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Travail de Maturité 2008
Les séries télé entre économie et société : des
enjeux croisés ?
Malcolm et surdouance :
Réalité ou fiction ?
Gymnase Auguste Piccard
Par Raphaël Ghidini 3M8
Maître responsable : Mme Isakov-Racine
Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
3M8
Remerciements à Mme Isakov-Racine. A Anne-France Muller
pour ses encouragements, témoignages et conseils. A ma mère
pour son aide. A Mme Perrodin-Carlen, spécialiste de l’éducation
des enfants et adolescents à haut potentiel, pour avoir répondu à
mes questions. A Mme Asper, professeur au gymnase Auguste
Piccard, qui m’a permis d’entamer mon travail sur les bons rails.
A tous ceux qui m’ont conseillé, encouragé et témoigné de
l’intérêt pour mon travail.
« L’intelligence et la sensibilité sont le sel de la terre.
Le diable mange fade ».
Robert Escarpit (1918-2000), Lettre ouverte à Dieu
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Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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Table des matières
1
Introduction ........................................................................................4
2
Malcolm...............................................................................................6
3
4
2.1
Fiche technique .............................................................................6
2.2
La série ..........................................................................................7
2.3
Personnages principaux ................................................................8
2.4
Personnages secondaires ...........................................................10
2.5
Résumé de la saison 1 ................................................................12
La surdouance .................................................................................16
3.1
Surdoué, intellectuellement précoce, HP ? .................................16
3.2
Surdoué ? ....................................................................................17
3.3
Surdoué qui es-tu ? .....................................................................18
3.4
L’intellect et l’affectif ....................................................................18
3.5
L’hypersensibilité .........................................................................19
3.6
Le fonctionnement cognitif...........................................................24
3.7
Filles et garçons ..........................................................................33
3.8
La souffrance des parents ...........................................................34
L’école...............................................................................................37
4.1
Le paradoxe.................................................................................37
4.2
Solutions, alternatives et réflexions.............................................43
4.3
Conclusion ...................................................................................47
5
Malcolm, réalité ou fiction ? ...........................................................49
6
Conclusion .......................................................................................58
7
Bibliographie ....................................................................................59
8
Quelques mots personnels.............................................................61
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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1 Introduction
En ce début de 21éme siècle, les séries télé sont devenues omniprésentes dans notre
société. Elles nous divertissent, nous font rêver, parfois nous choquent mais le plus
important est qu’elles nous permettent aussi de poser des problématiques, de mettre
en évidence des paradoxes. Certaines séries nous invitent à la réflexion et incitent à
une remise en question.
Pour mon travail de maturité, j’ai choisi la série « Malcolm » qui traite des sujets
relatifs au quotidien mouvementé d’une famille américaine ordinaire avec humour et
justesse. L’originalité de cette série réside dans le fait que les qualités et défauts des
personnages sont exacerbés tout en conservant un lien très proche avec la réalité.
La surdouance occupe une place non négligeable dans la série pour la simple et
bonne raison que le personnage principal, Malcolm, est surdoué. Bien loin des
archétypes, Malcolm n’est pas le petit garçon tout frêle, avec une grosse tête
affublée d’énormes lunettes. Au contraire, c’est un garçon « normal » qui se voit
marginalisé du jour au lendemain lorsque l’on diagnostique son QI
exceptionnellement élevé. Ce que vit Malcolm ne concerne qu’une faible partie de la
population puisque les enfants à haut potentiel ne représentent que 2 à 5 % ; soit un
à deux enfant(s) par classe. Ainsi, partager son quotidien nous introduit dans le
monde souvent méconnu des surdoués.
Avant d’approfondir mes connaissances sur ce sujet, j’avais deux visions
paradoxalement antagonistes de ces personnes à haut potentiel intellectuel. La
première était le « Monsieur je-sais-tout », chétif avec des lunettes, déjà à
l’Université à l’âge 15 ans, sans vie sociale, malmené par les autres et subissant
quotidiennement leurs railleries. La seconde était celle d’une personne réussissant
aussi bien professionnellement que socialement, semblant avoir toutes les qualités et
adulée pour son acuité intellectuelle.
Ces stéréotypes peuvent paraître fantaisistes et excessifs, mais sont toutefois ancrés
dans bon nombre d’esprits. A travers ce travail de maturité, mon but est de
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Malcolm et surdouance
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comprendre ces enfants et adolescents, en développant - dans une bien moindre
mesure - l’âge adulte, afin de détruire ces archétypes. L’incompréhension et le tabou
sont les principales causes du problème d’intégration des enfants surdoués.
«Incompréhension» parce que le surdoué a un mode de pensée qui diffère du plus
répandu et qu’il possède une sensibilité exacerbée qui peut être mal interprétée.
«Tabou» parce que certains pédagogues, certaines personnes de l’entourage
familial et/ou scolaire, sans leur jeter la pierre, refusent de reconnaître qu’ils sont
surdoués. Certains refusent même de parler de surdouance pour les raisons qui
seront développées par la suite. « Tabou » encore car de nombreux surdoués et
parents de surdoués refusent ce terme par peur, par préjugé ou par conformisme.
Ces principaux motifs m’ont incité à choisir la thématique suivante : « Intégration
sociale et scolaire des enfants surdoués ; entre tabou et incompréhension ».
Je vais commencer par présenter la série « Malcolm ». Ensuite, je vais aborder le
thème de la surdouance avec ses particularités. Une fois que les premières bases
seront posées, j’exposerai les difficultés engendrées par la surdouance dans le
milieu scolaire et social afin de bien faire comprendre qu’elle a des répercussions
non négligeables. Pour terminer, je ferai le lien entre la surdouance et la série
«Malcolm». J’analyserai certaines séquences afin de montrer en quoi les
comportements de Malcolm dévoilent sa surdouance. J’indiquerai également s’il y a
d’éventuelles erreurs.
Je suis conscient que le sujet est vaste, complexe et sensible. Je propose seulement
d’esquisser au mieux un portrait de ces personnes et d’exposer une réflexion sur leur
intégration et leur acceptation.
Pour ce faire, je me suis essentiellement basé sur les deux livres de Jeanne SiaudFacchin, présents dans ma bibliographie. J’ai également consulté des articles,
visionné des émissions qui ont influencé de manière non négligeable mon travail de
maturité. J’ajouterais encore qu’au travers de nombreux témoignages des personnes
m’ont partagé leurs souffrances et leur quotidien. Je les remercie de la confiance
qu’elles m’ont témoigné. L’influence de ces sources multiples transparaît sous une
forme édulcorée au fil du texte.
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Malcolm et surdouance
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2 Malcolm
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2.1 Fiche technique
Titre français : Malcolm
Titre original : Malcolm in the middle
Genre : Sitcom (sans les rires en arrière fond)
Pays d’origine : Etats-Unis
Chaîne d’origine : FOX
Nombre total d’épisodes : 151
Nombre de saisons : 7
Durée de chaque épisode : 21-22 minutes (sans la pub)
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Image tirée de
http://www.malcolminthemiddle.co.uk/gallery/data/669/medium/Malcolm_in_the_Middle_S7_Family_M
ITMVC_.jpg
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Malcolm et surdouance
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Diffusion : 9 janvier 2000 au 14 mai 2006 sur FOX / En Suisse, la première diffusion
iiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii a eu lieu sur TSR 2 fin 2000
Statut actuel de la production : Arrêté
Créateur : Linwood Boomer
Réalisateurs : Une dizaine de réalisateurs collaborent parmi lesquels Todd Holland
Scénaristes : Une vingtaine de scénaristes coopèrent parmi lesquels Boomer
Producteur : David Richardson
Producteur exécutif : Linwood Boomer
Editeur : Mark Scheib
Musique du générique : « Boss of me » de They Might Be Giants
Lieux de tournage : Los Angeles: Fox Studios (intérieur), Studio City (extérieur)
2.2 La série
Malcolm est un jeune garçon, âgé de 10 ans dans les premiers épisodes de la série,
doté d’un quotient intellectuel de 165. Toute la série tourne autour de ce personnage
aux défauts caricaturaux. Malcolm regarde le monde qui l’entoure, injuste selon lui,
depuis son piédestal égocentrique. Une des nombreuses originalités de cette série,
c’est que Malcolm s’adresse parfois directement à la caméra et donc au spectateur.
Les rires d’arrière fond ont été supprimés afin de rendre la série plus délicate, plus
raffinée. Autre élément agréable, Malcolm caricature à l’extrême les défauts, les
paradoxes, les travers de chaque personnage. Le spectateur identifie ses vices et,
plus rarement, ses vertus sous une forme exacerbée et avec un certain recul qui lui
permet de rire du personnage et, corollaire, de lui-même.
A première vue, la famille de Malcolm semble méprisable. Chaque membre en
manipule un autre, ils ne communiquent que sous une forme cynique voire
agressive. Bref, une famille politiquement très incorrecte. Pourtant, sous cet amas
d’imperfections, se cache une famille aimante et respectueuse. Malcolm le dit luimême, il a une famille « grossière, bruyante et crado, et qui n'a jamais honte de
rien », mais il ajoute qu’avec eux, il sait à quoi s’en tenir. En d’autres termes, pardelà tous leurs défauts, chaque membre est toujours là pour les autres dans les
moments importants. Et c’est là le paradoxe où chacun se reconnaît, les actes et les
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Malcolm et surdouance
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paroles parfois blessantes envers nos proches n’empêchent pas de les aimer
profondément.
La série regorge de gags subtils placés soigneusement afin de toucher l’ego de
chaque personnage et de chaque spectateur. La caricature des excès de chacun à
travers les protagonistes de la série, génère des personnages excentriques,
immoraux et particulièrement profonds. Les producteurs de Malcolm concilient avec
justesse humour et sagacité. En découle une série de laquelle s’émane une légère
profondeur. Une oxymore caractérisant subtilement la série selon moi.
2.3 Personnages principaux
2
Malcolm : Il est le principal protagoniste de la série
éponyme. Dès le premier épisode, on le diagnostique HP,
avec un QI de 165, et il se voit contraint d’entrer dans la
classe des « têtes d’ampoule3 ». C’est un personnage
plutôt égocentrique, sarcastique mais toutefois honnête,
drôle, émotif et attachant. Il est le troisième enfant d’une lignée de cinq garçons. Le
rôle de Malcolm est interprété par Frankie Muniz.
4
Dewey : Petit dernier durant les quatre premières saisons, Dewey
est le souffre douleur de Malcolm et Reese. C’est un enfant doux,
rêveur, imaginatif avec un don inné pour la musique, plus
précisément pour le piano. Le petit mélomane est également un
manipulateur habile, notamment avec son frère Reese, et sait
adroitement retourner les événements en sa faveur. Il se crée
parfois un monde à part dans lequel il communique avec les mouches ou des
peluches. Personnage incarné par Erik Per Sullivan.
2
http://www.cw28tv.com/media/news/8/1/6/81610369-7ea5-4d47-b5c6-a68d095af6b5/Story.jpg
L’expression « tête d’ampoule » est un néologisme péjoratif attribué aux surdoués. Il fait référence à
un petit corps disposant d’une tête surdimensionnée. Dans la version originale, « tête d’ampoule » est
l’équivalent français de « Krelboyne ». Cet autre néologisme anglo-saxon, tout aussi péjoratif, trouve
ses racines dans le film de Roger Corman, La petite boutique des horreurs (1960). Seymour
Krelboyne, le personnage principal, est aussi brillant qu’asocial. Sa situation représente grossièrement
celle de nombreux surdoués et donc le terme « Krelboyne » a été adopté dans le vocabulaire
populaire de la langue de Shakespeare.
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http://data-allocine.blogomaniac.fr/mdata/1/1/8/Z20060804113927703699811/img/100174416.jpg
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Jamie : On apprend que Loïs est enceinte dans l’épisode
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la saison 4 – « Grand-mère attaque » (Grandma Sues). Dans le
premier épisode de cette saison on découvre Jamie, un petit bébé
invivable, criard et antipathique. Au fil des saisons 5 et 6, Jamie va
affirmer son fort caractère et suivre la voie parsemée de bêtises et coups bas en tout
genre déjà toute tracée par ses frères. Une frimousse attendrissante qui cache un
petit garçon malicieux. A la fin de la saison 4 et au début de la 5, différents bébés
interprètent le rôle de Jamie puis ce sera au tour des frères jumeaux James & Lukas
Rodriguez de leur succéder.
6
Reese : Véritable tortionnaire dans son école, Reese
incarne la naïveté dans son essence, la stupidité même et
la forme la plus pure de l’inconscience. Il adore maltraiter
ses petits frères et les « têtes d’ampoule » de la classe de
Malcolm. Malgré cette apparence, il dispose d’une
sensibilité attachante lorsqu’il admet défendre Malcolm qui se fait insulter par des
élèves. Bien au-delà de l’archétype du frère simplet, Reese renferme une
personnalité subtile et profonde Quelque peu complexé par un frère mélomane et
l’autre surdoué, il trouve tout de même son créneau, l’art culinaire. Justin Berfield
joue le rôle de Reese.
7
Francis : Premier né, il est le plus rebelle des garçons.
Envoyé dans une école militaire pour lui apprendre la
discipline, Francis s’entêtera à rester une tête brûlée envers
et contre toute autorité. Il s’émancipera, sans l’accord de
ses parents, de cette école pour faire fortune en Alaska où
il sera exploité par Lavernia, une femme tyrannique. Francis finira par travailler dans
le ranch d’un extravagant, naïf et fortuné propriétaire allemand. Obsédé par sa
mère, Francis rejette sur elle la responsabilité de toutes ses erreurs et de ses
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http://www.malcolm-france.com/casting.php?p=secondaire
http://www.malcolm-france.com/images/news/itw_final_berfield.jpg
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malheurs. Les rapports conflictuels avec ses parents ne l’empêchent pas d’aimer
profondément chaque membre de sa famille. Le personnage de Francis est
interprété par Christopher Kennedy Masterson.
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Hal : Père irresponsable, immature, Hal est toutefois
l’incarnation de la bienveillance et de l’innocence. Ayant eu
une adolescence de délinquant, il s’est complètement
métamorphosé lorsque Loïs, la femme de sa vie, a croisé
sa destinée. Entièrement dépendant et fou amoureux d’elle,
Hal sera incapable de se passer de sa femme. C’est un personnage doux, rêveur et
passionné qui attire la sympathie et dont on rit beaucoup des gaffes et des folies qui
se multiplient sur son passage. Bryan Cranston incarne le rôle d’Hal.
9
Loïs : Elle est présentée dès les premiers épisodes comme
une mère autoritaire, tyrannique, partiale et colérique. Peu à
peu, derrière des méthodes discutables, Loïs tente
véritablement d’insuffler des valeurs essentielles à des enfants
qui paraissent parfois être irrécupérables. Les excès de Loïs
prennent racine dans sont enfance traumatisante. Fille
d’immigrés hostiles à toutes formes de sentiment humains ou
bienveillants, elle a su préserver sa famille de ce passé de
glace. Avec un mari irresponsable et des enfants ingérables, Loïs semble être le seul
personnage lucide et doit assumer les responsabilités de la famille. Une vraie mère
courage au masque de tyran. Jane Kaczmarek interprète le personnage de Loïs.
2.4 Personnages secondaires
Craig Feldspar (David Anthony Higgins) : Craig est un collègue de Loïs, ils
travaillent comme vendeurs dans le supermarché Lucky Aide. Obèse, paresseux et
célibataire avec Caramel (son chat) comme seul ami, il est fou amoureux de Loïs au
début de la série avant qu’elle lui fasse comprendre que cette relation est impossible.
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Stevie Kenarban (Craig Lamar Traylor) : On découvre Stevie pour la première fois
dans le premier épisode10 de Malcolm. Loïs force Malcolm à aller jouer avec ce jeune
afro-américain en fauteuil roulant, asthmatique, ayant une vue déficiente avec des
parents ultra-protecteurs. Finalement, Stevie s’avérera être un ami précieux, fidèle et
toujours à l’écoute de Malcolm.
Abraham « Abe » Kenarban (Gary Anthony Williams) : Père surprotecteur de
Stevie, Abe est un personnage doux, fragile et un peu trop docile. Il deviendra un
bon ami d’Hal.
Kitty Kenarban (Merrin Dungey) : Femme de Abe, elle est très à cheval sur les
règles sans être autoritaire. Kitty a créé une bulle protectrice autour de Stevie par
peur que le monde l’atteigne trop brutalement, notamment sur ses handicaps.
Toutefois Kitty craquera et quittera sa famille pour mener une vie débridée avant de
se repentir et retourner auprès d’Abe.
Piama Tananahaakna (Emy Coligado) : C’est une indienne que Francis rencontre
lors de son épopée en Alaska. Il se mariera avec elle trois semaines après leur
rencontre sans rien dire à ses parents qui seront estomaqués de l’apprendre dans
l’épisode 15 de la saison 311.
Otto et Gretchen Mannkusser (Kenneth Mars et Meagen Fay) : Francis rencontre
ce couple d’Allemands qui lui proposent de travailler dans leur ranch. Couple aussi
épanoui que farfelu et excentrique, les Otto témoigne envers Francis une
bienveillance qui va le métamorphoser.
Edwin Spangler (Daniel von Bargen) : Commandant de l’école militaire de Francis,
Spangler est l’archétype du militaire nationaliste américain. Edwin est borgne et sa
main gauche mutilée est remplacée par un crochet. Il ne jure que par la discipline,
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11
1.01 : « Je ne suis pas un monstre » (Pilot)
3.15 « La grosse surprise ! » (Hal’s Birthday)
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mot inconnu par Francis sur lequel Spangler va déverser sa créativité sadique afin
de dresser ce cadet.
Caroline Miller (Catherine Lloyd Burns) : C’est elle qui diagnostiquera la
surdouance de Malcolm dans le premier épisode. Caroline est également
l’enseignante de la classe de surdoué dans laquelle Malcolm sera intégré.
Lionel Herkabe (Chris Eigeman) : « Tête d’ampoule » dans son enfance, Lionel a
suivit de prestigieuses études avant qu’un désastre financier ne le contraigne à se
rabattre sur un petit poste de professeur dans la classe de Malcolm. Résolu à
préparer ses élèves à un système sans pitié, Herkabe pousse les « têtes
d’ampoules » à se surpasser. Malcolm, étant le plus intelligent, lui tiendra tête et
s’attirera les foudres de ce personnage aigri par la vie. Une sorte d’alter ego de
Malcolm rongé par l’amertume.
2.5 Résumé de la saison 1
Ces résumés de chaque épisode ne sont qu’un aperçu. Je résume principalement la
trame courte centrale sans m’attarder sur les tribulations de chaque personnage
(trame longue).
1.01 « Je ne suis pas un monde12 » : Présentation plutôt inconvenante de la famille
de Malcolm. Celui-ci se fait diagnostiquer HP avec un QI de 165 qui sonne le
glas de sa vie sociale « normale ». Malcolm éprouvera de la sympathie pour
Stevie avec lequel il s’alliera pour résister contre un caïd de leur école.
1.02 « Alerte rouge » : Loïs et Hal décident d’aller au restaurant pour leur
anniversaire de mariage. Hal est déjà au restaurant lorsque Loïs découvre que
sa robe a été brûlée puis jetée aux toilettes. Aveuglée par la colère, elle est
persuadée qu’un de ses fils est responsable et usera d’un machiavélisme
12
Le titre de cet épisode est un clin d’œil au film de Christopher Lee, J
e suis un monstre, datant de
1971. Le principal protagoniste s’injecte un produit qu’il a conçu et se transforme en un être
monstrueux.
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glaçant pour débusquer le coupable. Loïs ratera le dîner et la dernière scène
nous révèle subtilement que c’est Hal qui a réduit la robe de Loïs en cendre.
1.03 « Seuls à la maison » : Francis est sollicité par ses parents pour garder ses
frères tandis que ceux-ci se rendent à un mariage. Persuadés que c’est un test
pour Francis afin qu’il puisse rentrer à la maison, les quatre garçons misent sur
un week-end sans bêtise. Malgré ces efforts, Malcolm se blesse. Les parents
n’en sauront rien et en déduiront que l’école militaire a un effet bénéfique sur
Francis.
1.04 « Honte » : Malcolm frappe Kévin, un nouveau de l’école qui pourrit la vie du
jeune surdoué. La conscience de Malcolm le culpabilisera lorsqu’il apprendra
que Kévin est âgé de sept ans. En quête de rédemption, Malcolm cherchera à
contrebalancer son acte par la religion, le don de soi et la serviabilité. Epris
d’une nouvelle lubie, Hal abattra un arbre qui, selon lui, agresse ses enfants.
1.05 « Changement de famille » : Malcolm a besoin d’argent pour s’acheter un
robot éducatif et s’engage comme baby-sitter dans une famille. Malcolm adule
cette famille et les fréquente toujours plus, car la sienne vit dans une caravane
suite à une invasion de cafards. Finalement, le petit HP ouvrira les yeux sur
l’apparence modèle de cette famille qui occulte une hypocrisie perverse.
1.06 « Poquito Cabeza » : Stevie invite Malcolm à venir dormir chez lui. Malcolm va
faire le mur avec son ami afin de lui faire découvrir le monde qui est à l’extérieur
de sa bulle parentale surprotectrice semblable à un paradis de glace.
1.07 « La petite évasion » : Francis fugue de son école militaire pour rejoindre
Beebee, sa muse. Imperméable à toute forme de volupté, de sensibilité ou de la
magnificence avec laquelle Francis extériorise ses sentiments. Loïs et Hal
seront furieux d’apprendre l’escapade de Francis et Malcolm dévoilera tout à
son père. Hal raccompagnera son fils aîné dans son école.
1.08 « Panique au pique-nique » : Caroline, la professeur de Malcolm, organise un
pique-nique familial au cours duquel les « têtes d’ampoule » présenteront leurs
talents respectifs. Malcolm tente de faire diversion pour éviter que sa famille, et
plus particulièrement son grand frère Francis,
le rejette à cause de ses
aptitudes étranges. Finalement, il exhibera son incroyable potentiel et sa
famille, malgré son étonnement, acceptera Malcolm tel qu’il est.
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1.09 « Ma mère, ce héros » : En rentrant de Lucky Aide avec ses trois jeunes fils,
Loïs découvre estomaquée que Dewey a volé une bouteille de Whisky valant
150 $. Elle retourne au magasin et rend la bouteille mais se fait limoger par le
gérant. Loïs s’excusera à contrecoeur auprès de son patron même si elle n’est
pas responsable. Julie, une fille de l’école de Malcolm, organisera une collecte
de nourriture, car elle a entendu dire que sa famille était en difficulté financière.
1.10 « A fond la caisse » : Malcolm a comme dessein de sécher les cours, car sa
classe présente un spectacle de danse folklorique. Hal décide d’emmener
Malcolm, Reese et Dewey a une course de stock cars. Pendant ce temps, Loïs,
à la recherche d’un chèque, met au jour une kyrielle de petits objets
compromettants incriminant chaque membre de la famille. Autant dire que les
amateurs de course automobile ne s’imaginent pas une seule seconde l’accueil
que Loïs leur réservera.
1.11 « Les funérailles » : Loïs veut que le famille se rende aux obsèques de sa
tante. Malcolm refuse de s’y rendre, car il a invité Julie à se rendre à un concert.
Face aux contestations répétées de Malcolm et du désintérêt total du reste de
la famille pour ces funérailles, Loïs craque et décide de prôner le concept du
« chacun pour soi ». Le chaos s’installe progressivement. Malcolm et le reste
de la famille se décident à se rendre aux obsèques de la tante de Loïs.
1.12 « Pom pom boy » : Reese tombe éperdument amoureux de Wendy, une fille
de son lycée. Son amour le poussera à devenir « pom pom girl » pour la
séduire durant son hobby. Malcolm interviendra pour raisonner son frère, en
vain.
1.13 « Le mot de trop » : Malcolm se met en tête d’apprendre le roller pour jouer au
street hockey avec ses amis. Hal, ex-champion de patins à roulettes, oblige ses
fils à suivre des cours de roller pour pouvoir en pratiquer. Ses méthodes
déplaisent à Malcolm qui lui expédie un juron en pleine figure. Pour le punir, Hal
ordonnera à son fils de lire une liste d’insultes à « l’homme qui l’a tenu dans ses
bras quand il est venu au monde » selon ses termes.
1.14 « Le robot tueur » : Loïs doit se rendre d’urgence à l’école militaire pour rester
au chevet de Francis qui s’est fait opérer de l’appendicite. Malcolm profite des
circonstances pour construire un robot tueur avec ses amis surdoués. Hal,
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retrouvant ses instincts de mauvais garçons en l’absence de Loïs, s’approprie le
projet et crée une véritable machine de guerre.
1.15 « Lundimanche » : Cela fait plusieurs jours que Loïs est alitée des suites d’une
forte fièvre. Les garçons ont été privés de TV durant deux mois et vont saluer
leur mère avant d’aller à l’école et ils se rendent compte que Loïs, dans son
délire grippal, croit qu’il est encore dimanche. Les enfants profitent de la
confusion pour ne pas aller à l’école. Francis leur téléphone pour leur demander
d’intercepter une lettre compromettante que Loïs finira par trouver. Les trois
garçons feront volontairement une énorme bêtise pour détourner la rage de
Loïs contre eux plutôt qu’envers Francis.
1.16 « Le liquidateur » : La famille a prévu de passer la journée dans un parc
aquatique. Dewey ne peut pas y aller, car ses oreilles sont sensibles. Il restera
donc à la maison avec une baby-sitter qui finira à l’hôpital. Pendant ce temps,
Malcolm et Reese se battent sans arrêt à la piscine. Hal et Loïs, qui comptaient
passer une journée apaisante, devront gérer le conflit « fratricide » qui oppose
les deux enfants.
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http://www.toutelatele.com/IMG/jpg/Malcolm-Cast-2.jpg
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3 La surdouance
3.1 Surdoué, intellectuellement précoce, HP ?
Dès le début de mes recherches, j’ai tout de suite été confronté au problème de la
dénomination. Comment appeler ces personnes ? De nombreuses appellations
circulent mais aucune n’est exacte, ne prend en compte tous les aspects du surdoué.
•
Surdoué : Ce terme évoque un don supérieur de « plus que » les autres, alors
que, nous le verrons par la suite, cette idée est erronée. Cette appellation
trouve ses racines dans le terme anglo-saxon « gifted » (cadeau) qui nous
permet de faire la relation avec un cadeau inné.
•
Intellectuellement précoce : Une grande confusion va de pair avec cette
dénomination. Elle sous-entend que le surdoué est simplement en avance sur
son âge sans prendre en compte ses spécificités cognitives et affectives.
•
Haut potentiel ou HP : C’est actuellement le terme le plus en vogue. Il évoque
un QI exceptionnel mais cette dénomination est réductrice puisqu’elle ne fait
allusion qu’aux capacités intellectuelles. De plus, ce haut potentiel placé sur le
dos de ces enfants leur donne la sensation d’avoir une énorme responsabilité
afin de ne pas le gâcher, d’où l’effet pervers ; la culpabilité. Le mot
« potentiel » souligne également qu’il faudra fournir un effort afin de faire
fructifier ces capacités innées.
D’autres dénominations apparaissent encore comme par exemple le mot
« douance » au Canada, mais sans grande révolution. Un terme intéressant est
proposé par Jeanne Siaud-Facchin dans ses deux livres14 ; celui de zèbre. Il peut
paraître étrange mais il permet un certain détachement et évite des représentations
14
L’enfant surdoué et Trop intelligent pour être heureux ? (Pour plus de précisions, voir la
bibliographie).
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malvenues. Le zèbre, écrit-elle, est un animal atypique de la savane, il sait tirer partie
de ses rayures qui sont à la fois une marque de reconnaissance, telle une empreinte
digitale propre à chaque individu, mais peuvent également symboliser des coups de
griffe reçus sur un parcours hélas trop souvent chaotique.
Un animal qui, tout en étant différent, arrive à vivre en harmonie avec son
environnement.
3.2 Surdoué ?
Pour qu’un enfant soit officiellement, si je puis dire, reconnu comme étant surdoué, il
faut que son QI soit supérieur à 13015. La moyenne étant 100. Il existe de nombreux
tests différents mais je ne vais pas développer ce point car il n’est pas au centre de
ma thématique. Je tiens quand même à préciser que ces tests doivent
impérativement être exécutés par un professionnel. Ils tiennent compte de l’intellect
mais aussi des facteurs psycho-affectifs et cognitifs de la personne.
Ci-dessus, la courbe de Gauss16 qui représente la répartition de la population selon
leur QI. Environ 68% de la population dispose d’un QI « normal » évalué entre 85 et
15
Référence Siaud Facchin L’enfant surdoué (p19) / trop intelligent pour être heureux (p117) / Adda
Le livre de l’enfant doué (p117)
16
Image tirée de : http://psycho.org.lu/QI/bellcurve.jpeg
17
Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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3M8
115. De 115 à 130, c’est la tranche d’intelligence supérieure. A partir de 130, on dit
d’une personne qu’elle est surdouée.
On en vient aisément à une question fondamentale : La surdouance est-elle
héréditaire ?
Cela n’a pas pu être vérifié scientifiquement. Et pour cause, la science
contemporaine n’a pas encore réussi à identifier le gène de l’intelligence. Une chose
est sûre, lorsqu’un membre d’une famille est HP, il y a de grandes chances pour
qu’un autre le soit.
Pour que ce potentiel élevé puisse se développer et prospérer dans des conditions
optimales, on estime à 50% l’influence de la génétique (hérédité), à 25% l’influence
de l’entourage social et à 25% l’influence de la personnalité. C’est du moins ce qui
ressort des lectures auxquelles je me suis intéressé. Ces trois facteurs sont très
importants car un potentiel peut se réaliser ou pas. Si ces trois facteurs ne se
superposent pas, la fructification du potentiel risque d’être entravée.
3.3 Surdoué qui es-tu ?
Afin de pouvoir expliquer les raisons de l’échec scolaire et social d’un nombre encore
trop élevé de surdoués, je vais avant tout vous inviter à partir à la découverte de ces
personnes extraordinaires (au sens étymologique du terme). Il est nécessaire de
saisir le mode de fonctionnement de l’enfant surdoué afin d’avoir un bagage suffisant
pour mettre au clair les raisons du paradoxe de l’enfant plus que doué qui échoue
bien trop souvent scolairement et socialement.
3.4 L’intellect et l’affectif
Ces deux facettes de la personnalité du surdoué sont indissociables. Elles sont
complémentaires. Le corollaire d’une grande compréhension du monde est la prise
de conscience de son fonctionnement, de ses dangers, de ses failles. Cette lucidité
est anxiogène. L’extrême intelligence exacerbe les émotions créant une richesse
psychique aussi abondante que vulnérable.
18
Travail de maturité 2008
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3.5 L’hypersensibilité
L’hypersensibilité est une constante que l’on observe chez tous les enfants
surdoués. Comme je l’ai dit précédemment, l’hypersensibilité est le fruit d’une grande
compréhension de son environnement. Un second facteur, souvent présent, est à
intégrer, c’est l’exacerbation des sens appelée hyperesthésie. Les perceptions
sensorielles des surdoués peuvent être nettement plus aiguisées.
•
La vue : Le surdoué a un regard scrutateur, perçant qui le rend attentif aux
moindres détails de son entourage. Il observe, répertorie, analyse un nombre
impressionnant d’éléments que, la plupart du temps, nous ne remarquons
même pas. Cette acuité visuelle va parfois le pousser à adopter un
comportement inhabituel, à faire une remarque qui peut paraître incongrue.
•
L’odorat : Ce sens a été laissé à l’abandon, nous l’utilisons de moins en
moins. Nous savons sentir une odeur mais la nommer nous semble
fréquemment impossible. Le surdoué, lui, a gardé ce sens en éveil. Non
seulement il parvient à percevoir un nombre plus élevé d’odeurs, mais il les
différencie avec aisance.
•
Le goût : Etroitement liées au sens olfactif, ses capacités gustatives sont
également supérieures à la moyenne. L’enfant surdoué peut différencier des
saveurs très proches. Certains surdoués mettent à profit ces capacités
singulières en devenant de fins gourmets ou de brillants cuisiniers.
•
Le toucher : Ce sens lui permet d’exprimer ses sentiments et de ressentir
ceux des autres d’une manière non-verbale. C’est aussi un autre moyen de
découvrir, de percevoir le monde en le ressentant sur son épiderme
hyperréceptif.
•
L’ouïe : Certains surdoués sont capables d’entendre des sons à des
fréquences presque inaudibles pour la majorité des personnes. La capacité
d’être attentif à plusieurs sources sonores simultanées est propre au petit
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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zèbre. Il peut se concentrer sur un documentaire animalier à la télévision tout
en écoutant un dialogue entre ses parents et être attentif aux bruits inhabituels
du voisin du dessus. Si vous l’interrogez sur l’une ou l’autre des ces sources
sonores, il pourra vous les restituer dans les moindres détails.
Cette hyperesthésie maintient le surdoué en état d’alerte permanent. La moindre
variation de son entourage est directement captée par ses sens exacerbés.
J’aimerais préciser toutefois que tous les sens de tous les surdoués ne sont pas
exacerbés. Certains surdoués ont un seul sens plus développé, d’autres plusieurs,
d’autres presque aucun. L’hyperesthésie varie énormément d’un enfant à l’autre. Si
ses perceptions sensorielles sont décuplées, ses émotions le sont tout autant. Il aura
donc des émotions extrêmes, ses colères seront dévastatrices, son amour
inébranlable. Ces émotions disproportionnées seront fréquemment incomprises par
son entourage. On lui collera l’étiquette d’enfant sensible et susceptible. On
constatera que cet enfant est encore «très immature». En réalité, il est déjà
beaucoup plus mûr que les enfants de son âge, mais il est perpétuellement assailli
par des émotions qui le submergent et qu’il n’arrive pas à canaliser, du moins pas
longtemps. Il y a un décalage entre son intellect et ses émotions. C'est-à-dire que
ses réflexions vont lui faire comprendre des choses alors qu’il n’a pas un recul
émotionnel suffisant pour les interpréter. Même si le petit HP est « en avance »
intellectuellement parlant, il a la maturité affective d’un enfant de son âge. Avant
d’être surdoué, il reste un enfant, ne l’oublions pas. Le surdoué arrivera à contenir
ses émotions, mais si la situation de pression émotionnelle persiste, toutes les
digues cèdent et des flots affectifs incontrôlables seront libérés. Agressivité,
hurlements, coups ; certains surdoués – les petits garçons plus que les fillettes – en
ont besoin. C’est un exutoire souvent mal interprété et qui a parfois de fâcheuses
conséquences suivant le contexte. A l’école, ces crises pousseront à bout les nerfs
des professeurs en leur donnant une image déformée de l’enfant. Ses camarades
auront aussi de la peine à comprendre cet enfant déjà étrange mais qui, en plus, est
très expressif et excessif dans certaines situations. Au parc, par exemple, des crises
parfois violentes pourront l’exclure du cercle social des enfants engendrant
moqueries, taquineries et l’énorme souffrance du rejet.
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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Le surdoué est aussi très susceptible et très vulnérable. Si on le blesse, cette
douleur sera amplifiée par ses sens et la réaction paraîtra disproportionnée pour
l’offenseur. Le surdoué se rend compte de l’intensité de ses émotions et il en a
souvent honte. Pourtant il n’arrive pas à se maîtriser, c’est plus fort que lui.
L’hyperesthésie, et l’hypersensibilité qui en découle, le rendent vulnérable mais lui
permettent toutefois de vivre pleinement sa vie, ses émotions, ses relations aux
autres. L’hypersensibilité est au cœur même du fonctionnement du surdoué. Et c’est
cela le comble du paradoxe ; l’enfant surintelligent pense d’abord avec son cœur
avant de raisonner avec sa tête.
Le sens de la justice
L’enfant surdoué a un sens inné de la justice. Il ne supporte pas l’injustice. Il sera
capable de se mettre dans une colère noire pour la simple transgression d’une règle
dans un jeu de société. Une perception et une analyse aiguë de leur environnement
lui permettent de saisir des situations imperceptibles aux autres. En découle un
profond besoin de vérité et un fort ressentiment envers l’injustice.
L’empathie
Ses capteurs émotifs sans cesse en éveil font du « petit zèbre » un être empathique.
Il sait parfaitement ressentir, comprendre ses émotions et celles des autres. Le
surdoué perçoit la moindre variation émotionnelle quand personne d’autre ne la
remarque et parfois même quand la personne concernée elle-même ne s’était même
pas rendu compte de son sentiment. Je vais quand même nuancer que tous les
surdoués ne sont pas empathiques, d’ailleurs certains ont de la peine à comprendre
les émotions des autres étant donné qu’ils parviennent difficilement à décrypter les
codes sociaux. L’empathie surdéveloppée de certains surdoués découle d’une forme
d’intelligence, l’interpersonnelle, beaucoup plus accrue. Les différentes formes
d’intelligence seront expliquées plus loin.
L’empathie est une qualité merveilleuse qui permet de partager ce que l’autre
ressent, d’entretenir des relations humaines profondes. Mais elle a également des
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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effets pervers. Le surdoué engrange, décode, analyse systématiquement toutes les
données de son stimuli émotionnel. Il en résulte une intense fatigue psychique. Il
aurait besoin d’être un peu plus égoïste afin de réduire le flux d’informations analysé.
L’empathie peut s’avérer anxiogène. Le surdoué cherche constamment à anticiper le
moindre problème dans son entourage. Il en résulte une tension psychique soutenue
causée par l’anticipation anxieuse d’un éventuel problème.
La lucidité
La lucidité est aussi le corollaire de l’hyperesthésie. Il porte un jugement perspicace
sur la personnalité de chacun. Malheureusement, la lucidité est liée à l’anxiété. Un
enfant qui perçoit les défauts de ses parents est paniqué. Comment ces personnes
qui sont supposées le protéger peuvent-elles avoir autant de fragilités ? L’enfant ne
peut pas être serein car il perçoit la peur de ses parents. Ajoutons que la lucidité
rend difficile voire impossible le processus d’idéalisation et donc d’identification.
L’enfant surdoué aura de la peine à se construire dès l’aube de sa vie.
L’humour
L’enfant surdoué dispose fréquemment d’un humour fin et subtil. L’humour est pour
lui un mécanisme de défense contre le submergement émotionnel. Il lui permet de
maintenir à distance un monde affectif souvent douloureux mais tout en laissant actif.
L’humour permet à l’enfant d’aborder ses émotions sur une note plus légère et avec
un recul sécurisant.
Afin de saisir l’aspect humoristique d’une situation, l’enfant HP utilise ses
particularités intellectuelles et émotionnelles. Son fonctionnement est
particulièrement adapté à l’alchimie de l’humour ; il saisi parfaitement son
environnement émotionnel, il est créatif, observateur et doué dans les manipulations
intellectuelles. Cet humour l’aidera à s’intégrer socialement et le valorisera. Il
constitue également un moyen d’expression sentimental qu’il faut savoir comprendre
et utiliser.
Attention toutefois ! Si l’enfant surdoué adore parodier, ironiser, plaisanter sur les
autres, il a beaucoup de peine à subir des plaisanteries. Il prendra la raillerie au
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Travail de maturité 2008
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premier degré et se vexera rapidement. Sa sensibilité et sa fragilité affective
supportent difficilement une blague même si elle paraît totalement insignifiante. On
pourrait presque dire qu’il parle une autre langue étant donné le décalage qui résulte
de la non compréhension des codes sociaux. La blague pourra alors être assimilée à
une provocation et le petit HP, se sentant attaqué, moqué, répondra par l’agressivité.
Plus il réagira, plus les autres enfants le persécuteront. La mise en place d’un cercle
vicieux enferme le « petit zèbre » dans une souffrance perverse. Evidemment ne
généralisons pas trop, certains surdoués acceptent les plaisanteries d’autrui sur euxmêmes mais la plupart ont de la peine à supporter cela.
La passion
La passion est un caractère exacerbé que l’on retrouve chez tous les surdoués. Le
« petit zèbre » est un vrai passionné, il a une soif de savoir intarissable. Il va
s’intéresser à un sujet et l’approfondir au maximum. Une fois qu’il aura tout compris,
qu’il aura intégré toute la matière qui concerne sa passion, il l’abandonnera pour en
trouver une autre. Par exemple, le surdoué se passionnera pour le hockey, alors il se
renseignera sur l’histoire du hockey, les règles, les équipes, les joueurs et absorbera
toutes ces informations avec sa mémoire impressionnante. Puis une fois qu’il aura
fait le tour du sujet, il s’intéressera au cinéma et se penchera sur les noms des
réalisateurs, les films connus, les compositeurs de musique de film, etc.
Je pense que la passion est l’une des plus grandes richesses du surdoué. La
passion lui permet de vivre intensément, de faire des découvertes et de les partager.
Elle contribue fortement à l’épanouissement personnel du surdoué. « Les passionnés
soulèvent le monde et les sceptiques le laissent retomber ». Cette phrase de Guinon
reflète, à mon sens, le bonheur du surdoué qui s’émerveille d’apprendre, de
comprendre le monde avec fougue et vitalité. Cet enthousiasme ajoute une couleur
vive dans la toile aux coloris chatoyants qui compose le monde du surdoué. Malgré
tout, cette passion peut devenir une souffrance quand il est confronté au
scepticisme. Le surdoué entrevoit un monde merveilleux, tellement intéressant et
veut le faire partager afin que les autres puissent aussi s’en émerveiller.
Malheureusement, il trouve rarement une oreille attentive qui partage cet
enthousiasme. On « casse » littéralement sa passion par le désintérêt, le
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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scepticisme, l’indifférence. Le surdoué est alors déchiré entre l’envie profonde de
vivre, de partager sa passion, au risque de paraître étrange, et la perplexité qui le fait
redescendre sur terre avec une telle violence que cela lui brise les ailes, si je puis
dire. La passion est une qualité fragile qui doit être protégée d’une incrédulité
dévastatrice. Le « petit zèbre » a énormément besoin d’être encouragé et poussé
vers l’avant, car il a peu de confiance en soi. Si le surdoué est trop confronté au
scepticisme et pas assez encouragé, il risque de détruire, de refouler spontanément
ses rêves, ses passions et l’aigreur, la dépression guettent.
Il ne saisit pas pleinement la notion de l’implicite
Etant donné que l’enfant HP pense différemment, il n’est pas à l’aise avec les codes
sociaux et les règles implicites qui en découlent. L’enfant surdoué prend tout au pied
de la lettre et cela peut conduire à des quiproquos tant sur le plan social que
scolaire. Par exemple, si un parent dit à son enfant HP qu’il doit aller au lit car il est
20h00 alors qu’en réalité il n’est que 19h57, le « petit zèbre » contestera cette
décision puisqu’il n’est pas 20h00 précise. Il tiendra tête jusqu’au bout étant sûr qu’il
a raison et se mettra certainement en colère face à l’incompréhension de ses parents
qui prendront cette contestation pour de la provocation pure et simple. Résulte de
ces malentendus des débats sans fin, épuisants, stériles qui pousseront les nerfs de
chacun à bout. Cela lui posera également problème à l’école mais je développerai ce
point par la suite dans le chapitre consacré à l’école.
3.6 Le fonctionnement cognitif
L’enfant surdoué n’est pas forcément le brillant premier de classe, répétons-le
encore. Un élève avec de très bonnes notes peut être surdoué… ou pas. En effet le
premier de classe peut être un enfant « ordinaire » qui dispose d’une forme de
réflexion hautement compatible avec le système scolaire. Il est vrai que certains
surdoués ont d’excellentes notes mais la majorité de ces enfants arrive tout juste à
garder la tête hors de l’eau. On estime que 1/3 des petits zèbres ont de bonnes voire
d’excellentes notes, 1/3 s’en sortent in extremis et qu 1/3 sont en situation d’échec
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Travail de maturité 2008
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déplorable. Des enfants surintelligents qui échouent misérablement à l’école après
des débuts prometteurs voire brillants ; quel paradoxe !
La pensée différente
Il me semble que la clef de voûte se trouve dans la forme d’intelligence. Un surdoué
n’est pas plus intelligent, il est différemment intelligent. Son intellect est d’une forme,
d’une qualité différente. Il pense autrement et cela rend son intégration dans un
système rigide laborieux. Nous remettons peu fréquemment nos modes de pensée
en question, car nous pensons que le nôtre est le meilleur ou nous n’imaginons
même pas que l’autre puisse penser quelque chose de différent sur un élément
commun. C’est de là que naissent les incompréhensions.
Le cerveau
Avec plus de 100 milliards de neurones, le cerveau est l’objet le plus complexe de la
planète. C’est à l’intérieur de celui-ci que se trouvent toutes les réponses, les
explications du fonctionnement cognitif du surdoué. On comprend dès lors d’où peut
provenir l’incompréhension.
La technologie ayant considérablement évolué ces dernières années, nous pouvons
assembler quelques pièces de l’infini puzzle du fonctionnement humain et par làmême, détruire de fausses idées reçues.
Par exemple, ce n’est pas le nombre de neurones qui est important, mais le nombre
de connexions établies entre eux. Cela enterre l’idée toute faite que nous
commençons à devenir de moins en moins intelligents à 20 ans, moment
approximatif où nous commençons à perdre nos neurones.
De plus, la vitesse de transmission de l’information entre les neurones occupe une
place importante.
Dernier point mais non le moindre, l’émotionnel est indispensable au raisonnement
cérébral. On dit souvent que les émotions altèrent la capacité de jugement et de
réflexion. Sans l’aspect émotionnel, on perd tout contact avec la réalité et l’on prend
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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des décisions déraisonnables. On comprend ici pourquoi le surdoué pense
énormément avec ses émotions.
Les deux hémisphères
Le cerveau est composé de deux hémisphères ; le gauche et le droit. Vous pouvez
voir ci-dessous un tableau qui représente très schématiquement les particularités
des deux hémisphères cérébraux tiré du livre de Jeanne Siaud-Facchin17.
Hémisphère cérébral gauche
Traitement séquentiel : traitement
Hémisphère cérébral droit
Traitement simultané : traitement global
élément par élément
Traitement auditif, en mots
Traitement visuel, en image
Fonctionnement analytique
Fonctionnement analogique
Raisonnement, justification
Intuition
Rationalisation, pensée argumentée
Créativité, pensée divergente
HEMISPHERE CEREBRAL LOGIQUE, HEMISPHERE CEREBRAL
RATIONNEL
EMOTIONNEL
Hémisphère gauche
Cette partie du cerveau est le siège de la pensée linéaire. Ce système cognitif
consiste à procéder de façon séquentielle. Pour résoudre un problème, le cerveau
gauche va partir d’un point de départ, enchaîner les arguments ou les informations
successivement afin d’arriver à un résultat ou à la compréhension finale. Une
justification sera aisée puisque toutes les étapes sont clairement échelonnées et
mises bout à bout. Ce mode de pensée permet aussi l’inhibition des informations non
pertinentes. C’est une pensée claire, logique, synthétique, méthodique, justifiable et
argumentée. Chez la grande majorité des personnes, le cerveau gauche contrôle le
langage.
17
SIAUD-FACCHIN Jeanne, Trop intelligent pour être heureux ? L’adulte surdoué, Paris : Odile Jacob,
2008. (Page 78)
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Travail de maturité 2008
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Hémisphère droit
Le cerveau droit permet un système de pensée simultanée, en arborescence. Cet
hémisphère fonctionne sur une base créative, intuitive et analogique. C’est un
fonctionnement cognitif complètement antagoniste à celui de l’hémisphère gauche.
Chaque idée va créer un lien avec d’autres idées en créant un arbre associatif avec
des possibilités infinies. La justification, l’argumentation sont très difficiles avec une
pensée aussi riche que désorganisée, aussi variée que déstructurée. Ce mode de
pensée n’est pas celui du langage qui explique clairement. C’est le cerveau des
artistes et des émotifs.
Dominance de l’hémisphère droit chez le surdoué
La compréhension du fonctionnement cognitif de chaque hémisphère permet de
comprendre la distinction entre la normopensée, si je puis dire, et la pensée atypique
d’une minorité dans laquelle les surdoués sont compris. Dans nos sociétés
occidentales, le cerveau gauche est majoritairement dominant. La forme verbale,
méthodique, argumentée est largement valorisée à l’école ce qui crée une véritable
discrimination envers une pensée différente. Roger Sperry (1913 - 1994), prix Nobel
de médecine en 1981, a longuement étudié les deux hémisphères cérébraux et a fait
preuve d’une lucidité effarante sur le mode de fonctionnement de la pensée et sur
celui de nos sociétés occidentales.
II a dit : «L’idée principale qui émerge[…] est qu’il y aurait deux modes de pensée, le
verbal et le non-verbal, représentés respectivement par l’hémisphère gauche et
l’hémisphère droit, et que notre système éducatif, ainsi que la science en général,
tend à négliger la forme non-verbale de l’intellect. Ce qui revient à dire que la société
moderne fait une discrimination contre l’hémisphère droit. » 18
Cette affirmation n’a pas été prononcée dans le cadre de la surdouance, mais on
peut faire l’analogie avec le surdoué incompris dans un système éducatif qui veut
formater son organisation cognitive afin de l’adapter à la majorité. Le surdoué
échoue à l’école, car il n’arrive pas à rentrer dans le moule et pourtant il y aspire tant.
18
Tiré de http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%A9misph%C3%A8re_non-dominant
27
Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
•
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L’arbre de pensée : Le surdoué a donc beaucoup de peine à structurer son
esprit. Sa pensée peut être imagée sous la forme d’un véritable arbre en trois
dimensions avec des associations d’idées en arborescence dont les
« branches » peuvent s’étendre à l’infini. Ajoutons que le surdoué voit d’abord
des images avant de pouvoir mettre des mots dessus (caractéristique nonverbale de la dominance du cerveau droit). Pour illustrer, à travers la phrase
«le soleil brille », le surdoué imaginera le feu, la sensation de chaleur, les UV,
la piscine, le cancer de la peau, etc. Un véritable foisonnement d’idées sur
lesquelles il a de la peine à mettre des mots qui correspondent exactement à
ce qu’il imagine. Le surdoué peut développer plusieurs arbres à la fois et il
arrive quelques fois que certaines branches de ces arbres s’entrecoupent et
c’est de là que naissent les idées novatrices, originales. C’est la pensée
divergente, la créativité, l’imagination des artistes. Le surdoué est de nature
anticonformiste pas vraiment par choix, je dirais plutôt par essence. Cela
renforce un peu plus le mur entre l’école et le petit HP.
•
L’intuition : Quand le cerveau droit est activé, l’intuition est fréquemment
utilisée. On l’a vu, le cerveau droit n’a pas les compétences pour démontrer,
expliquer ou justifier les résultats. Le surdoué donnera une réponse juste
sans explications. Si on la lui demande, il répondra «C’est la réponse parce
que je sais, c’est tout » ou «Parce que c’est évident ». En réalité, le surdoué
réfléchit tellement vite qu’il ne s’en est même pas rendu compte. D’un point
de vue neuropsychologique, la transmission de l’information par les voies
neuronales a été si rapide que la démarche n’a pas atteint le seuil de la
conscience. Le surdoué s’entêtera sur la justesse de sa réponse sans la
moindre preuve et cela irritera certainement le professeur avide de
justifications. L’enfant devra alors apprendre à refaire le cheminement de sa
réflexion plus lentement afin que la démarche puisse être déterminée et
comprise.
•
L ’ é m o t i o n : Nous retrouvons ici l’une des deux caractéristiques
fondamentales du surdoué. L’enfant surdoué ne sait pas, ne peut pas penser
sans émotion. L’affectif participe activement à l’élaboration de la pensée, de
la réflexion puis des actes. Par exemple, à l’école, les notes pourront être
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Travail de maturité 2008
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excellentes dans une matière, puis catastrophiques l’année d’après. L’enfant
ayant adoré le premier professeur se sera énormément intéressé et investi
dans la matière et l’année suivante, il aura détesté le nouveau professeur en
engendrant une chute vertigineuse des résultats.
Précisons néanmoins que tous les surdoués ne sont pas des créatifs hors du
commun. Certains ont plutôt tendance à devenir des experts dans un domaine qu’ils
affectionnent sans le révolutionner.
Ajoutons également que certains enfants surdoués parviennent à exceller en classe
en faisant fonctionner au maximum l’hémisphère gauche de leur cerveau.
La mémoire
Les parents sont les premiers à s’en rendre compte : « Il a une mémoire
incroyable ! ». Il dispose d’une mémoire à long terme au-dessus de la moyenne. Il
peut mémoriser toutes sortes d’informations ; détails infimes, éléments anodins sans
intérêt pour lui, etc. Un enfant HP âgé de cinq ans se rappellera que son père s’était
écorché le pied en vacances il y deux ans. Sa mémoire foisonne de liens multiples
qui décuplent sa capacité de rétention à long terme. Cette mémoire à long terme
considérable aide l’enfant surdoué à résoudre des problèmes nouveaux en utilisant
de vieilles connaissances.
Sa mémoire à court terme est tout aussi impressionnante. Cette mémoire aussi
appelée mémoire de travail permet de se souvenir d’informations utiles pendant un
court moment. Elle sert, par exemple, à fixer dans la mémoire les mots lus
précédemment afin de pouvoir comprendre le sens général de la phrase. L’enfant
surdoué peut mémoriser un nombre de détails beaucoup plus élevé qu’un enfant
« normal » dans le même laps de temps. Le nombre de détails pouvant être retenus
est proportionnel au QI. Cette capacité est utilisée par le petit HP afin de garder en
mémoire de nombreuses données et de les traiter simultanément.
La facilité de mémorisation à un effet pervers. En effet, l’enfant surdoué dispose
d’une mémoire photographique phénoménale. Il lui suffit de lire une poésie pour la
savoir par cœur. L’enfant HP aura « flashé » le devoir et pourra le restituer sans
réfléchir, alors le processus cognitif n’aura pas été activé. L’information sera restée
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superficielle et n’aura pas vraiment été intégrée par l’enfant. Il s’en rappellera
pendant quelques jours, mais oubliera la « photographie » du devoir et l’information
n’aura fait que passer.
C’est une des raisons de ses nombreuses difficultés à l’école. Le surdoué ne sait pas
ce que c’est d’apprendre. Pour lui, il lui suffit simplement de lire ou d’écouter la
donnée pour l’intégrer.
Il est dès lors important de rendre l’enfant attentif au processus de métacognition. La
métacognition est une démarche qui consiste à évaluer ses propres connaissances
et de connaître son fonctionnement cognitif. La métacognition est l’apprentissage de
l’apprentissage. Elle consiste à se poser des questions sur ce que l’on sait et
comment on le sait. Ce processus est étranger au surdoué qui sait parce qu’il sait,
qui mémorise son devoir sans réellement s’approprier la matière. Nous verrons plus
tard que l’absence du processus métacognitif est source d’échec scolaire.
Dyslexie et dysorthographie
La dyslexie se traduit par une difficulté d’apprentissage de la lecture par la confusion
des lettres et des sons. La dysorthographie définit un trouble lié à l’apprentissage de
l’orthographe. Ces deux troubles, qui n’altèrent pas les capacités intellectuelles
générales de la personne, sont très liés et touchent, en proportions plus élevées, les
surdoués. Pourquoi ? Dans leur livre « Cerveau gauche, cerveau droit», Springer et
Deutsch ont remarqué qu’il y a une hégémonie du cerveau droit dans le traitement
du langage chez les dyslexiques. Le cerveau droit, je le rappelle, traite les
informations de manière globale et quelque peu déstructurée. L’apprentissage et
l’usage de la lecture et de l’écriture mobilisent principalement les ressources de
l’hémisphère cérébral gauche. On peut dès lors comprendre le lien entre dyslexie et
surdouance. Toutefois, tous les surdoués ne sont pas forcément dyslexiques et vice
versa. Cependant, une surdouance peut cacher une dyslexie et une dyslexie peut
dissimuler une surdouance. Cette dyslexie ou dysorthographie joue des tours aux
petits HP à l’école. Ces troubles pourront fausser un jugement d’un professeur qui
pensera que cet enfant ayant des difficultés à lire, écrire ou à argumenter aura une
déficience intellectuelle. La véritable raison sera occultée par le trouble subit et la
souffrance et les difficultés scolaires perdureront.
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Le surdoué n’excelle pas partout
Si l’enfant HP démontre des capacités supérieures à la moyenne dans certains
domaines, il ne brillera pas dans tout ce qu’il entreprend. La raison à cela est qu’il y
différentes formes d’intelligence.
Howard Gardner a recensé, dans son livre « les intelligences multiples »
19
, neuf
formes d’intelligence :
•
Verbale / linguistique : Capacité d’utiliser adroitement les mots par oral
comme par écrit. Intelligence des poètes par excellence. Intérêt pour les
débats, les discussions. Facilité d’apprentissage des langues.
•
Logico-mathématique : Personnes ayant de la facilité avec les nombres et
disposant d’une pensée logique, méthodique. Prédisposition pour les
branches scientifiques.
•
Interpersonnelle : Faculté de comprendre les autres, leurs sentiments, ce qui
les motive. Personnes sachant anticiper, résoudre les conflits et appréciant
aider les gens.
•
Intrapersonnelle : Cette forme est liée à la précédente, mais cette fois tournée
vers soi. Aptitude à comprendre ses désirs, ses besoins, ses pulsions et ses
réactions afin d’anticiper ses décisions en fonction de cela. Forme très utilisée
mais peu remarquée.
•
Intelligence musicale : Sensibilité particulière à l’art musical. Capacité de
ressentir profondément la musique, de la comprendre et de savoir, d’avoir
besoin de s’exprimer par elle.
•
Visuelle / spatiale : Intelligence des bricoleurs. Faculté de se représenter
mentalement des constructions en trois dimensions et de se repérer dans une
zone géographique. Individus ayant un bon sens de l’orientation, aimant les
voyages, adorant manipuler, bricoler, dessiner.
•
Corporelle / kinesthésique : Capacité de bien manipuler les objets, d’exprimer
ses émotions par le sport ou la danse. Forme d’intelligence adaptée à un
apprentissage par la pratique. L’individu appréciera toucher et interagir avec
19
GARDNER Howard, Les intelligences multiples, Broché, 2008.
31
Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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les choses pour les comprendre. Personne disposant d’un corps bien
coordonné avec une bonne connaissance de celui-ci.
•
Naturaliste : Sensibilité naturelle pour la Création. Facilité de connaître
intimement, d’expliquer et d’interpréter la nature. Réceptivité émotionnelle
exacerbée dans la nature, en plein air.
•
Existentielle : Capacité à se poser des questions sur le monde, sur le sens et
l’essence même de la vie. Intelligence existentielle, spirituelle qui cherche à
comprendre l’origine des choses.
D’autres formes d’intelligence existent, gustative et ludique par exemple. Pour
simplifier, j’ai préféré sélectionner les principales.
Chaque personne a une prédisposition pour une ou plusieurs forme(s) d’intelligence.
Il est important de bien cerner les dons de chacun afin de pouvoir intégrer au mieux
la personne en utilisant, et non en abusant, ses capacités avec comme finalité
l’épanouissement de l’individu et l’enrichissement de la société, plus sur le plan
moral et social qu’économique.
L’école valorise principalement l’intelligence logico-mathématique et verbale /
linguistique. Les autres formes sont, pour ainsi dire, rabaissées, considérées comme
secondaires. Les branches principales à l’école sont les mathématiques, le français,
l’anglais, l’allemand qui sont des formes logico-mathématiques et verbales /
linguistiques. Les branches dites secondaires regroupent, quant à elles, les sept
autres formes d’intelligence. Pourtant chacune de ces intelligences a quelque chose
à apporter à la société puisque chaque forme englobe un domaine professionnel plus
ou moins large.
L’enfant surdoué, tout comme l’enfant ordinaire, a des domaines de prédilections
Cependant, le surdoué sera beaucoup plus performant qu’un autre enfant dans sa
spécialité grâce à son potentiel plus élevé qui fournit plus de fruits pour un même
travail.
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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3.7 Filles et garçons
Pour mieux comprendre la différence entre filles et garçons surdoués, je me suis
entretenu avec Mme Perrodin-Carlen afin de mieux cerner les enjeux.
La grande majorité de la population pense que la surdouance ne touche que la gent
masculine. Dans notre société, nous avons l’idée préconçue que l’intelligence se
conjugue principalement au masculin. Cela est dû à notre héritage culturel, mais
heureusement les esprits évoluent et s’ouvrent progressivement.
Parmi les enfants surdoués diagnostiqués, un tiers seulement sont des filles, d’après
les estimations de Mme Perrodin-Carlen. On pourrait expliquer brutalement et
naïvement ces résultats en disant qu’il y a moins de filles intelligentes. La vérité est
tout autre et bien plus subtile.
Premièrement, quand un garçon a de bonnes notes ou montre des aptitudes
exceptionnelles, on dira qu’il est intelligent. Au cours de plusieurs de mes lectures,
j’ai réalisé qu’une fille qui a les mêmes caractéristiques, sera catégorisée d’enfant
« appliquée » plutôt qu’intelligente. Comme je l’ai dit précédemment, c’est le fruit de
notre héritage culturel teinté de misogynie et qui a longtemps placé l’homme sur un
piédestal par rapport à la femme, notamment, dans notre cas, du point de vue
intellectuel. Si un garçon échoue à un test, il mettra cela sur le compte d’un manque
au niveau du travail fourni et il travaillera plus au prochain test. Par contre, la fille se
pensera nulle ou même bête au point de perdre sa confiance en soi et d’arrêter de
travailler.
Deuxièmement, les filles et garçons surdoués réagissent d’une manière souvent
radicalement différente dans le milieu social. A l’école, par exemple, les garçons
surdoués qui s’ennuient vont vite montrer leur désintérêt pour les cours en perturbant
la classe, en bavardant et en taquinant leur petits camarades. Ils extériorisent
énormément et cela se remarque. Les filles surdouées qui s’ennuient intériorisent
beaucoup ce qu’elles ressentent. C’est du moins ce qui ressort des témoignages et
des articles sur lesquels je me suis basés. Pendant que le/la professeur va expliquer
pour la énième fois un raisonnement mathématique ou lorsqu’elles auront terminé
leurs fiches, les filles surdouées vont s’occuper afin de ne pas perturber le cours et
surtout afin de ne pas paraître anormales aux yeux des autres. A l’inverse des
garçons, les filles (surdouées ou pas) ont un besoin énorme d’être socialement
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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acceptées. C’est en tout cas mon opinion après avoir écouté des témoignages. Elles
sont prêtes à tout pour cela. Une fille mal acceptée pourrait en arriver à saboter ses
résultats, inhiber son intellect afin de ne pas être traitée « d’intello », mot qui signifie
malheureusement trop souvent une mort sociale. La fille est donc prête à sacrifier
ses études, ses ambitions pour se mettre dans le moule et faire partie d’un groupe
qui la reconnaît et l’accepte, choses très importantes pour tout être humain. La fille
surdouée va utiliser d’énormes ressources d’énergie dans le but de parfaire et de
soigner sa carapace extérieure. Elle va s’intéresser à la mode, aux stars, même si
cela ne lui procure aucun plaisir. Peu importe. Il faut être normale à tout prix !
Un des gros risques de cette intériorisation est qu’un jour cela explose. En effet, elles
n’arriveront pas à jouer un rôle indéfiniment. Tôt ou tard elles devront songer à
s’affirmer et à être elles-mêmes même si une femme intelligente dérange plus qu’un
homme.
Le fait que les filles surdouées cache leur différence du mieux qu’elles peuvent
fausse les statistiques car ces filles n’attirent pas l’attention.
J’ajouterai encore qu’il y a plus de garçon avec un QI très élevé, alors que les filles
sont plus restreintes dans les extrêmes de la courbe de Gauss. C'est-à-dire que
parmi les garçons surdoués, il y en aura une proportion plus élevée qui disposeront
d’un QI de 160, par exemple, que chez les filles surdouées. De plus, la plupart des
surdouées s’intéressent à des sujets plutôt généraux alors que les garçons préfèrent
se concentrer et approfondir des domaines très précis. La surdouance est, en
général, plus patente chez les petits garçons d’où des statistiques souvent erronées
car les petites HP sont plus difficiles à détecter.
3.8 La souffrance des parents
Après avoir rencontré quelques parents, j’ai réalisé que si le surdoué souffre
énormément de sa différence, les parents subissent tout autant les effets du mal-être
de leur enfant. Les parents subissent les crises parfois violentes, les états dépressifs,
les contestations épuisantes sur chaque ordre. La patience, les ressources
émotionnelles et psychiques sont mises à rude épreuve.
Quand un père ou une mère voit son enfant hurler pour ne pas aller à l’école et
revenir en larmes, complètement anéanti, cela pèse énormément sur les parents. Ils
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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se sentent impuissants devant la souffrance de leur enfant et culpabilisent beaucoup,
d’autant plus quand ils ne peuvent pas mettre un nom sur les causes de cette
douleur.
Ayant interrogé quelques parents d’enfants surdoués et lu de nombreux
témoignages, je dirais que la première étape dans le chemin de l’épanouissement de
son enfant HP est de pouvoir poser un diagnostic. Enfin on comprend le
« pourquoi ». Quelle libération ! L’intuition parentale peut être formulée en termes
scientifiques, reconnus. Je dois préciser qu’il est très difficile pour les parents de
ressentir au plus profond d’eux-mêmes que leur enfant est différent alors que
souvent l’école et parfois l’entourage s’entêtent à ne pas le reconnaître. Les parents
sont donc isolés et arrivent à remettre en question leur avis face à la contestation
générale, un doute dévastateur est installé. Un diagnostic libérateur, tant pour
l’enfant que pour les parents, qui reconnaît la spécificité de l’enfant est à mon avis
nécessaire pour que les parents puissent agir en conséquence.
Une fois la surdouance reconnue, les parents sont placés devant cette question
complexe : Que faire maintenant ? Comme les principales plaintes de l’enfant
concernent l’école, c’est par là qu’ils commencent. Les parents doivent bien trop
souvent accomplir un véritable parcours du combattant afin de faire reconnaître la
différence du petit surdoué à l’école. Nombre de parents peinent ou n’osent pas
affirmer leur avis concernant le parcours scolaire le mieux adapté pour leur enfant. Il
est très difficile pour les parents d’expliquer à un professeur que cet enfant aux
apparences souvent insolentes, désintéressées et n’ayant pas toujours de bonnes
notes est tout simplement surdoué. Force est de constater qu’une fois ce terme
lâché, les esprits se braquent : le mot est tabou. Les parents risquent de passer pour
des prétentieux qui désirent aveuglément que leur enfant soit un petit génie. Je ne
conteste pas que certains parents appartiennent à cette catégorie, mais je suis
persuadé que la grande majorité ne souhaite que le bonheur de leur enfant et pense
que de mettre en lumière la spécificité de celui-ci est indispensable à son
épanouissement personnel. Les parents arrivent avec une grande humilité dans un
entretien avec les autorités scolaires, que ce soit avec un professeur, un directeur ou
autre. J’ai retenu, au fil des témoignages, un trait commun chez les parents
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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d’enfant(s) surdoué(s), ils se vantent rarement du haut potentiel de leur(s) petit(s)
car ils savent que ce don merveilleux est très vulnérable. Ils ont d’ailleurs euxmêmes beaucoup de peine à l’accepter car le mot fait peur, est tabou et il
s’accompagne de nombreux préjugés. D’ailleurs le tabou vient d’abord des enfants
HP qui refusent souvent de se reconnaître surdoués par conformisme.
J’ai observé que dans les milieux touchés par cette spécificité qu’il y a un ras-le-bol
des surdoués et de leurs parents face au désintérêt des autorités scolaires pour les
problèmes liés à la surdouance. Les parents sont placés devant un « débrouillezvous » tacite de l’école. Ils doivent alors consacrer du temps et de l’énergie afin de
faire comprendre et accepter la surdouance par le biais d’innombrables entretiens
avec les professeurs et directeurs. Une fois cette spécificité reconnue, il faut user de
persévérance et de persuasion pour obtenir un saut de classe ou des petits droits
particuliers (comme aller à la bibliothèque une fois le travail terminé par exemple)
afin d’intégrer au mieux le petit HP. C’est un combat quotidien épuisant tant sur le
plan physique que mental. Il est donc nécessaire de parler pour se décharger de
cette souffrance.
Comme la stabilité scolaire de l’enfant surdoué est tributaire de nombreux facteurs
(professeur, classe, etc), chaque année il faut de nouveau mettre les choses au point
avec l’enfant et l’école afin de s’assurer de la pérennité du fragile équilibre entre le
conformisme scolaire et l’originalité du surdoué. Je nuancerais toutefois en disant
que certains professeurs ou directeurs sont sensibles à la surdouance et qu’ils
accueillent les propositions des parents avec compréhension.
Je ne pense pas qu’il est plus difficile de s’occuper et d’épanouir un enfant HP qu’un
enfant « normal ». Je crois que la première difficulté des parents est d’être confronté
à un fonctionnement intellectuel et émotif qui diffère de la norme. Ils sont souvent
démunis devant cette différence qu’ils doivent comprendre et assumer. Par
extension, le « combat de la surdouance » est comparable à la lutte pour la
reconnaissance et l’acceptation de l’hétérogénéité que la « norme » a tant de mal à
estimer et à reconnaître les richesses.
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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4 L’école
4.1 Le paradoxe
Dans cette partie de mon travail de maturité, les connaissances que vous avez
emmagasinées précédemment sont essentielles afin de cerner le problème de
l’intégration et de l’adaptation scolaire du « petit zèbre ». Je précise que certains
surdoués réussissent à l’école et arrivent même à s’y épanouir mais que la majorité
est en souffrance. Mon but n’est pas de blâmer l’école ou de victimiser les surdoués,
mais plutôt de mettre en lumière cette souffrance pour pouvoir y apporter une
réflexion personnelle et constructive.
Dès sa plus petite enfance, le petit HP est en quête de connaissance. Il a soif
d’apprendre et d’ailleurs ses incessantes questions épuisent quelques fois ses
parents. Comme tout autre enfant, il découvre, émerveillé, un monde qui recèle tant
de surprises, de mystères. L’enfant surdoué, plus qu’un enfant « normal », va
rapidement vouloir tout découvrir. Comme la plupart du temps ses parents ne
combleront que partiellement ce désir de comprendre, le petit HP va rapidement se
tourner vers la lecture qu’il apprendra tout seul ou avec ses parents comme appuis.
Rien qu’à l’idée qu’il va un jour pouvoir se rendre dans le « temple » du savoir, de la
connaissance et de la réflexion que les « grands » appellent « l’école », l’enfant
surdoué exulte de bonheur. Enfin une source pour étancher sa soif !
Le désenchantement est brutal. Il revient de son premier jour d’école avec la phrase :
« l’école c’est nul ». Le mal-être est perçu dès le début du parcours scolaire.
Pourquoi cette désillusion ? La réponse est complexe et englobe de nombreux
facteurs imbriqués les uns avec les autres.
Ennui
En arrivant à l’école, le « petit zébre » a un bagage intellectuel important et un réel
besoin de s’enrichir l’esprit. Ce qui l’attriste, c’est qu’il se retrouve à faire du coloriage
et à coller des gommettes. Pas de réelles nourritures intellectuelles.
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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Plus tard dans sa scolarité, l’enfant ou l’adolescent va éprouver un ennui
insoutenable lorsque le professeur aura répété pour la énième fois une information.
Le petit HP aura assimilé la première fois grâce à sa formidable mémoire et les
répétitions suivantes lui seront inutiles et difficiles à supporter. Il se mettra alors à
discuter, à faire du bruit, ne tiendra plus en place. Cela pourra être interprété par le
professeur comme de l’insolence, un trouble de la concentration ou pire comme de
l’hyperactivité. Alors que le problème est tout autre ; l’enfant s’ennuie et cherche un
moyen de s’occuper. Je nuancerais toutefois en précisant que certains surdoués
sont hyperactifs et qu’un enfant sans cesse en train de discuter et de bouger souffre
peut être réellement d’hyperactivité ou d’un trouble de la concentration et n’est pas
forcément surdoué.
Un affectif envahissant
Le « petit zèbre » attache une grande importance au professeur. Si la relation avec
l’enseignant est mauvaise, l’enfant fournira très peu d’efforts. Le petit HP a besoin
d’un cadre de confiance et d’un professeur bienveillant qui puisse l’encourager, le
rassurer. L’investissement scolaire sera proportionnel à la qualité du rapport
maître/élève. C’est pourquoi l’on observe quelques fois des résultats en dents de
scie d’une année à l’autre ou d’une matière à l’autre.
Participation exaspérante
Au début de sa scolarité, l’enfant est impatient d’échanger, de transmettre son
savoir. Il va donc sans cesse répondre aux questions, en poser d’autres, interrompre
l’enseignant pour lui faire part de ses propres connaissances. Cette participation
intempestive va lui attirer l’antipathie d’un professeur exaspéré par les innombrables
interruptions de ce « petit prétentieux » et celle de la classe qui va le cataloguer
« intello ». Sitôt que l’enseignant posera une question et que le « petit zèbre » lèvera
le doigt, il lui dira ; « Toi je sais que tu sais, laisse répondre les autres ».
Autre exemple, quand le surdoué abordera un sujet extra-scolaire, on lui fera
comprendre qu’il faut se tenir au programme et que ses digressions perturbent
l’apprentissage des autres enfants. Les connaissances du petit HP dévalorisées et
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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sa participation jugée néfaste, il se repliera totalement afin de ne plus attirer les
hostilités.
La motivation
Ce qui ressort des discussions avec des personnes concernées par le sujet, c’est
que si l’enfant HP n’est pas suffisamment stimulé intellectuellement par les cours et
qu’il s’ennuie, il les délaissera. Or, la motivation est le combustible de
l’apprentissage. Sans motivation, pas ou peu de progrès. Il faut donc pousser l’enfant
à s’investir, à s’intéresser. Le surdoué aime les défis, on peut alors exciter ce désir
de surmonter des difficultés en le confrontant à des problèmes plus complexes. Il
sera dès lors stimulé, pourra s’investir dans des réflexions, son esprit sera occupé et
il ne perturbera pas la classe. Autre avantage, s’il surmonte la difficulté, il sera dans
un état presque euphorique et sera rempli d’une sensation de bien-être, de
satisfaction, d’avoir travaillé dur et, comble du bonheur, d’avoir triomphé. C’est la
jubilation cognitive. Elle rehausse l’estime de l’enfant et le motive pour aller de
l’avant.
Métacognition
J’ai déjà évoqué ce terme dans le chapitre « mémoire ». La métacognition est
l’apprentissage de l’apprentissage. Le surdoué « flashe » son devoir et c’est plus une
mémorisation photographique que cognitive. Si l’enfant HP n’apprend pas dès son
plus jeune âge à réellement s’approprier sa matière, ces mémorisations superficielles
ne permettront pas d’édifier des bases solides sur lesquelles il pourra s’appuyer
durant sa scolarité. Sa mémoire photographique pourra lui permettre de passer ses
premières années de scolarité presque sans fournir de réels efforts cognitifs. Une
fois confronté à des apprentissages et des problèmes plus complexes, l’enfant
surdoué sera déboussolé. Il n’avait jamais appris à fournir un travail intellectuel pour
apprendre. Il conservait une information neutre dans sa mémoire avant de la fournir
telle quelle, sans réel effort.
Il faut alors rendre l’enfant sensible au processus inconscient de la métacognition. Il
pourra ensuite comprendre quelle est sa manière d’assimiler pleinement une
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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information. Il est nécessaire de se poser les question suivantes : « Comment je le
sais ? », « Ai-je assez de connaissances pour résoudre le problème ? », « Ai-je
répondu à la question, résolu le problème ? ». Une fois la métacognition apprivoisée,
il pourra utiliser son processus cognitif à souhait et se forgera des connaissances
solides et durables.
Mode de pensée
L’enfant surdoué pense différemment et cela pose problème, c’est indéniable. Je ne
vais pas reformuler les différences entre la normopensée et celle des surdoués mais
plutôt expliquer pourquoi elle peut se muer en une pierre d’achoppement pour le petit
HP.
Le surdoué mémorise vite et les répétitions incessantes des professeurs sont
perçues comme superflues et quasi soporifiques. Le petit HP pense « global », c’està-dire qu’il doit comprendre l’entier du raisonnement pour pouvoir se plonger dans
les détails. L’école fractionne d’abord sa pédagogie en parties distinctes puis, une
fois celles-ci absorbées, une vision globale est envisagée. Ajoutons encore que
l’enfant surdoué a de la peine à saisir le sens des implicites communs. Par exemple,
à la question « Comment les plantes obtiennent-elles de l’énergie ? » l’enfant
surdoué se terrera dans un mutisme complet ou dira « Je ne sais pas ». Si l’on
essaie de le pousser à plus de précisions il répondra : « Je ne connais pas les
processus chimiques par lesquelles la photosynthèse transforme l’énergie solaire en
énergie organique ». La réponse correcte était « photosynthèse » mais l’enfant la
jugeant trop évidente aura préféré ne rien dire plutôt que de mentionner une réponse
incomplète. Une autre incompréhension, voisine de la précédente, se traduit par le
fait que le petit HP prend une consigne ou une question à son sens littéral : la
réponse sera alors « Hors sujet » ou insolite. Sa pensée en arborescence lui pose
également problème. Il se perd dans des raisonnements complexes, illimités et
pourtant tellement créatifs. Ce foisonnement d’idées rend difficile la structuration
claire et argumentée. Pour le surdoué, le fond prime sur la forme, ce qui n’est pas le
cas dans le milieu scolaire.
Une des autres caractéristiques de l’organisation du raisonnement du surdoué est
l’intuition. Il résonne si vite que la démarche n’atteint pas le seuil de la conscience.
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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Dépourvue de justification, la réponse du surdoué est considérée comme incomplète
voire fausse, car le système scolaire est très attaché à la justification.
Suis-je fou ? Suis-je nul ?
L’enfant surdoué se qualifie souvent comme étant nul ou même pire frôlant la folie. A
l’école, il est en décalage total avec les méthodes d’apprentissages, ne comprend
pas tous les codes sociaux implicites et se retrouve souvent face à des résultats
médiocres. La seule explication lui paraît évidente, « Je suis nul ».
L’incompréhension de la part du système scolaire et de l’enfant même sur ses
particularités cognitives est très destructrice. En résulte un manque de confiance en
soi énorme qui est indispensable à la réussite scolaire et surtout un pilier essentiel
pour une santé psychique stable. L’enfant HP va délaisser les cours et construire
une carapace autour de son amertume créant une brèche où des pathologies telles
que la dépression, la mélancolie (principalement chez les filles) ou parfois la colère
et la révolte (violence plus souvent utilisée par les garçons). Les témoignages et le
vécu des personnes que j’ai interrogées le confirment.
L’enfant étant en échec scolaire, le redoublement va être proposé. Les arguments
seront simples, mauvaises notes, immaturité, ne sait pas travailler. Ces remarques
prêtent à confusion, car les notes ne reflètent pas le potentiel intellectuel, les
débordements émotionnels peuvent être interprétés comme de l’immaturité et les
difficultés d’apprentissages sont le résultat du décalage entre le système de pensée
scolaire et celui du surdoué. Il faut absolument éviter que l’enfant refasse son année,
car s’il s’ennuie toujours, le fond du problème ne sera pas résolu et le mal-être
perdurera.
Le corollaire du renfermement sur soi est bien trop souvent la solitude. Son extrême
sensibilité, son sens de la justice, ses passions lui font quelque fois adopter un
comportement qui peut sembler bizarre pour ses pairs. Sa pensée aux connexions
foisonnantes l’emmène dans des raisonnements qui n’effleurent même pas la
conscience de ses petits camarades. Encore une fois décalé, incompris mais cette
fois par ses amis, il renforce sa conviction que non seulement il est nul, mais qu’en
plus il est fou. Le rejet est dur à encaisser, encore plus quand l’émotion est
exacerbée. La solitude est là, pesante. L’école devient un enfer, tant sur le plan
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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intellectuel qu’émotif. On observe parfois une véritable anorexie intellectuelle, l’enfant
HP perd le goût de l’apprentissage, du savoir qui lui est si cher. Cette inhibition de
son potentiel intellectuel est une stratégie d’adaptation au système scolaire.
Malheureusement, malgré un succès temporaire, l’enfant ou l’adolescent surdoué se
rendra vite compte que réprimer son intellect lui est impossible. Son système de
pensée et de raisonnement fait intrinsèquement partie de ce qu’il est, de sa
personnalité.
L’école a un rôle difficile
Oui l’école est responsable de la souffrance et de l’échec de certains enfants HP.
Dans un souci d’impartialité, reconnaissons quand même que les enseignants sont
souvent démunis face à ces enfants atypiques.
Premièrement, de nombreux professeurs ne savent pas différencier un enfant
surdoué d’un enfant hyperactif ou d’un enfant qui souffre de problème de
concentration ou de raisonnement. L’archétype du surdoué est le « petit génie »
premier de classe avec des notes reflétant son intelligence. Comprendre qu’il puisse
être en échec scolaire nécessite une sensibilisation des enseignants au mode de
pensée hétérogène des surdoués et des difficultés auxquelles ces enfants sont
confrontés.
Deuxièmement, il est difficile de savoir comment aider ces enfants. Même les experts
en la matière sont en désaccord. Les professeurs sont formés pour assister les
élèves limités intellectuellement et ne pensent même pas que les surdoués puissent
rencontrer des difficultés scolaires. Je rappellerais encore que les enfants surdoués
ne sont pas uniformes dans leur différence et que chacun a sa propre personnalité
en dépit de leur haut potentiel commun. Cela sous-entend qu’il n’y a pas de
« formule magique » qui solutionnerait tous les problèmes des surdoués à l’école.
Troisièmement, les enseignants doivent assumer un programme scolaire chargé et
n’ont guère le temps de s’arrêter sur les sujets «hors programme » qui intéresse
souvent les « petits zèbres » mais qui retarderaient les autres enfants. Le rôle du
professeur est délicat. Il subit les pressions de la hiérarchie scolaire qui lui impose un
programme obligatoire avec des méthodes d’enseignements peu malléables. Il doit
également faire face aux parents qui réclament de lui des efforts de compréhension
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Travail de maturité 2008
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et de pouvoir adapter ses explications sous une forme s’accordant avec le système
de pensée de leur enfant. L’enseignant se retrouve alors tiraillé entre la nécessité de
fournir un capital connaissance suffisant pour la majorité de la classe et le devoir
d’intégrer les différences quelles qu’elles soient.
4.2 Solutions, alternatives et réflexions
Saut de classe
Elle est l’alternative la plus répandue. Malgré le scepticisme scolaire qui scande que
cette option est préjudiciable pour l’enfant, je pense, au contraire, que dans la
majorité des cas,
c’est un réel besoin. Je dois avouer que je comprends les
réticences des professeurs. On ne peut décemment faire sauter une classe à un
enfant ayant des notes moyennes voire médiocres qui est dissipé, turbulent et rêveur
et ayant des réactions émotionnelles inhabituelles laissant transparaître une
immaturité criante. La circonspection de l’enseignant face à cette alternative est le
fruit d’une incompréhension et/ou d’une mauvaise interprétation des troubles
présents chez l’enfant.
Or, une fois le saut de classe effectué, le petit HP sera stimulé intellectuellement par
des connaissances nouvelles, complexes et donc plus captivantes avec comme
corollaire l’accroissement de l’investissement scolaire. Il sera également au contact
d’enfants plus âgés avec lesquels il se sentira plus à l’aise.
Il y a tout de même des difficultés auxquelles, l’enfant comme les parents, devront se
confronter pour les résoudre. Il devra endurer des attaques concernant sa
physionomie plus infantile, son statut « d’intello » qui saute de classe et des rejets
par rapport à son âge. Le problème de sa pensée divergente ne se sera pas pour
autant dissipé.
Nonobstant ces obstacles, le saut de classe est une option avec des atouts nonnégligeables. Cette alternative est, à mon avis, la mieux adaptée au besoin du
surdoué dans le système scolaire actuel.
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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Ecole à la maison
Personnellement, je pense que cette alternative n’est à considérer uniquement qu’en
dernier recours. En effet, cette solution présente de nombreux inconvénients.
L’enfant HP, déjà marginalisé « officieusement » par ses camarades et par le
système scolaire, le sera désormais officiellement. Il sera coupé du monde, reclus
dans sa maison. Cette coupure est, à mon avis, très destructrice pour le
développement équilibré tant sur le plan social qu’intellectuel. Tout d’abord, il ne sera
plus ou presque plus en contact avec des jeunes de son âge et ne pourra pas se
construire sainement si le rapport à autrui est inexistant. L’enfant ne connaîtra pas
les joies mais aussi les malheurs de la cour d’école qui sont indispensables pour se
forger une personnalité. Puis, sur le plan intellectuel, il ne sera pas plus stimulé qu’à
l’école car le programme d’étude à la maison est, à la base, prévu pour des enfants
malades et non pour des enfants surdoués. Et je le rappelle, la surdouance n’est pas
une maladie.
Je pense que l’école à la maison est une fuite du problème. La confrontation au
monde scolaire est en premier lieu une école de la vie en société et si l’enfant ne l’a
pas connu, il connaîtra des sérieux problèmes d’intégration sociale plus tard.
J’ajouterais toutefois que cette alternative peut être envisagée lorsque l’enfant subit
de façon dramatique voire traumatique la période scolaire. Seuls les cas extrêmes
devraient suivre une éducation à domicile.
Pour ma part, le seul avantage que présente l’école à la maison est que l’enfant peut
effectuer le parcours scolaire à son rythme. Cela ne permet toutefois pas de
compenser les inconvénients cités précédemment.
Avant de penser au surdoué, pensons d’abord à l’enfant qui a besoin d’affection, de
contact humain, d’amis. N’oublions pas que la souffrance vécue à l’école peut être
édifiante et devenir une force grâce à la résilience.
Sachons aussi préserver les joies, si petites soit-elles, que la vie en communauté
procure au « petit zèbre »
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
3M8
Les écoles spécialisées
Le système de regroupement des enfants à haut potentiel dans des classes
spécialisées a séduit de nombreux pays. En Suisse et plus précisément dans le
canton de Vaud, ce genre de classes n’existent pas publiquement, ce sont
uniquement des associations privées qui administrent et gèrent les écoles de ce
type. Il faut aussi savoir que ce genre de classes peut entraîner des dérives.
Certaines écoles privées peu scrupuleuses exploitent le potentiel de ces enfants et
ne se soucient en aucun cas de leur bien-être ou de leur enrichissement personnel.
Ce genre de classe offre de nombreux avantages. Les enfants sont encadrés par
des enseignants, psychologues ayant suivi une formation spécialisée. Le programme
éducatif est également adapté à l’intelligence atypique des surdoués.
Mais là encore, le problème de la marginalisation ressurgit. Ostraciser
systématiquement ces enfants leur serait préjudiciable à long terme. En effet, ils
vivraient en marge de la communauté toute leur enfance et auraient de la peine à
s’adapter au système une fois devenus adultes.
J’ajouterais encore que chaque enfant dispose d’une personnalité qui lui est propre
et qui le distingue à l’intérieur même du cercle restreint de la minorité à haut
potentiel. En plus de leur surdouance, chaque enfant a une forme d’intelligence
différente, des centres d’intérêts différents, etc. Pour illustrer mes propos, un Roger
Federer aurait peu de choses en commun avec un Mozart ou un Einstein. Faisons
attention à ne pas amalgamer tous les surdoués.
Les groupes du mercredi matin
Le canton de Vaud a mis en place un système appelé « le groupe du mercredi
matin » pour répondre aux besoins de enfants HP. Dans certaines écoles, chaque
mercredi matin, les élèves HP se réunissent dans une classe commune. Les activités
sont diverses ; jeux, projets manuels, apprentissage extra-scolaire, etc. Ce mercredi
matin est destiné à offrir une « bouffée d’oxygène » hebdomadaire à chaque élève.
Même si ce programme plaît aux enfants concernés, il est évident que ces mesures
ne sont pas suffisantes. Ce mercredi matin se passe tout de même dans une
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
3M8
marginalité relative et la classe « normale » de l’élève HP ainsi que l’enseignant ne
sont pas systématiquement et suffisamment informés de la spécificité du surdoué.
Cette initiative est, à mon avis, plus une étape encourageante vers une meilleure
considération officielle de la surdouance et non un but atteint en soi.
Ecoles intégratives
En France, les écoles intégratives ont déjà été greffées dans le paysage scolaire,
comme par exemple l’établissement Sainte-Marie-Blancarde à Marseille qui est
soumise à l’autorité de l’Etat.
Le concept est simple mais novateur. Une école intégrative regroupe des enfants
surdoués ou non dans une même classe, jusqu’ici rien de nouveau. L’originalité se
fait dans l’identification et l’acceptation de la différence. La présence d’enfants
surdoués est clairement signalée aux enseignants qui sont formés afin de les
encadrer au mieux. Les autres élèves de la classe sont aussi mis au courant de la
particularité de certains de leurs petits camarades et ils sont sensibilisés dans le but
de leur faire comprendre que les surdoués ont avant tout besoin d’être reconnus,
acceptés et aidés.
Les enfants HP bénéficient d’un véritable suivi durant toute l’année scolaire et durant
les années suivantes. L’assistance pédagogique à long terme durant le parcours
scolaire permet de faire sentir à l’enfant HP qu’il est reconnu et accepté tel qu’il est. Il
se sentira intégré avec sa différence qui est une partie indissociable de sa
personnalité.
Le processus métacognitif est enseigné aux petits surdoués afin les aider à mieux
travailler avec leur système de pensée. Ils peuvent également participer à des cours
sur des matières scolaires utilisées dans un contexte extra-scolaire, faisant des liens
passionnants avec la réalité. Des ateliers sont spécialement aménagés pour que les
surdoués puissent rencontrer et partager avec des autres enfants une passion
commune. Les élèves « normaux » sont aussi appelés à aider les « petits zèbres »
ou à leur expliquer leur mode de pensée dans le but de mieux comprendre les
différences. Ainsi, l’hégémonie hémisphérique gauche du cerveau est toujours un fait
mais le plus important est qu’on ne dévalorise pas l’hémisphère droit. La
reconnaissance de cette différence, et de n’importe qu’elle autre par ailleurs,
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
3M8
contribue à un enrichissement mutuel des individus tout en leur ouvrant l’esprit à la
compréhension et au respect de l’autre.
4.3 Conclusion
Je pense que la meilleure solution actuellement est le système des écoles
intégratives. Malheureusement, la grande majorité sont des écoles privées en proie à
des dérives. Pour l’instant, l’alternative la plus adaptée, mais non sans imperfections,
me semble être le saut de classe. Evidemment, il faut prendre en compte la
personnalité de chaque surdoué et juger quelle est la meilleure solution et ne surtout
pas généraliser.
Je pense qu’il est important de valoriser les dons de chacun, surdoués ou non. Il me
paraît essentiel d’utiliser, sans abuser, les dons, le potentiel de chacun.
A mon avis, à vouloir trop « classer » les gens selon leur différence, on crée un
« apartheid » qui érige le mur d’un conformisme destructeur. Pourquoi ne pas
transformer les différences de tous en un lien fédérateur ? « Les gens ont quelque
chose en commun : ils sont tous différents » a dit le poète Robert Zend. Voir la
différence comme un lien et non comme une séparation me paraît essentiel.
L’école se veut celle de toutes les différences mais à en croire le climat actuel, le
moral du corps enseignant comme des élèves est en berne. Loin de moi l’idée de
blâmer l’école actuelle, mais reconnaissons qu’un malaise se fait ressentir qui
s’extériorise surtout à travers les élèves les plus fragiles.
J’ai l’impression que l’école prône deux valeurs qui sont, pour moi, contradictoires.
Ces valeurs sont la différence et l’égalité. Le concept d’égalité sous-entend une
uniformité parfaite dans le traitement et devient alors, par essence, antagoniste au
concept de la différence. Les frères Goncourt ont merveilleusement résumé le
paradoxe en déclarant que « l’égalité est la plus horrible des injustices ». Un système
égalitaire n’est pas forcément juste, car nous ne sommes pas tous pareils et nous
n’avons pas tous les mêmes besoins. Une inégalité dans le traitement des élèves
peut être justifiée si elle permet d’aider ceux qui sont en difficulté. L’école a déjà
intégré ce concept pour les enfants « en retard » en leur proposant une aide
supplémentaire, pourquoi ne pas transposer un système similaire pour les enfants
surdoués ?
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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Je pense qu’il ne faut pas avoir peur des innovations, du changement et aussi des
erreurs. L’école intégrative met en avant un concept novateur que j’appellerais
« l’humanisation de l’école ». Elle ne met pas l’accent sur la quantité mais sur la
qualité de l’enseignement. Il est probable que l’adoption d’un programme moins
rigide et plus aéré permettrait d’élargir le champ de réflexion collectif, créant de
l’intérêt et valorisant la pensée et les particularités de chacun. Se recentrer sur
l’essentiel avec l’école comme un lieu de partage, de compréhension et
d’acceptation de tous. Heureusement, le système pédagogique montre des signes
encourageants d’ouverture. Dans le cadre des cours de formation continue destinés
aux professeurs, on trouvait des cours de perfectionnement sur les nouvelles
méthodes mathématiques, le théâtre comme outil pédagogiques, la responsabilité
des enseignants, etc. Apparus il y a approximativement deux ou trois ans, ces cours
offrent toute une panoplie de nouveaux sujets axés sur les enfants présentant des
particularités et ayant des besoins différents. Ainsi, les enseignants peuvent
désormais parfaire leur approche et leur accompagnement d’enfants sourds,
surdoués, souffrant d’un déficit d’attention, ayant des troubles de la personnalité ou
du langage et tant d’autres. Malheureusement, la surcharge de travail, les
responsabilités familiales d’autres contretemps, ou tout simplement la nonchalance
entravent trop souvent la volonté des professeurs à assister à de tels cours.
Je trouve également essentiel de préciser que les professeurs sont souvent
contraints de gérer des problèmes sociaux alors qu’il n’ont pas été formés pour cela.
Les classes surchargées et les programmes saturés rendent le travail des
professeurs encore plus difficiles. D’où ma réflexion de peut-être réduire la masse
d’apprentissage pour revaloriser l’enfant et son épanouissement personnel sans
remplacer les enseignants par des psychologues, mais plutôt de les dévoiler sous un
aspect plus « humain », si je puis me permettre.
Je suis conscient que je m’écarte quelque peu du sujet mais à mon avis, le problème
de la surdouance est fortement lié au fonctionnement actuel de l’école. Mon point de
vue peut paraître idéologique et même naïf mais il me semble que le mal-être des
surdoués n’est que la forme d’un problème de fond plus général qui mérite qu’on y
consacre du temps et de la réflexion.
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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5 Malcolm, réalité ou fiction ?
Maintenant que j’ai exposé les particularités, les paradoxes et les difficultés de la
surdouance, je peux désormais faire le lien entre ma thématique et la série Malcolm.
Le thème de la surdouance étant récurant dans ladite série, je vais essayer de
déterminer si les événements vécus par Malcolm représentent réellement le
quotidien d’un enfant HP.
Les arguments et réflexions que je développerai s’appuieront essentiellement sur la
saison 1 de la série, cela pour éviter de trop me perdre dans les sept riches saisons
qui composent l’enfance et l’adolescence de Malcolm. J’ajouterais que mon travail de
maturité s’intéresse principalement à l’enfant surdoué, d’où mon choix de centrer
mon travail sur la première saison durant laquelle Malcolm est au cœur de son
enfance.
Rejet et ostracisme
Dès le premier épisode, le thème de l’éviction scolaire et sociale est directement mis
en avant. Caroline Miller, l’enseignante de la classe des têtes d’ampoule, fait passer
des tests à Malcolm dont certains de ses professeurs ont remarqué ses capacités
hors du commun. Le petit HP montrera une aisance déconcertante devant ces tests
ce qui le propulsera sans délai dans la classe des surdoués.
Lorsque Loïs, lors du repas familial, annonce enchantée que Malcolm intégrera une
classe de « génie », le « petit zèbre » se révolte. Il dit que les têtes d’ampoules sont
harcelés, martyrisés et mis au banc du reste de l’école. Même son frère Reese, qui
prend un malin plaisir à les tyranniser, s’oppose à ce que Malcolm rejoigne cette
classe spéciale.
On sent bien dans cet épisode, la peur du rejet qui submerge le petit HP. La dernière
chose dont un enfant a envie, c’est d’être différent, montré du doigt. D’ailleurs
Malcolm confie à sa mère que les gens le trouvent déjà bizarre et qu’il redoute que
son éviction scolaire dans une classe spécialisée n’officialise sa différence et donc
son rejet. Le fait que Malcolm perçoit que les gens le trouvent étrange sous-entend
que le petit surdoué est en décalage avec ses semblables. Ce décalage est ressenti
par la grande majorité des surdoués qui en souffre énormément surtout avant leur
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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diagnostique. Malcolm n’a pas du tout l’air soulagé une fois le diagnostique posé. Il
ne le conteste pas mais cela le rend anxieux pour son avenir social.
On ne peut pas vraiment blâmer Malcolm quand
on voit les élèves qui composent la classe des
têtes d’ampoule (voir ci-contre20). Cette photo
montre que les scénaristes ont poussé à son
paroxysme l’archétype du Kelboyne. Grosses
lunettes, goûts vestimentaires effrayants, avec un
physique peu enviable, on comprend pourquoi
Malcolm ne veut pas être mêlé à ces « loosers ». Une fois dans cette classe, il dira
d’ailleurs à son ami Stevie qu’il a l’impression « d’être le nouveau monstre de la
galerie des monstres ». Malcolm a le sentiment que désormais on le regardera
étrangement comme un monstre de foire.
A peine le surdoué a-t-il rejoint sa nouvelle classe que le rejet est immédiat. Un plan
aérien éloquent du premier épisode caricature superbement la marginalisation de
Malcolm qui est au centre de l’image.
20
http://galeries.malcolm.free.fr/displayimage.php?album=1&pos=86
50
Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
3M8
Juste avant ce plan, le petit HP regarde le téléspectateur et lui lance une phrase
évocatrice : « Être intelligent dans ce genre de bahut, c'est exactement comme être
radioactif ».
Je trouve que ce plan traduit admirablement l’impression que la plupart des surdoués
ressentent. La transposition physique et criante d’un sentiment souvent mental et
plutôt tacite rend la scène hilarante, originale et, plus important, révélatrice.
Le décalage et le rejet qui en découle poursuivront Malcolm pendant les sept
saisons. Hormis les têtes d’ampoule, il aura peu d’amis et sa réputation dans son
collège se bornera à un Kelboyne associable vivant dans une famille pauvre et
totalement dérangée.
Malcolm va beaucoup souffrir de la haine incompréhensible dont il sera victime. Du
reste, dans l’épisode 18 de la cinquième saison, lorsque Malcolm apprend que Hal et
Loïs vont tester le QI de Dewey, il va tout faire pour protéger son petit frère. Malcolm
va pousser Dewey à saboter ses tests afin qu’il ne devienne pas une tête d’ampoule,
si bien que Dewey se retrouvera dans une classe d’enfants émotionnellement
perturbés. Par delà le comique de la situation, on perçoit bien la blessure de
Malcolm. La fiction rejoint la réalité.
Réactions, pensées et sentiments de Malcolm
Malcolm est le seul personnage de la série pouvant prendre le spectateur comme
témoin en aparté et s’adresser directement à lui. De ce fait, il brise le quatrième
mur21 et rend possible un échange entre deux parties qui ne sont pas supposées
interagir l’une avec l’autre. Ce rapport, que je qualifierais d’intime, crée une relative
complicité entre le téléspectateur et le principal protagoniste de la série.
Cette connivence permet au public de connaître l’avis, les états d’âme, ou la position
de Malcolm par rapport à un événement ou une situation précise.
Les sentiments qu’il confie à la caméra peuvent renvoyer à des impressions qu’un
surdoué ressent dans des situations quotidiennes. Il est clair que ces confidences
nous en apprennent sur l’état émotif du principal protagoniste mais gardons à l’esprit
21
Au théâtre puis, par extrapolation, dans les séries télévisées le quatrième mur est une séparation
virtuelle entre les acteurs et le public. Ainsi, personnages et spectateurs sont deux entités
indépendantes l’une de l’autre. Cependant, le quatrième mur peut être brisé pour qu’un personnage
puisse exprimer ses états d’âmes, son avis sur la situation directement au public.
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
3M8
que la transgression du quatrième mur n’est de loin pas le seul indicateur émotionnel
de Malcolm. Le petit HP est un garçon geignard. D’ailleurs, ce penchant le fait
souvent tomber dans les travers d’une victimisation égocentrique qu’il n’hésite pas à
déballer au premier venu.
Je pense que la raison pour laquelle Malcolm ne peut s’empêcher de se plaindre
trouve son origine dans la lucidité anxiogène des surdoués. On peut déjà voir que,
dès son plus jeune âge, Malcolm prend conscience de l’impitoyable système
professionnel dans l’épisode 2 de la saison 14. Il doit à peine être âgé de 12 ans
quand son père, possédé par le démon de la crise de la quarantaine, démissionne
pour assouvir un désir créatif complètement fantaisiste. Le petit HP, capteurs
émotionnels aux aguets, éprouve soudain une énorme angoisse pour son propre
avenir. Cet épisode montre bien le décalage de Malcolm par rapport aux enfants
ordinaires. Il subit une anxiété qu’il ne devrait même pas pouvoir comprendre pour
son âge. Les producteurs et scénaristes ont savamment reproduit la maturité des
surdoués au travers du principal protagoniste de la série.
Un autre aspect réaliste est subtilement traité dans la série, c’est le paradoxe d’un
enfant perspicace, mature sur le plan intellectuel mais qui reste toutefois au stade
infantile d’un point de vue émotionnel. Dans l’épisode 19 de la saison 4, Malcolm
rencontre dans un parc une sorte de miroir de ce qu’il est. Grognon, égoïste,
insatisfait, aigri par la vie, Leonard est, à mon avis, l’alter ego vieilli de Malcolm. Le
petit HP discernera spontanément les défauts, les souffrances de ce personnage
mais refusera ou ne pensera pas à faire le lien avec les siens. On voit parfaitement le
décalage, Malcolm est mûr intellectuellement pour percevoir les travers de ses
semblables mais refuse d’ouvrir les yeux sur ses propres défauts.
« Tu vis dans un monde enchanté, une jolie bulle de rêve. Tu ne sais même pas que
tu n’es qu’une infime poussière dérisoire, flottant dans un univers glacé régit par le
hasard »
22
. Voilà comment Malcolm, âgé d’environ 15 ans, explique à Dewey son
mal-être. On ressent dans cette phrase l’angoisse de n’être qu’une parcelle
infiniment petite dans un univers infiniment grand. On pourrait évidemment associer
ce spleen existentiel comme faisant partie intégrante de la crise de l’adolescence.
Selon moi, cet état n’est pas uniquement provoqué par la crise de l’adolescence
22
Citation tirée de l’épisode 1 de la saison 4 « Zizanie au zoo »
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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mais est un mal-être déjà présent, de manière édulcorée, dans son enfance. Par
exemple, dans le premier épisode Malcolm nous annonce tout de suite la couleur :
« vous savez finalement ce qu’il y a de bien dans l’enfance ? C’est qu’à un moment
donné ça se termine ». L’adolescence exacerbe simplement sa mélancolie. Malcolm
se sent incompris par les autres qu’il considère la plupart du temps comme étant des
« débiles profonds ». Il est incompris par les gens et il se renferme sur lui-même au
risque de sombrer dans une paranoïa mélancolique et destructrice. La solitude est
malheureusement trop souvent un compagnon fidèle des surdoués et je trouve que
ce thème transparaît délicatement dans la série. Incompris et rejeté par les autres,
Malcolm se noie parfois dans l’amertume et éprouve une certaine indifférence vis-àvis de ses semblables tout en restant un personnage hypersensible et plein de
compassion.
La honte est également un thème récurrent dans la série. Elle est étroitement liée à
la peur du jugement et du rejet face à autrui. Dès les premiers épisodes, Malcolm se
lie d’amitié avec la plupart des surdoués de sa classe et devient même leur leader,
leur modèle. Malgré son profond sentiment de sympathie à l’égard de ces « têtes
d’ampoule », Malcolm n’hésite pas à les dédaigner dans l’épisode 8 de la saison 1 :
Panique au pique-nique. Malcolm et sa famille sont conviés à un pique-nique
organisé pas la classe des « Krelboynes » au cours duquel les petits « génies » vont
présenter leur talents respectifs au travers d’expériences plus scientifiques et
soporifiques les unes que les autres. Malcolm aura énormément honte de son
potentiel intellectuel, surtout devant son grand frère Francis qu’il considère comme
son idéal. Le petit HP va donc mépriser ses amis devant son frère. Par exemple,
lorsque la famille arrive au pique-nique, Loïs dit à Malcolm que tous ses petits
copains sont là. Francis ayant entendu la remarque, Malcolm va s’empresser de
rectifier le tir en décochant une phrase assassine pour ses petits camarades : « Non,
c’est pas mes copains ! C’est une bande de taches, je t’assure ! ».
Je ne pense pas que Malcolm soit intrinsèquement un garçon méprisant. Il a de la
peine à accepter d’être différent et surtout d’être pris pour un fou. A ce sujet, alors
qu’il discute avec Stevie à propos de l’expérience qu’ils vont présenter, Malcolm
laisse transparaître son mal-être : « Franchement, t’en as pas marre d’être comme
on est ? Et que tout le monde nous prennent pour des tarés ? ». Stevie lui répond :
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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« On est comme on est, accepte-le ». Malcolm ajoutera : « Mais pas sans me
battre ! ».
On ressent dans ce dialogue un profond sentiment d’injustice et de rébellion de la
part de Malcolm. J’en reviens encore au besoin vital de se sentir apprécié et accepté
comme il est. De nombreux surdoués en viennent à maudire leur haut potentiel, car
ils le perçoivent comme une barrière invisible entre eux et les personnes ordinaires.
Malcolm n’a tout simplement pas encore accepté sa différence. Il se rejette lui-même
et rend donc impossible l’acceptation de l’autre. Stevie lui donne une vraie leçon de
vie. Au lieu de se morfondre dans son amertume, Malcolm devrait essayer de
s’accepter et aller de l’avant.
La phrase de Stevie est prophétique. Après avoir tout essayé pour éviter de
présenter ses talents sur scène, notamment en créant une bombe chimique, Malcolm
va s’assumer en fin d’épisode. Il va monter sur l’estrade et révélera ses dons pour
les manipulations mathématiques. Je préciserais qu’avant cet événement Malcolm
demandera à Francis : « Tu m’aimerais toujours même si tu apprenais que je suis
bizarre, pas vrai ? La famille ne me traiterait pas différemment ? »
Après avoir exposé ses dons incroyables, toute la famille se retrouve dans la voiture.
Un malaise silencieux règne et Malcolm est triste, car il pense que sa famille ne
l’accepte pas avec sa différence. Heureusement le malaise se dissipe lorsque la
famille le taquine gentiment sur ses dons en signifiant qu’ils font partie intégrante de
sa personnalité et que Malcolm est toujours un membre de la famille aimé et
accepté.
Je pense que cet épisode traduit plusieurs réalités et vérités essentielles pour les
surdoués. Pour aller de l’avant, il faut que le surdoué accepte sa différence. Cet
épisode montre bien combien il est difficile d’assumer son haut potentiel et que cela
ne se fait pas sans réels efforts. J’ajouterais également que si sa famille reconnaît et
accepte sa différence, Malcolm subira toujours le rejet de bon nombre de camarades
de son école. La série nuance bien le fait que même si Malcolm est accepté dans sa
famille, l’exclusion qu’il subit en société reste une blessure vive qu’il devra apprendre
à soigner et à utiliser.
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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Parents
Si la série formule habilement les sentiments du principal protagoniste, le rapport
entre les parents et la surdouance est quelque peu superficiel. Dans le premier
épisode de la saison 1, Hal et Loïs sont tout heureux à l’idée que leur fils soit un
« petit génie ». On ne ressent pas une réelle souffrance comme je l’avais mentionné
auparavant. Cela dit, il est possible que certains parents n’éprouvent pas de
souffrance spécifique à la surdouance de leur(s) enfant(s), mais cela est peu
courant. Hal et Loïs ne se doutent pas une seconde qu’un haut potentiel est très
fragile.
Les blâmer serait injuste de ma part. Durant toute la durée de la série, les parents de
Malcolm se battent pour garder la tête hors de l’eau financièrement. Ils leur restent
alors peu de temps pour se consacrer à eux ou à leurs enfants. Je rappellerais que
Francis, Dewey, Reese et Malcolm sont des enfants agités et dénués de tous sens
des responsabilités, ce qui les amène à faire les pires bêtises sans se soucier des
conséquences.
Loïs et Hal sont des parents courageux en dépit de leurs défauts. On apprend
d’ailleurs dans le dernier épisode de la saison 7 qu’ils ont déjà un avenir tout tracé
pour chacun de leurs enfants. Reese est destiné, pour sa plus grande joie, à devenir
concierge de son ancien lycée. Dewey sera un musicien de renom. Quant à
Malcolm, Hal et Loïs lui assurent qu’il doit devenir président des Etats-Unis et que
tous les malheurs, les privations qu’il a subi lui seront précieux pour défendre les
plus faibles.
Hormis le fait que ces prédestinations peuvent paraître loufoques, Hal et Loïs ont
cherché quel pourrait être le meilleur avenir pour chacun de leurs petits protégés.
Je pense que sur ce plan, la série s’éloigne de la réalité. Les producteurs associent
surdouance et réussite professionnelle, ce qui n’est pas forcément le cas. La série
présente la surdouance comme n’ayant quasiment aucune répercussion sur
l’éducation alors qu’il y en a beaucoup.
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
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Ecole et préjugés
Les producteurs et scénaristes de la série ont misé sur un aspect humoristique du
surdoué calqué sur les préjugés populaires. Bref, le surdoué est laid, n’a aucune vie
sociale et est doué dans toutes les branches intellectuelles. Cet archétype caricatural
s’intègre parfaitement dans le cadre d’une série comique. Le surdoué type de cette
sitcom ne représente de loin pas la réalité. Oui, quelques surdoués présentent ces
caractéristiques mais ils ne représentent pas la majorité. Est-ce par méconnaissance
de la surdouance ou pour l’intégrer dans le cadre comique et caricatural de la série,
que les producteurs ont crées des surdoués burlesques ? Je pense un peu des deux.
Il est évident que les producteurs doivent faire rire leur public et quoi de plus drôle
qu’un surdoué affublé d’énormes lunettes qui se passionne pour une mitose
cellulaire.
Pourtant, lorsque j’ai réellement compris les principales caractéristiques de la
surdouance et leurs effets, j’ai compris que la sitcom Malcolm ne traitait pas ce
thème de manière tout à fait réaliste.
Pour commencer, tous les surdoués de la série, y compris Malcolm, réalisent un
parcours scolaire prodigieux. Ils s’adaptent à merveille au système scolaire. Or, cela
ne reflète pas les estimations actuelles qui évaluent qu’un tiers des surdoués est en
échec scolaire, qu’un autre tiers s’en tire moyennement et que le dernier tiers s’en
sort bien voir même très bien. La conscience d’une pensée divergente ne transparaît
pas dans la série. Cela sous-entend que le système scolaire est parfaitement adapté
aux HP et que le seul problème est le rejet social. Pas de problème d’ennui en
classe ou de métacognition. La sitcom lie surdouance et réussite, ce qui est
totalement faux.
Pour finir, tous les surdoués de la série ont des centres d’intérêt qui gravitent autour
des deux systèmes de pensées hégémoniques mis en valeur actuellement qui sont
la pensée logico-mathématique et verbale/linguistique. On ne voit pas de petit HP
doté de surdon corporel/kinesthésique ou musical, excepté Dewey où une
ambivalence subsiste quant à son haut potentiel. En effet, Dewey a une
prédisposition congénitale à l’art musical et à la solidarité (intelligence
interpersonnelle), car il aide énormément les élèves émotionnellement perturbés de
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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sa classe. Selon moi, les scénaristes ne connaissaient pas le principe des
intelligences multiples énoncées par Howard Gardner et pensaient que la
surdouance ne touchait que la science, la logique et les lettres. Les petits surdoués
de la série sont en symbiose lorsqu’ils conversent sur des sujets « d’intello ». Je
trouve que ce cliché est simpliste. Un surdoué ne s’entend pas forcément avec tous
les HP qui sont des êtres hétéroclites indépendamment du facteur surdouance.
23
23
http://galeries.malcolm.free.fr/displayimage.php?album=33&pos=20
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
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6 Conclusion
Je pense que cette sitcom traite avec délicatesse et humour un thème si sensible et
si complexe.
Les sentiments trop souvent mélancoliques qui obsèdent les « petits zèbres » sont, à
mon avis, incroyablement bien présentés. On perçoit la solitude, la révolte, les
doutes de Malcolm à travers un cadre humoristique. Un équilibre de funambule a été
trouvé par les scénaristes pour s’interroger sur des thèmes en profondeur tout en
conservant une légèreté humoristique.
Evidemment, la série fait abstraction de certaines caractéristiques des surdoués que
j’ai pu analyser et décrire dans ce dossier. La série ne met pas au jour les problèmes
d’intégrations scolaires mais dépeint, en revanche, parfaitement le rejet de la
différence et ses conséquences sur un enfant. Peut-être que l’exacerbation
caricaturale des surdoués « intellos » mis au banc du reste de l’école a été voulue
par les producteurs de la série afin de susciter des réactions. En effet, il est possible
que la série dénonce cet ostracisme qui engendre une jalousie méprisante de la part
des enfants ordinaires de l’école qui les rejettent.
Quoi qu’il en soit, je trouve que cette sictom, en dépit de toutes ses petites
imperfections, a au moins le mérite de faire découvrir la surdouance au grand public.
Même si certains pensent qu’elle véhicule des préjugés archaïques, je pense que,
malgré tout, cette série propose de voir d’abord le surdoué comme un être humain.
Effectivement, Malcolm est, à première vue, un enfant « normal » qui se bat avec ses
frères et se goinfre devant la télévision. Il y a là un message important, ne pas
oublier qu’un enfant surdoué est d’abord un enfant et que par extrapolation, un
surdoué et avant tout un être humain. Il est donc capital de ne pas généraliser les
spécificités mentionnées dans mon TM.
La série Malcolm est, si l’on tient compte de la vision déformante du style caricatural,
une série plutôt réaliste. Evidemment, le thème de la surdouance n’est pas toujours
présenté de manière « orthodoxe » mais il en ressort des vérités, des paradoxes,
des questionnements qui méritent qu’on s’y intéresse.
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Malcolm et surdouance
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7 Bibliographie
Ouvrages
-
ADDA Arielle, Le livre de l’enfant doué. Le découvrir, le comprendre,
l’accompagner sur la voie du plein épanouissement, Paris : Solar, 2008,
[1999].
-
SIAUD-FACCHIN Jeanne, L’enfant surdoué. L’aider à grandir à réussir, Paris :
Odile Jacob, 2002.
-
SIAUD-FACCHIN Jeanne, Trop intelligent pour être heureux ? L’adulte
surdoué, Paris : Odile Jacob, 2008.
-
WINKLER Martin, Séries télé, Paris : Librio, 2005.
-
WINKLER Martin, Les miroirs de la vie, Paris : Le Passage, 2002.
Articles
-
HOFFMEYER Valérie, « Les surdoués sont parmi nous », Femina, 27
septembre 2008, p.30-34.
-
PERRODIN-CARLEN / KILLEELSIG Cathrine, « L’intelligence n’a pas de
sexe », Le Nouvelliste, 10 novembre 2006, p.35.
-
PERRODIN-CARLEN Dorris / NICOLET Laurent, « La complice des
surdoués », Migros Magazine, 10 mars 2008, p.11-12.
-
« On les appelle cancres », Bulletin de l’association vaudoise des parents
d’élèves, no 146, juin 2008, p. 2-5.
-
« Surdoué. Et s’ils étaient des enfants comme les autres ? », L’Hebdo, 15
février 2007, p. 42-48.
Et tous les nombreux articles distribués par Mme Isakov-Racine sur les séries télé.
Sites Internet
-
http://www0.dfj.vd.ch/URSP/activites/publications/ursp_publ/deux_points/19e.
htm
-
http://www.enfantsprecoces.info/versiontableau/1erspas/dyssynchronie.html
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
3M8
-
http://www.doris-perrodin.ch/fr_main.php?page=fr_bienvenue
-
http://www.relation-aide.com/dos_description.php?id=115
-
http://surdoues-info.ifrance.com/
-
http://www.painterskeys.com/letters_fr.asp?let=031007
-
http://www.painterskeys.com/letters_fr.asp?let=031007
-
http://www.cvm.qc.ca/jlalonde/cerveau/Ancien/
-
http://www.petitmonde.com/iDoc/Chronique.asp?ID=26391
-
http://en.wikipedia.org/wiki/Malcolm_in_the_Middle
-
http://malcolm-89.skyrock.com/
-
http://www.coaching-conseils.com/breve7.html
-
http://fr.wikipedia.org/wiki/Surdou%C3%A9#Suisse
-
http://thecircezone.free.fr/Thecircezone/fiche/malcolm.htm
-
http://fr.wikipedia.org/wiki/Malcolm_(s%C3%A9rie_t%C3%A9l%C3%A9vis%C
3%A9e)
-
http://www.malcolm-france.com/index.php
-
http://www.carriereccc.org/products/cp_99_f/section1/step3.cfm
-
http://www.lagruyere.ch/archives/2001/01.12.13/article4.htm
Ces sites ont été consultés durant une période qui s’étend du mois de juin à la fin du
mois de septembre de l’année 2008.
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Travail de maturité 2008
Malcolm et surdouance
Raphaël Ghidini
3M8
8 Quelques mots personnels
J’espère que vous avez eu du plaisir à lire ce (long) dossier. En tout cas, j’ai eu du
plaisir à l’écrire. J’avoue, qu’il y a encore à peine quelques mois, je n’aurais jamais
imaginé écrire autant de pages. Avoir essayé de comprendre la surdouance a été
très enrichissant. Le fait de m’être intéressé à des enjeux, des problèmes méconnus
m’a permis d’ouvrir un peu plus mon esprit à la réflexion et de faire des liens
multiples comme par exemple sur le système scolaire en général. Les
connaissances que j’ai acquises grâce à ce dossier sont énormes, car la surdouance
se rattache à de nombreux sujets. C’est pour cela que j’extrapole certains sujets de
mon dossier. Je sais que ce choix est critiquable mais je l’assume.
Ce travail m’a également permis de briser des truismes erronés et des préjugés
réducteurs. J’ai découvert que l’intelligence ne se borne pas aux frontières du
raisonnement logique mais qu’elle peut receler de multiples facettes. J’ai également
appris que l’intelligence n’est pas synonyme d’une logique de glace mais qu’au
contraire, elle est indissociable de la sensibilité.
Charles Baudelaire a d’ailleurs énoncé une phrase magnifique à ce propos :
« Ne méprisez la sensibilité de personne. La sensibilité de chacun, c’est son génie ».
Bref, je pourrais encore écrire de nombreuses pages sur le sujet et ce qu’il m’a
apporté mais je crois que ce dossier en contient suffisamment.
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