Head-on (Gegen die Wand)
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Head-on (Gegen die Wand)
Head-on (Gegen die Wand) Ours d'Or à la Berlinale 2004 Synopsis: Cahit, un Allemand issu de l'immigration turque vivant à Hambourg, est un garçon en perte de repères qui noie son désespoir dans l'alcool. Un jour, il tente de se suicider en précipitant sa voiture contre un mur de béton. Mais il rate son coup et se réveille avec une minerve dans la section psychiatrique d'un hôpital. En ouvrant les yeux, il voit devant lui Sibel, une jeune fille de 22 ans qui vient de s'ouvrir les veines pour échapper à la tyrannie de ses parents qui ne jurent que par la tradition. À brûle-pourpoint, elle le supplie de l'épouser afin de pouvoir enfin mener sa vie comme elle l'entend, s'amuser, consommer de la drogue, coucher avec qui elle veut, etc. Un acte désespéré de Sibel finit par convaincre Cahit d'aller demander sa main à ses parents. Ils partagent alors l'appartement de Cahit, mais les choses s'arrêtent là. Sibel profite au maximum de cette liberté fraîchement acquise, tandis que Cahit s'éprend peu à peu de la jeune fille. Un jour, sous l'effet de la jalousie, il disjoncte et frappe à mort l'amant de Sibel. Bouleversée, la jeune femme découvre alors combien elle est attachée à son mari. Pendant que Cahit purge sa peine derrière les barreaux, Sibel part pour Istanbul afin d'échapper à l'emprise de sa famille. À sa sortie de prison, Cahit est obsédé par l'idée de revoir celle qu'il aime… Critique: Dans ce film, Fatih Akin («Julie en Juillet» et «Solino»), cinéaste allemand d'origine turque installé à Hambourg, renoue avec l'ambiance de ses premiers films. Comme son premier long métrage «Kurz und Schmerzlos», un film sombre sur les milieux de la petite délinquance, «Gegen die Wand» parle d'amour et d'amitié, mais aussi du choc brutal entre des univers extrêmes. Sauf qu'ici, il ne s'agit pas du choc des cultures entre nationalités différentes, mais entre deux jeunes déracinés de Hambourg issus de l'immigration turque de seconde et de troisième génération. Renouant avec le cinéma de Fassbinder et de Bukowski, le rôle de Cahit (brillamment interprété par Birol Ünel) exalte la propension quasi jouissive à l'autodestruction: après avoir gagné quelques sous en récupérant des bouteilles vides dans un club germano-turc, Cahit s'empresse d'aller se soûler et chercher la bagarre dans son bistrot habituel. Pour couronner le tout, cet adepte de l'enfoncement systématique s'embarque dans un mariage blanc. Mais le ton n'est pas celui de la comédie romantique, loin de là. C'est au contraire un drame amoureux sans tabous dans la veine du néoréalisme turc. Bien qu'il passe parfois de façon un peu abrupte du comique au tragique et vice-versa, ce film nous étonne par l'intensité du jeu des acteurs et une ambiance fiévreuse que le cinéaste se plaît à accentuer en alternant sans cesse musique turque traditionnelle et rythmes hip-hop. Akin s'est aussi inspiré de la tragédie classique en découpant son film en actes musicaux : des rives du Bosphore, un groupe tzigane turc et une chanteuse accompagnent ce drame amoureux de chants populaires traditionnels. Akin a eu la main heureuse en confiant le principal rôle féminin à une jeune novice de 22 ans, Sibel Kekilli, découverte par son agence de casting dans une galerie commerciale de Cologne. Car le film est dédié aussi au sort des jeunes filles turques vivant en Allemagne, déchirées souvent entre l'image très traditionaliste de la femme que leur renvoie leur famille et une grande soif de liberté individuelle. Le dilemme de cette jeune fille est abordé sous trois angles différents: allemand, turco-allemand et turc. En dépit de certaines longueurs dans la dernière demi-heure et quelques passages un peu trop mélo, «Gegen die Wand» nous livre un reflet authentique et crédible de la vie des jeunes Allemands issus de l'immigration turque. Martin Rosefeld