Recours à l`aide sociale par les immigrants
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Recours à l`aide sociale par les immigrants
Recours à l'aide sociale par les immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés : échec ou transition dans le processus d'intégration ? Aline Lechaume et Chakib Benzakour Le phénomène du recours à l’aide sociale par les nouveaux arrivants constitue, pour le gouvernement et pour la société québécoise dans son ensemble, un objet de préoccupation récurrent. Cette préoccupation est d’autant plus vive lorsqu’il s’agit des immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés, composante du mouvement qui est sélectionnée en fonction de son potentiel d’insertion au marché du travail. Face à ces constats, le ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale et le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles se sont associés afin d’examiner le phénomène du recours à l’aide sociale des immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés. La population à l’étude était constituée des immigrants de cette catégorie admis au Québec entre 1996 et 2004 et qui y étaient toujours présents en janvier 2006, soit 79 916 personnes. L’étude explore les processus d’entrée et de sortie, ainsi que la présence au fil du temps, entre 1996 et 2005, du premier recours à l’aide sociale de ces immigrants. Les résultats montrent que l’entrée à l’aide sociale est un phénomène généralement hâtif, qui survient peu après l'admission au Québec. Toutefois, quel que soit leur pays de naissance, les immigrants de cette catégorie parviennent à s’en affranchir rapidement et, dans la plupart des cas, définitivement. L’étude démontre également que le recours à l’aide sociale ne constitue qu’un dispositif parmi d’autres pour faciliter leur intégration. Échec ou transition ? La recherche conclut que le phénomène du recours à l’aide sociale des immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés doit plutôt être interprété comme une transition dans le processus d'intégration. Elle permet ainsi de démentir certains préjugés et contribue à une meilleure compréhension de plusieurs aspects du processus d'intégration. Pour toute information complémentaire : Aline Lechaume, Ph.D. Centre d'étude sur la pauvreté et l'exclusion (CÉPE) Direction de la recherche, Ministère de l'Emploi et de la Solidarité sociale Téléphone : (418) 528‐0610 Courriel : [email protected] Chakib Benzakour Direction de la recherche et de l'analyse prospective Ministère de l'Immigration et des Communautés culturelles Tél. (514) 864‐9812 poste 20053 courriel : [email protected] Recours au programme d’aide sociale par les immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés: Échec ou transition dans le processus d’intégration? Présenté par : Chakib Benzakour, Immigration et Communautés culturelles et Aline Lechaume, Emploi et Solidarité sociale 66e Congrès des Relations industrielles, Québec, 2 mai 2011 1 Le contexte • Le recours aux programmes d’aide financière de dernier recours (aide sociale) des immigrants récents constitue un objet de préoccupation pour : • • • les différentes instances gouvernementales concernées, la société d’accueil dans son ensemble. Préoccupation plus vive lorsqu’il s’agit : • d’immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés (dont les caractéristiques sont susceptibles de faciliter l’insertion rapide sur le marché du travail). 2 Entre 1996 et 2004 • Accroissement significatif des admissions (+276 %) d’immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés. • Accroissement du nombre d’entre eux qui ont eu recours à l’aide sociale (+183 %) : • Phénomène plus important parmi les immigrants provenant de certains pays. Le MICC et le MESS ont convenu d’examiner ce phénomène à l’aide des données disponibles de part et d’autre. 3 Les objectifs Les aspects du phénomène étudiés : • ampleur (absolue et proportionnelle), • précocité (temps écoulé entre l’admission au pays et la première occurrence), • persistance (durée du recours), • particularités (en comparant avec un groupe témoin de natifs), • complémentarité (avec d’autres programmes de soutien à l’établissement). 4 La population à l’étude 95 276 immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés, requérants principaux et conjoints, admis au Québec entre 1996 et 2004 Population à l’étude 79 916 (84 %), toujours présents au Québec en janvier 2006 32 253 (40,4 %) ont eu recours, au moins une fois, à l’aide sociale entre 1996 et 2005 5 Le profil de la population à l’étude Immigrants de la catégorie des travailleurs qualifiés, requérants principaux et conjoints, admis au Québec entre 1996 et 2004 (n = 79 916) 57 % sont des hommes 81 % connaissent le français (auto-déclaration) 90 % ont entre 25 et 44 ans 89 % détiennent un diplôme postsecondaire 61 % du mouvement provient de la France, du Maroc, de l’Algérie, de la Roumanie et de la Chine 6 Comparaison entre les admissions et la présence à l’aide sociale des immigrants de la population à l’étude par année d'admission (n = 79 916) 1996-2004 16000 15055 13540 13116 12000 10951 Admissions Présence à l'aide sociale au moins une fois 7879 8000 6201 5896 5165 4000 4006 5079 4850 5331 4003 3089 1885 0 1996 1829 1997 2035 1998 2259 1999 2000 2001 2002 2003 2004 7 Courbe d'entrée à l'aide sociale des immigrants de la population à l’étude selon le pays de naissance (5 principaux pays) n = 79 916 100% Proportion ayant connu l'événement Algérie 75% Maroc Roumanie 50% Total L’entrée à l’aide se fait assez tôt après l’admission, soit avant la fin du sixième mois de résidence. 25% France Chine 0% 0 12 24 36 48 60 72 84 96 108 Durée de résidence au Québec (en mois) * Pour faciliter la lecture des graphiques illustrant les courbes d’entrée et de sortie de l’aide ou encore la présence à l’aide au fil du temps, n’ont été retenus que les quatre principaux pays de naissance de la population à l’étude. 8 Courbe de sortie de l'aide sociale des immigrants prestataires selon le pays de naissance n = 32 253 100% Proportion ayant connu l'événement Roumanie Maroc Total 75% France Algérie 50% Après douze mois du début d’une première présence à l’aide, au moins 50 % des immigrants prestataires sont parvenus à s’en affranchir. 25% 0% 0 4 8 12 16 20 24 28 32 36 40 44 48 Nombre de mois depuis le début de la première présence à l’aide 9 Courbe de sortie de l'aide sociale des immigrants prestataires selon l'année d'admission n = 32 253 Proportion ayant connu l'événement 100% 75% 50% Après douze mois du début d’une première présence à l’aide, au moins 50 % des immigrants prestataires sont parvenus à s’en affranchir. 25% Total 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 2004 0% 0 4 8 12 16 20 24 28 32 36 40 44 48 Nombre de mois depuis le début de la première présence à l’aide 10 Pour fins de comparaison, cheminement à l’aide sociale : Des immigrants : les immigrants de la population cible qui sont devenus prestataires d’aide sociale une première fois entre 1996 et 2004 (n = 30 687). Des natifs : personnes nées au Canada qui ont eu recours pour la première fois à l’aide sociale entre 1996 et 2004 (à l’exclusion des personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi) (n = 224 693). Immigrants: Natifs : 62 %, couples avec et sans enfants 71 %, personnes seules 90 %, 25-44 ans 56 %, 24 ans et moins 82 %, postsecondaire 78 %, secondaire et moins 11 Courbe de sortie de l'aide sociale des prestataires natifs comparativement aux prestataires immigrants (Natifs n = 224 693) (Immigrants n = 30 687) 100% Proportion ayant connu l'événement 75% 50% Au dixième mois, ce sont les prestataires immigrants qui sont proportionnellement les plus nombreux à quitter l’aide sociale. 25% Natifs Immigrants 0% 0 4 8 12 16 20 24 28 32 36 Nombre de mois depuis le début de la première présence à l’aide 12 Courbe de sortie de l'aide sociale des prestataires natifs comparativement aux prestataires immigrants selon le pays de naissance (Natifs n = 224 693) (Immigrants n = 30 687) Proportion ayant connu l'événement 100% Maroc 75% France Natifs Roumanie 50% Au dix-huitième mois, les immigrants sont proportionnellement plus nombreux que les natifs à avoir terminé cette première présence à l’aide sociale. 25% Algérie Natifs Algérie France Roumanie Maroc 0% 0 4 8 12 16 20 24 28 32 36 40 44 48 Nombre de mois depuis le début de la première présence à l’aide 13 Comparaison : recours aux programmes d’aide sociale et recours à d’autres programmes de soutien à l’établissement 14 Taux de présence à l'aide sociale et taux d'inscription aux cours de français à temps plein des immigrants de la population à l’étude n = 79 916 100% Algérie 80% 70% Maroc 60% Roumanie Bulgarie 50% Syrie Tunisie 40% 30% Colombie Fed. Russie Mexique Haïti 20% Ukraine 40,4% TOTAL 18,8% Taux de présence à l'aide sociale 90% Argentine Liban 10% France Chine 0% 0% 10% 20% 30% 40% 50% 60% 70% 80% 90% 100% Taux de présence aux cours de français 15 Taux de présence à l'aide sociale et taux d'inscription aux cours de français à temps plein des immigrants de la population à l’étude N = 79 916 Roumanie 59,5% Bulgarie 56,3% 55,8% Ukraine 54,5% 47,4% Colombie 40,5% Féd. Russie 40,0% 56,4% 56,8% 49,4% Algérie 88,1% Syrie 1,1% 50,3% Maroc 34,1% 69,2% Argentine 21,0% Mexique 1,6% 42,8% 23,3% 38,4% Chine 2,2% 48,9% Tunisie 45,5% Liban 20,1% 0,6% 8,1% Taux de recours à l'aide Haïti France 21,3% 7,5% Total 0% 0,4% Taux d'inscriptions au cours de français 0,0% 40,4% 20% 18,8% 40% 60% 80% 100% 120% 16 Taux d'utilisation d'une seule aide financière au premier établissement, présence à l'aide sociale ou inscription aux cours de français à temps plein des immigrants de la population à l’étude n = 79 916 Ukraine 92,9% Roumanie 89,9% Bulgarie 89,7% Algérie 88,4% Colombie 81,5% Féd. Russie 81,0% Syrie Maroc 69,7% Argentine Au dessus de 76,5% la moyenne 58,6% Mexique 54,4% Chine 50,4% Tunisie Autour de la moyenne 45,9% Liban 25,7% Haïti 21,5% France En deçà de la moyenne 7,5% Total 54,2% 0% 25% 50% 75% 100% 17 Complémentarité entre les deux programmes • Pour ceux qui parlent déjà le français : • L’aide sociale tiendrait fréquemment lieu, par défaut, d’une forme d’aide au premier établissement. • Pour ceux qui ne le parlent pas : • Les programmes de francisation tiendraient lieu de cette forme d’aide. 18 Conclusion Échec ou transition dans le processus d’intégration? 19 Une transition dans le processus d’intégration! • La croissance du recours à l’aide sociale : principalement une question d’augmentation des admissions au Québec; • L’entrée à l’aide sociale : un phénomène généralement hâtif et variable selon la cohorte; • L’ampleur du recours à l’aide : un phénomène variable selon le pays d’origine; • La sortie de l’aide sociale : quel que soit le pays d’origine, on observe un processus de sortie généralement définitive après un séjour de courte durée; • Comparaison des prestataires immigrants avec des prestataires natifs : des caractéristiques et des comportements très différents; • Aide sociale et francisation : des programmes utilisés de façon complémentaire. 20 http://www.micc.gouv.qc.ca/fr/recherchesstatistiques/etudes-recherches.html http://www.mess.gouv.qc.ca/publications/index.asp? categorie=0105100#liste 21