Roux et Guiot (2013) Par-delà le miroir… de la scène marchande
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Roux et Guiot (2013) Par-delà le miroir… de la scène marchande
Le consommateur malin face à la crise TOME 2 Le consommateur stratège Présentation des auteurs Dominique Roux est professeur de marketing à l’Université Paris Sud et auteur des ouvrages Marketing et Résistance(s) des Consommateurs (Economica, 2009) et Gestion du Design et Management d’entreprise (Chotard, 1992). Elle compte également de nombreuses contributions scientifiques nationales et internationales sur le thème de l’achat d’occasion et des formes alternatives et résistantes à la consommation. Membre du comité de lecture de la revue Décisions Marketing, elle est actuellement rédacteur en chef invitée du numéro spécial 2012 sur le thème « Résistance des consommateurs et pratiques des entreprises ». Elle a également piloté un projet de recherche ANR sur ce thème de 2006 à 2010 avec 35 chercheurs français et européens. Elle coordonne aujourd’hui un projet Picri-Région Ile de France sur la communication à destination du consommateur, en partenariat avec le Centre Technique Régional de la Consommation (CTRC Ile de France) et l’INC (Institut National de la Consommation). Denis Guiot est professeur de marketing et directeur de recherche à l’Université Paris-Dauphine où il dirige le Master Marketing et Stratégie. Expert en marketing senior, ses travaux portent sur l’étude de l’influence du temps sur le comportement du consommateur. Il a publié dans de nombreuses revues scientifiques françaises et anglo-saxonnes. Co-auteur de l’ouvrage Comprendre le consommateur âgé (De Boeck, 2012) et membre du comité de lecture de la revue Recherche et Applications en Marketing, il a coordonné le contrat de recherche AMISURE avec de nombreuses entreprises et partenaires institutionnels. Aujourd’hui, ses travaux portent sur la mise en évidence de formes alternatives de consommation, en particulier sur le marché des produits d’occasion. Chapitre 1 Par-delà le miroir… de la scène marchande : l’acheteur d’occasion au pays des merveilles Dominique Roux et Denis Guiot L'acheteur d'occasion, pour moi, c'est quelqu'un de malin. Ça n'est pas forcément un radin. C'est quelqu'un qui paye les choses à leur juste prix. Et puis il y a un aspect curiosité aussi, un aspect attachement aux objets. C’est quelqu’un qui sait regarder les objets... Mes parents sont tous les deux brocanteurs. J’ai appris à aimer les objets. Chez moi, on ne jette pas. Et c'est vrai qu’un sou est un sou. (Rémi, 32 ans, célibataire, journaliste) La vignette précédente illustre assez bien la manière dont certains consommateurs d’occasion se définissent eux-mêmes. En se qualifiant de « malins », ils confessent volontiers la dose de ruse, de débrouillardise, de patience, de calcul et de réflexivité qu’ils déploient dans leurs décisions d’achat. Selon Delacroix, Guillard et Darpy (2011), ils devraient être considérés comme une catégorie de radins, c'est-à-dire d’individus préoccupés par l’idée de dépenser le moins d’argent possible. Cependant, derrière toute l’astuce que leurs discours mettent en avant, il y a d’abord des confrontations pratiques autour d’un dialogue constamment entretenu avec la distribution conventionnelle. Dans ses choix, l’acheteur d’occasion met en effet en balance, et souvent en opposition, les qualités des produits, les caractéristiques des circuits, et plus largement encore, l’arrière-plan symbolique et idéologique de la scène marchande. Il est donc loin d’être mû par les seules considérations financières. Une étude empirique réalisée auprès d’acheteurs de biens d’occasion sur une durée de quatre ans par le biais de diverses approches – ethnographiques (observations participantes et non-participantes), qualitatives (entretiens en profondeur) et quantitatives (deux vagues d’enquêtes dans la région parisienne et lilloise) – donne précisément à comprendre leurs motivations, leurs pratiques et le sens, souvent critique, qu’ils donnent à leur consommation. Leurs discours dévoilent trois dimensions de leur « intelligence d’achat » : un « vouloir » relatif à la recherche du juste prix, à la réallocation des dépenses et au temps de recherche du bien convoité ; un « savoir » acquis en matière de connaissance des prix, de la valeur relative des offres et des circuits de distribution ; un « devoir » échapper au système conventionnel pour des raisons de distinction et de responsabilité. Avant d’examiner les orientations qui sous-tendent leur conception de « l’achat malin », nous rappelons brièvement les éléments du contexte dans lequel le développement des structures d’échanges leur permet précisément de satisfaire ces attentes. Dans les coulisses de la scène marchande : l’essor du marché de l’occasion De sa racine occasio – ce qui tombe et vient à propos –, le marché de l’occasion est une très ancienne forme d’approvisionnement qui connaît actuellement un regain d’intérêt en France comme dans d’autres contextes, notamment anglo-saxons (Belk, Sherry et Wallendorf, 1988 ; Sherry, 1990a, 1990b ; Gregson et Crewe, 1997a, 1997b, 2005). Ce commerce puise ses racines dans un ensemble de marchés locaux et dans une économie de redistribution organisés depuis le Moyen-Âge selon la rareté et la valeur relative des biens. Les professions de chiffonniers, de brocanteurs et d’antiquaires y formaient une hiérarchie très formalisée de métiers consacrés à la récupération, au recyclage et à la revente d’objets plus ou moins anciens, précieux et recherchés (Sciardet, 2002). Cependant, le cloisonnement géographique et social de ces formes d’échange en limitait jusqu’à récemment la portée. Aujourd’hui, les enseignes de biens d’occasion semblent représenter le prolongement moderne de l’activité des brocanteurs traditionnels. Quant aux organisateurs de vide-greniers, ils apparaissent comme les nouveaux promoteurs d’anciennes survivances locales – celles, par exemple, des marchés à réderies de la Somme où s’échangeaient les biens que les héritiers ne souhaitaient pas garder dans les familles (Debary et Tellier, 2004), ou la Grande Braderie de Lille qui constituait historiquement le moment où les domestiques pouvaient vendre les effets donnés par leurs maîtres. L’essor d’Internet a parallèlement démultiplié les transactions de gré à gré entre particuliers, créant ainsi des plates-formes d’échanges quasi-illimités sur le plan spatial. L’apparition de ces nouveaux intermédiaires permet en effet de répondre simultanément à la rencontre de deux désirs : celui d’un « vouloir vendre » où des individus résolvent le problème de saturation de leurs intérieurs domestiques et de surabondance d’objets par la cession d’une partie de leurs biens ; et celui d’un « vouloir acheter » de ceux qui y trouvent à bon marché une marchandise très acceptable, voire quasi-neuve (Bauhain-Roux et Guiot, 2001). Fondées sur le critère d’usage des produits et le désir du vendeur de s’en défaire, les transactions d’occasion vont donc en s’accroissant pour un faisceau de motifs socio-économiques récemment mis au jour (Bauhain-Roux et Guiot, 2001) : crises successives banalisant la recherche d’économie, de bonnes affaires, de promotions, d’offres de remboursement (Odou, Djelassi et Belvaux, 2009) et de soldes (Gonzalez et Korchia, 2008) ; détachement vis-à-vis du sentiment de propriété au profit de logiques de partage (Belk, 2010), d’échange (Bardhi et Eckhardt, 2009) ou de don (Giesler, 2006) ; décloisonnement des échanges permis par Internet ; préoccupations écologiques orientées vers la préservation des ressources et l’anti-gaspillage (Dobscha et Ozanne, 2001 ; Lastovicka et alii, 1999). Ces mutations technologiques, économiques et sociologiques ont ainsi entraîné le développement de multiples circuits et intermédiaires de mise en relation : dépôts-ventes, enseignes d’achat cash, sites internet d’achat/vente, sites d’enchères, organisations de brocantes, vide-greniers et marchés aux puces, supports de presse spécialisés dans l’expertise et l’évaluation des biens, voire « rayons » d’occasion ouverts par les boutiques traditionnelles spécialisées ou les sites marchands de commerces en ligne. De fait, depuis une vingtaine d’années, le marché d’occasion connaît en France une croissance soutenue – +6 % en 2008, +8 % en 2009 (Desruelles, 2009) – et pèse aujourd’hui entre 4 et 6 milliards d’euros, hors vêtements et voitures#. Concernant cette dernière catégorie de produits, le Conseil National des Professionnels de l’Automobile a évalué en 2008 à environ cinq millions le nombre de voitures d’occasion vendues chaque année, contre deux millions de voitures neuves#. D’une manière plus générale, l’institut d’études et de sondages BVA révèle# que 39 % de la population a déjà acheté un produit d’occasion, dont 16 % dans les 12 derniers mois. Ce marché devient donc désormais un lieu d’approvisionnement de plus en plus fréquenté, posant une concurrence nouvelle à la distribution conventionnelle. Les frontières de l’opposition symbolique entre riches et pauvres s’étant estompées, l’étanchéité des circuits neufs et d’occasion n’est plus qu’apparente et souligne la perméabilité des deux systèmes d’échanges. Si l’essor du marché de l’occasion est patent, la revalorisation de ce qui est classiquement considéré comme un circuit parallèle de redistribution suggère donc de comprendre l’évolution des rapports des individus aux objets, aux autres, à soi. Dans ce but, une exploration des motivations d’acheteurs d’occasion de l’agglomération parisienne réalisée pendant quatre ans, complété ensuite par une validation quantitative sur un échantillon de 708 répondants, permet d’éclairer le sens d’un nouveau « consommer malin » (Guiot et Roux, 2010)#. Celui-ci s’exprime dans quatre directions que nous allons illustrer : la patience et la maîtrise de soi ; l’expertise ; le besoin de distinction ; et la responsabilité. Consommer malin : une affaire de patience et de résistance aux tentations marchandes L’acheteur d’occasion est un individu « tactique » (Certeau, 1990). Face aux firmes qui possèdent un lieu de pouvoir – le marché – d’où elles formulent leurs stratégies et déploient leurs dispositifs, il ne dispose d’aucun espace isolable et se trouve contraint de muer en ruses, en « occasions », ses manières de « faire avec » ce qui lui est imposé. L’une des échappatoires habituelles est de refuser de payer le surcoût d’une marque, comme le décrit l’un de nos répondants : « Je n'aime pas payer le prix fort. Si je peux trouver la même fonction moins chère, je ne vais pas m'embêter à aller payer plus cher. En ce moment j'ai besoin de baskets, besoin de baskets pour marcher et non pas pour frimer. Il y a des modèles à 50 euros et des modèles à 500 euros. C'est la même démarche » (Rémi, H, 32 ans). Une autre manière de résister aux incitations marchandes consiste à patienter, à attendre la bonne « occasion » – c'est-à-dire souvent la prochaine brocante – ou à planifier un déplacement dans un dépôt-vente plutôt que dans le premier supermarché venu : « Il m’arrive de me dire parfois : "Tiens, on va aller dans l'Yonne. On va attendre et peut-être qu'on va trouver ça dans le vide-grenier". C'est vrai qu'on commence à avoir le réflexe de se dire que finalement, si on attend, peut-être qu'on va le trouver d’occasion » (Sandrine, F, 44 ans). Certains de ces discours opposent implicitement l’intelligence patiente de l’acheteur d’occasion à l’impulsivité du « consommateur moyen », blâmant, moquant ou plaignant parfois le second de sa bêtise ou de sa faiblesse. Le consommer « malin » reflète ainsi la satisfaction intrinsèque d’avoir payé le juste prix des choses, laquelle découle simultanément d’un grand contrôle de soi et d’un pari sur les dispositions d’autrui à succomber aux « sirènes de la consommation » : « Parfois, je me moque intérieurement des femmes qui ont mis des fortunes dans des vêtements que je récupère à deux euros et je les trouve bêtes. C'est peut-être cela qui me plaît. Avoir l'impression d'être plus intelligente que la moyenne et de posséder des choses que je sais que je ne pourrais pas, ou ne me permettrais pas, de m'offrir neuves » (Alice, F, 42 ans). Ce regard critique est encore accentué par l’idée que le marché conventionnel n’offre pas nécessairement des produits de qualité, contrairement au marché de l’occasion où les objets ont traversé le temps et prouvé leur solidité, leur aptitude à durer. Paradoxalement, alors que le risque de panne qui pèse sur l’objet usagé est communément décrit comme élevé, c’est a contrario ici l’objet neuf qui pâtit d’une mauvaise image : « [L’acheteur d’occasion], c'est un pirate, il se débrouille mieux que les autres. Il y a des couillons qui achètent des voitures neuves et qui essuient les plâtres et toi t'arrives derrière quand tout est au point et tu profites du même objet pour trois ou quatre fois moins cher. C'est assez jouissif » (Simon, H, 47 ans). Ce sentiment d’être plus fort que la moyenne naît également d’une connaissance particulière des circuits d’approvisionnement, voire de leur détournement (Schindler 1989 ; Mano et Elliott, 1997). Ainsi, Rémi, journaliste de 32 ans, dit exploiter à son profit les dispositifs marchands classiques en braconnant dans le dos du système (Certeau, 1990) : « Je fréquente très régulièrement une grande librairie parisienne, juste pour regarder, consulter les ouvrages, faire mon marché. Virtuellement, je veux dire, car ensuite je rentre chez moi et je vais sur Internet pour chercher ces ouvrages sur des sites de vente d’occasion. C’est pareil avec les ordinateurs ou la photo. Je lis les tests, je me renseigne sur les produits, je questionne les vendeurs et ensuite, je vais acheter sur Internet. J’ai bien conscience que j’exploite les circuits neufs pour ensuite les contourner. Mais je ne vois pas pourquoi j’irai payer plus cher des produits dont d’autres d’ailleurs sont contents aussi de se débarrasser. Cela dit, si tout le monde était comme moi, ces magasins feraient faillite » (Rémi, H, 32 ans). La perception de pouvoir et les capacités exprimées par certains acheteurs d’occasion en matière de choix, de localisation et de sélection des offres est aussi affaire de compétences acquises ou développées dans le temps. Il s’agit non seulement de savoir trouver le bon rapport qualité/prix, mais aussi de localiser l’objet, et le cas échéant, de faire jouer des systèmes de pression et de négociation à l’égard des vendeurs. A malin, malin et demi : l’expertise de marchand du consommateur d’occasion Etre malin, c’est exercer une forme de pouvoir – étymologiquement en étant « mauvais », « méchant » ou du moins « fin et rusé » – à la fois sur les choses (qu’il s’agit de localiser et de soustraire, en esquivant conjointement les pressions du système conventionnel), mais également sur les gens (en discutant les prix, les qualités et défauts de la marchandise). L’exercice de ce pouvoir suppose une série de savoirs (Foucault, 1997) – explorer, repérer, sélectionner, expertiser, évaluer, marchander – que l’acheteur d’occasion acquiert souvent graduellement dans le temps. Ainsi, on ne naît pas acheteur d’occasion, on le devient. L’habitus familial, l’initiation entre pairs, les hasards et les trajectoires de vie sont autant de modalités qui conduisent diversement les individus à s’écarter des circuits classiques : « L'occasion, je l'ai découvert par ma meilleure amie, qui se trouvait à Tours. Elle adore ça, j'ai suivi et elle m'a fait voir. Elle a un truc à elle. Elle fait toutes les brocantes, tous les marchés, toutes les puces. Et elle m'a emmenée dans tous les magasins spécialisés et c'est elle qui m'a fait découvrir tout ça » (Clara, F, 29 ans). « Nous avons habité à Lille et c'est là que nous avons découvert les brocantes. Il y en avait tous les weekends. C'était fantastique. Sans compter la grande braderie de Lille que nous avons fait deux années de suite au moins et qui procure des joies incroyables. C'était un peu comme la caverne d'Ali Baba : des milliers de choses à des prix dérisoires. Tout ce qu'un grand magasin ne pourra jamais procurer, ni en variété, ni en prix » (Alice, F, 42 ans). L’une des capacités les plus essentielles que doit acquérir l’acheteur d’occasion est d’abord celle de l’expertise du produit – savoir détecter un défaut, évaluer la justesse du prix demandé en regard de la valeur objective ou subjective de l’objet. Le plus souvent visuel, ce savoir s’appuie sur une série d’indices et d’inférences découlant de l’aspect du produit, mais aussi de son propriétaire : « Aux étiquettes, on voit déjà ce qui est plus ou moins porté, neuf ou pas. Si l'étiquette était vraiment lavée et relavée, les tissus usés ou les tâches, je ne prenais pas » (Clara, F, 29 ans). « J'achète en fonction du vendeur. Je regarde les vêtements et les gens, et si les gens me paraissent bizarres, alors là, ce n'est même pas la peine » (Lisa, F, 52 ans). L’habileté à savoir trouver l’objet recherché constitue ensuite une deuxième forme de compétence qui discrimine les acheteurs. Certains ont acquis une connaissance des différents circuits et les fréquentent en fonction de la catégorie de produits recherchée. Comme Vincent, ils pensent « qu’on peut tout trouver d’occasion » à condition de savoir où aller : « L’électroménager, je ne l’achèterai jamais neuf parce que je le trouve par le journal d’annonces FUSAC. Les gens sont d’un certain niveau socioprofessionnel, ils sont en France depuis un an et doivent brusquement repartir aux Etats-Unis. On fait des bonnes affaires. Le matériel est toujours impeccable » (Rémi, H, 32 ans). D’autres en revanche, segmentent les catégories de produits qu’ils savent ou non trouver d’occasion et éliminent celles dans lesquelles ils ne se sentent pas à l’aise pour juger de l’état ou du prix des objets : « Il y a toute une série d'objets qui est exclue de l'achat d'occasion parce qu'il y a des risques. Il y a peut-être d'autres gens qui savent ne pas en prendre, mais moi je ne sais pas, donc je les exclus complètement pour ne pas perdre de temps. Perdre du temps sur ces choses-là, ça ne m'intéresse pas. Ou de l'argent. Donc je vais sur du neuf, forcément. Jusqu'au jour où je m'apercevrai que je peux le contrôler en occasion et que j'y arriverai aussi » (Claude, H, 48 ans). Enfin, l’expertise de l’acheteur d’occasion consiste à savoir négocier le prix. Même s’il ne s’agit pas toujours de payer l’objet convoité le moins cher possible, le côté « malin » consiste à contrecarrer les objectifs d’enrichissement qui animent généralement le vendeur. Certains répondants critiquent ainsi durement ce qui, peu ou prou, leur rappelle le système de profit dont les producteurs, les distributeurs et les intermédiaires marchands classiques sont les emblèmes honnis. Lisa, par exemple, fustige, dans les brocantes, le comportement des professionnels ou des particuliers trop cupides qui réintroduisent le calcul et l’intérêt dans des lieux qu’elle souhaiterait marqués par l’authenticité et le contact humain. Faire des affaires ressort alors comme un comportement qui viole le système de valeurs qu’elle espère y trouver, mais qu’elle reproduit pourtant, paradoxalement, avec la même âpreté : « Certains particuliers sont vraiment trop intéressés. Parfois, je leur dis : ‘écoutez, vous êtes là, c’est sympathique. Vous n’êtes pas un commerçant sinon, prenez un commerce, vous n’avez rien à faire là !’. Et aussi, souvent les antiquaires, enfin les vrais brocanteurs, ils sont ignobles, ces gens-là. C’est vrai que nous, on n’est pas toujours particulièrement agréables non plus, parce qu’on prend cette habitude de la brocante de payer très peu cher. Acheter, négocier, c’est quelque chose qu’on parvient à apprendre aussi. On n’en sait pas autant qu’eux sur les objets, mais on n’en laisse pas trop raconter quand même » (Lisa, F, 52 ans). Les compétences acquises dans les circuits d’occasion mettent donc parfois en lumière, chez les acheteurs, un sens du calcul à la hauteur de celui qui est attribué aux professionnels. Pour de nombreux répondants, ce savoir est le résultat d’une longue expérience de la comparaison des circuits (neufs et d’occasion) et de la rationalité extrême qu’ils affichent dans leur processus d’arbitrage. Le système par lequel le marché tente d’agir sur eux en produisant les conduites désirées est aussi, in fine, celui dans lequel ils acquièrent des savoirs qui alimentent leurs contre-conduites au marché (Foucault, 1984). Au-delà d’une dimension strictement économique assortie d’un haut niveau d’expertise, une troisième dimension du « consommer malin » trahit alors un sens de la distinction et un désir d’échapper aux dispositifs qui produisent et reproduisent la figure d’un consommateur prédictible et docile. L’intelligence d’achat va ainsi de pair avec le besoin de se démarquer, non seulement des objets standards, mais aussi des circuits de masse. Etre malin : une affaire de distinction La recherche de distinction est partout rampante dans la volonté de « consommer malin ». Elle est induite par le « besoin d’être unique », un concept psychologique développé par Tian, Bearden et Hunter (2001, p. 50) pour décrire la tendance de l’individu à rechercher « une différence par rapport aux autres à travers l’acquisition, l’utilisation et le choix de produits aptes à développer et améliorer son identité personnelle et sociale ». Proche du concept bourdieusien dans son versant micro-individuel, cette tendance s’exprime en particulier à travers trois types de comportements de consommation : des choix volontairement originaux, un anti-conformisme provocateur à contre-courant des tendances générales et un évitement systématique des produits de mode et de masse. Dans les travaux consacrés aux brocantes, Gregson et Crewe (1997b) ont mis en lumière les capacités créatives que mobilise l’acheteur d’occasion, notamment à travers des rituels de transformation des objets à des fins d’expression personnelle : « J'adore voir les meubles d'occasion et je me fais des histoires à chaque fois avec des meubles anciens. Ce que j'aimerais, c'est avoir du temps et de la place, prendre des vieux meubles et les rénover, les transformer » (Claude, H, 48 ans). Même l’objet banal, l’objet de peu, le rebut, possède par opposition à l’objet neuf, un caractère ouvert et réinscriptible qui rend possible une renégociation du sens qu’on peut lui attribuer. C’est ainsi qu’Amandine, 23 ans, étudiante aux Beaux-Arts, définit le potentiel de transformation et de réadaptation des vêtements qu’elle achète d’occasion : « Quand tu achètes un objet neuf, il est déjà défini. Il est enfermé dans le sens que le fabricant ou la marque ont voulu lui donner. Et c’est d’ailleurs après ça que les gens courent. Moi, je préfère des objets qui n’ont plus de statut, plus d’inscription et dont je peux faire ce que je veux, les transformer, les couper, les déchirer, leur accrocher des trucs, en faire ce qui me définit » (Amandine, F, 23 ans). Du fait de la variété et de l’abondance de leur offre, les marchés d’occasion constituent des réservoirs inépuisables dans lesquels se bricoler un look, trouver de quoi aménager son univers et se construire un style personnel (Gregson et Crewe, 2005 ; Thompson et Haytko, 1997 ; Tian, Bearden et Hunter, 2001). Ces objets fournissent également à des répondants comme Perrine, 24 ans, fille d’historiens, les moyens de s’approprier leur épaisseur historique et leur singularité (Tian, Bearden et Hunter, 2001). Adepte des brocantes et des objets anciens, Perrine préfère se vêtir aux Puces pour lutter contre ce qu’elle perçoit comme une menace d’uniformisation véhiculée par la consommation et les marques. Ses propos font écho à ceux de Guillaume, pour qui l’intérêt pour ces lieux d’échange repose sur une résistance aux pressions conformistes du marché et sur un désir d’échapper à l’homogénéité produite par les circuits traditionnels (Sherry, 1990b) : « Tout ce qu’il y a dans les magasins traditionnels me semble tellement ennuyeux et uniforme. Toute mon enfance, j’ai porté des choses que je trouve laides. Maintenant, je choisis mes affaires différemment. J'ai acheté une chemise aux Puces il y a deux ou trois ans. Je sais que c’est un truc qui m’a paru unique. Quoi qu'il en soit, c'est ce que je ressens. Peut-être qu'il y a quelqu'un quelque part qui en porte une semblable, mais je ne sais pas. J'aime bien les Puces pour ça. Être capable de dire : ‘j'ai cet objet et pas vous’, qu’il est unique et que je ne l'ai pas acheté comme tout le monde dans le même magasin » (Guillaume, H, 25 ans). La singularisation consiste aussi à dépasser les tabous qui entourent la transmission des objets d’occasion. Il ne s’agit plus de les acheter seulement pour soi, mais aussi de les offrir en cadeaux à des proches qui partagent les mêmes valeurs et affinités contre-culturelles (Soiffer et Herrmann, 1987) : « Ca ne me gêne pas d’acheter un objet d’occasion pour l’offrir, parce que dans ce cas-là, quand je fais un cadeau, je pense à l’esprit de la personne, à ce qu’elle aimerait. Et si elle aime tel type d’objets, je ne vais pas dire : ‘Attention, c’est en occasion’. Il y a des choses qu’on ne trouve pas dans les magasins. Par exemple, un tourne-disque, un lecteur de disques, on n’en trouve pas en magasin. Et on a fait un cadeau à un ami en l’achetant dans une brocante » (Perrine, F, 24 ans). La singularité peut enfin s’exprimer par le désir d’échapper au temps, et en particulier au temps présent. Dans leur permanence, leur durabilité et leur authenticité, la perfection des objets anciens constitue un contrepoint et un envers rassurant de la modernité. Ils semblent conjurer l’éphéméralité de la consommation et hisser la prémodernité ou l’anti-modernité au rang d’idéal (Baudrillard, 1970) : « L’objet ancien est unique, il a une vie. Il a été entre les mains d’autres personnes, de gens comme vous et moi qui ont vécu, qui sont peut-être morts probablement. C’est un témoin muet de toutes ces petites gens. Et on se dit que c’est vraiment étrange de jeter, parce que ce serait jeter ce passé et ces gens-là aussi. C’est le respect des générations précédentes, le respect de l’ouvrier qui a mis son savoir-faire, son temps dans l’objet. Les objets modernes par comparaison ne représentent rien. C’est vide, c’est moche, ça ne tient pas au temps. Il faut acheter, jeter, … perpétuellement. Donc moi je crois que ça s’inscrit dans une grande modernité de rechercher le passé » (Catherine, F, 58 ans). Pérennité versus précarité, patience versus pulsion, authenticité versus anonymat, singularité versus uniformité, l’achat d’occasion révèle une imbrication de mobiles économiques, ludiques et critiques à l’encontre du système marchand. Etre « malin », c’est échapper à un système, basculer dans une contestation qui touche à la valeur délivrée dans l’acte d’achat et de consommation, mais aussi à ses conséquences écologiques et environnementales à long terme. L’intelligence de ce mode d’approvisionnement se situe dès lors également dans la responsabilité du consommateur face à ses actes et à leurs conséquences pour les générations futures. Etre malin : une posture critique contre les effets de la consommation Inquiets de la raréfaction des ressources et de leur inégale répartition, certains acheteurs d’occasion voient dans ce mode d’approvisionnement une solution utile et évidente au gâchis et à la prolifération des objets. Ils analysent leur destruction anarchique comme un « vaste processus de production de déchets », ne souhaitant pas y contribuer davantage (Bauman, 2004) : « La société de consommation, ça ne promet aucun avenir, en tout cas pas bien rassurant. L’idée de consommer encore plus, toujours plus, ça ne mènera nulle part. Il ne sert à rien de jeter des trucs juste parce qu’ils ont vécu pour en racheter d’autres qui vont durer un quart d’heure. Du coup, autant garder ce qu’on a. Voilà pourquoi je préfère acheter ou récupérer des choses qui ont déjà servi » (Perrine, F, 24 ans). Cette forme d’insoumission au marché fait de ces consommateurs des « objecteurs de croissance », tels qu’ils se nomment eux-mêmes, qui tentent de « sauver les objets de l’abandon et de la destruction » (Simon, 47 ans). Ainsi, chez ce professeur d’arts plastiques, les lampes suspendues au-dessus de la table du séjour ont été recréées à partir de bidons métalliques récupérés dans une décharge, repeints et percés d’une série de trous. Les objets dont il choisit ou non de s’entourer disent sa rupture profonde avec le monde marchand. Pour des raisons éthiques et écologiques, le couple n’a pas de voiture, n’a plus de lave-vaisselle, épure ses modes de consommation en réfléchissant très soigneusement aux types de produits achetés et en évitant précisément d’en acquérir lorsqu’il peut en récupérer. Simon ne se contente pas d’indiquer que ses choix les concernent, lui et sa femme, pour poursuivre « un idéal moins matérialiste, plus sain et plus conforme à leurs valeurs ». Il l’étend également à son rôle de père dont la mission est de transmettre à ses enfants un mode de vie auquel il croit : « Je n’ai pas fait des enfants pour rajouter deux consommatrices-pollueuses de plus sur la planète. Il y a assez de choses comme ça à récupérer sans avoir besoin de courir au supermarché pour n’importe quel prétexte. Moi, mes filles, je leur apprends à réfléchir et à faire avec ce qui existe, à être créatives et à trouver leur voie par elles-mêmes plutôt que de sauter sur du prêt-à-penser, du prêt-à-utiliser. Cela dit, je pense qu’elles ne manquent de rien. Leur chambre ont toujours regorgé de tout, car quand on achète en brocante ou qu’on récupère des trucs jetés, on finit par en avoir quantitativement bien plus que si on avait dû tout acheter neuf » (Simon, H, 47 ans). Cette posture critique va souvent de pair avec un trait de frugalité repérable dans le profil psychologique de nombreux acheteurs d’occasion. Caractérisée à la fois par le degré auquel ils se restreignent « dans l’acquisition, mais aussi dans l’utilisation parcimonieuse des biens pour atteindre des objectifs à long terme » (Lastovicka et alii, 1999, p.88), la frugalité fait référence à un usage discipliné et prudent de l’argent et des objets. Ces répondants affichent leur souci de payer le juste prix des choses, expriment des préoccupations éthiques et écologiques fortes et marquent leur distance avec le système conventionnel par des comportements de recyclage et de récupération. Ces facettes de leurs comportements illustrent bien les dimensions de la frugalité que sont le caractère raisonné de l’achat, les motivations d’anti-gaspillage et l’usage prolongé des objets. De la même manière que Simon, Vincent est un adepte du recyclage et un pourfendeur de toute forme de gaspillage. L’achat d’occasion est pour lui une forme d’achat « prioritaire » qui s’articule à la critique virulente du système de consommation et notamment de la distribution conventionnelle : « Moi je suis un pro du recyclage. Vous avez vu tout ce que les gens jettent ? Ce matin, j’écoutais la radio, avant les informations et il y a de la pub. Ils [les distributeurs] sont en train de se prostituer pour vendre leurs dernières merdes avant le passage à l’an 2008. Euh... venez chez ? je ne sais plus qui… Plus 50 %… Vous savez ? Avec leur carte… leur nouvelle folie, là, leur carte Wouahh… Ils vous offrent une carte gratuite… c’est le délire… Si vous les écoutez, vous venez avec un caddie vide, vous repartez avec un caddie plein et vous n’avez rien dépensé. Ils vous donnent même des sous [rires]. En ce moment, c’est le Veau d’or… c’est la période des fêtes… c’est la gabegie… l’incitation à prendre un crédit-revolver pour se suicider. Le marché, pour moi, c’est ça, une vaste escroquerie, une surenchère » (Vincent, H, 38 ans). Sous les violentes diatribes de certains discours, ce qui est finalement rejeté, c’est la manière d’être conduit dans ses choix par le marché et la crainte de ne pas demeurer « autonome » face à des systèmes d’influence (Foucault, 1982). La médiation du marché dans la relation de l’individu à lui-même et dans sa relation aux autres fait l’objet d’une disqualification qui aboutit à la mise en place d’une forme de « débrouillardise », une culture pratique du système-D qui protège l’individu d’une possible aliénation (Reed-Danahay, 1993). Cette posture se révèle dans sa double composante réflexive et créative (Holt, 2002) et montre toute l’ambivalence des modes de résistance au marché. La metis (la ruse) de l’acheteur d’occasion consiste alors à déployer, contre les marques et plus généralement contre tous les dispositifs discursifs et matériels – la publicité, les techniques de vente, les outils de fidélisation –, des tactiques en marge de leur sphère d’influence. Si le référentiel du marché est celui d’un « savoir séduire », à l’image du loup du Petit Chaperon Rouge relu par Cochoy (2004), celui de l’acheteur d’occasion est celui d’un « pouvoir esquiver » en usant d’autres alternatives d’approvisionnement. Conclusion L’acheteur d’occasion malin se révèle être un stratège, non au sens de Certeau (1990) où il aurait un lieu propre en dehors du marché d’où déployer une action, mais dans le sens commun où, malgré les déviations qu’on cherche à lui imposer, il se montre capable de définir des buts propres et de les atteindre (Cochoy, 2004). Patient dans sa recherche, apte à contrôler ses pulsions et à saisir une bonne affaire au moment opportun, il est également expert en matière d’évaluation des produits et de repérage des meilleurs circuits qui les proposent. Sa démarche traduit un désir de se démarquer et de se distinguer de la masse, à la fois en termes de choix de consommation, mais aussi de posture vis-à-vis du système auquel on le convie. De fait, il manifeste de fortes orientations critiques envers le gaspillage et l’ostentation, autant de comportements futiles, sinon nuisibles, qu’il pense induits par la société de consommation dans son ensemble. Cet éventail de caractéristiques le conduit à effectuer des arbitrages entre le marché neuf et celui de l’occasion, se renseignant souvent dans le premier sur les qualités et les prix des produits, pour mieux réaliser ensuite ses projets – économiques, ludiques et/ou critiques – dans le second. De façon générale, le consommateur malin d’occasion est orienté par la recherche d’une valeur spécifique qu’il ne peut retirer de la fréquentation des circuits classiques. Il en est ainsi pour les expériences vécues lors de l’achat, pour lesquelles les circuits marchands traditionnels peinent à rivaliser avec l’ambiance des brocantes, marchés aux puces et autres vide-greniers. Il en est également de même pour les objets recherchés qui, même usagés, présentent un attrait particulier. Décotés, anciens, introuvables, uniques, singuliers, les objets d’occasion peuvent être désirés pour leur cachet, leur rareté, leurs origines géographiques ou leurs trajectoires biographiques. En raison des dimensions affectives et récréationnelles liées à ce type d’attentes, la comparaison avec les circuits conventionnels, même pour un produit équivalent, n’a souvent aucun sens pour un acheteur d’occasion. Lorsqu’il revient d’une brocante de province avec un vieux rabot ou une nappe ancienne, c’est moins en ayant évalué, par comparaison, le prix et les avantages de celui qu’il trouverait dans son hypermarché, qu’en s’appropriant l’histoire de l’objet, l’échange qui s’est noué lors de son acquisition et l’expérience d’un aprèsmidi passé à flâner et à regarder mille choses insolites. L’achat d’occasion « malin » est donc loin de se limiter à une recherche des prix bas. Alors que Bardhi et Arnould (2005) l’analysent comme une privation imposée et un effort de renoncement au référentiel idéal que représente l’offre du marché conventionnel, nous y voyons au contraire un choix volontaire et une forme de disqualification des circuits classiques. Ces modes alternatifs d’approvisionnement permettent aux consommateurs de trouver des échappatoires aux canaux traditionnels, ainsi qu’aux procédés, aux dispositifs ou aux injonctions par lesquels ceux-ci cherchent à les conduire ou à les (é)mouvoir (Cochoy, 2004). Leurs conduites – ou plus exactement leurs contre-conduites au marché (Foucault, 1984) – relèvent d’un refus de la médiation de certains acteurs – distributeurs, producteurs, marques –, et non, souvent, de la consommation en tant que telle. En cela, l’achat d’occasion « malin » est une expression particulière de la consommation postmoderne dans ses registres de fluidité, de labilité et de paradoxes. Les processus d’arbitrage entre marché traditionnel et marché de l’occasion et le résultat des comparaisons entre coûts et bénéfices de l’un ou l’autre des circuits soulignent le nomadisme de cet individu qui, de façon plus ou moins systématique, navigue entre les deux systèmes d’approvisionnement (Lyotard, 1979). Ce dialogue perpétuellement entretenu avec (mais aussi fondamentalement contre) le système marchand classique dévoile également les multiples tensions et contradictions auxquelles le consommateur fait face, et que la fréquentation des circuits parallèles l’aide sensiblement à résoudre. En lieu et place d’une figure unifiée (Cochoy, 2002) du consommateur « malin », surgit une pluralité d’identités qui tentent de restaurer un sens donné à la consommation pour y trouver un semblant de cohérence. Ces identités dont nous avons illustré les différentes facettes apparaissent imprégnées d’un fort besoin de contrôle – des pulsions, des processus d’achat, des images de soi, de son impact sur le monde. L’acheteur d’occasion « malin » est également un acteur « postmoderne » hybride. A l’adresse de ceux qui, dans le marché, tentent d’en saisir les mobiles et les orientations, il est essentiel de dire tout le danger qu’il y a à limiter son rôle à celui de payeur et d’utilisateur. En effet, l’acheteur d’occasion est aussi offreur de ses biens lorsqu’il les revend. Il en est même coproducteur, le cas échéant, lorsqu’il les a restaurés, modifiés ou détournés de leur forme ou fonction initiales. Il est ainsi susceptible de donner naissance à de nouvelles tendances de consommation dont le mouvement « shabby chic », fondé par Rachel Ashwell aux Etats-Unis, constitue une illustration contemporaine en pleine expansion dans le domaine du mobilier. De nouveaux concepts de magasins se sont également développés en réponse à ce phénomène, proposant simultanément des articles neufs, mais aussi des produits originaux résultant de la réhabilitation d’objets usagés. Tantôt acheteur de produits neufs et d’occasion, tantôt revendeur, voire distributeur plus ou moins officiel de ses propres biens ou d’objets récupérés et réhabilités, l’acheteur d’occasion « malin » est plus qu’un consommateur. C’est un expert de l’achat, à haut niveau de réflexivité, qui en appelle à la reconnaissance de ses compétences, de son individualité, de sa singularité et participe activement à la transformation des marchés. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Bardhi F. et Arnould E. J., 2005, « Thrift Shopping: Combining Utilitarian Thrift and Hedonic Treat Benefits », Journal of Consumer Behaviour, 4, 4, 1-11. Bardhi F. et Eckhardt G.M., 2009, « Market Mediated Collaborative Consumption in the Context of Car Sharing », Advances for Consumer Research, 37, eds. Margaret C. Campbell, Jeff Inman, et Rik Pieters, Duluth, MN, Association for Consumer Research. Baudrillard J., 1970, La société de consommation, Denoël, Paris. Bauhain-Roux D. et Guiot D., 2001, « Le développement du marché de l’occasion. Caractéristiques et enjeux pour le marché du neuf », Décisions Marketing, 24, sept-déc, 25-35. Bauman Z., 2004, Wasted Lives: Modernity and Its Outcasts, Polity Press, Cambridge. 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