Structures innovantes pour adultes handicapés et Services d

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Structures innovantes pour adultes handicapés et Services d
Structures innovantes
pour adultes handicapés et Services
d’Accompagnement à la Vie Sociale (SAVS) :
différences et évolutions
par Patrick GUYOT, conseiller technique du CREAI de Bourgogne
Compte tenu de l’actuelle diversité des formules d’hébergement des personnes handicapées
adultes, il est parfois difficile d’identifier précisément leurs spécificités. La traditionnelle vision
bipolaire distinguant les formules d’hébergement collectif traditionnelles (les institutions) d’un
côté (foyer d’hébergement, foyer de vie, MAS, FAM1), et les formules d’accompagnement à
domicile (SAVS, SAMSAH, SAD2…), de l’autre, est battue en brèche par l’arrivée dès les
années 1990 de formules intermédiaires que l’on qualifiera « d’innovantes »3.
Une enquête lancée par un groupe de travail inter commissions du CREAI4 durant le premier
semestre 2007 avait pour objectif d’identifier et de mieux connaître, en Bourgogne, ces
différentes formules d’accompagnement d’adultes handicapés vivant en milieu ordinaire. Par
« milieu ordinaire », il fallait entendre dans le cadre de cette enquête des formules
d’accompagnement, voire d’hébergement, autres que celles proposées traditionnellement par les
foyers offrant un hébergement « collectif »5. Il pouvait s’agir de personnes vivant en logement
indépendant, en famille, en famille d’accueil, ou en FJT. Le présent article livre la synthèse des
principaux résultats de cette enquête tout en interrogeant la différenciation entre les SAVS et
les structures innovantes ; il se termine par quelques pistes d’évolution de l’actuel dispositif
d’accueil.
1
MAS : maisons d’accueil spécialisées – FAM : foyers d’accueil spécialisé
2
SAVS : services d’accompagnement à la vie sociale – SAMSAH : services d’accompagnement médico-social pour
adultes handicapés – SAD : services d’aide à domicile)
3
Confère à ce propos la circulaire DGAS/1 C/SD3 n° 2007-142 du 10 avril 2007 relative à l’appréciation de la
condition de logement indépendant prévue aux articles L 821-1-1 et L 821-1-2 du Code de la sécurité sociale
(complément de ressources et majoration pour la vie autonome liés à l’AAH) qui précise la notion de logement
indépendant en lien avec les formules innovantes d’hébergement
4
Membres permanents du groupe de travail : Odile Baverel (DHAH-SAVS ACODEGE Dijon - 21), Michel Charvolin
(FSA APAJH Chalon/Saône - 71), Monique Chevaux (AMEC Hébergement - Chalon/Saône - 71), Catherine Damelet
(Foyer ADFAAH Fontaine de Barange - Buxy – 71), Nadine Parenty (SAVS Papillons Blancs de Beaune - 21), Pascal
Scherbam (SAVS PEP Bar/Seine - 10), Jean-Paul Voituret (Foyer du Parc - Papillons Blancs - Paray le Monial - 71)
5
C’est-à-dire sous forme de chambres individuelles regroupées dans un même bâtiment ou corps de bâtiments
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à la Vie Sociale (SAVS) : différences et évolutions
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Méthodologie de l’enquête
Cette enquête consistait en un questionnaire de sept pages adressé à l’ensemble des
établissements et services d’accompagnement pour adultes handicapés6 des quatre
départements de Bourgogne. Ne devaient le remplir que les structures entrant dans le champ de
l’enquête tel qu’énoncé plus haut.
Au total, ce sont 23 structures7 dont les questionnaires ont été retenus8 comprenant 13 SAVS
et 10 structures innovantes. Sur ces 23 questionnaires renseignés, aucun ne concernent des
MAS, des FAM ou des SAMSAH (ces derniers étant créés récemment).
La question de la dénomination des structures
Si les 13 SAVS se reconnaissent sous cette dénomination, deux en Saône et Loire sont
cependant identifiés comme services de soutien à domicile. Hormis pour un SAVS créé
en 1983, la majorité de ceux qui ont répondu à notre enquête a été créée durant ces dix
dernières années.
Parmi les 10 autres structures « innovantes », on notera la présence de six « foyers
d’hébergement d’accompagnement » (FHA), formule propre à la Saône et Loire (règlement
départemental d’aide sociale9). Les autres sont désignées comme résidence, service éducatif et
d’accompagnement social, ou encore foyer d’insertion. Un foyer d’hébergement collectif offre à
trois personnes une prestation d’accompagnement en appartement indépendant. Ces structures
innovantes ont été créées à partir de 1990.
I - Les critères permettant de distinguer les structures
innovantes des SAVS
Bien que 13 structures se reconnaissent comme des SAVS, nous avons vérifié si les prestations
qu’elles offraient et leurs modalités d’intervention étaient conformes au décret relatif à ces
services10, et que nous avions bien affaire à des SAVS 11. Quant aux structures innovantes, nous
tenterons d’en identifier les caractéristiques propres au travers des résultats de l’enquête et de
comprendre en quoi elles se différencient des SAVS et des foyers traditionnels.
 Le lieu de vie des usagers n’est pas un critère permettant de distinguer les SAVS et
6
7
Foyers d’hébergement, SAVS, foyers de vie, MAS, FAM.
Bien que n’entrant pas dans le champ de notre enquête, 7 services d’activités de jour (SAJ) ont rempli le
questionnaire ; afin de ne pas perdre les données collectées, nous les avons exploitées et elles feront l’objet d’un
article ultérieurement. Il s’agit en effet d’une formule en fort développement s’articulant avec les structures
concernées par notre enquête
8
Certains questionnaires renseignés concernaient des structures n’entrant pas dans le champ de l’enquête
9
A l’heure où nous rédigeons ce texte, un nouveau règlement départementale d’aide sociale de la Saône et Loire a
été adopté par le l’assemblée du Conseil Général et en passe d’être publié
10
Décret 2005-1135 du 7/12/2005 (art. D312-162 et suivants du code de l’action sociale et des familles)
11
On mentionnera une structure reconnue administrativement comme SAVS en Saône et Loire alors qu’elle offre
essentiellement des prestations d’activités de jour (nous l’avons reclassée dans cette catégorie (SAJ)
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structures innovantes
Nous pensions que le principal critère de discrimination entre les SAVS et les structures
innovantes tiendrait à la nature du lieu de vie des usagers, lieu dans lequel sont
essentiellement12 délivrées les prestations : les SAVS proposant des prestations
d’accompagnement au domicile des usagers (propre domicile en location ou en propriété,
famille, famille d’accueil, foyer de jeunes travailleurs), sans fournir d’hébergement, alors que les
structures innovantes interviendraient exclusivement dans des appartements qu’elles mettent à
la disposition de leurs usagers.
Si les SAVS ayant répondu à notre enquête ne fournissent effectivement pas la prestation
hébergement, les formules innovantes indiquent intervenir dans la majorité des cas, au même
titre que les SAVS, au propre domicile de leurs usagers. Signalons que dans le questionnaire,
nous précisions que le propre domicile était défini par le fait que la personne était signataire (ou
son tuteur le cas échéant) du bail de location. Nous avions apporté cette précision car bien
souvent les établissements pour adultes handicapés considèrent que la chambre ou
l’appartement mis à disposition de leurs usagers, y compris dans l’enceinte de l’établissement
(foyer d’hébergement, foyer de vie…), constitue leur domicile 13 propre ; partant de là,
l’accompagnement pouvait être alors perçu comme se déroulant à domicile, et biaiser les
résultats de l’enquête.
Mais cette précision n’est pas forcément suffisante ; en effet, la personne handicapée peut soit
payer son loyer à un bailleur ordinaire, que le logement soit intégré dans la cité ou regroupé
avec d’autres logements occupés par d’autres personnes handicapées, soit elle peut le souslouer à l’établissement ou à l’organisme gestionnaire. Les structures innovantes ayant répondu à
l’enquête utilisent plus ou moins ces différentes formules et le risque de biais dans leurs
réponses au questionnaire est réel puisqu’elles peuvent considérer en toute bonne foi que la
personne qui leur sous-loue un logement signe un « quasi-bail » avec elles.
Trop difficile à cerner, la notion de domicile propre n’est donc pas pertinente ; pourrait-on alors
utiliser celle de logement indépendant en nous appuyant sur la circulaire du 10 avril 2007 citée
plus haut. Dans la mesure où les usagers paient un loyer et que la structure différencie le
paiement de ce loyer des autres prestations (accompagnement notamment), cette circulaire
considère qu’il s’agit d’un logement indépendant ouvrant droit en l’occurrence aux compléments
de l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH), cela bien que ces appartements appartiennent
« à une structure dotée de locaux communs meublés ou de services collectifs ou fournissant
diverses prestations annexes moyennant une redevance » (article R.821-5-2 du Code de la
sécurité sociale). Si cette position administrative nous aide à mieux cerner la notion de logement
indépendant, elle ne permet pas véritablement de distinguer les SAVS des structures
innovantes, notamment dans les départements ayant opté pour tout ou partie des foyers
d’hébergement pour une formule14 distinguant la prestation d’hébergement, payée directement
par l’usager, de l’accompagnement, financée par le Conseil Général. Dans ce cas, tous les
logements, même situés dans un foyer traditionnel collectif peuvent alors être considérés
comme des logements indépendants suivant l’acception extensive de l’administration.
On le voit, les modalités d’hébergement et leur statut sont divers et ne permettent pas de
distinguer les SAVS des structures innovantes aussi clairement que nous l’avions imaginé. Cette
12
Certaines prestations pouvant être délivrées dans les locaux du SAVS ou de la structure ou dans d’autres lieux
13
Il est vrai que la circulaire du 12/12/2006 relative à la lutte contre le tabagisme dans les établissements sociaux et
médico-sociaux reconnaît la chambre des résidents comme un domicile privatif, donc échappant aux règles
applicables aux locaux collectifs
14
Formule qui remplace le mode traditionnel de participation aux frais d’hébergement et d’entretien (article D 344-35
du Code de l’action sociale et des familles)
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diversité est en soi positive dans la mesure où elle peut être le signe de réponses adaptées aux
attentes et besoins de chaque usager. Nous reviendrons à la fin de ce chapitre sur les problèmes
néanmoins soulevés par cette situation.
Avant de poursuivre notre recherche des caractéristiques distinctives des SAVS et des
structures innovantes, nous reprenons les différents statuts des usagers par rapport à leur
logement dans le tableau suivant ; on notera que, dans ce tableau, nous n’intégrons pas la
fréquente mise à disposition d’un logement (chambre, studio…), dans l’enceinte de
l’établissement ou à l’extérieur, par un foyer traditionnel proposant un hébergement collectif
sans que les usagers soient locataires ou sous-locataires.
Tableau : Le statut des usagers par rapport à leur logement et les modes d’accompagnement liés
Propriétaire
Cas 1
L’usager
Cas 2
Particulier,
office HLM…
Cas 3
Locataire direct
Sous-locataire
Structures
d’accompagnemen
t
Situation
du logement*
SAVS, structures
innovantes
Intégré dans le parc
immobilier ordinaire
L’usager
SAVS, structures
innovantes
Intégré dans le parc
immobilier ordinaire
Organisme
gestionnaire
de l’Ets
L’usager
SAVS, structures
innovantes
Logements
(regroupés ou non)
intégrés dans le parc
immobilier ordinaire
ou dans l’enceinte
d’un foyer
Cas 4
L’établissement
L’usager
Structures
innovantes
Logements
(regroupés ou non)
intégrés dans le parc
immobilier ordinaire
ou dans l’enceinte
d’un foyer
Cas 5
Particulier,
office HLM…
L’établissement
Structures
innovantes
Logements
(regroupés ou non)
intégrés dans le parc
immobilier ordinaire
ou dans l’enceinte
d’un foyer
L’usager
* situation la plus fréquente
 Les fréquences d’intervention auprès des usagers et le taux d’accompagnement
distinguent les SAVS des structures innovantes
Ces deux critères, d’ailleurs liés, sont ceux semblant différencier assez nettement les SAVS des
structures innovantes. Bien que la fréquence des interventions auprès des usagers soit variable
et adaptée à chaque usager, il ressort de l’enquête que les SAVS privilégient la fréquence d’une
intervention par semaine avec un taux d’accompagnement variant entre 6 et 25 usagers par
personnel d’accompagnement (dont 8 SAVS entre 11 et 20). Quant aux structures innovantes,
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leurs fréquences d’intervention sont plus souvent de plusieurs fois par semaine, voire
quotidiennes, et leur taux d’accompagnement est très majoritairement de 1 à 10 usagers par
personnel d’accompagnement.
Le type de déficience des usagers accompagnés explique-t-il ces différences ? Le croisement
des taux d’accompagnement avec le type de déficience indique pour les SAVS qu’il n’y a pas de
corrélations significatives : globalement, les fréquences d’intervention et les taux
d’accompagnement sont identiques qu’il s’agisse de déficients intellectuels ou de personnes
handicapées psychiques, public qui constitue l’essentiel des personnes accompagnées par les
SAVS15. Les structures innovantes interviennent également auprès d’usagers ayant ces mêmes
types de déficience ; pour elles aussi, il n’y a pas de corrélations évidentes entre le taux
d’accompagnement et les types de handicap.
Sans que nous ayons enquêté sur ce point, il est fortement probable que les fréquences
d’intervention et les taux d’accompagnement soient liés au degré d’autonomie des usagers16.
Nous reviendrons plus loin sur cet aspect.
 Les prestations proposées et la coordination ne sont pas des critères discriminants
Nous proposions dans une question un ensemble de 11 prestations d’accompagnement17 : les
structures renseignant le questionnaire devaient cocher les cases les concernant. Il ressort des
résultats de l’enquête que l’éventail de ces prestations est large, tant pour les SAVS que pour
les structures innovantes, et ne permet pas de les distinguer. On mentionnera simplement que la
prestation « suivi et coordination des actions des différents intervenants » est souvent mise en
œuvre par les structures innovantes (8/10) et par les SAVS (10/13) ; la différence tient
seulement au fait que les structures innovantes, quant elles l’activent, le font pour l’ensemble
de leurs usagers, alors que les SAVS le font parfois pour une partie d’entre eux.
 Les budgets par usager des structures innovantes sont nettement plus élevés que
ceux des SAVS
Les établissements et services ayant répondu à notre enquête nous ont indiqué soit le prix de
journée, soit la dotation globale annuelle qu’ils perçoivent ; pour faciliter les comparaisons, nous
avons converti l’ensemble en prix de journée, ce qui nous donne les valeurs suivantes :
−
−
SAVS
: de 7 € à 21 €18 (moyenne : 12,98 €)
Structures innovantes : de 26 € à 90 € (moyenne : 45,30 €)19
15
Certains SAVS ayant répondu à l’enquête accompagnent essentiellement des personnes handicapées psychiques et
un seulement des personnes traumatisées crâniennes
16
Cela aurait trop alourdi l’enquête puisque, pour être fiable, il aurait fallu remplir un questionnaire spécifique par
usager. Le référentiel et la grille d’évaluation des besoins des usagers actuellement en cours d’expérimentation dans
le cadre de la Commission « hébergement et accompagnement » du CREAI Bourgogne (référentiel qui s’inspire de la
classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (CIF) de l’Organisation Mondiale de la
Santé (OMS)) pourra par la suite permettre plus facilement la vérification de cette hypothèse
17
Par exemple : l’évaluation des besoins et des capacités d’autonomie ; la délivrance d’informations et de conseils ;
l’aide dans les activités de la vie quotidienne ; le soutien éducatif et psychologique…
18
Nous avons écarté de ce calcul un SAVS accompagnant des personnes traumatisées crâniennes avec un prix de
journée de 51 €, nettement au dessus de celui des autres SAVS ayant répondu à l’enquête
19
Pour comparaison, un foyer d’hébergement ordinaire perçoit un prix de journée moyen d’environ 90 €
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Le montant des allocations budgétaires confirme la différence entre les SAVS et les structures
innovantes concernant les fréquences d’intervention et les taux d’accompagnement ; en effet,
les frais liés aux personnels constituent l’essentiel du budget de ces établissements et services.
Outre la dispersion des montants des prix de journée à l’intérieur de chaque type de structure
qui ne semble pas s’expliquer par la nature des déficiences ou le degré d’autonomie des
usagers, la moyenne des prix de journée en SAVS est nettement plus faible que celle des
structures innovantes.
 Les qualifications des personnels d’accompagnement : les ES et les CESF très
présents en SAVS
Selon l’enquête, les éducateurs(trices) spécialisé(e)s (ES) et les conseillères en économie sociale
et familiale (CESF) sont les professionnels les plus représentés en SAVS, suivis des aides
médico-psychologiques (AMP) et des auxiliaires de vie sociale (AVS). En structures innovantes,
les ES, les AMP et les moniteurs éducateurs (ME) sont les plus fréquents, suivis par les CESF et
les AVS. L’enquête confirme la présence significative des CESF dans les SAVS et les structures
innovantes.
Il n’y a pas de corrélation entre le montant du prix de journée et le niveau de qualification des
personnels d’accompagnement : le SAVS percevant le prix de journée le plus faible (7 €)
emploie exclusivement des ES et des CESF ; en revanche, il a le taux d’accompagnement le plus
élevé (1 personnel d’accompagnement suit de 20 à 25 usagers). Il n’y en a pas non plus entre
la nature des déficiences des usagers et les qualifications des personnels.
 La participation des usagers aux frais d’accompagnement : des règles similaires
Qu’en est-il des règles financières de participation des usagers aux frais engendrés par leur prise
en charge ? Pour ce qui concerne les structures ayant répondu à l’enquête, en général,
l’accompagnement par un SAVS n’entraîne pas de contribution20 de l’usager. C’est bien souvent
également le cas pour les structures innovantes :
pour les foyers d’hébergement
d’accompagnement (FHA), le système de non réversion établi en Saône et Loire auquel nous
avons déjà fait allusion n’entraîne pas de participation des usagers aux frais
d’accompagnement ; dans les autres départements bourguignons, c’est plus ou moins une règle
semblable qui s’applique avec un financement distinguant la prestation hôtelière (hébergement,
restauration, entretien) de la prestation d’accompagnement.
20
Sauf dans le département de l’Yonne où une participation de 21 € à 72 € par mois est exigée. Ce coût ne devrait-il
pas être pris en charge par la collectivité, conformément à l’esprit et la lettre de la loi « handicap » du
11 février 2005, dans la mesure où il s’agit d’un moyen de compensation des conséquences du handicap (par la
prestation de compensation du handicap) ?
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II - Faut-il transformer les structures innovantes en SAVS ?
Les principaux éléments de l’enquête présentés ci-dessus montrent que les SAVS sont plutôt
réservés à des personnes ayant un niveau d’autonomie suffisant pour se contenter d’une
fréquence d’intervention des personnels d’accompagnement en moyenne une fois par semaine.
Quant aux structures innovantes, leurs usagers nécessitent en moyenne une fréquence
d’intervention plus élevée allant d’une fois par journée à plusieurs fois par semaine. C’est donc
plus une différence quantitative que qualitative qui distingue les structures innovantes des
SAVS. Il s’ensuit logiquement une différence d’allocation budgétaire par usager et de taux
d’accompagnement.
A ce stade, on pourrait conclure que les deux formules se complètent à merveille pour offrir un
éventail de réponses adaptables aux choix et besoins de chaque usager. Mais on peut
également s’interroger sur l’opportunité des structures innovantes dans la mesure où elles
pourraient être remplacées par des SAVS, sous réserve de donner à ceux-ci davantage de
moyens, ce que n’interdit nullement le décret du 7 décembre 200521.
Cette option lèverait en plus un certain nombre d’interrogations auxquelles sont confrontées des
structures innovantes :
−
Quels sont les liens entre le logement loué et la prestation d’accompagnement ? Autrement
dit, un usager pourrait-il refuser l’accompagnement tout en conservant le logement dit
indépendant ? Ceci est d’autant plus vrai lorsque les usagers paient leur loyer à un bailleur
externe alors que les appartements sont regroupés sur un site commun avec les locaux
collectifs du foyer.
−
Les structures innovantes sont-elles des établissements ou des services ? La question est
loin d’être triviale quand ces structures interviennent dans les appartements indépendants
des usagers loués ou sous-loués à un bailleur quel qu’il soit (l’organisme gestionnaire, la
structure, un bailleur externe). L’appartenance à l’une ou l’autre des catégories entraîne de
facto l’obligation ou non de proposer un contrat de séjour aux usagers ; les résultats de
l’enquête montrent que si la majorité des structures innovantes proposent des contrats de
séjour22, quelques-unes établissent seulement des documents individuels de prise en charge,
ce qui est significatif de l’ambivalence de leur statut.
−
On notera que les règles relatives à la sécurité incendie, à la veille de nuit, pour ne citer que
ces exemples, sont également différentes en fonction du statut de la structure et génèrent
des contraintes plus lourdes pour les établissements que pour les services.
La transformation des structures collectives en SAVS, en tant que services, permettrait certes
de contourner les problèmes listés ci-dessus ; pourtant il serait démesuré d’opérer cette
transformation seulement pour ces raisons ; il serait plus simple que les Départements apportent
des solutions à chacun de ces problèmes au travers de modifications de leur règlement
départemental d’aide sociale (RDAS) concernant les structures innovantes. La question qui doit
être posée est plutôt de savoir ce que les structures innovantes apportent de plus et de mieux
par rapport aux SAVS ; autrement dit, quelle est leur valeur ajoutée ?
21
Voir note n° 7
22
Rappelons que selon les dispositions de la loi 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale,
les établissements doivent proposer un contrat de séjour alors que les services ne sont soumis qu’à l’obligation
d’établir un document individuel de prise en charge signé par le directeur du service (il n’a pas un caractère
contractuel)
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 La question de l’autonomie des usagers
Il semblerait, comme nous l’avons vu, que ce soit un accompagnement quantitativement plus
important qui différencie pour l’essentiel les structures innovantes des SAVS, accompagnement
rendu possible par des moyens financiers plus conséquents ; ceci pour répondre aux besoins
d’accompagnement d’usagers moins autonomes que ceux des SAVS tout en étant plus
autonomes que ceux accueillis en établissement collectif.
La notion d’autonomie est sans doute à définir : toutes les personnes handicapées sont plus ou
moins dépendantes23 d’aides humaines ou techniques en raison de leur(s) déficience(s) ; en
revanche, toutes n’ont pas de problèmes d’autonomie, autonomie définie, selon l’étymologie24,
comme la capacité à gouverner sa propre vie. Concrètement, cela revient pour les personnes
handicapées, comme pour tout un chacun, d’être en capacité par exemple de gérer la mise en
œuvre et l’organisation de ses aides humaines, d’organiser son quotidien dans le champ du
domestique (alimentation, entretien, achats…), d’organiser ses loisirs… Nous parlons bien de
gérer, d’organiser et non pas de réaliser25 : une personne peut être en capacité de réaliser un
repas mais pas de gérer ce qui permet en amont de préparer ce repas : anticiper l’achat des
produits nécessaires en fonction de son budget, appréhender le temps nécessaire à ces achats
et à la préparation du repas… Au contraire, une personne handicapée peut être, du fait de son
handicap, dans l’impossibilité de réaliser le repas tout en étant capable de l’organiser (préparer
la liste des courses en temps utile pour la fournir à un auxiliaire de vie).
Le degré d’autonomie détermine à notre sens l’opportunité de l’intervention d’un SAVS ou
d’une structure innovante, et a fortiori l’accueil en établissement (foyers d’hébergement, foyers
de vie), plus que le degré de dépendance. Une personne dépendante et autonome pourra
s’adresser seule à des services d’aide à domicile pour obtenir l’intervention d’auxiliaires de vie,
ou les employer directement ou par le biais d’un service mandataire ; la personne
insuffisamment autonome s’adressera à un SAVS qui proposera de l’accompagner dans la
gestion de sa vie avec pour objectif de développer cette autonomie ; l’intervention d’un SAVS
n’excluant d’ailleurs nullement celle d’auxiliaires de vie. Pour les personnes ayant besoin de
soins médicaux ou paramédicaux, des intervenants libéraux, des services de soins infirmiers à
domicile (SSIAD) ou des SAMSAH pourront être mobilisés.
A partir de là, on peut considérer que la majeure partie des usagers des structures innovantes
relèverait d’un SAVS26, puisque leur problématique concerne essentiellement une carence
d’autonomie. Pour l’instant, les obstacles sont essentiellement administratifs et financiers dans
la mesure où les pratiques et des règlements départementaux limitent bien souvent l’accès des
SAVS aux plus autonomes, via la dotation budgétaire qui détermine le taux et la fréquence
d’accompagnement. Il s’agit sans doute d’une perception historiquement construite des SAVS,
depuis le milieu des années 1980, qui interdit leur évolution vers l’accompagnement d’un public
moins autonome.
23
On notera que le fait de vivre en société [notamment dans une société complexe (sociétés organiques de
Durkheim)] induit une dépendance constante aux autres, même en dehors de tout handicap
24
Le contraire d’autonomie étant l’hétéronomie et non pas la dépendance
25
Dans la CIF, on parlera de « limitation d’activités », limitations pouvant concerner les activités d’organisation, de
gestion ou de réalisation
26
On pourrait même considérer que l’ensemble des adultes handicapés actuellement en foyer d’hébergement ou foyer
de vie pourrait relever de SAVS ayant des moyens renforcés ; la loi « handicap » ayant disposé qu’un accueil en
établissement peut constituer un moyen de compensation des conséquences du handicap, et ceci permettant aux
personnes handicapées de disposer d’un véritable choix, nous nous inscrirons dans cette logique
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Les structures innovantes, situées entre les établissements et les SAVS, sont venues en
conséquence combler ce manque de réponses face à l’évolution des besoins des usagers. Le
plus que ces structures apportent est peut-être à chercher parfois dans le regroupement des
appartements indépendants qui optimise les interventions des personnels d’accompagnement et
réduit les phénomènes de solitude ; de plus cette formule peut être sécurisante pour les
usagers, leur famille et les professionnels.
On notera toutefois que des appartements
indépendants regroupés ne s’opposent pas à ce que l’accompagnement soit proposé par un
SAVS à qui on octroierait les mêmes moyens qu’aux structures innovantes.
Il ne faut pas ignorer également le coût d’une location directe qui, suivant les ressources de la
personne et sa situation géographique, peut s’avérer trop lourde. Les structures innovantes, en
sous-louant les appartements à un tarif plus abordable, permettent sans doute d’alléger le coût
de la location. On peut regretter à ce propos que la majoration pour la vie autonome (MVA)
(103,63 € au 1/01/2007), prévue pour les personnes handicapées disposant d’un logement
indépendant, ne soit réservée qu’aux bénéficiaires de l’Allocation aux Adultes Handicapés
(AAH) dont l’incapacité est égale ou supérieure à 80 %, et qui ne perçoivent pas de revenu
d’une activité à caractère professionnel (donc même provenant d’un ESAT 27) et reçoivent une
AAH à taux plein (donc n’ont aucune autre ressource). Ainsi, si les usagers des foyers de vie
peuvent accéder à cette majoration, ce n’est en général28 pas le cas des usagers des structures
innovantes ou des SAVS, dont la majorité travaille en ESAT.
 Préconisations pour une évolution
Au regard des considérations précédentes, la solution qui nous paraît la plus pertinente serait la
suivante :
−
Le développement des SAVS en renforçant leurs moyens en personnel d’accompagnement
(et donc leur dotation budgétaire) pour qu’ils puissent intervenir auprès d’une grande partie
des usagers relevant actuellement des structures innovantes.
−
Le maintien et le développement de la formule proposée par les structures innovantes
(résidences) - clairement identifiées au plan statutaire dans les Règlements Départementaux
d’Aide Sociale (RDAS) - pour une partie des usagers relevant actuellement des structures
innovantes (en fonction de leur degré d’autonomie et de leurs ressources éventuellement) et
également des foyers traditionnels proposant un accueil collectif. Cela signifie à terme que
les foyers d’hébergement et foyers de vie disparaîtraient en tant que tels ; les prestations
d’accueil et d’activités de jour étant fournie par une structure spécifique (services d’accueil
et d’activités de jour) recevant des personnes handicapées d’origine diverses. Les
appartements indépendants pouvant être disséminés ou regroupés en petit nombre29 afin de
ne pas constituer un facteur de stigmatisation.
Une telle évolution est loin d’être utopique dans la mesure où de nombreux foyers ont depuis les
dernières décennies entamé la reconfiguration de leurs modalités d’hébergement et
d’accompagnant dans ce sens. Les schémas départementaux d’organisation sociale et médicosociale constituent, avec les règlements départementaux d’aide sociale, une opportunité pour
dynamiser cette évolution, tout en prenant en compte les caractéristiques et les besoins locaux.
27
Etablissements de soutien et d’aide par le travail, ex centres d’aide par le travail (CAT)
28
En général, puisque parmi les SAVS et structures innovantes ayant répondu à notre enquête, certains
accompagnent des usagers qui ont une incapacité de travail
29
Voire sous forme d’appartements collectifs dans lesquels peuvent cohabiter 3 ou 4 personnes
Bulletin d'Informations du CREAI Bourgogne
n°274
Octobre 2007
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