Article Grégoire de Préneuf - Publication ISEOR

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Article Grégoire de Préneuf - Publication ISEOR
PERFORMANCE DURABLE ET MANAGEMENT
SOCIO-ÉCONOMIQUE
Grégoire DE PRÉNEUF
Directeur-Associé,
Deuzzi, www.deuzzi.fr
(France)
1. PARADOXES DE LA CROISSANCE DU SECTEUR DES
SERVICES EN INGÉNIERIE INFORMATIQUE ET PROJETS
SOCIO-ÉCONOMIQUES
Grégoire DE PRÉNEUF
Je me suis interrogé sur les raisons de mon intervention à ce
colloque sur le thème de la ré-industrialisation. Plusieurs raisons peuvent
être soulevées. Premièrement, le service est une industrie. En effet, une
société de service doit être extrêmement forte et organisée, plus qu’une
société dite industrielle. Elle doit utiliser des méthodes d’organisation
très structurantes dans le but de renforcer son fonctionnement interne et
ne peut que montrer son savoir-faire. Cela nécessite une importante
rigueur dans le management et dans l’organisation de la structure. Par
ailleurs, j’ajouterai que, selon moi, une entreprise ne doit pas attendre
d’être en crise pour faire le choix du management socio-économique. Il
peut aussi bien être appliqué dans une visée proactive, offensive et
opérationnelle qu’en situation de crise.
1.1. Croissance du secteur des services en ingénierie informatique
Deuzzi est le fruit d’une rencontre avec Franck Gotte. Nous
sommes deux associés à parts égales depuis 10 ans. Franck Gotte a reçu
une formation d’ingénieur en informatique et était, avant notre rencontre,
un responsable informatique en temps partagé indépendant. En ce qui me
concerne, j’ai été formé dans une école supérieure de commerce. Notre
travail avec l’Iseor est issu d’une rencontre avec Dominique Villard qui a
effectué un master de recherche en management socio-économique et a
émis le souhait de rejoindre notre équipe pour travailler avec nous. Nous
le recrutions un jour après sa demande. Il est actuellement le responsable
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du développement interne et il pilote le projet interne de management
socio-économique.
Nous avons constaté que le marché des services informatiques
était hétérogène et illisible pour les entreprises du fait de la multiplicité
de sociétés de maintenances, de travailleurs indépendants, d’opérateurs,
d’éditeurs, de sociétés unipersonnelles et d’autres prestataires de
services. Le marché est donc extrêmement diffus. Les entreprises qui
n’ont pas les moyens de se doter d’un service informatique interne
structuré avec un directeur, un responsable de système d’information, un
technicien et une assistance technique par téléphone ont des difficultés à
survivre dans ce domaine stratégique à complexité croissante. Pour aider
ces entreprises, notre choix fondateur était de construire un service
informatique et de télécommunication sur mesure et de nous placer en
interlocuteurs entre les petites et moyennes entreprises, le marché et cette
multitude de prestataires ; la plupart de nos clients ne disposant pas de
service informatique interne.
Nous avons trois grandes originalités. La première concerne
notre approche transversale du système d’information à travers
l’informatique, la télécommunication, la bureautique, et le conseil
technique. Notre offre est complète. Notre seconde originalité est notre
indépendance totale vis-à-vis du marché. Ainsi, nous n’avons aucun
partenariat externe et 99 % de notre chiffre d’affaires en services est
réalisé par nos propres moyens. Enfin, nous privilégions un
accompagnement préventif plutôt qu’une classique démarche curative de
maintenance dans le but d’accroître la maîtrise du système d’information
de nos clients. Nous sommes en quelque sorte le « médecin généraliste
chinois » de la petite et moyenne entreprise. Nous accompagnons 130
structures clientes de cinq à 350 postes. Nous comptons 47
collaborateurs qui gèrent près de 4 000 postes informatiques. La
croissance de Deuzzi est à deux chiffres et régulière. Nous sommes le
plus grand service informatique et de télécommunication du territoire.
En termes de projet d’entreprise, nous avons un dynamisme
important. À l’issue d’un séminaire interne en mai 2011, nous avons
lancé un nouveau projet appelé « Ambition 2015 ». Ce projet vise à
recruter 100 personnes à horizon 2015 dans l’objectif de continuer à
respecter nos clients en faisant progresser la qualité de services chaque
année et en privilégiant la promotion interne et le respect de nos
collaborateurs. Cependant, nous avons lancé ce projet sans avoir pris un
recul suffisant sur notre situation. C’est un peu plus tard que nous avons
pris conscience des attentes internes extrêmement fortes, de l’importance
des temps perdus, des soucis liés à la grande mobilité du personnel et de
la souffrance dans l’entreprise. Nous travaillons plus tout en valorisant
de moins nos actions auprès des clients externes.
Source : Réindustrialisation et dynamisation multi-sectorielle - 2013
Le grand paradoxe du secteur des services informatiques est que
le marché est a priori en croissance et rentable. L’investissement dans ce
marché est donc facile. La demande et les attentes croissent de 10 % par
an, autant que les exigences. Le paradoxe réside dans le fait que la moitié
des entreprises privilégient le chiffre d’affaires au détriment de la
rentabilité. Elles s’endettent et peu de sociétés dans ce domaine sont
saines. Nous constatons chez nos concurrents de la stagnation, des
chiffres non communiqués, une forte rotation du personnel et de
l’insatisfaction sociale voire des redressements judiciaires. Il n’est pas
facile de perdurer dans ce secteur.
Face à ces insatisfactions, nous avons relancé ce projet
« Ambition 2015 » dans un séminaire intitulé : « Tous acteurs du
projet ». Nous commençons à avoir des écarts importants entre les
services, la Direction et certains collaborateurs. Le diagnostic réalisé
avec l’Iseor nous a révélé deux vraies surprises. La principale est que,
même dans notre entreprise, créée par deux associés complémentaires,
l’un ayant des compétences techniques tandis que l’autre bénéficie des
compétences commerciales, nous avons réussi, malgré nous, à créer une
scission des deux fonctions. L’autre grande surprise était la révélation
des coûts cachés, estimés à 60 000 euros par collaborateur et par an.
Nous avons ainsi identifié quelques axes prioritaires pour apporter des
solutions à nos problématiques. Le premier concernait le renforcement
de l’encadrement intermédiaire et la résolution des limites de notre
fonctionnement dans le passé. Un axe important sur la gestion du temps
consistait à muter d’un système de régie à un système de forfait, c'est-àdire de basculer d’un système de temps passé à un système plus
rigoureux et pertinent de contrôle des activités et de la valeur apportée à
nos clients. Nous avons travaillé sur nos axes stratégiques en opérant
quatre choix :
- garantir notre capacité d’autofinancement pour conserver notre
indépendance et financer notre développement par la diminution des
coûts cachés grâce à une gestion plus rigoureuse ;
- développer une pépinière managériale et une pépinière métier en
travaillant sur les compétences des personnes, l’intégration et la
polyvalence ;
- renforcer nos activités de conseils par un axe innovation, nécessaire
dans le secteur du service pour rester fort. Sur le second semestre
2012, nous développons trois nouveaux produits ;
- accroître et renforcer notre présence et proximité territoriale.
1.2. Mise en œuvre d’un projet socio-économique dans une société de
services en ingénierie informatique
Un projet socio-économique a été mis en place en janvier 2012
et tous les collaborateurs ont été intégrés dans des groupes de travail.
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Nous avons investi 40 000 € sur le renforcement interne. De ce fait, nous
passons un temps considérable à la formation, à la montée en
compétence des managers et à l’acquisition de nouveaux outils et de
savoir-faire nécessaires aux petites et moyennes entreprises. Un audit
des dysfonctionnements et une refonte de l’organigramme ont également
permis de décloisonner les services. En effet, une cause du
cloisonnement relevait de la constitution même de l’organigramme. La
direction technique dirigeait une équipe exclusive de techniciens et la
direction commerciale ne gérait que le personnel commercial. Le choix
de mélanger les équipes a permis de constituer des « business units »
proches du terrain. La phase actuelle du projet socio-économique
consiste à mettre en œuvre les plans d'actions prioritaires et les contrats
d'activités périodiquement négociables sous forme d’un projet intitulé
dans notre entreprise « Grandir ». Ils sont à mettre en place en octobre
2012.
« La mise en œuvre »
Résultats attendus
Investissements
Janvier 2012
Mars 2013
CHVACV 51 €/h
CHVACV 44,58 €/h
Avril
Managers
Ensemble
Août
Septembre
Mars
Formation des managers au management de proximité ;
acquisition de nouveaux outils et savoir-faire : auto-analyse des
temps, tableaux de bord de pilotage, grilles de compétences
Audit des
dysfonctionn
ements
Groupes de
projet
Mise en œuvre des PAP et
CAPN « GRANDIR »
Refonte de
l’organigramm
e
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Le projet est calibré pour les trois prochaines années. Il a pour
objectifs de valoriser de manière effective le capital humain, les
compétences et l’évolution de chacun, les actions et la valeur apportée
aux clients et aux prospects. La mise en place de notre stratégie est
extrêmement rapide car nous voulons montrer un signe fort à nos
équipes. Il est crucial que les personnes ayant de la critique à l’égard de
notre fonctionnement puissent sentir la vélocité du changement. Nous
prévoyons ainsi une croissance de 24 % avec un progrès supérieur de la
rentabilité, six nouvelles embauches en septembre 2013 et l’ouverture
d’une nouvelle agence à Annecy. En un mois, de nouvelles pratiques
salariales et managériales se sont traduites par la refonte du système de
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primes et d’intéressement. Nous parlons à présent de comportement avec
nos collaborateurs sans complexe. En évoquant ce sujet, nous abordons
les aspects les plus importants, ceux qui précède le financier et le
qualitatif et cela fait croître le courage, l’ascendant managérial et la
responsabilité du collaborateur. Dans les bureaux, tout le monde se parle,
deux ou trois réunions sont toujours en cours, les personnes sont en
concertation. Une ambiance de démarrage a été ravivée.
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