La Décision - OrientAction

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La Décision - OrientAction
COMPTE RENDU DE L’OUVRAGE
La Décision d’Alain Berthoz
Berthoz, A. (2013). La décision. Paris: Odile Jacob. ISBN : 9782738129314
Par
Bianca Seguin-Lefebvre
Étudiante à la maîtrise en carriérologie
Université du Québec à Montréal (UQÀM)
Sous la direction de Louis Cournoyer
Octobre 2013
1. Avant propos : Décider pour exister
En tant que professionnel de l’orientation, il est de notre devoir d’amener la personne à
prendre conscience de sa situation pour effectuer la meilleure décision possible. Mais de
quelle façon une personne est amenée à prendre une décision? Comment ce processus
s’effectue-t-il cognitivement et émotionnellement? Le meilleur moyen de mieux adapter
notre intervention serait alors de comprendre comment le tout s’élabore chez la personne.
Un client hésite entre deux avenues, dans lesquelles des souvenirs peuvent interférer, et il
n’arrive pas à concevoir l’avenue préférable. Au contraire, un client peut, à plusieurs
reprises, avoir pris des décisions rapides qui se sont avérées moins fructueuses pour lui.
Qu’est-ce qui différencie ces deux individus au terme du fonctionnement cognitif?
Dans ce livre axé sur la neurophysiologie, Berthoz rappelle les grandes théories sur la
prise de décision qui l’ont décrite en terme de probabilité jusqu’à une hiérarchie de
niveaux complexes admettant le rôle de l’émotion dans le processus. Il décrit, par la suite,
les pathologies existantes et le lien avec sa propriété fondamentale, soit le système
nerveux. Berthoz nous fait comprendre les multiples formes que prend la décision tout en
mentionnant le rôle de la perception, de la préférence et de l’inhibition dans les différents
niveaux de la décision. Les mécanismes de décision comportent un pouvoir de prédiction
reposant sur l’émotion et le cerveau décide en fonction de la valeur subjective. Pour lui,
c’est un émulateur qui construit le monde. Étant constamment confronté à choisir, nous
vivons pleinement de cette capacité.
2. Présentation de l’auteur : Alain Berthoz
Alain Berthoz, né en 1939, est ingénieur, psychologue et neurophysiologiste. Il est
professeur honoraire au Collège de France où il y dirige le Laboratoire de physiologie de
la perception et de l’action (LPPA) et agit à titre de président de l’institut de biologie. Il
est aussi membre de l’académie des sciences depuis 2003 et a dirigé plusieurs
programmes lancée par le ministère de la recherche comme « Neurosciences intégratives
et computationnelles » de l’Action Concertée Incitative (ACI) 1. Alain Berthoz est un des
grands spécialistes de la physiologie intégrative. Ses principaux domaines de recherche et
de publications sont la physiologie des fonctions sensori-motrices, l’oculomotricité, le
système vestibulaire, la mémoire spatiale et le contrôle de l’équilibre et la perception du
mouvement 2. En plus d’avoir au dessus de 200 publications à son actif, il a fait plus de 90
conférences dans une vingtaine de pays. Il a, entres autres, publié Le sens du mouvement,
L’Empathie et La Simplicité. Cet homme s’est vu reconnaître plusieurs distinctions et
prix pour ses contributions dont le Prix général de l’Académie nationale de médecine en
1991, le Prix du Commissariat de l’énergie atomique de l’Académie des sciences en 1998
et la Médaille d’or de la Société des arts et des lettres en 2005 3.
3. Compte rendu commenté de l’ouvrage de Berthoz (2013)
L’ouvrage compte 447 pages divisées en 13 chapitres et réparties selon quatre grandes
parties. La première partie ayant pour titre La décision est-elle rationnelle ou
irrationnelle? regroupe les chapitres 1, 2 et 3. Elle aborde le thème de la rationalité de la
décision et on y retrouve des sujets comme le hasard, l’enjeu des émotions et les
différentes pathologies reliés à la prise de décision. La deuxième partie, soit Décider avec
mon double, regroupe les chapitres 4, 5 et 6. Cette partie porte sur l’aspect physiologique
de la prise de décisions et l’impact possible sur les différents types de décisions comme la
décision perceptive et motrice. La troisième partie intitulée Décision, perception et
préférence, combine les chapitres 7, 8, 9 et 10. Cette partie aborde des thèmes comme la
perception visuelle et les conflits sensoriels. Dans la quatrième partie, nommée La pensée
magique, on compte les trois derniers chapitres, soit 11, 12, 13 et les thèmes principaux
sont l’enjeu de nos préférences et l’inhibition.
Le chapitre 1 s’intitule Le cerveau parieur et logicien. Dans ce chapitre, Berthoz débute
en comparant la décision à un pari, c’est-à-dire que la prise de décision ne reposerait pas
sur une analyse détaillée, mais serait plutôt effectuée selon nos sens. On y fait
1
http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2003/octobre/berthoz.html
http://www.academie-sciences.fr/academie/membre/BerthozA_bio1009.pdf
3
http://www.lppa.college-de-france.fr/equipes/people/Berthoz/bio.htm
2
l’explication de la notion d’utilité, qui est la prise de décision selon les croyances qu’on a
de la valeur. La décision ne se ferait donc pas selon la raison. Dans cette lignée, Berthoz
décrit les courants à la base des théories et des différentes recherches effectuées sur le
thème de la décision. D’abord, les théories normatives qui prévoient un décideur idéal et
rationnel pour prendre une décision. Ensuite, les théories descriptives, à l’opposé des
normatives, tendent à identifier les régularités de la prise de décisions. Finalement, les
théories prescriptives visant à améliorer la pertinence du choix qui sera fait. La notion de
probabilité de Jakob Bernouli, la théorie du prospect, soit le fait d’ignorer des faits
objectifs pour accorder davantage d’importance à nos opinions, et les modèles mentaux
de Johnson-Laird, sont d’autres sujets abordés. Ce chapitre décrit brièvement un grand
ensemble de théories et de recherches concernant le thème de la décision, mais la
difficulté à les unifier, comme le mentionne l’auteur, ne permet pas de toutes les décrire
de manière à ce que ce soit pertinent.
Le chapitre 2 s’intitule Émotions et décisions. Le thème principal de ce chapitre est le
rôle décisif que l’émotion joue dans la prise de décision. Berthoz intègre certaines
recherches de Darwin comme les trois principes de l’expression des émotions et le non
verbal visible. Ces trois principes sont l’association des habitudes utiles, l’expression de
l’émotion opposé par une attitude inverse (antithèse) et l’action directe du système
nerveux indépendant de la volonté et des habitudes. Aspect intéressant, il est aussi
question du non-verbal visible, c’est-à-dire l’expression de notre visage qui semblerais
changer lors d’une prise de décision. Plusieurs théories nous sont expliqué pour permettre
de mieux comprendre le rôle et le fonctionnement des émotions, mais aussi les différentes
émotions fondamentales que nous ressentons comme la colère et la peur. Outre les
théories béhavioristes dont on fait état, on retrouve quatre autres théories, soit les théories
psychologiques, physiologiques, phénoménologiques et cognitives (théories de
l’appréciation). De plus, Berthoz aborde la théorie de James-Lange, la notion de système
limbique et celle de l’amygdale qui serait en lien avec la peur conditionnée. Au travers de
la description et de la critique de ces théories et des recherches déjà effectués sur le sujet,
Berthoz dit que l’émotion serait une préparation à passer à l’action.
Le chapitre 3 porte sur le sujet Pathologie de la décision. Lors d’une prise de décision,
plusieurs aires du cerveau entrent en jeu. Il existe donc plusieurs pathologies reliées,
directement ou non, à la prise de décision. La participation du cortex frontal et préfrontal
est essentielle aux processus de décision. Certains individus ont une incapacité à
reconnaître, nommée agnosies. Que ce soit la difficulté à reconnaître un visage ou tout
simplement un objet, ces pathologies peuvent rendre la prise de décision très difficile.
Berthoz explique aussi l’importance du rôle des deux hémisphères du cerveau, le droit et
le gauche, dans la capacité à décider. Il décrit aussi les troubles obsessionnels, soit
l’obsession et la compulsion, comme étant des formes de pathologie. La persévération,
une autre pathologie, est le fait de continuer à faire la même action ou à répéter le même
mot continuellement. D’autres sujets sont aussi abordés par Berthoz, comme la mémoire
de travail, le syndrome de démence frontotemporale (DFT) et l’implication de la
dopamine dans les processus de décision motrice. Malgré l’aspect très biologique des
descriptions et des explications, il est intéressant de voir que, parce que ce processus est
cognitif, il existe des failles et il est possible d’y rencontrer des difficultés.
Le chapitre 4 s’intitule Fuir et capturer. Dans son explication, Berthoz nous amène à une
réflexion. Il nous arrive parfois d’avoir envie de fuir une situation plutôt que de
l’affronter. Bien, comme le dit Berthoz, en ne fuyant pas, nous prenons une décision, soit
celle d’inhiber notre désir de fuir. Berthoz parle de la cellule de Mauthner comme étant
un neurone géant responsable de la fuite du poisson rouge et le lien de celle-ci avec la
réaction de défense, comme le rat fuyant le bruit. Cette réaction de fuite est alors décrite
comme un des premiers exemple de prise de décision dans l’évolution, d’où la décision,
pour un animal, de fuir ou de capturer sa proie. Ces recherches ont aussi permis de
reconnaître le rôle du système nerveux dans ce processus de décision. Ce chapitre nous
permet de comprendre l’importance du regard dans la prise de décision et l’aspect de la
sélection. La décision serait d’abord la sélection de comportements déjà présents. Un
autre aspect important dans le processus de décision serait l’inhibition. Elle assure la
coordination des gestes et permet la sélection temporelle du moment. De ce fait, Berthoz
termine en affirmant que la décision n’implique pas de neurocomputations, soit un
processus neuronal de traitement de l’information, compliquées. La description de ces
premières expériences permettent de nous mettre dans le contexte et de voir l’évolution
des recherches sur le sujet.
Le chapitre 5 s’intitule Équilibre et marche. Berthoz débute en associant les blessures
dues à une chute chez les personnes âgées, à une incapacité de prendre rapidement une
décision pour éviter cette chute. L’incapacité à prendre une décision rapide pour
contracter nos muscles dans le but d’éviter une chute est un problème cognitif causé par
une désorientation du cerveau. On aborde, par la suite, un aspect plus physiologique
permettant de comprendre comment le cerveau prend certaines décisions stratégiques
selon différents niveaux de contrôle se situant, entre autres, dans la moelle épinière, le
cervelet, les ganglions de la base et le cortex. Il décrit ces endroits comme des modèles
internes où les décisions sont prises en charge. On comprend alors que certains facteurs
cognitifs contribuent au contrôle de l’équilibre ou de la marche. Berthoz explique donc
que le Parkinson est une affectation des fonctions motrices et cognitives à la fois qui
entraîne des troubles de l’initiative du geste qu’on attribue à la difficulté de prendre des
décisions. On comprend que le système nerveux serait alors fondamental dans la décision
motrice.
Le chapitre 6 s’intitule Délibérer avec son corps : moi et mon double. Berthoz reprend
ici l’idée que la perception est décision. Percevoir son corps comme un double et être
fondamentalement deux est l’idée nouvelle que Berthoz avance. La première décision
prise très tôt dans notre vie est celle de distinguer notre corps de celui des autres et le
reconnaître dans le miroir. De ce fait, il existe certains types d’hallucinations causées par
des lésions du lobe temporal ou de la jonction pariéto-occipitale, comme l’héautoscopie
interne, externe, visuo-vestibulaire et négative. Pour Berthoz, reconnaître l’existence de
son double s’est pouvoir se projeter dans le monde et prendre une décision perceptive.
L’hypothèse de schéma corporel de l’auteur est que nous possédons deux corps en
interaction, un corps de chair et un corps virtuel. De plus, il est question d’un mécanisme
de simulation, soit le fait de remplacer une partie de notre corps, comme une jambe
amputée, par un membre fantôme. Dans cet exemple, il est important, selon Berthoz, de
distinguer cette illusion d’une hallucination. Comment décide-t-on qu’un membre nous
appartient et qu’il est à nous? La compréhension des opérateurs cérébraux décrits dans le
chapitre permet de mieux comprendre la question. D’autres termes et pathologies sont
décrits, comme les désordres de la connaissance, l’aschématie (perception troublée de son
corps) et l’apractognosie géométrique (trouble de la reconnaissance ou de l’utilisation de
l’espace ou des objets)). Si Berthoz accorde une importance particulière à la capacité de
se construire un double, c’est qu’il y voit ici une capacité de délibérer, de se créer un
scénario visuel qui nous implique et de pouvoir nous regarder sous différents aspects.
Le chapitre 7 s’intitule La perception visuelle est décision : Physiologie du doute.
Berthoz dit que la décision ne vient pas après la perception. Une fois que l’on perçoit
quelque chose, on le sélectionne parmi d’autres éléments présents, on amorce donc déjà
la décision, celle de choisir ce que l’on sélectionne et percoit. Il décrit le champ
récepteur, c’est-à-dire la zone de l’espace qui active le neurone lorsqu’une lumière
apparaît, comme faisan parti du système visuel. Ce champ varie selon l’éveil du cerveau.
L’auteur explique aussi les deux voies d’analyse du monde visuel, ceux de Magno et
Parvo. Cette analyse se ferait selon une ségrégation catégorielle, géométrique et
dynamique, c’est-à-dire les couleurs, les formes et les mouvements. La perception
visuelle serait un mécanisme probabiliste. Comment décide-t-on si un objet est devant ou
derrière un autre? Pour expliquer le sujet, Berthoz décrit le rôle des neurones et s’appuie
sur l’étude des bases neurales de la perception de la distance. Il illustre les mécanismes
neuronaux de la décision selon la détection des formes visuelles en prenant comme
exemple les contours illusoires de Kanizsa, le remplissage et la comparaison de motifs.
Pour expliquer le phénomène de remplissage, il fait l’exemple de la tache aveugle située
dans la rétine de l’œil. Malgré cette tâche où aucun neurone ne permet la vision, nous ne
percevons pas un rond noir dans notre vision.
Dans le chapitre 8, Décision et reconnaissance des formes : ambiguïté et rivalité, et le
chapitre 9 concernant les Conflits sensoriels : la perception du mouvement, Berthoz
décrit plusieurs concepts importants et reprend l’idée que percevoir c’est sélectionner et
que sélectionner c’est choisir, donc décider. Décider c’est choisir entre plusieurs
solutions. La décision est la résolution d’une concurrence entre deux interprétations
possibles d’une même forme ou de deux mouvements contraires. Le cerveau prend des
décisions perceptives comme lors d’illusions visuelles. Le cerveau suit un processus pour
reconnaître des formes tout en ayant certaines limites. Pour expliquer la décision
perceptive, Berthoz s’appuie sur des descriptions touchant l’anatomie. La voie dorsale
participe à l’action visuelle guidée et la voie ventrale participe à l’identification des
formes et des objets, soit la perception consciente. Pour reconnaître un visage et pourvoir
décider si on le connaît, le cerveau doit le concevoir dans son ensemble et non comme un
assemblage de formes. L’auteur ajoute que le fait de relever une ambiguïté est une
décision. Il parle alors de rivalité binoculaire. Il aborde aussi la catégorisation, soit une
reconnaissance rapide des formes naturelles. La reconnaissance des formes est une
perception et repose sur un processus mental de synchronisation constitué de réseaux et
de relations dans les aires du cerveau. On perçoit les formes et les mouvements, mais il
est plus difficile de reconnaître un visage qui serait à l’envers. La perception du
mouvement s’avère alors aussi reposer sur un processus où le cerveau ne peut pas être
passif. Berthoz décrit le mécanisme de décision selon l’activité cognitive présente. Un
choix perceptif est une combinaison de décisions que nous adaptons en fonction de
l’importance que l’on accorde à un aspect ou à un autre. Lors des premières étapes du
processus, on parle des aspects globaux du monde perçu, et lors des dernières étapes, ce
sont les aspects locaux qui sont l’objet des décisions. Avec un processus complexe, il
existe évidemment la possibilité de conflits sensoriels. On y retrouve entre autres
l’agoraphobie, les attaques de panique et le vertige. Berthoz mentionne aussi qu’il existe
des mécanismes d’adaptation et de compensation à des conflits sensoriels. Comprendre
que l’agoraphobie résulte d’un conflit sensoriel permet de mieux comprendre la situation
et l’impuissance que peut vivre une personne.
Le chapitre 10 s’intitule Fontaines. La fontaine « rappelle que la décision n’est pas un
processus rationnel équivalent à une équation même en y introduisant des probabilités,
des principes d’incertitude et de hasard. 4» Berthoz dit que regarder une fontaine est utile
pour comprendre les mécanismes de la décision. Il compare la fontaine jaillissante au
cerveau en processus de décision par son architecture, sa géométrie, son jeu de formes et
4
Berthoz, A. (2013). La décision. Paris: Odile Jacob.
sa hiérarchie. Elle peut jaillir, rebondir, plonger et ruisseler en y laissant une mousse dite
à l’opposé de la raison. Puis, elle se retrouve dans le bassin ou le fleuve. Pour reprendre
les mots de Berthoz, elle a un esprit de finesse et elle stimule la pensée féconde. Tout
comme une fontaine, la décision est le résultat d’un jeu subtil cachant des incertitudes,
des attentes et des hésitations, selon l’endroit où elle s’écoule, et dissimule des
confusions, soit les effets du vent. Que ce soit par la fontaine du lac de Genève, la
fontaine du quartier Mouffetard à Paris ou celle des quatre dauphins d’Aix-en-Provence,
Berthoz accorde une signification intéressante à la fontaine dans le processus de décision.
Ce chapitre fait référence, de manière imagée, à la similitude entre les variations de la
fontaine et celles du cerveau.
Le chapitre 11 s’intitule Physiologie de la préférence et aborde le rôle essentiel de la
préférence et de l’émotion dans le processus de décision. L’information donnée par nos
sens peut être empreinte d’émotion car elle établit le contexte dans lequel l’action se vit.
Berthoz reprend l’idée du rôle de l’amygdale comme étant une sturcture du cerveau
influençant la première réaction qu’on a face aux stimuli. Dans une situation de peur,
c’est cette structure qui influencera notre réaction, soit l’identification immédiate du
danger et le déclenchement de la fuite. L’auteur ajoute que décider c’est aussi se souvenir
de nos succès et de nos échecs car on garde en mémoire un stimulus. Ces souvenirs et ces
évènements nous aide à prendre une décision. La préférence et l’association d’un
stimulus à une punition est reflété par l’action des neurones de l’amygdale. Dans
l’optique physiologique de la prise décision, Berthoz décrit la relation entre l’amygdale,
l’hypothalamus et le cortex. Les préférences sont élaborées dans le cortex préfontal et
limbique. De plus, il explique les fonctions cognitives du cortex orbitofrontal et on en
comprend que nos décisions peuvent aussi être influencé par notre humeur. Il mentionne
que les trois composantes de la décision sont l’émotion, la cognition et l’action. Il existe
différents types de conflits, soit cognitif ou émotionnel, qui sont détecté grâce au cortex
cingulaire. En lien avec cette structure et son rôle dans la conscience émotionnelle,
Berthoz parle de l’alexithymie comme étant une difficulté à décrire verbalement ses
sentiments, soit une tendance à se concentrer sur des événements extérieurs à soi plutôt
que sur ses propres expériences. Ce sujet est probablement pertinent à comprendre dans
notre pratique puisque nous pourrions être confrontés à certains clients ayant une
difficulté à exprimer leurs émotions et à s’approprier personnellement leur discours.
Aussi, cette structure permet de faire une évaluation des erreurs que nous avons
commises antérieurement et qui interviennent dans le processus de décision. L’évaluation
des récompenses, pour sa part, serait liée à la production de dopamine. Finalement,
l’auteur aborde la question de l’hésitation. Choisir entre deux options c’est délibérer donc
parfois hésiter à la fois.
Dans le chapitre 12 qui s’intitule « Je pense donc j’inhibe », Berthoz parle de l’inhibition
et son lien avec l’action. Chaque personne possède un répertoire d’actions constitué d’un
baggage génétique ou d’apprentissages acquis. Lorsqu’on décide d’une action, on élimine
alors son contraire c’est-à-dire qu’on supprime les actions non choisies. Berthoz
mentionne trois types d’actions essentielles devant un danger, soit la fuite, le combat ou
l’immobilisation. Ces réactions sont beaucoup plus nombreuses, car le répertoire dépend
de chacun. Comment réagir face à la nouveauté? Elle peut signifier danger ou plaisir,
compétition ou aide, et elle peut comporter des inconvénients comme nous distraire et
perturber notre décision. Dans une autre lignée, Berthoz parle des tics comme étant des
mouvements de notre répertoire d’actions qui se faufileraient dans les mailles de
l’inhibition. L’inhibition, pour sa part, peut nous permettre de ne pas sursauter à tout
moment, car elle inhibe notre réflexe quand un élément se produit une deuxième fois.
L’auteur insiste sur l’aspect de l’inhibition en mentionnant que cela prouve la subtilité du
cerveau. Le fait de supprimer une action est à la base de la délibération. En choisissant
une stratégie cognitive, on inhibe les autres qui ne sont pas adéquates. La prise de
décision est donc inhibition de l’action.
En ce qui concerne le dernier chapitre, Berthoz explique Le cerveau émulateur et
générateur de stratégies : la pensée buissonnière. Il explique que les mécanismes de
décision sont décrits par l’action et le corps sensible, et non le langage et la raison, car ils
construisent notre monde selon nos désirs ou nos craintes et il insiste sur le rôle que joue
l’espace dans les processus de décision. Deux stratégies cognitives sont décrites, soit la
stratégie « de route », qui comprend des indices liés aux mouvements, et « épisodes », qui
comprennent les scènes visuelles ou auditives. La prise de décision est orientée vers un
but dans l’espace. L’espace est donc utilisé dans les raisonnements conduisant à la
décision. Berthoz donne ensuite des exemples de stratégies ou manipulations mentales de
l’espace. Il y a, entre autres, le changement de point de vue dans une décision rapide où
on mise sur le pari, le concept de vicariance qui amène le cerveau à choisir des méthodes
complètement différentes et la stratégie de survol qui permet de manipuler les relations
entre les lieux de l’espace sans prendre en compte le point de vue personnel. Dans les
stratégies cognitives de raisonnement, on retrouve la déduction, qui utilise les mêmes
structures du cerveau que la probabilité, et l’induction. Le cerveau travaille de manière
subjective quand il détecte la différence entre ses prédictions et ce qu’il obtient, mais il ne
cherche pas une vérité objective dans son rôle de prédicteur, selon Berthoz. Il démontre
que notre cerveau doit prendre en compte les souvenirs de nos décisions passées et les
conséquences de celles-ci pour prendre une nouvelle décision tout en inhibant les
souvenirs non pertinents. L’auteur termine en disant que la pensée magique repose sur le
cortex cérébral droit, le même qui est lié à l’émotion. « Si nous prenons parfois des
décisions en ayant l’impression de ne pas savoir pourquoi, c’est parce qu’elles résultent
d’un dialogue interne entre les deux cerveaux qui ne sont pas forcément d’accord. 5»
4. Pertinence pratique
L’ouvrage de Berthoz décrit bien le fonctionnement de notre cerveau dans un processus
de décision. Contrairement à ce que le titre annonce, ce livre n’est pas consacré à
découvrir comment obtenir des stratégies qui nous permettront de prendre une bonne
décision. Ce livre vise plutôt à nous faire comprendre comment notre cerveau fonctionne
dans la prise de décision et, fait intéressant, qu’il n’est pas vraiment rationnel. Il n’aborde
pas l’aspect pratique de la décision dans le sens où, en tant que professionnel, nous ne
pourrions pas nous baser sur l’ouvrage seulement pour utiliser des interventions précises
selon des clientèles spécifiques. Berthoz s’en tient à décrire et expliquer les différentes
structures du cerveau qui participent au processus de la prise de décision.
5
Berthoz, A. (2013). La décision. Paris: Odile Jacob.
Un aspect intéressant dans le contenu de l’ouvrage est certainement l’apport de l’émotion
et de la mémoire dans une prise de décision. Suite à la lecture de ce livre, on comprend à
quel point les émotions sont importantes dans la prise d’une décision. Avec un client, il
sera pertinent de bien cibler les émotions qu’il vit ou qu’il a vécues pour lui permettre de
prendre une décision éclairée. Il ne faut donc pas minimiser le rôle des émotions lors de
notre intervention. Le fait d’explorer le passé du client peut définitivement nous aider à
identifier les résistances face à une décision ou une solution possible. On garde en
mémoire des souvenirs concernant des décisions prises précédemment et nous nous fions
à ces souvenirs pour prendre notre nouvelle décision. De plus, la notion de préférence et
de valeur permet de justifier un choix. Un individu prendra une décision, peut-être
surprenante, car il accordera plus d’importance, par exemple, à son bien-être plutôt qu’à
l’argent, ou le contraire. Ses motivations et ses valeurs guideront forcément son choix.
Puisque nous ne sommes pas des neurophysiciens, il peut sembler sans importance de
comprendre l’aspect physiologique des pathologies reliées à la prise de décision.
Cependant, malgré la complexité des explications, il faut être en mesure de savoir qu’il
en existe, par exemple, pour surmonter une impasse décisionnelle chez un individu. Un
client pourrait avoir de la difficulté à prendre une décision car il a une incapacité à
reconnaître (agnosie) et cela l’empêche d’avoir une perception claire de son
environnement. Il serait alors intéressant de travailler avec le client sur sa perception pour
lui permettre de prendre conscience des obstacles qu’il doit surmonter. Aussi, le fait de
pouvoir se projeter dans le monde donc dans l’avenir relève de la perception. Il est donc
crucial qu’un individu puisse se voir lui par rapport aux autres pour qu’il soit conscient
de la place qu’il occupe dans son entourage et dans le monde. Le fait de ce percevoir par
rapport aux autres permet aussi de prendre conscience de notre identité et de notre
existence concernant notre pouvoir décisionnel. Un client ayant vécu une amputation
vivra sa perception face aux autres plus difficilement ou, du moins, différemment. Il sera
conscient de ses limites et cela affectera certainement sa décision à opter pour une avenue
plus accessible pour lui. Le client peut aussi éliminer une option selon ses apprentissages
passés. Il ne voudra pas répéter une décision dans laquelle il avait eu une mauvaise
expérience. Bref, cet ouvrage comporte plusieurs éléments pertinents pour notre pratique
en tant que professionnels de l’orientation.
BIBLIOGRAPHIE
Sites Internet
Académie des sciences. s.d. En ligne. <http://www.academiesciences.fr/academie/membre/BerthozA_bio1009.pdf.>. Consulté le 3 octobre
2013.
Automates intelligents. s.d. En ligne.
<http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2003/octobre/berthoz.html.>. Consulté
le 3 octobre 2013.
Collège de France. s.d. En ligne. < http://www.lppa.college-defrance.fr/equipes/people/Berthoz/bio.htm>. Consulté le 3 octobre 2013.
Ouvrage
Berthoz, A. (2013). La décision. Paris: Odile Jacob.