transition démocratique, elle peut faire beaucoup pour
sauvegarder la démocratie lors de moments critiques, elle peut donner un coup de pouce
pour achever la consolidation démocratique et contribuer à son approfondissement. Bref,
on peut conclure avec Linz et Stepan42 que la société civile vivace et indépendante est
inestimable pour les démocraties aujourd’hui comme hier.
[Novembre 2002]
NOTES
1
58 •
E. Gellner, Condition of Liberty. Civil Society and Its Rivals, London, Harmich
Hamilton, 1996.
Les querelles tchèques à propos de la “société civile” : entre Vaclav Havel et Vaclav Klaus
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13
14
15
Gellner a passé une grande partie de son enfance dans les pays tchèques dont
il maîtrisait la langue. Par ailleurs, sa mort subite est survenue à Prague.
Cf. M. Molnar, “Pouvoir et société civile dans les pays de lʼEurope de lʼEst :
concepts et réalités”, in Cadmos, Cahiers trimestriels publiés par le Centre
Européen de la Culture et lʼInstitut Universitaire dʼÉtudes Européennes de
Genève, n° 19, automne 1982, p. 34-53.
Cf. Molnar, op. cit., p. 53.
En plus, on trouve bien entendu toujours des travaux spécialisés, de caractère
surtout philosophique, éventuellement historique. Deux récents travaux tchèques
sont à signaler : 1) F. Samalik, Obcanska spole_nost v moderni spolecnosti (La
société civile dans la société moderne), Brno, Doplnek, 1995; 2) K. Mueller,
Cesi a obcanska spole_nost (Les Tchèques et la société civile), Prague, Triton,
2002.
J. Paulas, J. Sebek, “Zarodky obcanské spolecnosti”, in Katolicky tydenik, n°
39, 2000.
V. Havel, “Discours au Sénat et à la Chambre des députés de la République
tchèque”, in V. Havel, 97, Prague, Horacek et Paseka, 1998, pp. 98-99.
V. Klaus, “Nestrasme se navzajem, pane prezidente” (7.4.2000), in V. Klaus,
Od opozicni smlouvy k tolerancnimu patentu, Prague, Votobia, 2000, p. 53.
V. Klaus, “Nové nebezpecné zdi nebo pouze jiny svetovy nazor ?” (7.1.1999), in
V. Klaus, Od opozicni smlouvy k tolerancnimu patentu, Prague, Votobia, 2000,
p. 21.
V. Klaus, “Nepochopeni soucasnosti” (28.7.1999), in V. Klaus, op. cit., 2000,
p. 32-33. Klaus met en exergue souvent cette attitude “élitiste” de ses adversaires,
parmi lesquels il compte Havel, en disant par exemple quʼils voulaient une
société des élites, où eux-mêmes seraient ces élites qui, de surcroît, devraient
être obligatoirement écoutées de façon religieuse (cf. V. Klaus, “Neschopnost
radosti, spokojenosti, uznani ?”, in V. Klaus, op. cit., 2000, p. 35).
Signalons aussi une comparaison suggestive entre Havel et Klaus par un
observateur britannique attentif, Timothy G. Ash : “Intellectuals and Politicians”,
in T. G. Ash, History of the Present, London, Penguin Books, 2000, pp. 150174.
V. Klaus, “Vyznam slov a neplytvani jimi”, in V. Klaus, Od opozicni smlouvy
k tolerancnimu patentu, Prague, Votobia, 2000, p. 47.
Sa version tchèque in V. Klaus, op. cit., 2000, pp. 94-101, cf. notamment pp.
97-98.
Publié in V. Klaus, Od opozicni smlouvy k tolerancnimu patentu, Prague, Votobia,
2000, pp. 296-302.
1) Le mythe de la neutralité de Masaryk; 2) le mythe du caractère non partisan
de Masaryk; 3) le mythe sur la conception de la démocratie chez Masaryk,
“presque absolutiste”; 4) le mythe selon lequel Masaryk a réussi à maîtriser le
problème de la coexistence des nationalités; 5) le mythe du caractère mondial
• 59
Transitions 2001-2
16
17
18
19
20
21
22
23
24
25
26
27
28
29
30
31
de Masaryk; 6) le mythe sur le caractère ouvert, authentique et non élitiste de
Masaryk.
En ce qui concerne Havel, il nʼa certes été membre dʼaucun parti politique sous
le régime communiste, mais en 1968, il a appuyé par sa signature la tentative
de refonder la social-démocratie. Son dégoût des partis politiques ne vient que
plus tard, dans la deuxième moitié des années 1970, et son rôle dans le groupe
dissident Charte 77 nʼy est sans doute pas étranger.
V. Klaus, op. cit., 2000, p.300. Cʼest peut-être cette insistance sur les intérêts
nationaux, ainsi que la dénonciation de lʼélitisme, auquel on reviendra encore,
qui ont convaincu le commissaire européen G. Verheugen dʼinclure V. Klaus
parmi les “populistes”. Lex-premier ministre tchèque a bien entendu protesté
avec véhémence dʼêtre ainsi traité par le commissaire européen.
T. G. Masaryk, Svetova revoluce, Prague, Cin, 1938 (première édition 1925),
p. 32.
Cf. notamment “O politice politické a antipolitické”, in V. Belohradsky,
Kapitalismus a obcanské ctnosti, Prague, Ceskoslovensky spisovatel, 1992,
pp. 31-34.
V. Havel, “Moc bezmocnych” (1978), in V. Havel, O lidskou identitu, Prague,
Rozmluvy, 1990, p. 128.
V. Havel, op. cit., 1990, p. 127-128.
V. Havel, op. cit., 1990, p. 130.
Dans mon ouvrage Du Printemps de Prague au Printemps de Moscou (Genève,
Georg, 1990), issu de ma thèse de doctorat à lʼUniversité de Genève, jʼai essayé
de peindre un tableau réaliste, équilibré de la Charte 77, sans cacher ses problèmes
et ses conflits internes.
“Est-ce que cette vision de la structure‚ <post-démocratique> ne rappelle pas, du
moins par certains des ses éléments, la structure des groupes <dissidents> ou de
quelques initiatives civiques, comme nous les connaissons dans les environs ?”
(V. Havel, op. cit., 1990, p. 131).
Cité dʼaprès lʼInforum, n° 4/1989, du 22 décembre 1989. LʼInforum était le
bulletin dʼinformation du centre de coordination du Forum civique. Je lʼai
consulté aux Archives centrales dʼÉtat à Prague.
V. Havel, op. cit., 1990, pp. 128-129.
Cf. la traduction française en édition de poche : J. A. Schumpeter, Capitalisme,
socialisme et démocratie, Paris, Payot, Petite Bibliothèque, 1965. La traduction
française se trouve également sur internet.
Cf. J. A. Schumpeter, op. cit., 1965, p. 367.
Cf. J. A. Schumpeter, op. cit., 1965, p. 400.
Ibid., 1965, p. 367.
Ibid., 1965, p. 385.
32 Ibid., 1965, p. 370.
60 •
Les querelles tchèques à propos de la “société civile” : entre Vaclav Havel et Vaclav Klaus
33
34
35
36
37
38
39
40
Sur lʼélitisme dans la théorie non classique de la démocratie de Schumpeter,
cf. entre autres : P. Bachrach, The Theory of Democratic Elitism : A Critique,
Boston, Little, Brown and Cie, 1967; D. Held, Models of Democracy, Cambridge,
Polity Press, 1987; G. Lavau et O. Duhamel, “La démocratie”, in M. Grawitz et
J. Leca, (éds.), Traité de science politique, Paris, Presses universitaires de France,
1985, t. 2, pp. 29-113; B. Manin, Principes du gouvernement représentatif, Paris,
Champs/Flammarion, deuxième édition, 1996; Y. Papadopoulos, Démocratie
directe, Paris, Economica, 1998 (chapitre 2 : “Autour du débat contemporain
entre élitistes et participationnistes»); G. Sartori, Theory of Democracy Revisited,
Chatham N. J., Chatham House Publishers, 1987. Sartori (qui sʼinspire de
Schumpeter dans sa propre théorie de la démocratie) souligne que le soi-disant
“élitisme” schumpeterien nʼest pas une suite de la ligne Pareto-Mosca.
Cf., p. ex., J. Cohen, A. Arato, Civil Society and Political Theory, Cambridge,
MIT Press, 1992, en particulier pp. 29-82; J. Keane (ed.), Civil Society and the
State : New European Perspectives, London, Verso, 1988, surtout lʼintroduction
de J. Keane, pp. 1-31.
Cf. E. Gellner, op. cit., 1996, chap. 29.
Cf. récemment K. von Beyme, “Osteuropaforschung nach dem Systemwechsel.
Der Paradigmawandel der <Transitologie>”, Osteuropa, 49. Jahrgang, Heft 3,
Marz 1999, pp. 285-304.
Cf. K. von Beyme, Systemwechsel in Osteuropa, Frankfurt an Main, Suhrkamp,
1994, pp. 100-123.
J. J. Linz, A. Stepan, Problems of Democratic Transition and Consolidation :
Southern Europe, South America, and Post-Communist Europe, London and
Baltimore, The John Hopkins University Press, 1996, p. 10. Jʼexprime la
reconnaissance au professeur Linz de mʼavoir envoyé un exemplaire de ce
remarquable ouvrage.
Cf. notamment son chef-dʼoeuvre Les partis politiques, Paris, A. Colin, dixième
éd., collection Points, 1981 (première édition 1951).
Au lieu de conduire le pays vers des élections libres et favoriser ensuite lʼémergence
ou le renforcement des partis politiques, le Forum civique les écrasa presque
tous. Une fois les élections terminées, le Forum aurait pu décider de se dissoudre.
Mais il ne le fit pas; ses représentants étaient soulagés dʼavoir triomphé et ils
laissèrent pourrir la situation. Cʼest alors seulement que le Forum commença à
se diviser, mais à contrecœur, par nécessité, fort tardivement, au lieu de le faire
spontanément, à temps, dans la bonne humeur. Cʼest aussi ce quʼestime dans
une interview, parue dans le quotidien Mlada fronta du 23 février 1991, M.
Petr Pithart, représentant du Forum civique, premier ministre du gouvernement
tchèque de lʼépoque de la fédération tchécoslovaque, devenu plus tard aussi
vice-président du Mouvement civique, actuellement membre du Parti populaire
• 61
Transitions 2001-2
62 •

Documents pareils