Entreprises publiques et intérêt général à l`heure de la

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Entreprises publiques et intérêt général à l`heure de la
Cahier de recherche du Cergo
2004-01
Entreprises publiques et intérêt général à l’heure de la
gouvernance
Louis Simard, Alain Dupuis et Luc Bernier
Juin 2004
Énap et Téluq
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© Louis Simard, Alain Dupuis, Luc Bernier, 2004.
La série des Cahiers de recherche du Centre de recherche sur la gouvernance vise à
diffuser des travaux empiriques ou théoriques sur la gouvernance sociopolitique,
socioéconomique et organisationnelle.
Le Centre de recherche sur la gouvernance (Cergo) a été fondé en 2003 par l’Énap et la Téluq.
En 2004, il a obtenu un financement majeur de la part d’Hydro-Québec pour réaliser un
programme de recherche sur la gouvernance des entreprises publiques et l’intérêt général.
ISBN-10 : 2-923573-08-0 (version imprimée)
ISBN-10 : 2-923573-17-X (PDF)
Dépôt légal - Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2006
Dépôt légal – Bibliothèque et Archives Canada, 2006
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Entreprises publiques et intérêt général à l’heure de la
gouvernance
RÉSUMÉ
Le contexte de la mondialisation et la remise en question du rôle de l’État mettent en valeur des
modèles de gouvernance fondés sur la multiplicité, l’hétérogénéité et l’autonomie des acteurs en
présence dans toute question d’intérêt public. La nouvelle gouvernance met en valeur des
mécanismes d’ajustements mutuels basés sur la concertation, la négociation et l’adaptation
réciproque des acteurs concernés. Cette nouvelle donne commande une réflexion en profondeur
sur la place des entreprises publiques au sein de différents secteurs. Présentées à l’origine
comme étant des garantes de l’intérêt général, les entreprises publiques sont elles aussi remises
en question et confrontées à des logiques d’action parfois contradictoires (intégration
internationale, intégration territoriale, planification stratégique et stratégies émergeantes). Les
auteurs brossent un tableau du nouveau contexte de gouvernance dans le secteur de l’énergie et
l’illustre par le cas d’Hydro-Québec et de l’un de ses derniers projets, la centrale thermique du
Suroît.
INTRODUCTION
À l’heure de la mondialisation et de la redéfinition du rôle de l’État, les différentes
formes d’intervention publiques se trouvent questionnées. Le contexte de plus en plus
complexe dans lequel se met en oeuvre l’action collective a ébranlé le modèle
centralisé de décision reposant en bonne partie sur une expertise scientifique et
technocratique développé après 1945. L’hétérogénéité des acteurs, le nombre
d’interactions croissantes, le croisement des niveaux local, national et international, la
présence des médias de masse, des mouvements d’opinions et des groupes de
pressions et la spécificité des territoires sont des éléments qui expliqueraient ce
phénomène. De plus, la décentralisation du début des années 1980, la crise des
finances publiques, la plus grande accessibilité de l’information et l’augmentation du
niveau de scolarisation de la population en général, certains échecs en matière de
politiques publiques, le tournant idéologique vers le marché et la percée des doctrines
du « nouveau management » sont identifiés comme les phénomènes qui ont contribué
au développement d’un nouveau modèle de décision publique (Pierre et Peters, 2000 ;
Padioleau, 1999) et à une demande grandissante des acteurs locaux à participer aux
décisions. La légitimité variable des États et les arrangements institutionnels inventés
dans divers pays pour intégrer la participation des groupes ou des citoyens aux
processus décisionnel ont fait varier les transformations d’un pays à l’autre. Les pays
anglo-saxons ont ainsi pris des virages plus radicaux que les pays d’Europe comme
l’Allemagne par exemple.
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Bien que la mondialisation ne se traduise pas nécessairement par moins d’État, un
nouveau modèle plus éclaté qui vise d’abord l’atteinte du consensus se développe et
s’impose. Le processus démocratique fait désormais une plus grande place à la
persuasion, à la négociation, à l’échange, à la compensation et au compromis avec et
entre tous les acteurs concernés par une décision. On s’éloigne d’un modèle où
l’assemblée élue, le Parlement, détient l’autorité ultime en toute matière pour se
diriger vers un modèle de démocratie dans lequel l’autorité légitime est beaucoup plus
fragmentée et répartie dans la société (Ostrom, 1989). Cette transformation
correspond également à un recul d’un modèle de démocratie fortement influencé par
le « guardianship » technocratique, où quelques experts du gouvernement jugent et
décident ce qui est bon pour tous. L’obtention de l’accord des acteurs concernés par
une décision de nature publique est aujourd’hui la donne. Derrière ce modèle se
trouve l’idée forte de partenariat. Ainsi, l’État depuis plus de 20 ans n’apparaît plus
comme le seul garant de l’intérêt général bien qu’il demeure un acteur important (Le
Galès, 1995). Ce modèle plus « concerté », axé davantage sur la dimension
procédurale de la décision que sur sa dimension substantive se développe et tente
d’entrée de jeu d’arrimer les différents intérêts en cause (Ollivier-Trigalo et
Piechaczyk, 2001, Simard et Lepage, 2004, Callon, Lascoumes et Barthes, 2001,
Simad, 2003, Gauthier et Lepage, 2003). Ce nouveau contexte questionne les
mécanismes et conceptions de l’intérêt général et laisse croire au développement
d’une pluralité d’intérêts généraux (Monnier et Bernard, 1997). Peuvent-elles
s’adapter alors qu’elles sont un arrangement institutionnel créé pour les éloigner du
processus politique?
Dans ce contexte, on questionne le rôle et les modalités de l’intervention publique,
notamment celle qui passe par les entreprises publiques. Quel rôle ces dernières sontelles appelées à jouer ? Comment s’adapteront-elles aux nouvelles règles du jeu qui se
dessinent ? Comment s’insèrent-elles dans les nouveaux processus démocratiques ?
Quelles devraient être nos attentes par rapport à elles ? Comment ces questions et ces
phénomènes se présentent-ils dans le secteur de l’énergie, un maillon important du
service public ?
Le secteur de l’énergie fait l’objet de transformations fondamentales depuis bientôt
dix ans. Ouverture du marché en gros, déréglementation, privatisation, fusion,
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intégration horizontale, ce secteur d’activités voit ses structures et ses dynamiques
bouleversées. Ces changements en profondeur peuvent se révéler des contraintes et
des occasions pour les entreprises oeuvrant dans ce secteur. Celles-ci accumulent une
expérience et une expertise stratégiques. En raison de leur taille et de leurs moyens,
elles deviennent rapidement des modèles que d’autres entreprises tentent souvent
d’imiter dans la conduite de leurs projets. Comme Lorrain (1995) le mentionne, les
grandes entreprises inventent de nouvelles techniques contractuelles et parfois
développent une nouvelle conception du service public. Il apparaît donc
particulièrement pertinent d’étudier leurs pratiques et la place qu’elles jouent dans la
nouvelle gouvernance. Entre concurrence et service public, comment leur action se
situe-t-elle par rapport à la poursuite de l’intérêt général, un volet important de leur
mission qui légitime leur existence ? On sait toute la difficulté que pose l’idée
d’intérêt général (Dahl, 1989). On n’est même pas certain qu’une telle chose existe et
qu’on puisse la connaître de façon détaillée. Personne n’a jamais trouvé de méthode
rationnelle pour définir la substance de l’intérêt général autrement qu’en termes assez
abstraits et généraux comme, par exemple, l’ensemble des valeurs largement
partagées. Tout processus de décision collective visant à établir ce qui est d’intérêt
général fait face à toutes les difficultés de la prise de décision : la prise en compte des
risques, de l’incertitude et de l’ambiguïté, la nécessité des arbitrages entre une
multitude de fins, de valeurs et d’intérêts plus ou moins divergents et conflictuels
(Lindblom, 1965). Les processus de la démocratie et du marché produisent des
décisions collectives qui servent beaucoup de fins, de valeurs et d’intérêts sans qu’on
ait à définir un intérêt général, sans qu’on ait besoin d’attendre un consensus qui
n’arrivera jamais sur le contenu précis de l’intérêt général. C’est leur grande force.
L’idée de gouvernance appartient à la même famille conceptuelle qui met l’accent sur
les processus d’ajustement mutuel entre acteurs concernés par une décision plutôt que
sur un centre d’autorité suprême porteur de la vérité sur ce qui est bien et sur la façon
de réaliser ce bien (le « guardianship » technocratique). Dans cette perspective, si on
insiste pour définir la substance du bien commun ou de l’intérêt général, on pourrait
penser qu’il se trouve d’abord dans la préservation et l’amélioration des institutions
qui permettent les processus démocratiques, de gouvernance et de marché. Comment
les entreprises publiques doivent-elles s’insérer dans ces processus ? Quelle peut être
leur contribution propre ? Quelles sont les conditions qui peuvent assurer la valeur de
leur contribution à la réalisation de l’intérêt général ?
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A. LA GOUVERNANCE COMME NOUVEAU CADRE D’ACTION
Les limites du modèle réglementaire et la remise en question d’un État qui commande
et contrôle, laisse place à l’émergence et à l’institutionnalisation de ce qu’il est
convenu d’appeler la « gouvernance ». Selon Stoker (1998, p. 19), la gouvernance
« se rapporte à l'élaboration de styles de gouvernement dans lesquels les frontières
entre les secteurs public et privé et à l'intérieur de chacun de ses secteurs tendent à
s'estomper ». Le Galès (1995, 59) décrit le phénomène de la manière suivante :
« mécanismes alternatifs de négociation entre différents groupes, réseaux, soussystèmes susceptible de rendre possible l’action du gouvernement ». Les mécanismes
de gouvernance sont des processus démocratiques qui découlent tout naturellement du
passage d’un modèle de démocratie parlementaire dans lequel le corps législatif
détient toute l’autorité légitime (et est inspiré par le « guardianship » technocratique)
vers un modèle où l’autorité légitime est fragmentée et répartie dans l’ensemble de la
société. Le modèle de la gouvernance consiste en une extension du processus
démocratique au-delà du seul processus électoral et en une multiplication des
instances qui mettent en œuvre ce processus démocratique. Plus concrètement
l’intégration de nouveaux acteurs se fait via la multiplication d’espaces de
délibération et de négociation et de procédures (publicité, mise en visibilité,
calendrier). Si la gouvernance peut apparaître comme une réponse aux défis de
l’action publique aujourd’hui, elle n’est pas sans poser de nouvelles questions (Stoker,
1998) : la complexité et la variété de fonctionnement des nouveaux espaces, la
délimitation des responsabilités et de l’imputabilité des acteurs, l’efficacité des
processus décisionnels reposant sur le consensus et de la nécessaire collaboration, la
tendance chez certains acteurs à vouloir se substituer à l’État, la difficulté de suivi et
de contrôle de la mise en œuvre de l’action.
Le passage d’un modèle à l’autre ne va pas de soi et ne se fait pas de la même façon et
à la même vitesse d’un secteur d’activités à l’autre. Les histoires institutionnelles, les
expériences spécifiques, les cultures professionnelles font partie des facteurs qui
influencent de manière importante cette transition observée.
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Évolution du modèle québécois dans la poursuite de l’intérêt général
Le modèle québécois hérité de la Révolution tranquille s’est traduit par une approche
plutôt verticale qui a été à l’origine de plusieurs grandes réalisations mais qui a
également montré ses limites. Depuis près de 20 ans, la société québécoise met de
l’avant de nouvelles formes d’action collective. Par une intervention gouvernementale
davantage coordonnatrice et moins hiérarchique, des expérimentations dans de
nombreux domaines (économie, santé, éducation, environnement, recherche, culture,
etc.) font le pari de la concertation et du partenariat entre les différents représentants
d’intérêts (stakeholders). Différentes formes d’ententes, de contrats et de conventions
misent sur la qualité, la diversité et la participation des communautés pour faire face
aux différents problèmes de société. La prolifération de tables de concertation, les
grappes industrielles, les entreprises en réseaux, les contrats sociaux et les ententes
concrétisées dans l’univers des relations de travail sont en accélération depuis les
années 1990 et sont autant de signes de la consolidation d’un modèle partenarial
(Bernier, Bouchard et Lévesque, 2003). Bien sûr, la prégnance du modèle antérieur
reste très forte. Ce dernier repose sur un paradigme politique et administratif encore
bien présent qui honni les systèmes de gouverne non unitaires, qu’il dénonce pour leur
« fragmentation », leurs duplications, leurs conflits de juridiction, et autres problèmes
de ce type (Wildavsky, 1987; Chisholm, 1989; Ostrom, 1989; Lindblom, 1990). Ce
paradigme met l’accent sur les principes classiques d’administration, en particulier
l’unité de direction et l’autorité hiérarchique. Il incite, par exemple, à tout ramener
sous l’autorité d’un seul maire et d’une seule bureaucratie municipale (fusions
municipales), à tout ramener sous l’autorité du directeur d’un seul gros établissement
sociosanitaire (fusion d’établissements), à concevoir les programmes éducatifs
détaillés au ministère de l’Éducation et à les imposer à toutes les écoles. Les deux
modèles cohabitent et produisent parfois des hybrides. Une instance de gouverne aura,
par exemple, un mandat de « coordination », mais concevra cette coordination de
façon autoritaire sous la forme de l’imposition coercitive d’une orientation commune
à deux acteurs (un hôpital et un centre de soins de longue durée, par exemple) qui ne
souhaitent pas adopter cette orientation commune (Wildavsky, 1987).
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Le gouvernement du Québec joue sur deux plans. D’un côté il soutient l’ouverture des
marchés et de l’autre il privilégie certains secteurs d’activités dans l’espoir de stimuler
le développement économique du Québec, de renforcer sa distinction culturelle et
d’assurer un bon niveau de solidarité sociale
Dans le contexte actuel des
transformations du marché et de l’État, de la spécialisation et de la (re)localisation, la
prise en compte de l’intérêt général qui n’est plus nécessairement national, doit être
assumée, au moins partiellement par diverses organisations et donc de manière plus
décentralisée. Ici, on voit poindre l’un des éléments de complexité de l’idée d’intérêt
général : l’intérêt local, l’intérêt régional, l’intérêt sectoriel, l’intérêt national, l’intérêt
mondial, sont quelques-unes des nombreuses unités qui peuvent définir le « général ».
C’est désormais par l’action convergente entre les syndicats, les groupes
communautaires, le monde associatif, le mouvement coopératif, les entreprises
privées et les sociétés d’État que l’on peut saisir l’évolution du modèle québécois
comme modèle de gouvernance original en Amérique du Nord. Bien sûr, l’idée d’un
processus de mise en commun des agendas et des processus de prise de décision ne
doit pas laisser croire que les conflits n’ont plus leur place et leur rôle, qu’on passe
subitement dans un monde d’harmonie universelle. Les processus démocratiques
organisent et structurent les conflits, la compétition, les divergence de vue et d’intérêt,
ils ne les éliminent pas. Ces éléments conflictuels sont parties prenantes des processus
politiques de décision collective. Ils sont organisés en débats, groupes d’intérêt et
d’influence, processus de persuasion, d’échange, de négociation, de compromis et
d’évitement, entre autres. Associer tout les acteurs concernés par une décision dans le
processus de gouvernance rend plus probable la prise en compte de la variété des
points de vue et des intérêts qui composent la société, tout en favorisant leur évolution
au contact les uns des autres. Les partisans du modèle politico-administratif fondé sur
les principes classiques d’administration et sur une conception technocratique de la
gouverne trouvent ces processus de gouvernance politique bien irrationnels. Lindblom
(1965, 1977, 1990) a écrit plusieurs livres pour en montrer au contraire la valeur en
tant que mécanisme d’intelligence collective. Quelle est la place et le rôle des
entreprises publiques au cœur du modèle québécois dans ce modèle en redéfinition ?
B. LA PLACE DES ENTREPRISES PUBLIQUES DANS LE NOUVEAU CADRE
D’ACTION ET DE GOUVERNANCE
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Au Québec, les entreprises publiques ont joué un rôle historique important en formant
des îlots autonomes et compétents1 notamment dans les secteurs des ressources
naturelles et financiers (Bernier, 1994). Elles jouent encore aujourd’hui, de fait, un
rôle important dans la structuration des secteurs d’activités névralgiques tels que la
nouvelle économie et le développement des régions. Elles agissent sur des secteurs
structurants tels que l’immobilier, la finance et l’énergie (Bernier et al., 2002) et
coopèrent avec le privé pour offrir des ressources à bas prix et ainsi augmenter le
caractère compétitif de l’environnement québécois (Bernier, 1994, Bernier et Garon,
2003). Selon certains, les entreprises publiques seraient au cœur des performances des
États-Nation et du lien social entre ceux-ci et le citoyen (Tixier, 2002).
Créées dans les années 1960, avant même que ne soient formulées les grandes
politiques publiques des années 1970, les entreprises publiques québécoises ont
essuyé des tentatives de privatisation au cours des années 1980 pour connaître dans la
décennie suivante des processus d’intégration/fusion ainsi qu’un virage commercial
majeur (Bernier et Garon, 2003). Elles ont ainsi traversées au cours des ans dans leurs
relations avec l’État des phases de coopération, de confrontation et d’autonomie
(Bernier et Garon, 2003, Hafsi, 1989). Elles ont donc connu bien souvent des
changements de mandats et rencontré des objectifs multiples, quand elles en avaient2.
Avec la mondialisation, elles connaissent une plus grande marge de manœuvre.
Cherchant à accroître la prévisibilité de l’environnement (économique, politique et
administratif), elles s’internationalisent, développent la capacité de faire des affaires,
en devenant moins des instruments de politiques publiques que des sources
significatives et explicites de revenu. Présentées à l’origine comme étant des garantes
de l’intérêt général directement par leurs activités, comment poursuivent-elles
aujourd’hui cette mission ? La question a deux volets, l’un théorique et l’autre
empirique : « comment peuvent-elles contribuer à l’intérêt général dans le contexte
1 Alors que les ministères marchaient souvent main dans la main avec les grandes
entreprises privées.
2 Le gouvernement n’a que rarement su ou énoncé ce qu’il attendait des sociétés
d’État (Bernier, 1994).
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économique et politique actuel et compte tenu de la quasi impossibilité de définir le
contenu de l’intérêt général ? » et « comment y contribuent-elles dans les faits ? ».
De nos jours, le rôle des entreprises publiques est, comme celui de l’État, remis en
question (Heckscher et al., 2003). Une façon simple de mesurer leur contribution à
l’intérêt général consiste à évaluer leur rentabilité, leur performance financière. Les
études sont souvent contradictoires à ce sujet (Bozec, 2002). La mesure de la
performance demeure problématique et expliquerait le manque de cohérence dans les
résultats des travaux. La performance est mitigée par l’évolution du secteur, la
présence ou non de compétition, le cycle économique, les besoins financiers de l’État,
le parti au pouvoir ou la volonté de réformer les entreprises publiques (Bernier et
Garon, 2003). La comparaison entre les entreprises publiques et privées pose donc un
réel défi. Deux hypothèses principales sont proposées par Bozec (2002) à cet effet.
Premièrement, la déréglementation et l’ouverture des marchés peuvent expliquer la
hausse de performance alors que s’opère un changement de mandat à ce moment.
Deuxièmement, l’importance des objectifs non commerciaux (création d’emplois,
développement régional, etc.) qui sont souvent notés par les auteurs des études ne sont
jamais considérés dans l’analyse. Ainsi, la définition des mesures de rentabilité serait
plus favorable aux entreprises privées. On n’évalue de cette façon qu’une partie de la
contribution possible des entreprises publiques. Les autres éléments possibles de cette
contribution sont encore plus difficiles à mesurer mais c’est généralement une erreur
importante de ne tenir compte que de ce qui est facilement mesurable et chiffrable en
négligeant tout le reste (Peters et Waterman, 1982).
Si la performance des entreprises publiques demeure un objet de débat, on questionne
de plus en plus leur pertinence dans le contexte économique et politique actuel. À
l’heure de la mondialisation et de la libéralisation des échanges, les entreprises
publiques font face à des défis nouveaux. Parce qu’elles ont été définies le plus
souvent en fonction d’une économie nationale, elles apparaissent inadaptées pour
s’attaquer au marché mondial alors que leur marché (national) doit s’ouvrir à des
concurrents venant de partout dans le monde.
Les entreprises publiques s’inscrivent dans cette nouvelle économie plurielle sans
doute différemment des entreprises privées. Elles ont en commun avec elles de devoir
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relever le défi du marché tout en devant répondre à un nombre plus ou moins
important d’objectifs jugés d’intérêt général (Bouchard, Bourque, Lévesque, 2001;
Bernier et Hafsi, 2001, Bernier, 2001). Ces objectifs et les attentes de la population
sont variés et souvent difficilement conciliables, ce qui rend problématique la
gouverne des entreprises publiques, qui se trouvent à devoir faire à l’interne un travail
d’arbitrage important entre diverses valeurs. La prise en compte de ces attentes et de
ces objectifs, et les arbitrages entre eux, est en partie assurée par le conseil
d’administration de l’entreprise publique. Bien que le rôle du conseil d’administration
soit a priori plus faible dans l’entreprise publique que dans l’entreprise privée ou
l’organisme sans but lucratif (OSBL) en raison du monopole de la propriété
gouvernementale et de la relation forte entre le ministre de tutelle et le PDG de
l’entreprise, la diversité des membres du conseil d’administration, leur tendance et
leur milieu d’origine demeure néanmoins une façon d’assurer au moins en partie ce
volet de leur mission. C’est ce que les travaux de Bernier et Burlone (2000) laissent
voir. En effet, si dans le passé, la composition des conseils d’administration des
entreprises publiques québécoises étaient peu diversifiée et se recoupait, aujourd’hui
la tendance est à l’effet qu’elles possèdent des conseils d’administration plutôt
exclusifs, De plus, la composition se rapprocherait de celle des conseils
d’administration des entreprises privées par la croissance de la présence de membres
institutionnels au sein de ces derniers. D’autres mécanismes qu’un ministre de tutelle
et un conseil d’administration « coopté » peuvent s’ajouter et contribuer à la prise en
compte des points de vue, des valeurs et des intérêts diversifiés de la société, comme
la Régie de l’énergie et le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement.
Afin de comprendre comment l’entreprise répond à cet ensemble de défis et
d’identifier les dynamiques organisationnelles en oeuvre, Mintzberg (1994) met en
opposition deux types de démarches stratégiques, soit la planification stratégique et
les stratégies émergentes. La planification stratégique centralisée qui s’établit à moyen
et long terme est pertinente dans les environnements stables et relativement simples.
Les stratégies émergentes sont plus appropriées dans les contextes complexes en
pleine évolution et donc davantage en fonction d’une échelle temporelle plus courte.
Les entreprises publiques se trouvent de plus en plus tiraillées entre ces deux
démarches stratégiques opposées. La première, exigée par le gouvernement et la
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population qui souhaitent approuver les décisions et participer aux choix d’orientation
et la seconde qui répond à un environnement de plus en plus instable où l’on retrouve
des acteurs flexibles dans le partenariat comme dans la concurrence.
Par ailleurs, si l’ouverture des marchés signifie pour l’entreprise un développement de
son intégration internationale, cela ne peut se faire sans une intégration territoriale
accrue et l’accord des collectivités locales. La montée de la contestation
environnementale des 15 dernières années a enclenché une réflexion en profondeur
des activités des grandes entreprises (Simard et Lepage, 1998). Les grands projets
d’aménagement rencontrent maintenant, par exemple, une opposition systématique.
Les riverains et les groupes de défense de l’environnement sont de plus en plus
organisés et ont gagné en expériences diverses (Simard, 2003). La concertation en
amont des projets, les aménagements divers de ceux-ci et la compensation de certains
groupes sont des initiatives qui contribuent directement à la prise en compte des
préoccupations environnementales et à une plus vaste acceptabilité sociale. Ces deux
types d’intégration sont nécessaires comme les deux face d’une même stratégie :
offensive et défensive à la fois. Il ne s’agit pas seulement de développer de nouveaux
marchés mais également de conserver ceux qui semblent actuellement acquis. Le
schéma de la figure 1 illustre quelques-unes des tensions du nouveau cadre d’action
stratégique des entreprises publiques fondé sur la concertation et la négociation,
tiraillé entre intégration locale et internationale, planification stratégique transparente
et stratégies émergentes flexibles et innovatrices.
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Figure 1. Stratégies
d’entreprises dans le cadre de la nouvelle gouvernance
Nouveaux défis, nouvelles missions et effets de la gouvernance
Le programme de recherche que propose cet article consiste à mettre au jour et à
analyser les cadres contemporains de la gouvernance et leur incidence sur les
pratiques des entreprises publiques. Que devient l’appui à la croissance, à la solidarité
et au développement régional dans ce contexte où les processus politiques se
multiplient, de l’échelle régionale à l’échelle internationale ? Cette mission a-t-elle
encore sa raison d’être dans un contexte d’intégration des marchés et de
mondialisation ? Si oui, comment peut-elle être réalisée au mieux et conciliée avec les
autres missions des entreprises publiques ? Que devient la démarche stratégique des
entreprises publiques dans un tel contexte, entre planification stratégique et stratégie
entrepreneuriale émergente ? Dans quelles sources de connaissances les entreprises
publiques peuvent-elles puiser pour améliorer et transformer leurs pratiques et
comment peuvent-elles le faire ? Dans l’économie du savoir, ce sont les communautés
de connaissances qui sont le lieu de la construction et de la diffusion des savoirs
(Brown et Duguid, 2000; David et Foray, 2003; Dupuis, 2003). Comment les
entreprises publiques s’insèrent-elles dans ces communautés ? Quelle est leur
contribution ? Quelles sont et quelles devraient être les pratiques des entreprises
publiques en ce qui concerne la propriété intellectuelle et la constitution des
connaissances publiques ? Reprenons un peu plus en détail ces questions.
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1. Appuyer la croissance, la solidarité et le développement durable. Les entreprises
publiques sont souvent considérées comme des acteurs clé du développement local et
régional. Elles apparaissent comme des employeurs importants et leurs activités ont,
en principe, des retombées économiques majeurs qui contribuent à la vitalité des
régions. Il nous faudrait un portrait de la situation pour bien comprendre la
contribution des entreprises publiques. Dans le contexte actuel, y a-t-il transformation
des modèles politiques et administratifs qui gouvernent l’action des entreprises
publiques à l’échelle locale et régionale ? À travers les années, des liens étroits et des
partenariats fructueux ont été tissés avec les représentants locaux, régionaux et les
différentes communautés. En raison des moyens dont elles disposent et de leur
ancrage à l’ensemble du territoire québécois, les entreprises publiques sont à l’origine
de l’organisation d’une multitude d’activités qui voient le jour grâce aux commandites
qu’elles octroient. Elles viennent en appui à de nombreuses initiatives dans le
domaine de la culture, des loisirs et de l’économie sociale. Elles contribuent ainsi à la
richesse et à la diversité des communautés et sont des partenaires actifs du tissu social.
Ce rôle est-il encore jugé légitime et approprié et y a-t-il transformation des modalités
de sa réalisation ? Sur le plan environnemental, quels sont les modèles politiques et
administratifs de gouverne du développement durable et quelle est la place des
entreprises publiques dans ces modèles ? Dès les années 1970, les entreprises
publiques apparaissent au cœur de l’innovation sur le plan environnemental. Leur rôle
se transforme-t-il ?
2. Intégrer marchés et territoires. L’adoption d’accords internationaux, en Europe
comme en Amérique accélère depuis bientôt 50 ans la libéralisation des marchés. Les
frontières commerciales sont remises en question dans tous les secteurs d’activités
pour favoriser la concurrence. Quels sont les effets de cette transformation sur la
mission des entreprises publiques ? Par ailleurs, la décentralisation des pouvoirs
publics en marche depuis de nombreuses années et la régionalisation plus récente de
la mise en œuvre proposent une redéfinition des territoires. La conjugaison de ces
deux phénomènes inter-reliés posent de nouveaux défis aux organisations en général
et aux entreprises publiques en particulier. Quels sont les défis des entreprises
publiques, chacune dans leur secteur d’activité propre ? L’exigence accrue de
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rentabilité à l’heure d’un retour possible des budgets déficitaires et l’alternative
toujours possible de la privatisation partielle ou totale encouragent les entreprises
publiques à développer des stratégies émergentes dans des secteurs où les nombreuses
contraintes poussent plutôt naturellement vers une planification centralisée et rigide.
3. L’insertion dans les communautés internationales de l’économie du savoir.
Comment les entreprises publiques s’insèrent-elles dans l’économie du savoir ? Dans
l’économie du savoir, ce sont les communautés de savoir qui sont le lieu de la
construction et de la diffusion des savoirs (Brown et Duguid, 2000; David et Foray,
2003; Dupuis, 2003). Les pratiques organisationnelles et les solutions techniques se
ressemblent souvent d’une organisation à l’autre. Comme les autres organisations, les
entreprises publiques s’inspirent des pratiques en usage et des courants de pensée en
circulation. C’est par l’intermédiaire des communautés de savoir que les idées et les
« recettes » se développent et se transportent d’une organisation à l’autre. Dans
quelles communautés de savoir les entreprises publiques s’insèrent-elles et puisentelles les idées et les savoirs qui les guident ? Comment et dans quelle mesure y
contribuent-elles ? Les gouvernements et les organismes publics ont un rôle important
à jouer dans l’économie du savoir, en particulier dans la constitution de savoirs
publics libres (David, 2003). L’économie du savoir est tiraillée entre deux types de
pratiques complémentaires, soit celle de la privatisation des savoirs, de la propriété
intellectuelle, des brevets d’une part, et celle de la constitution de savoirs publics
libres de tout droit de propriété, d’autre part. Depuis une quinzaine d’années, la
tendance est à la privatisation des savoirs, avec les risques que cela comporte
d’appauvrir la dynamique du développement des savoirs libres et publics dans les
communautés du savoir (David, 2002; Nelson, 2004). Au Québec, certaines
entreprises publiques ont étés de véritables moteurs de l’innovation scientifique et
technologique en raison des défis à relever, des ressources dont elles disposent et des
stratégies de développement à long termes. Ces entreprises publiques ont été des
partenaires majeurs de la recherche universitaire et gouvernementale. Certaines ont
même leurs propres unités de recherche. Quelles sont les pratiques actuelles des
entreprises publiques en fait de propriété intellectuelle ? La tendance est-elle à la
privatisation des connaissances et des informations suite à l’insertion croissante des
entreprises publiques aux marchés ?
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4. Développer l’entrepreneurship et une vision stratégique. La planification
stratégique peut être utile pour forger une vision commune et obtenir un certain
consensus autour des actions des entreprises publiques. Toutefois, c’est une chose
d’écrire un plan stratégique, c’en est une autre de bâtir une vision stratégique
commune à l’ensemble des membres d’une grande organisation et légitime aux yeux
de ses partenaires. Au-delà des techniques technocratiques de planification
stratégique, la stratégie d’entreprise doit s’ancrer dans, et s’appuyer sur une culture
organisationnelle qui en assure la légitimité et lui fournit le langage et les symboles
nécessaires à son appropriation par tous. La stratégie des entreprises publiques doit,
en plus, fermement s’ancrer dans les cultures régionale et nationale pour assurer la
légitimité de leurs actions. Comment est-ce possible ? Pour se renouveler dans un
contexte en pleine transformation, les entreprises publiques doivent réinventer leurs
structures et leurs démarches stratégiques pour que les entrepreneurs émergent et
conservent à leur entreprise une bonne capacité d’innover sur les plans technique,
commercial et organisationnel (Hafsi et Bernier, 2001). Est-ce possible étant donné le
statut des entreprises publiques et celui de leurs personnels ?
Le nouveau contexte pose la question du statut des entreprises publiques et celui des
personnels. Au sein des entreprises publiques, nous retrouvons des droits structurants
les conditions de travail, des modes de rémunérations et de construction de carrières
particuliers qui ont un effet sur l’ensemble de la société. Ils forment en soi un
« dialogue social » ou des « marqueurs identitaires » importants (Tixier, 2002). Les
transformations internes aux entreprises publiques ont des effets externes sur le tissu
social.et traduisent une part du lien entre l’État et la société (Tixier, 2002).
C. LE SECTEUR DE L’ÉNERGIE ET DE L’ÉLECTRICITÉ
Le secteur de l’énergie et sa libéralisation
Ces dernières années, tant en Europe qu'en Amérique du Nord, la disparition
progressive des barrières commerciales entre les pays s'est étendue au domaine de
17
l’énergie et a touché un grand nombre d’entreprises publiques. Comme ce fut le cas
dans nombre de secteurs (transport aérien, camionnage, rail, télécommunications,
valeurs mobilières, banque, pétrole et gaz naturel), dans quelques années, les
monopoles devraient, en principe, être choses du passé dans celui de l’électricité, et
les consommateurs pourront s'adresser aux fournisseurs de leur choix alors que les
producteurs se partageront le réseau de transport. Cela signifie également qu’à moyen
terme, les clientèles ne seront plus « captives ». De manière progressive, d'abord chez
les grands consommateurs (entreprises, municipalités), la libre concurrence touchera
les foyers et les individus. Il devient donc impératif pour les monopoles de resserrer
les liens avec leur clientèle et la population en générale (Paterson, 2000; Tixier,
2002).
Jusqu’à la fin des années 1980, de grandes entreprises publiques ou privées et
intégrées (production, transport et distribution) bénéficiaient de monopoles
territoriaux afin d’assurer une qualité de service et des tarifs uniformes. Plusieurs
arguments militeraient de nos jours en faveur de la « libéralisation » du secteur de
l’énergie. Sur le plan économique, les institutions et les processus du marché
pourraient remplacer avantageusement le modèle du monopole réglementé (Lepage et
Boucher, 2001). Ils conduiraient à une plus grande efficacité de l’ensemble des
activités dans le domaine et à une baisse générale des prix. Une seconde raison de
nature technologique repose sur l’émergence de modes de production flexibles et
accessibles (micro-centrales), la possibilité, grâce aux nouvelles technologies de
l’information de gérer en temps réel les transactions à faible coût (hausse de
l’efficacité des marchés) et l’amélioration de la capacité de transmission entre les
régions. Ainsi, l’intégration verticale dans le domaine n’est plus nécessaire, de la
production à la distribution, les activités peuvent être « isolées » et constituées autant
d’occasions d’échanges avantageux.
18
Tableau 1
: Chronologie de l’ouverture des marchés de l’électricité
Amérique du Nord
Europe
1992 Energy policy Act autorise l’accès au réseau
1996 Directive européenne de principe pour
aux acheteurs et vendeurs grossistes
l’ouverture du marché.
1996 FERC : Ouverture aux autres services et
1999 Ouverture pour les grands consommateurs
fournisseurs a réseau au mêmes coûts et aussi
(plus de 40 GWh).
facilement (ordonnance 888) et établissement
d’un système électronique en mesure de partager
2002 Ouverture pour les consommateurs de plus
les données sur la capacité de transmission
20 GWh.
(ordonnance 889).
2005 Ouverture pour les consommateurs de plus 9
2000-2003 : ouverture progressive de la vente au
GWh.
détail dans certains États américains.
2006 l'Union décidera si le processus d'ouverture
doit être poursuivi et être étendu aux particuliers3.
De manière générale, depuis l’arrivée de la concurrence4, on assiste à certaines
transformations générales. Une privatisation ou une gestion plus commerciale des
entreprises se développe5. Les fusions, des acquisitions, des consolidations sont
nombreuses6 et l’on observe des intégrations horizontales (gaz, téléphone, sécurité,
plomberie, Internet) (Paterson 2000, Mauchamp, 2002). L’intégration verticale est
remise en question (production et transport) pour les raisons citées plus haut mais
3 Tous les pays n’appliquent pas encore la directive. Pour des raisons techniques, la
Belgique, la Grèce et l’Irlande disposent d’un délai supplémentaire. La France s’est
vue
autorisé
un
régime
transitoire
en
juillet
1999
(http://www.eurolibe.com/pages/pagesbiblio/articles/electric.htm).
4 A ce sujet, l’Angleterre fait image de pionnière en déréglementant son marché dès
1989, en divisant l’entreprise publique intégrée jusqu’alors en quatre pour les activités
de production et de transport et en créant 12 sociétés de distribution (monopoles
locaux) (Glachant, 1997).
5 La Scandinavie qui connaît également une ouverture des marchés depuis le début
des années 1990, les entreprises ont tendance à demeurer de propriété publique
(Pineau, 2000).
6 Selon S. Bernard (2000), entre 1997 et 2000, les entreprises de services publics dans
le Nord-est des États-Unis ont vendu plus de 40 000 MW d’actifs de production à des
entreprises de grande taille.
19
aussi pour des raisons de conflits d’intérêts potentiels alors que les intermédiaires
voient le jour dans le marché.
On observe depuis le milieu des années 1990 une baisse du prix de l’électricité mais
également des réserves de production donc une hausse de celui-ci aux heures de
pointe (Bernard, 2000). En Angleterre par exemple, on remarque une différenciation
dans l’évolution des tarifs en fonction des types de clientèles (Glachant, 1997),
comme c’est le cas dans le secteur du téléphone aux Etats-Unis. Un fossé tarifaire se
creuse entre la clientèle domestique et la clientèle industrielle. Les réseaux
d’infrastructures se déploient de manière séparée en fonction des clientèles. Dès lors,
les premiers gagnants sont ceux qui ont la capacité de négocier les tarifs, les grands
industriels alors que les simples consommateurs manqueraient de ressources et de
savoir faire (Paterson, 2000). A l’échelle de la distribution (commerces et foyers),
l’ouverture des marchés s’annonce plus lente que prévue et à un tarif plus élevé là où
elle existe7.
Trois principes en question : politique, social et environnemental
Pineau (2000) présente trois enjeux principaux à l’ouverture des marchés qui viennent
questionner les fondements de la réglementation. Le premier enjeu, de nature
politique, concerne l’indépendance énergétique des États. Avec l’abolition des
frontières économiques et en considérant dorénavant l’énergie comme un bien
jouissant d’une mobilité accrue, l’indépendance énergétique semble devenir moins
pertinente. Le second principe, de nature sociale a trait à l’équité de traitement des
consommateurs. L’universalité du service à un prix uniforme est à la base de la
réglementation8. Avec la libre concurrence et la formation effectives d’oligopoles,
certains craignent la remise en question de ce principe (Paterson 2000, Glachant,
1997), une absence de garantie d’approvisionnement et la marginalisation de certaines
zones « non-rentables », et des conséquences sur l’aménagement du territoire,
7 D’ailleurs, en 2000, dans plus d’une vingtaine d’États américains où est plus bas
que la moyenne nationale, des organismes de réglementation se sont regroupés pour
signifier leur réserve quant à l’ouverture du marché au détail (Bernard, 2000.)
8 L’ouverture des marchés dans le cas scandinave s’est accompagnée d’une
réglementation à l’échelle de la distribution pour garantir bas tarif (Pineau, 2000).
20
notamment la contestation des projets de production et de transport. Le troisième
enjeu est de nature environnementale. Devant la multiplication annoncée des acteurs
dans le domaine, l’imposition de critères environnementaux apparaît plus difficile et
la rentabilité à court terme rend plus attrayant pour l’instant les modes de production
plus polluants. D’autre part, au-delà de la question de la production, celle du transport
de l’électricité est également importante9. Elle comporte des dimensions
environnementales liées au paysage, à l’aménagement du territoire, aux champs
électromagnétiques, etc. (Gariépy, 1997, 2004; Simard, 2003, 2004). Comme le
précise Pineau, le virage commercial ne garantirait pas nécessairement la poursuite
des deux derniers principes.
A cet égard, pour que des politiques non-marchandes puissent perdurer à l’arrivée de
la concurrence, la mise en place de certains dispositifs sont nécessaires (Glachant,
1997). Ils peuvent porter sur les tarifs, les prestations et l’entrée et la sortie des acteurs
dans le marché en fonctions de certains critères. En plus de ces dispositifs qui peuvent
se substituer en partie à la réglementation en fixant un cadre autre que le marché,
compte tenu de la complexité technique et organisationnelle des secteurs, des autorités
spécialisées doivent perdurer car des expertises concrètes et indépendantes demeurent
nécessaires (Glachant, 1997).
D. LE CAS D’HYDRO-QUÉBEC
Créée en 1944 puis étendue à l’ensemble du terrtoire québécois au début des années
1960 par le gouvernement du Québec, son actionnaire unique, Hydro-Québec assure
l’alimentation en électricité des clients québécois, un marché qui représente plus de
3,5 millions d’abonnements. Hydro-Québec transige également avec des dizaines
d’entreprises d’électricité du Nord-Est de l’Amérique et participe à des projets
9 Plusieurs lignes THT, notamment des lignes d’interconnexion et certains projets de
production, apparaissent techniquement nécessaires pour pouvoir répondre aux
objectifs économiques de l’entreprise. Dans le cadre de la libéralisation des marchés
de l’électricité, la possibilité d’interconnecter les territoires par de nouveaux ouvrages
s’avère cruciale. Les problèmes récents de pannes électriques qu’a connu d’abord la
côte ouest américaine, à la suite d’une déréglementation forte du secteur et plus
récemment la côte Est et l’Ontario, montrent l’importance de la question du transport
lorsque la production d’électricité devient insuffisante ou lorsque se produisent des
pannes.
21
d’infrastructures énergétiques sur plusieurs continents.
Avec un actif de près de 60 milliards de dollars, un chiffre d’affaires annuel de
13 milliards en 2002 et un effectif de plus de 20 000 employés, Hydro-Québec compte
parmi les entreprises les plus importantes de son secteur en Amérique. Un des
principaux joyaux de la Révolution tranquille et véritable instrument de la politique
économique du Québec, Hydro-Québec connaît des changements importants qui
impliquent plusieurs transformations majeures pour l’entreprise comme sa
restructuration en quatre sous-divisions : Hydro-Québec Distribution, Hydro-Québec
Production, TransEnergie et Hydro-Québec Ingénierie, approvisionnement et
construction.
Si pour Hydro-Québec l’ouverture des marchés laisse voir a priori un fort potentiel en
raison des tarifs élevés en cours en Nouvelle-Angleterre (Paterson, 2000), deuxième
région à favoriser la concurrence après la Californie, pour d’autres, l’héritage de la
Révolution tranquille (l’obligation historique d’offrir de bas tarifs à sa clientèle
immédiate, son statut public et le mode de production privilégié qui nécessite des
investissements majeurs) limiterait la capacité de l’entreprise à tirer profit de la
situation (Bernard, 2000)10. De plus, le coût de transport de l’électricité exportée est
élevé en raison de l’éloignement des sites de production des lieux de consommation.
10 En 1995, fut organisé un large débat public sur l’énergie. Les principales
conclusions énoncées par les membres de ce forum ont été : la satisfaction des besoins
énergétiques des québécois dans une perspective de développement durable, la
création d’une régie pour approuver les tarifs et l’organisation éventuelle d’audiences
sur la libéralisation du marché (Bernard, 2000).
22
Nouvel outil de contrôle, la Régie de l’énergie
Dans le secteur de l’énergie, ce nouveau contexte plus flexible et ouvert s’est
également traduit par l’arrivée de la Régie de l’énergie. Organisme de régulation
économique qui fixe les conditions et les tarifs de transport et de distribution
d’électricité11, elle était une condition de la Federal Energy Regulatory Commission
(FERC) suite à l’obtention du statut de négociant par Hydro-Québec à l’échelle Nordaméricaine. Ce nouveau joueur, qui a comme mandat de veiller à la libre concurrence,
à l’intérêt des consommateurs et à l’intérêt public, est typique du modèle en
émergence et des nouvelles formes que prend l’intervention publique.
Innovations et premiers effets concrets de la gouvernance
Ces dernières années, plusieurs observations à l’endroit des différentes activités
d’Hydro-Québec nous permettent de repérer certains effets généraux qui s’inscrivent
et peuvent s’expliquer dans le nouveau contexte de la gouvernance. Ils se traduisent
dans les quatre éléments de mission mentionnés précédemment.
I Appuyer la croissance, la solidarité et le développement durable
On peut repérer un certain nombre de pratiques chez Hydro-Québec qui peuvent
s’interpréter comme des contributions plus larges que le simple service d’électricité. Il
n’y a bien sûr pas consensus sur la portée de ces pratiques et sur leurs effets mais elles
représentent tout de même une certaine conception de l’orientation vers l’intérêt
général d’une grande entreprise publique.
Le maintien des bas tarifs pour les secteurs industriel et commercial a favorisé le
développement et a contribué à faire du Québec et de ses régions des lieux propices
d’investissement à l’échelle internationale dans le contexte de la mondialisation. Les
activités générales d’Hydro-Québec, sa politique d’achat12 et en tant qu’employeur
11 Depuis l’adoption de la Loi 116 modifiant la Loi sur la Régie, cette dernière n’a
plus le pouvoir de se pencher sur les coûts de production de l’électricité.
12 Parmi les éléments de sa politique d’acquisition de biens meubles et de services,
Hydro-Québec s’engage à privilégier le recours aux entreprises québécoises tout en
s’assurant d’une saine concurrence et d’utiliser son pouvoir d'achat pour favoriser le
23
important en région (salaires versés), contribue directement au maintient et à la
croissance économique de certaines régions. Une politique d’achat préférentiel ne
contribue pas nécessairement à la croissance économique de la province et n’est pas
en général profitable à l’économie nationale ni internationale. On retrouve ici notre
question de l’intérêt général : la politique d’achat préférentielle est dans l’intérêt de
certains, mais peut-être pas dans l’intérêt de tous. Par ailleurs, en appuie à la solidarité
Hydro-Québec joue un rôle dans le paysage québécois par ses dons versés
annuellement dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’aide humanitaire. De
plus, elle commandite des activités socioéconomiques, culturelles, environnementales
et liées au sport amateur. Par ailleurs, par solidarité envers les plus démunis,
l’entreprise a adopté depuis plusieurs années des pratiques d’affaires en collaborations
avec des organismes sociaux pour venir en aide aux clients qui éprouvent des
difficultés à payer.
Les exigences de concertation et d’acceptabilité sociale des projets et des activités par
les milieux concernés ont fait d’Hydro-Québec une référence internationale en
matière environnementale. L’entreprise a fait preuve de leadership et d’innovation
dans ce domaine complexe - foyer grandissant de contestations. Le choix de l’hydroélectricité comme mode de production privilégié, l’adoption de politiques
environnementales, de normes ISO 14001, de programmes de préservation de
l’environnement et le développement de méthodologie d’évaluation environnementale
et d’études d’impact font école à travers le monde. Parmi les multiples illustrations
nous pouvons citer le Programme de mise en valeur intégrée (PMVI) qui vise à
contrer les impacts de ses projets (lignes et de postes de transport d'électricité) sur les
communautés touchées au-delà des mesures d'atténuation prévues pour un projet13.
Nous pouvons également mentionner la Fondation Hydro-Québec créée en 2001 qui
maintien et le développement de l’infrastructure industrielle du Québec.
http://www.hydroquebec.com/publications/fr/politiques/pdf/acquisitions.pdf.
13 Les municipalités, les municipalités régionales de comté (MRC) et les conseils de
bande des nations amérindiennes peuvent donc proposer des projets concernant
l’amélioration de l'environnement et de certaines infrastructures municipales, l’appui
au développement régional, des initiatives concernant des installations d'HydroQuébec correspondant à 1 % du coûts des nouveaux projets de lignes de transport et
de
postes
de
transformation.
http://www.hydroquebec.com/environnement/communautes/index.html
24
vise à financer des projets en partenariat avec les différents milieux. La mission de la
Fondation est de contribuer à l’amélioration et à la protection à long terme de
l’environnement14. Par ailleurs, ces dernières années, la fragmentation de l’entreprise
s’est accompagnée d’une intégration de l’expertise environnementale au sein des
autres composantes et la perte de son titre de Vice-présidence15.
II. Intégrer marchés et territoires
Par ses activités de production et de transport de l’électricité, Hydro-Québec contribue
à l’intégration des marchés et donc au développement de la concurrence et a un
échange plus efficace des produits, services et innovations dans le domaine de
l’électricité et de l’énergie en général. Les projets qu’elle conduit et la formation
qu’elle offre au-delà des frontières du Québec y contribuent tout autant. Les trois cas
de projets de lignes sous-marines visant à désengorger le réseau Nord-Est des EtatsUnis en sont une bonne illustration16. A l’échelle du territoire, l’ouverture des
marchés et le développement de la gouvernance ont accéléré le rapprochement entre
Hydro-Québec et certains acteurs locaux. En plus des structures nationales de
concertation (comités de liaison), des structures régionales de concertation ont été
développées pour entretenir un dialogue permanent avec les acteurs locaux et
régionaux17 (Simard 2003). Un nouveau portail Internet vient d’ailleurs de voir le jour
14 Concrètement, cette fondation finance des projets en région en partenariat avec les
organismes du milieu afin de réaliser des initiatives à caractère environnemental et
social, la conservation et la restauration des milieux naturels du Québec, le soutien et
la prise en charge de problématiques environnementales associées à l'environnement
communautaire et local et la mise en valeur des particularités environnementales des
propriétés d'Hydro-QuébecDepuis sa création, la Fondation a appuyé plus de 30
projets pour une valeur totale de plus de deux millions de dollars.
http://www.hydroquebec.com/fondation_environnement/index.html.
15 Certains observateurs considèrent que ce changement traduit une baisse de
l’importance stratégique de cette dimension au sein de l’entreprise et des projets
(Gariépy, 1997 et 2004; Simard, 2003 et 2004).
16 La mise en service de la ligne Long Island – Connecticut a permis a mis fin plus
rapidement à la panne historique du 14 août 2003. Par ailleurs, le financement de ce
projet a été qualifié de « Best Financial Deal of 2000 » par la revue Asset Finance
International.
http://www.hydroquebec.com/hqi/fr/projets_transport/inv_transenergie.html.
17 Ces structures, fortement inspirées de l’expérience française (EDF) et du PMVI
avec les élus locaux et de l’application de l’entente de compensation avec l’UPA
Entente UPA-Hydro-Québec sur les lignes de passage en milieux agricole et forestier.
25
spécialement dédié Monde municipal alors que cette nouvelle préoccupation régionale
s’observe également par la production de versions régionales des rapports annuels
(recherche, commandites, emplois, activités économiques, PMVI) de la présence
d’Hydro-Québec. Enfin, le partenariat avec les acteurs régionaux et locaux lors de la
réfection ou la construction d’installations de production hydroélectriques passe
dorénavant par la création de sociétés en commandites (SOCOM) et par lesquelles les
acteurs
locaux
(MRC,
municipalités,
bandes
autochtones)
participent
aux
investissements et au revenus générés.
III. L’insertion dans les communautés internationales de l’économie du savoir.
Leader en Amérique du Nord en matière de recherche en énergie, Hydro-Québec est
dans ce domaine la première entreprise publique. En plus de ses activités internes, elle
contribue au financement de 20 chaires de recherche. De manière indirecte, elle
stimule également le développement de nombreuses firmes de génie conseils faisant
du Québec un chef de fil mondial notamment dans le domaine de l’électricité
(production hydroélectrique et transport). Elle participe ainsi à une diffusion des
savoirs et des savoir-faire par l’appuie direct à l’organisation de colloques et de
rencontres annuelles des grandes associations18. Ces associations mettent sur pied
différents comités spécialisés au sein desquels l’échange des connaissances et la mise
à niveau des informations sont favorisés. Hydro-Québec est l’un des principaux
animateurs de ces réseaux de savoirs. L’entreprise publique par ses interventions
(transport, ingénierie, approvisionnement, construction et ressources humaines)
diffuse ses façons de faire et ses savoirs qui peuvent également prendre la forme de
programme de formation dans ces domaines. Au Québec, elle a récemment mis sur
pied un programme de formation pour les aménagistes des MRC sur l’aménagement
du territoire du réseau de production, de transport et de distribution. Ainsi, la
recherche, l’échange des savoirs et la formation sont des activités soutenues chez
Hydro-Québec. En serait-il de même si elle n’était pas une entreprise publique ?
IV. Développer l’entrepreneurship et une vision stratégique.
18 E7 qui regroupe 9 leaders énergétiques mondiaux, Conseil International des
Grands Réseaux Électriques (CIGRÉ), International Association for Impact
assessment (IAIA), Association canadienne de l’électricité (ACE), etc.
26
Reconnue pour être en perpétuel réaménagement, l’entreprise a connu ces dernières
années des transformations historiques. L’ouverture des marchés et la nouvelle
gouvernance ont eu des effets directs sur les dynamiques organisationnelles d’HydroQuébec. En 1996, l’entreprise a dû se scinder en trois pour répondre aux exigences
des régulateurs. Avec l’arrivée de la Régie de l’énergie, elle a dû composer avec une
nouvelle autorité locale différente du gouvernement. Le nouveau contexte dans lequel
œuvre maintenant l’entreprise est source de défis majeurs pour ses membres.
Les moyens et les nombreuses expériences dont bénéficie l’entreprise ont été
favorables au développement de mécanismes d’apprentissage organisationnel et de la
valorisation des expériences (Gariépy, 1991, 1997; Simard 2003, 2004).
L’organisation de « post-mortem » et de « retours d’expérience » suite aux projets de
production et de transport ou les changements organisationnels qui ont été conduits
pour parfaire les démarches et la méthodologie des projets en sont des exemples. La
complexité des activités de l’entreprise a encouragé la mise en œuvre de structures
faisant appel à la multidisciplinarité et aux différents métiers de l’entreprise. Le
fonctionnement en équipe-projet jumelée au recours à des expertises spécialisées
extérieures a montré son efficacité ainsi que sa portée. Passant au cours des dernières
années d’une culture d’ingénieur à celle du représentant d’affaires en passant parfois
par celle du juriste, de l’économiste, du communicateur et de l’environnementaliste,
l’entreprise est en permanente adaptation à un environnement qui change de plus en
plus rapidement.
Le développement d’outils de communication et de relations publiques au cours des
dernières années témoigne également de la complexité des activités de l’entreprise et
du défi que pose ses rapports avec les différents intervenants extérieurs. Les
restructurations favorisant la régionalisation des unités se doivent d’être aussi
interprétées dans ce sens. Le développement et le recours accru à des outils de
simulation pour mieux prévoir les activités et projets ainsi que leurs effets est
également un exemple d’innovation organisationnelle ayant notamment pour fin de
faciliter une vision stratégique de l’entreprise.
27
Enfin, le plan stratégique sur quatre ans de l’entreprise qui doit être approuvé par le
gouvernement après un examen en commission parlementaire est aussi un élément clé
à cet égard. Exigence qui découle de plusieurs controverses autour de projets de
production et transport contestés, il devient une contrainte dans le contexte actuel pour
les stratégies émergentes. En revanche, elle permet au gouvernement, seul actionnaire
de l’entreprise de s’assurer que l’entreprise respecte sa mission et que les membres de
l’organisation se donne une vision commune de l’avenir. Elle permet également la
discussion publique des orientations et des projets de l’entreprises par tous les
personnes intéressées.
L’entreprise est très active dans les catégories d’activités retenues. Plusieurs de ces
innovations renvoient directement à son statut d’entreprise publique et de manière
générale semble articuler les sphères économique, sociale et environnementale. Son
action est donc soumise à de multiples contraintes plus ou moins compatibles
correspondant à diverses valeurs plus ou moins largement partagées. On lui donne la
mission de produire de l’énergie propre, fiable et aux tarifs les plus bas possibles, et
de contribuer au développement économique tout en faisant le plus de profits possible.
Elle est soumise à une conception « additive » de la notion d’intérêt général, ce qui en
complique sérieusement la gouverne, comme on peut le voir en examinant un projet
de l’entreprise.
E. LE PROJET DU SUROÎT : RÉVÉLATEUR D’UN NOUVEAU CONTEXTE ?
Le dernier projet majeur à ce jour d’Hydro-Québec est une centrale thermique au gaz
naturel, la centrale à cycle combiné du Suroît située au sud ouest de la région
montréalaise. La compréhension de la conduite de l’entreprise à cette occasion nous
apparaît d’entrée de jeu comme une occasion de mettre en lumière l’influence du
nouveau cadre dans lequel l’entreprise est appelée à évoluer. L’analyse exploratoire
de ce projet permet d’entrevoir comment s’articule aujourd’hui la poursuite de
l’intérêt général.
Située dans la MRC de Beauharnois et d’une puissance d’environ 800 MW, la
centrale du Suroît permettra d’augmenter annuellement la capacité de production
d’Hydro-Québec d’environ 6,5 TWh, (soit près de 4 %) et elle devrait être mise en
28
service en juin 200719. Ce projet représente un investissement de l’ordre de 550
millions de dollars qui pourrait être cédé à la multinationale General Electric (GE).
La justification du projet repose sur les besoins en électricité à combler en raison de la
croissance de la demande prévue d’ici 2006. Bien qu’Hydro-Québec affirme continuer
à privilégier le mode de production hydroélectrique, compte tenu des délais
d’autorisations et de construction des ouvrages hydrauliques et que « la société ne
développe que des projets qui sont à la fois rentables, acceptables du point de vue
environnemental et favorablement accueillis par les collectivités » (Hydro-Québec,
2003, p. 4), la centrale du Suroît s’avert le meilleur choix selon l’entreprise.
Au cours de la période de construction, le projet générera annuellement environ 635
emplois (années-personnes) et près de 34 millions en retombées économiques. Par la
suite, l’exploitation de la centrale produira un peu plus de 50 emplois et des retombées
de plus de 3 millions annuellement. Au plan économique, le projet prévoit également
un fonds régional d’investissement de l’ordre de quatre millions de dollars sur cinq
ans qui sera administré par la MRC de Beauharnois-Sallaberry et la nouvelle ville de
Beauharnois en vue de développer notamment des activités récréotouristiques. Ce
fonds régional révèle la nécessité d’établir l’acceptabilité sociale du projet aux yeux
des collectivités locales sous la forme d’un échange où tout le monde gagne.
Toutefois, l’intérêt régional n’est qu’une des composantes possibles de l’intérêt
général.
Les consultations qui ont été menés autant par l’entreprise que le Bureau d’audiences
publiques sur l’environnement (BAPE) auprès de la population doivent faire l’objet
d’un bilan nuancé. L’entreprise a mené en amont des audiences publiques du BAPE
une série d’actions d’information et de consultation auprès des différents types
d’acteurs intéressés. Rencontres et ateliers thématiques avec les élus locaux, les
citoyens,
les
organismes
gouvernementaux
et
municipaux,
groupes
environnementaux, socio-économiques et autres. Documents d’information distribués
à grande échelle, présentations, communiqués de presse, ligne d’information
19 La mise en service était prévue pour l’hiver 2006-2007. Le refus du gouvernement
précédent d’entériner le projet et les élections d’avril 2003 expliquent ce délai.
29
téléphonique, site Internet ont également contribué à informer le public et à recueillir
les commentaires et questions. Au terme de cette opération qui s’est déroulée entre
2001 et 2002, Hydro-Québec concluait :
On peut affirmer à l'issue de cette étape de la consultation que le projet de centrale à cycle
combiné du Suroît reçoit un accueil positif des autorités locales et régionales. L’étroite
collaboration des autorités locales et les mesures concrètes visant à maximiser les retombées
régionales en témoignent. (Hydro-Québec, 2002, chap. 9, p. 18)
Dans le cadre des audiences publiques du BAPE les préoccupations et les opinions
des participants ont portés principalement sur l’évaluation des besoins en électricité,
la choix de la filière énergétique et l’efficacité énergétique, les gaz à effet de serre, les
effets sur la santé, la sécurité, les retombées économiques, la fiscalité municipale, les
effets sur l’eau et l’état des routes, le bruit, l’impact sur le parc régional, les espèces
animales, les boisés et marais à proximité et le potentiel agricole de la zone concernée
ainsi que les pratiques qui s’y rattachent. Ces préoccupations des différentes
catégories d’acteurs ont fait l’objet de questions lors des consultations. A l’échelle
locale comme à l’échelle nationale, les acteurs socio-économiques (associations
industrielles, d’affaires, de génie-conseil, représentants agricoles et des entreprises,
etc.) se sont plutôt positionner en faveur du projet avec certaines réserves. Les élus
locaux (ville et MRC) apparaissent favorables mais à certaines conditions (santé,
sécurité, infrastructures, etc.). En revanche, la plupart des citoyens participants et les
groupes de défense de l’environnement sont en désaccord avec le projet
principalement pour des raisons environnementales (gaz à effet de serre, filière
thermique, bruit, pollution atmosphérique). D’ailleurs, un mouvement d’envergure
nationale se met en forme regroupant plusieurs associations nationales et des partis
politiques. L’acceptabilité sociale du projet ne va pas donc de soi. Des compensations
directes et des retombées économiques favorisent l’accord de certains acteurs (socioéconomiques et politiques) mais d’autres s’opposent vigoureusement au projet.
Au plan environnemental, le projet du Suroît devrait produire une augmentation des
émissions des gaz à effets de serre (GES) à l’échelle du Québec de 2,5 % à 2,8 %.
C’est la principale raison pour laquelle le BAPE a refusé de donner son aval au projet.
Il faut rappeler que le Canada s’est engagé dans le cadre du protocole de Kyoto à
30
réduire ses émissions de GES de sorte que la moyenne annuelle de 2008 à 2012 soit
de 6 % inférieure au niveau de 1990 (p. 84 BAPE). À l’échelle provinciale, le
gouvernement a adopté la Plan d’action québécois sur les changements climatiques
qui vise également à réduire les émissions20. Selon le BAPE, les émissions de GES de
la centrale équivaudraient à la moitié de la hausse des émissions de GES attribuables
au transport entre 1990 et 2000, ou encore aux efforts combinés de réduction
consentis dans les secteurs de l’industrie et de l’électricité durant la même période.(p.
88). Si la filière hydroélectrique ne semble pas disposée à répondre à court terme à la
demande21 la solution retenue n’est pas sans poser d’effets environnementaux
considérables. Ainsi ce projet est difficilement défendable d’un point de vue
environnemental compte tenu des engagements internationaux des gouvernements
canadien et québécois.
Stratégies d’entreprise, projet et intérêt général
La consolidation et la mise en œuvre d’une intégration internationale et territoriale,
d’une planification stratégique et de stratégies émergentes par la concertation et la
négociation avec les différents types d’acteurs concernés, comme nous le proposons
dans notre modèle (figure 1) est problématique. L’analyse même sommaire d’un
projet de production énergétique comme celui de la centrale du Suroît laisse voir le
difficile arrimage entre le discours et l’action, - l’espace et le temps - dans un contexte
de plus en plus complexe et difficilement prévisible. L’intégration internationale
commande pour l’entreprise de tirer avantage de l’ouverture des marchés, de répondre
tant à la croissance de la demande qu’aux exigences de l’unique actionnaire qui sont
notamment de poursuivre des objectifs de rentabilité et de création de valeur.
20 Le Plan 2000-2002 prévoit trois principales avenues pour y arriver : en premier
lieu, préserver le niveau des réductions effectuées par les principaux grands émetteurs
industriels ; en deuxième lieu, obtenir d’autres réductions des grands émetteurs
industriels ; en troisième lieu infléchir la courbe ascendante des émissions du
transport de marchandises, collectif et individuel (BAPE, 2002).
21 Officiellement, Hydro-Québec Production privilégie toujours la filière
hydroélectrique, mais les grands projets hydroélectriques à l’étude ne pourront être en
service pour 2006. Le retard observé proviendrait des différents contentieux avec les
bandes autochtones à la fin des années 1990 qui ont empêchés le lancement plus
rapide de projets de production (Assemblée Nationale, 2004).
31
Diversifier ses modes de production22, en favorisant une intégration horizontale est
une tendance générale dans le secteur et Hydro-Québec n’y échappe pas23. Dans ce
contexte instable se créent des occasions et des contraintes, liées parfois à l’évolution
des technologies, qui font émerger des stratégies à court terme pouvant parfois
apparaître contradictoires avec les engagements d’une planification stratégique
destinée à un horizon plus long. Prévoir avec précision, dans ce nouveau contexte, la
demande, les effets des changements de gouvernements, les obstacles sociopolitiques
à la construction d’infrastructures (production ou transport) venant de groupes
d’acteurs de plus en plus expérimentés, les catastrophes naturelles, les changements
climatiques, les pannes et les difficultés technique24 sont autant d’éléments
d’incertitude qui rendent problématiques la planification stratégique.
Si des gestes novateurs ont été portés ces
dernières années en faveur d’une plus grande
intégration territoriale en créant des outils de
partenariat et de compensation pour les
collectivités locales en vue d’une meilleure
acceptabilité des projets et des activités de
l’entreprise et afin de conserver les marchés
locaux, la contestation demeure. Certaines
dimensions
peuvent
faire
l’objet
de
concertation et de négociation alors que
d’autres le sont moins ou pas du tout (mode
de production et effets).
Ainsi, les défis économique, sociaux et environnementaux qui se posent à l’entreprise
publique ne se conjuguent pas aisément en terme d’intérêt général global. La
22 Au-delà des impératifs de mise en marché rapide de nouvelles sources de
production et des opportunités que peuvent créer la fluctuation des ressources
thermique (charbon, pétrole, gaz), cette diversification peut se comprendre également
par le souci de ne pas dépendre d’une seule source, l’hydroélectricité, toujours
vulnérable au climat, aux précipitations et au niveau d’eau des barrages.
23 Sa position d’actionnaire principal de Gaz Métropolitain et les projets de
prospection gazière et pétrolière dans le fleuve Saint-Laurent en sont d’autres
exemples.
24 Nous pensons notamment au cas de la centrale Sainte-Marguerite 3 et des retards
dans sa mise en service en raison des complications liées à la turbine.
32
rencontre des sphères économique, sociale et environnementale que propose le
concept de développement durable25 dans le nouveau contexte de la gouvernance
demeure un défi de taille. Au-delà de la concertation et de la négociation, en amont, le
débat public est plus que jamais nécessaire afin de développer un consensus sur la
mission d’entreprise publique d’Hydro-Québec. Nous constatons à travers le cas et les
tendances recensées que dans ce nouveau cadre les entreprises bénéficient d’une
grande marge de manœuvre et de ressources substantielles vis-à-vis des autres acteurs.
Une coordination publique efficace disposant de moyens adéquats (compétences,
autorité) à une échelle pertinente pour faire le lien entre l’échelle locale, nationale et
internationale apparaît nécessaire pour rendre possible une pluralité de principes, non
uniquement celui de l’économie (Pineau, 2000). Le nouveau modèle de gouvernance
qui, sans faire disparaître l’État lui propose de jouer un rôle plus modeste, peut-il
jouer ce rôle ? Ou faut-il revenir au modèle de l’État comme seul et unique
« décideur » et « coordonnateur » des activités de nature publique ? L’idée que la
« coordination » et la poursuite de l’intérêt général rendent nécessaire la constitution
d’un centre unique d’autorité et de compétences est en bonne partie un mythe
(Lindblom, 1965; Wildavsky, 1987; Ostrom, 1989; Chisholm, 1990). Le défi est
plutôt de concevoir et de mettre en œuvre les instances de gouvernance appropriées.
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